Vingt-trois heures. Les mains dans les poches de son grand manteau, emmitouflé dans celui-ci jusqu’au cou, tant le froid glacial avait déjà pris possession de New-York, Tino soupirait légèrement, les yeux fatigués. Marchant dans la pénombre de la rue, il se remémorait ce précieux instant où il avait pourtant dit à son collègue “pas plus d’un verre, et je rente”. Il était fatigué ces derniers temps. Il avait besoin de repos. Et pourtant, il n’en n’avait jamais. Entre le boulot, et les sorties improvisées de Megumi, il ne voyait même plus la couleur de son lit. Une fatigue pourtant tenace, autant physique que mentale. Il avait du mal à fermer l’œil, il réfléchissait trop. Puis son lit, ses draps froids, le rendaient nostalgique. Nostalgique et pourtant, dans un sens, c’était bien mieux comme ça. Nina, il y pensait trop, trop souvent, trop longtemps. Elle avait pris la bonne décision en partant, en le laissant. Il rendait sa vie dangereuse, et elle, elle avait fini par en faire un homme avec bien trop de secrets. Il craignait sa jalousie, et ses états d’âmes, pourtant facilement explicable. Elle n’a que 20 ans. Encore presque une adolescente, à la recherche d’elle-même, de celle qu’elle sera dans quelques années. Lui, il a déjà le verre à moitié plein, une vie presque pleine. Un mental plus serein, et l’expérience bien évidemment. Il avait l’impression que l’un des deux n’étaient pas né au bon moment. Comme s’ils étaient fait l’un pour l’autre, mais que leurs générations différentes les empêchaient de vivre ça pleinement. Il n’y avait que sous les draps que tout était parfait. Ailleurs, ça finissait toujours en dispute.  

Une légère buée s’échappant devant sa bouche, sous le froid, il s’arrêtait au bord du trottoir après que ses yeux se soient arrêtés sur la route. Il ferait mieux de rentrer en taxi, et ne pas suivre Coop. Après avoir avalé déjà quelques verres au bar face à la caserne, ils s’étaient mis d’accord pour se retrouver dans un établissement plus sympa, plus jeune, et plus mouvementé. D’après Coop, Tino avait besoin de rencontrer d’autres nanas, et de profiter de son célibat. Le policier n’était pas certain d’avoir l’envie d’en profiter tant que ça, mais face à l’insistance de son ami, il avait accepté de le rejoindre dans cette fichue boîte. Coop était parti chercher sa voiture et une amie, ils se retrouveraient directement là-bas. Tino avait préféré marcher, pour être capable d’emmagasiner un énième verre sans s’écrouler. Enfin, il arrivait devant l’enseigne indiquée. Un bar, aussi boite de nuit. A en voir les fumeurs devant l’entrée, il y avait peu de chance que la future madame Ramirez soit dans le coin. La clientèle ne semblait pas dépasser les 25 ans, et il avait donné avec cette génération. C’est donc peu convaincu qu’il passait la porte.

A l’intérieur, la musique était si forte, que le sol en tremblait presque. Il en grimaçait doucement, se demandant s’il n’aurait pas perdu l’ouï avant le petit matin. Heureusement, il localisait rapidement son ami, et sa nana, sur une banquette. Il partait les prévenir de son arrivé, saluant la jeune femme au passage, et laissant ses affaires près d’eux. Direction le bar ensuite, pour se prendre un verre. Le barman semblait déjà bien occupé, alors Tino posait ses fesses sur un tabouret, et ses coudes sur le comptoir, attendant sagement son tour. De là, ses yeux vacillèrent vers la foule qui dansait, puis ceux qui restaient aux banquettes et au bar. Un groupe de jeunes attiraient aussitôt son attention. L’un des gars ne lui était pas inconnu. Et lui qui était des plus physionomiste, ne mit guère de temps à se souvenir pourquoi. C’était l’un des jeunes de la bande Nina, qu’il avait croisé à la soirée d’Halloween. Son corps se redressait légèrement, soudain pris d’une étrange sensation presque angoissante. Et si... Elle était là elle aussi ? Il avait beau donner l’ordre à ses yeux de ne pas chercher, c’était plus fort que lui. Il passait en revue toute cette bande affalée et riant sur cette banquette, jusqu’à ce que son regard ne s’arrête sur une longue tignasse blonde. Nina était là, rigolant avec eux, visiblement sereine. Ça c’était le karma. Il savait bien qu’il aurait mieux fait de rentrer. Son cœur n’avait pas attendu son autorisation pour se mettre à frapper dans sa poitrine, se tordant d’angoisse et de nervosité. Espérant ne pas être vu par qui que ce soit dans cette bande – qui devait bien connaître sa tête -, il en revenait au barman, tentant de capter son attention d’un geste pressé.

« Un Whisky s’il vous plait! »

Son pied tapotant d’impatience au sol, il n’osait presque plus bouger le reste de son corps. Il espérait juste avoir rapidement sa consommation, pour pouvoir aller se cacher près de ses amis, loin du groupe d’étudiants, loin de Nina, qui, bien malgré ce qu’il pouvait raconter à tout le monde, le rendait toujours aussi nerveux. Ce Whisky allait être inévitable, le fond de sa gorge était soudainement si sec. Nerveusement, il passait sa main dans ses cheveux grisonnant, puis venait se frottait ce début de barbe tout aussi blanchit. Signe qu’il n’était pas très à l’aise dans ses baskets.

Cela faisait deux mois, deux mois que Nina avait quitté Tino et deux mois qu’elle s’efforçait à se dire qu’elle avait eu raison. Après deux semaines en France elle était revenue et depuis, faisait totalement n’importe quoi. Elle poursuivait ses études et, de ce côté, tout se passait bien. En revanche, se retrouver chez elle était vraiment compliqué et dormir seule encore plus. Alors, ses soirées, ses weekends, elle les passait avec des amis ou bien même des inconnus, elle buvait, bien trop que de raison mais réussissait à oublier la plupart du temps le manque, le temps de ses soirées.
Les réveils étaient au contraire bien plus durs, finissant bien souvent par des pleurs ou des crises d’angoisse. Tino, c’était viscéral, et ça l’avait été dès le départ. Elle n’arrivait pas à être sereine et heureuse sans lui et pourtant, pendant les quelques semaines de leur relation, Nina n’avait jamais autant eu peur. Peur pour lui, peur pour elle, autant pour leur vie que pour leur histoire, leur amour. Se sentant sans cesse en rivalité avec les femmes qu’ils rencontraient, elle avait bien trop souvent laissé éclater ses craintes, de manière impulsive, excessive. Mais c’était Nina, elle s’était toujours refusée de s’engager, craignant trop la douleur de la perte. Evidemment, cette rupture l’avait fait réfléchir sur ce point et elle savait bien que cela avait joué sur le fait qu’il ait pu lui cacher certaines choses. Pour autant, bien qu’elle ne comptait pas refaire les mêmes erreurs, elle n’avait aucune envie de rencontrer un autre homme.

Deux jours plus tôt, elle avait craqué, un soir ou personne n’avait rejoint ses draps, une nuit où elle n’avait pas trouvé le sommeil et où une fois encore la vodka avait délié son esprit. Elle avait dit à Tino qu’elle lui manquait et la suite, bien que non surprenante, l’avait pas mal perturbée. Dès le lendemain, elle en avait parlé à ses amis et ce soir-là, ils s’étaient promis de lui faire oublier ce « pauvre vieux gars ». Il lui avait d’abord pris et éteint son téléphone et l’avait trainé dans des bars avant de finir en boite. Nina devait d’ailleurs dormir chez son meilleur ami pour lui éviter un réveil seule. De toute façon, elle n’avait même pas envie de trouver des bras pour une soirée.
La boîte était bondée, comme bien souvent et Nina finissait par enfin se détendre et se laisser aller, lorsqu’elle remarqua des regards et des messes basses entre ses amis. Les interrogeant et les voyant esquiver le sujet, elle suivit leurs regards et fixa le comptoir. La vision embrumée par l’alcool et les lumières elle mit un temps à comprendre sur qui elle plissait les yeux. Là, son cœur s’arrêta et elle eut un mouvement de recul. Que faisait-il ici ? Seul en plus ? Il était vraiment devenu ce genre de vieux beaux à vouloir draguer de la minette finalement ? Lui qui lui disait vouloir se poser, cela ne collait pas. « Nina, oublie-le, il en vaut pas la peine, il sait pas ce qu’il veut. » tenta une de ses amies, tandis que d’autres essayaient de la distraire par des blagues ou en se plaçant devant elle. Quant à notre blonde, elle se retenait de craquer une fois encore, elle qui réussissait finalement à passer une bonne soirée mais, cogitant de plus en plus tout en essayant de suivre les discussions de ses amis, elle ne put se retenir plus longtemps.

Elle se doutait qu’il n’était pas venu pour l’espionner, mais, elle se disait aussi qu’il pouvait se douter qu’elle serait là, c’était le genre de lieu que Nina avait toujours fréquenté. Et puis, elle devait savoir, savoir ce que cela ferait de le revoir vraiment, lui reparler. Les SMS portent tellement à interprétation qu’elle se sentait réellement perdue depuis leurs échanges, bien plus qu’avant. S’il voulait passer à autre chose, elle voulait qu’il le lui dise. Repoussant ses voisins de canapé et vidant un des shooter elle se leva. « Je peux pas. » leur fit-elle avant de se diriger, doucement, et en manquant totalement d’assurance vers le bar.

Triturant ses doigts, elle arriva à sa hauteur et esquiva un sourire du serveur. « J’aurais pas pensé te voir ici. » se lança-t-elle finalement, la voix un peu enrouée par l’émotion.

Est-ce qu’elle l’avait vu ? Probablement que non. Il faisait noir, et la vision de chacun était embué par cette fumée blanche ayant envahi toute la pièce. Leurs regards ne s’étaient pas croisés non plus, et c’était probablement la première fois. Il en était frustré, il le savait. Pourtant, au fond de lui, il savait aussi que c’était mieux ainsi. Il ne fallait pas la voir, plus la revoir. Parce qu’il faiblirait, il retomberait dans cette spirale infernale entre eux. Il lui avait fait comprendre d’ailleurs, par l’intermédiaire de leurs textos. Il n’avait plus de nouvelles d’elle pendant plus deux mois, avant qu’un soir cette semaine, elle ne lui écrive. Tard, si tard, qu’il était dans la salle de bain, prêt à se brosser les dents. Seul dans son petit appartement sombre, à fixer son reflet dans le miroir, sans même savoir pourquoi. Il avait l’air sombre, sentimental, et ce, depuis deux longs mois. Un peu vide, comme s’il lui manquait quelque chose. Quelque chose que pourtant, il préférait tenir éloigné de lui. Et puis cette sonnerie, annonçant un nouveau message, l’avait sorti de ses songes. Il était resté là, de nombreuses minutes à échanger avec elle, dans sa salle de bain. Les yeux rivés sur son écran de téléphone. Et encore une fois, ils s’étaient disputés. Comme toujours. Ce soir-là, il s’était couché encore plus mal. Parce qu’elle lui manquait, mais se battre avec elle le fatiguait. Et lui tordait les boyaux.  

« Merci! »

Son breuvage arrivant enfin, il le levait aussitôt à ses lèvres, comme pour se fouetter. Malheureusement, ça n’avait que l’effet de lui brûler le fond de la gorge. D’un geste ennuyé, il posait la monnaie sur la table, s’apprêtant à quitter le comptoir pour rejoindre ses amis. « J’aurais pas pensé te voir ici. » Trop tard. Les fesses toujours sur le tabouret, il relevait les yeux, bien qu’hésitant. Il savait pertinemment qui venait de le rejoindre, mais cela n’empêchait pas l’angoisse de le tirailler. Se retrouver face à elle, il ne l’avait pas été depuis plus de deux mois. Depuis qu’elle avait quitté son appartement. Depuis qu’ils s’étaient disputés, une énième fois.  

« En revanche, j’aurais dû me douter que tu pouvais être ici. »

Marmonnait-il en fuyant finalement ses jolis yeux bleus, bien trop envoutant. Les jambes tremblotantes, il préférait rester assis, alors il s’en retournait vers le comptoir, les deux mains posées autour de son verre qu’il fixait intensément.  

« Je suis avec des amis, tu ne devrais pas laisser les tiens. »

Ajoutait-il d’un ton fatigué. Il n’y avait rien de sec, ni de méchant dans sa voix, en revanche, on pouvait aisément y lire son amertume et sa mélancolie.  

« Tu vas bien, à ce que je vois. Mieux que l’autre jour. »

Continuait-il avant de lever son verre à ses lèvres, se contentant de fixer le mur d’en face. Il fuyait ce regard, ce visage, qu’il voyait partout dès que ses paupières se ferment. Il avait certainement rêvé un bon paquet de fois, de cette confrontation. Pourtant, il aurait aimé être bien loin d’ici, pour ne pas avoir à subir ça. C’était tellement douloureux. La savoir là, mais ne pas pouvoir laisser ses yeux la dévorer. Ne pas pouvoir la serrer contre lui. Au contraire, être contraint de la repousser, pour son bien. Elle méritait bien mieux. Quelqu’un de jeune, de son âge, à la vie simple. Quelqu’un qui sache s’amuser comme elle. Et qui ne court pas après le danger comme lui. Quelqu’un qui ne risque pas de perdre la vie à chaque mission. Tout simplement quelqu’un d’autre.

« En revanche, j’aurais dû me douter que tu pouvais être ici. » Il ne soutenait pas son regard et Nina se demanda déjà si elle n’aurait pas dû écouter ses amis qui avaient essayé de la dissuader d’aller le voir, en vain. « Je suis avec des amis, tu ne devrais pas laisser les tiens. » Nina baissa la tête, non pas honteuse mais, le voir mal et ne rien pouvoir faire était insoutenable. Il ne semblait pas en colère mais triste ou perdu. Nina ne lui connaissait pas ce ton, cet état. Elle aurait voulu revenir en arrière et pouvoir ainsi caresser sa joue, l’embrasser et lui dire une nouvelle fois qu’elle l’aimait. Elle regrettait tellement son départ commençant à perdre espoir sur un éventuel renouveau entre eux. Devait-elle le laisser là ? Il ne semblait pas rejoindre non plus ses amis, alors, peut-être devait-elle rester après tout même si la conversation était loin d’être agréable.

« C’est ce qu’ils m’ont dit aussi. » finit¬-elle par répondre avant de s’accouder au comptoir également. Elle ne s’était jamais sentie aussi loin de lui et tellement désœuvrée. Il n’avait pas l’air d’avoir envie de la revoir finalement. Elle aurait peut-être mieux fait de faire demi-tour après tout.

« Tu vas bien, à ce que je vois. Mieux que l’autre jour. » reprit-il avant de boire à nouveau. Nina tourna son regard vers lui, surprise de le voir finalement reprendre la parole. « Sourire ne veut pas dire qu’on va bien. La vodka aide surtout beaucoup. » répondit-elle prenant soin de faire attention à ses mots, du mieux qu’elle le pouvait. Elle ne voulait pas d’une énième dispute, elle n’en voulait plus. Elle reposa ses yeux sur le comptoir, sachant pertinemment qu’ils étaient observés par ses amis et cela la mettait d’autant plus mal à l’aise. Elle aurait préféré pouvoir sortir mais, elle craignait qu’ils ne veuillent pas de cette discussion et l’esquive en rejoignant ses amis avec qui il était venu.

« J’étais sincère l’autre jour, et je le pense toujours. » ajouta la blonde. « J’aurais peut-être pas du venir te voir mais, je ne pouvais pas faire comme si de rien n’était, comme si tu n’existais pas et que cela ne me faisait rien. Et je ne pensais pas que tu étais avec des amis. » avoua-t-elle finalement. Elle était prête à s’excuser, comme lors de leurs échanges par SMS. Elle savait qu’elle avait pourri leur relation, bien que le boulot de Tino et ses « mensonges » avaient aussi joué, elle se sentait bien plus fautive. Elle ne savait pas si elle était prête à totalement changé, sans doute que non puisque cette crainte elle l’aurait certainement toujours. Cependant, elle saurait peut-être se faire un peu plus confiance.

« C’est ce qu’ils m’ont dit aussi. » Ça ne l’étonnait même pas. La plupart de ses amis ne portaient pas le Policier dans le cœur. Ils voyaient mal la relation de leur pote, avec un gars du double de son âge. Il n’y avait qu’une ou deux âmes féminines, qui voyaient leur histoire avec des étoiles pleins les yeux, elles aussi ayant rêvé de fréquenter un homme plus âgé. « Sourire ne veut pas dire qu’on va bien. La vodka aide surtout beaucoup. » Il eut comme un rictus, ironique et blasé, avant de laisser ses lèvres trempées dans son Whisky. C’était quand même fout, cette façon qu’ont tous les jeunes de tout noyer dans l’alcool. Il devinait parfaitement qu’avec ça, elle s’envoyait certainement en l’air avec n’importe qui. Des n’importe qui qu’il pourrait tuer sans une once de regret d’ailleurs. Ça lui donnait envie de briser ce verre contre le mur d’en face. Pourtant, contrôlant ses émotions, il se contentait de serrer ses doigts contre celui-ci, alors qu’il le reposait contre le comptoir. « J’étais sincère l’autre jour, et je le pense toujours. » Le visage fermé, il détournait tout de même le visage et enfin, son regard vers elle. Il n’était pas très certain de ce qu’elle cherchait à lui faire comprendre, fronçant légèrement les sourcils. Elle parlait probablement de ses sentiments. « J’aurais peut-être pas dû venir te voir mais, je ne pouvais pas faire comme si de rien n’était, comme si tu n’existais pas et que cela ne me faisait rien. Et je ne pensais pas que tu étais avec des amis. » Il eut là, une légère réaction, se redressant doucement, alors qu’il la fixait presque suspicieusement.

« Tu as sérieusement pensé que j’étais là à me noyer tout seul ? »

C’était affligeant. Il détournait ses yeux vers Coop, lui faisant un signe de la main que ce dernier lui rendait, un bien large sourire aux lèvres. Contrairement aux amis de Nina, Coop lui, semblait s’amuser de cette rencontre inopinée. Il savait bien qui était Nina, il l’avait rencontré une ou deux fois déjà, quand elle sortait avec Tino. Le guatémaltèque reposait rapidement toute son attention vers son ex-petite amie, ne cachant guère sa déception quant à ses pensées plutôt blessantes.

« Tu devrais bien savoir que je ne suis pas de ce genre. »

Il se tournait totalement vers elle, appuyant un coude sur le comptoir. Ses pieds ne trépignaient plus, perchés sur les barreaux de son tabouret. Il ne savait pas vraiment s’il avait envie de discuter avec Nina. Après tout, ils étaient là, l’un à côté de l’autre, et pourtant, il y avait une énorme frontière entre eux. Une distance qui n’avait jamais atteint un tel seuil. Il en était probablement le seul investigateur. Elle avait bien tenté de revenir vers lui, c’était lui qui refusait ça. Pour elle avant tout, mais pour lui aussi. Pour se protéger, pour la protéger. Il en souffrait, mais il restait persuadé que leur relation était nocive.

« Je suis désolé si j’ai été blessant l’autre jour. Mais je sais qu’entre nous, ça ne donne jamais rien de bon. On ne fait que s’engueuler. Pour tout, pour rien. T’as une impulsivité que je n’ai plus, et j’ai un regard sur les choses que tu n’as pas encore. Je sais pas comment expliquer ça... Faut croire que l’un de nous deux n’est pas né à la bonne époque. »

Il s’en retournait vers son verre, amer, et il le terminait d’une traite, avant de le glisser vers le barman pour le lui rendre. Il se pinçait doucement les lèvres, savourant les dernières gouttes de son breuvage, avant de relever, hésitant, les yeux vers la belle Nina. Rien n’avait changé. Elle lui faisait toujours autant d’effet. Ses yeux la dévoraient, son corps entier la réclamait. Et pourtant, il ne faisait aucun geste vers elle. Il se l’interdisait. Il finirait bien par passer à autre chose, par tourner la page. Peut-être qu’un jour, une autre fille parviendrait à lui faire ressentir ça. Une fille de son âge.

« Tu as sérieusement pensé que j’étais là à me noyer tout seul ? » « Tu devrais bien savoir que je ne suis pas de ce genre. » Nina se retint de soupirer. A quoi bon chercher la petite bête. Elle n’avait pas voulu insinuer ça mais, elle savait bien que cela ne lui ressemblait pas de trainer dans ce genre d’endroit, un verre à la main, adossé, seul à un comptoir. « Mais c’est pas… C’est pas ce que j’ai voulu dire. Ce n’était pas ton genre non plus de sortir en boite alors excuse-moi d’avoir été surprise. » dit-elle réellement désolée qu’il ait mal pris sa remarque qui n’avait rien d’une critique.

« Je suis désolé si j’ai été blessant l’autre jour. Mais je sais qu’entre nous, ça ne donne jamais rien de bon. On ne fait que s’engueuler. Pour tout, pour rien. T’as une impulsivité que je n’ai plus, et j’ai un regard sur les choses que tu n’as pas encore. Je sais pas comment expliquer ça... Faut croire que l’un de nous deux n’est pas né à la bonne époque. » Plus elle l’écoutait, plus Nina sentait sa gorge se serrer. Il n’avait pas tort, mais, il semblait si sûr de lui, sûr que rien de bon n’était possible entre eux que c’était réellement douloureux pour la jeune femme.

Elle s’installa sur le tabouret et prit sa tête dans ses mains. Ne sachant quoi penser ni faire, elle resta silencieuse un petit moment, se refusant à craquer une nouvelle fois. A quoi bon de toute façon, tout était fichu il fallait qu’elle se rende à l’évidence.

La voix nouée, elle reprit cependant la parole, après avoir demandé un nouveau verre au serveur. « J’ai bien fait de partir alors… » dit-elle, le regard dans le vide, ne pensant absolument pas ce qu'elle disait mais se flagellant intérieurement une nouvelle fois d'avoir pris cette décision. « On s’arrête là alors ?... Pour de bon ? » lui demanda-t-elle finalement, le regardant cette fois-ci, les yeux embrumés. Elle voulait qu’il soit clair avec elle, qu’il lui dise ce qu’il voulait ou non. S’il fallait que cela s’arrête et qu’elle abandonne tout espoir elle en souffrirait, certes, mais, elle voulait le savoir. La blonde n’avait aucune envie de se prendre la tête, fatiguée elle aussi de leurs disputes. Pour autant, elle espérait tellement qu’il lui dise qu’il était prêt à tout recommencer et qu’il la prenne dans les bras, n’ayant pour seule envie de se glisser dans les siens. Ne dit-on pas que l’on apprend de nos erreurs ?

« Mais c’est pas… C’est pas ce que j’ai voulu dire. Ce n’était pas ton genre non plus de sortir en boite alors excuse-moi d’avoir été surprise. » Elle n’avait pas tort. Pourtant se refusant de l’admettre, il ne répondait rien. Se contentant de fixer encore et toujours, son verre à présent vide et posé un peu plus loin, dans l’attente du barman. Nina elle, venait s’installer sur le tabouret voisin, cachant son joli minois entre ses bras, accoudés au bar. Elle se sentait mal, il le savait bien. Il lisait en elle comme dans un livre ouvert depuis bien des mois. C’était une sensation partagée. Il l’aimait, et il aurait certainement préféré la voir souriante, heureuse. Même si dans le fond, ça l’aurait tout autant blessé de réaliser qu’elle ne souffre pas de son absence. La situation semblait sans issue. Il n’y avait plus que de la souffrance. Ce n’était pas sa première rupture, il savait bien à quel point c’était difficile. Mais celle-ci était si différente. Ils n’avaient pas choisi ça. C’était la vie qui leur imposait ça. Son cœur était en train de s’émietter. La dernière fois qu’il avait ressenti ça, c’était ce fameux jour où il avait mis Lou à la porte, parce qu’elle refusait de voir la vérité en face sur Ezra. Comme tout être humain, il sentait ses yeux s’embuer. Mais contrairement à d’autre, Tino n’était pas des plus expressifs. Alors il ravalait sa peine, et ses larmes, tout en faisant signe au serveur de finalement lui en servir un autre. « J’ai bien fait de partir alors… » La voix de Nina ne faisait que nouer sa gorge un peu plus. Les mains tremblotantes, il tirait sur son verre que le barman venait de remplir. « On s’arrête là alors ?... Pour de bon ? » Est-ce que c’était vraiment la fin ? Au fond de lui, Tino savait qu’il devait le lui dire. Que tout devait s’arrêter, pour de bon. Que ce n’était pas humainement possible, de continuer sur cette voix-là. Et pourtant, il restait en lui, cette irrésistible envie de refuser cette réalité. De passer ses mains autour de son petit corps, de la serrer bien fort contre lui, et de l’embrasser toute la nuit. Et plus il y songeait, plus il se rendait compte que Nina, il aurait bien du mal à en tourner la page. Il songerait à elle encore longtemps, chaque soir en fermant ses yeux. Chaque matin en les rouvrant. Rien que pour ça, s’il le savait, le père de la belle blonde serait certainement venu le tuer, traversant l’océan à la nage s’il le pouvait.

« C’est toi qui a posé la pierre à l’édifice, Nina. »

C’est elle qui a commencé, en le quittant. S’enfuyant en France, l’abandonnant brutalement. Ce n’était pas si franc que ça non plus, c’est vrai. Mais la question de Nina, il était incapable d’y répondre franchement. Agir avec sagesse serait d’y répondre oui. Mais son cœur pensait autrement. Refusant d’aller plus loin dans cette discussion, il terminait son verre hâtivement, puis il l’abandonnait sur le comptoir. Se levant de son tabouret, il se penchait légèrement vers la blonde, pour déposer un furtif baiser sur le haut de sa tête, dans sa jolie chevelure dorée. Pour l’instant, c’était terminé, pensait-il.

« Tes amis t'attendent. »

Ajoutait-il sans plus lui adresser un seul regard. Il savait qu’elle souffrait, et la voir dans cet état le rongeait jusqu’aux os. Il rejoignait Coop, s’excusant de devoir partir. Son ami comprenait parfaitement, il n’avait guère besoin de s’expliquer. Sa veste sur le dos, il prenait la direction de la sortie de l’établissement. Une fois à l’air libre, il prenait une bonne inspiration. La fraicheur de cette fin d’automne lui fouettait le visage et les poumons. Pourtant, rien n’apaisait sa tristesse. Assommé par ses sentiments et par un trop plein d’alcool, il finit par sortir une cigarette de ses poches. Allant s’adosser contre un mur, dans la ruelle maintenant plus calme, il prenait le temps de fumer, et ravaler ses émotions. Les yeux rivés sur la route, sans pour autant fixer quoi que ce soit. Il n’y avait que des images dans ses yeux. Des images de Nina bien plus souriante qu’aujourd’hui. Quand elle le suivait, partout. Quand elle s’était installée chez lui, sans même le lui demander, alors même qu’il ne se passait rien entre eux. Est-ce que c’était lui qui l’avait rendu si triste ? Avait-il été si mauvais que ça, avec elle ?

« C’est toi qui a posé la pierre à l’édifice, Nina. » Et elle le regrettait tellement. Pas un jour ne passait sans qu’elle ne veuille revenir en arrière. Devoir annoncer la nouvelle à ses parents pour leur expliquer son retour ne les avait pas réjouis non plus. Mais il avait raison, c’était elle qui avait abandonné la première. Quand elle le vit se lever de son tabouret, elle n’osa pas bouger. Il partait, vraiment ? Il allait donc la laisser là, comme ça ? Un baiser sur son front, furtif mais qui la fit frissonner autant qu’il la fit souffrir. Un baiser d’adieu ? D’au revoir ? Comment interpréter ce geste tandis qu’il lui disait de rejoindre ses amis. Tremblante, et totalement perdue, Nina n’osa pas bouger de son tabouret, tandis que Tino rejoignait son ami, qu’elle avait déjà vu auparavant. A peine fut-elle seule que déjà on la prenait dans ses bras. Des bras qu’elle ne connaissait que trop bien ces derniers temps, ceux de sa meilleure amie qui lui répéta ce qu’elle savait déjà. Elle se faisait du mal, elle devait tourner la page. Mila avait toujours été là pour elle, la soutenant lorsqu’elle avait sauté le pas avec Tino comme aujourd’hui. Ce genre d’amis dont tout le monde a besoin dans sa vie.

Pour autant, la blonde la repoussa gentiment avant de chercher du regard son ex petit ami. Coop était de nouveau seul avec cette femme et, elle comprit à son regard que Tino avait quitté les lieux. La voilà la fin de leur histoire ? Une histoire qui avait à peine eut le temps de naitre que Nina elle-même avait pris la fuite et, aujourd’hui, elle se retrouvait à vivre la douleur qu’elle s’était promis d’éviter.

L’angoisse l’envahissant au plus haut point, elle se leva de son tabouret et annonça à ses amis qu’elle devait prendre l’air, qu’elle avait besoin d’être seule. Non sans mal, elle réussit à s’extirper de leurs inquiétudes et finit par sortir des lieux. N’ayant pas pris le temps de récupérer son sac et sa veste, la fraicheur des nuits de novembre lui mit une nouvelle claque dans la figure. Les larmes qui avaient fini par couler le long des joues lui crispèrent un peu plus son visage tandis qu’elle cherchait un espace libre pour pouvoir s’accroupir contre un mur.

C’est alors qu’elle se rendit compte que Tino n’était pas parti bien loin. Il se trouvait là, à quelques mètres, adossé au mur, une cigarette à la main. Son cœur s’accéléra à nouveau tandis qu’une fois de plus, elle se rapprocha de cet homme telle un aimant. Allait-elle une fois de plus le regretter ? Certainement, aux vues de leurs derniers échanges mais elle se posta quand même à côté de lui, contre la paroi également.

« Tu m’as pas répondu. » se lança-t-elle. « Tu crois vraiment qu’on est mieux comme ça toi ? » Elle ne le regardait pas, n’osant pas. Elle ne voulait pas non plus aller trop loin et se prendre une claque en pleine figure mais, Nina était ainsi, elle allait jusqu’au bout des choses et, concernant Tino, elle ne voulait pas lâcher une fois de plus, pas sans savoir ce que lui voulait de tout ça.

Il était certes dans ses songes, mais la silhouette de Nina le ramenait rapidement à la réalité. Plus douloureuse, et beaucoup plus sombre. Crachant la fumée de sa cigarette, coincée entre deux de ses doigts, il détournait ses yeux vers elle. Elle était sortie sans rien, probablement pour le suivre, sur un coup de tête. Il s’en agaçait un peu, intérieurement, mais gardait le silence. Son regard attristé la fixait intensément, sous le silence qui régnait. C’est elle qui le brisait la première. « Tu m’as pas répondu »

« J’en n’avais peut-être pas envie. »

Répliquait-il aussitôt, en murmurant presque. Il n’avait plus besoin d’hausser le ton ici, la musique n’était plus qu’un bruit sourd émanant de l’établissement, à quelques mètres d’eux. « Tu crois vraiment qu’on est mieux comme ça toi ? » Alors qu’elle finissait sa phrase, lui, il détournait les yeux vers la route, remontant sa cigarette jusqu’à ses lèvres. Non, il savait très bien que non. Dans tous les cas, ils se faisaient du mal. Mais continuer, reviendrait à faire durer leur peine. S’arrêter, leur permettrait peut-être de tourner la page, un jour. Il n’en savait plus rien. Tirant sur sa cigarette, il la redescendait entre ses doigts, et laissait la fumée s’échapper de sa bouche, tout en fixant la route face à eux.

« J’en sais rien. Ça me prend la tête Nina, j’ai pas envie d’y réfléchir. »

Répondait-il toujours aussi bas, mais d’un ton fatigué. Sous le froid, il reniflait discrètement, puis laissait le reste de sa cigarette tomber au sol. Du bout de sa semelle, il venait l’écraser, enfonçant ses deux mains dans les poches de sa veste. Il laissait un petit silence reprendre place entre eux, le temps de réfléchir. Et de chercher ses mots. Il détachait son dos du mur, puis il finit par se retourner vers Nina. Ses yeux vagabondèrent un instant sur son visage, puis sur sa silhouette. Il était certainement fou pour la repousser. Elle avait tout. La jeunesse, la beauté, la plastique, et le caractère. Pourtant, il savait bien que ce qu’ils faisaient était mal.

« Tu veux qu’on fasse quoi ? On oublie tout, on s’envoie en l’air cette nuit, et demain matin on s’engueule encore, et encore ? Tu sais très bien que ça finira comme ça. »

Et rien que de s’imaginer s’envoyer en l’air avec elle, il en frissonnait. Ça faisait plus deux mois maintenant, qu’il n’avait plus touché une femme. Ça commençait à faire un peu long. Surtout quand la seule femme qu’il peut imaginer ainsi, est là sous ses yeux.

« Rentre, tu vas attraper froid. »

Ajoutait-il, la voix rayée.

« Je t'en prie. Si tu insistes, j’y arriverais pas. Tu sais très bien qu’entre toi et moi, j’arriverais jamais à dire que c’est définitivement fini. »

Dans son regard, il la suppliait presque de s’éloigner. Il remerciait presque le ciel de l’avoir fait venir ici à pied. S’il avait eu sa voiture, il n’aurait certainement pas perdu du temps pour l’y pousser Nina et la réchauffer à sa manière. Là, dépourvu de tout moyen, il ne pouvait que garder les pieds sur terre.

« J’en sais rien. Ça me prend la tête Nina, j’ai pas envie d’y réfléchir. » répondit-il avant de se tourner vers elle. Sentant le regard du guatémaltèque, Nina releva les yeux vers lui. « Tu veux qu’on fasse quoi ? On oublie tout, on s’envoie en l’air cette nuit, et demain matin on s’engueule encore, et encore ? Tu sais très bien que ça finira comme ça. » Ce qui lui dit lui fit revivre des souvenirs, plus ou moins bons, qui résonnaient encore bien souvent en elle. Le premier étant leur première fois, après la plus grande peur qu’elle avait pu vivre. Frissonnant à cette idée, elle se redressa un peu. « Rentre, tu vas attraper froid. » « Je t'en prie. Si tu insistes, j’y arriverais pas. Tu sais très bien qu’entre toi et moi, j’arriverais jamais à dire que c’est définitivement fini. » Il n’était plus aussi catégorique qu’avant et pourtant, tout ce qu’il disait semblait tellement sombre et en aurait sans doute fait reculer plus d’une. Pourtant, Nina en était bien incapable.

Glissant sa main gauche sur son bras droit, elle reprit enfin la parole. « Peut-être parce que ça ne l’est pas ? Tino… J’ai pas envie de revivre tout ça, toutes ces disputes et tout ce que j’ai pu te faire vivre… La peur de te perdre ou que tu trouves mieux ailleurs… » Passant une main dans ses cheveux, toujours aussi troublée et stressée, elle poursuivit. « Mais je n’ai jamais été aussi bien que dans tes bras. Alors, peut-être qu’on n’est pas nés au bon moment, qu’on n’a pas le même caractère ou les mêmes centres d’intérêt, mais il n’y a pas besoin d’avoir vingt ans d’écart pour ça. On n’est pas obligés de refaire les mêmes erreurs... » Elle continuait de le regarder, tandis qu’elle n’arrivait plus à s’exprimer correctement. Elle voulait être avec lui, et pas seulement pour s’envoyer en l’air, elle voulait que ça marche parce qu’elle voulait croire que leurs cœurs ne s’emballaient pas pour rien.

Les larmes se remirent, malgré elle, à couler le long de ses joues et elle essaya tant bien que mal de les refréner, essuyant son visage avec ses mains. « J’y arrive pas sans toi… J’ai cru que t’étais vraiment parti tout à l’heure et… Je sais pas ce qu’on est censés faire mais ce que je sais c’est que depuis deux mois, il n’y a pas un jour sans que je regrette d’avoir claqué la porte de chez toi. » dit-elle sans pour autant se décoller du mur. Elle mourrait d’envie de se rapprocher de lui, de se blottir contre lui, et, avouons-le d’aller se réchauffer en échauffant leurs corps ensemble comme ils avaient pu le faire de nombreuses fois mais n'en fit rien. Elle ne voulait pas lui forcer la main, elle voulait changer, au moins un peu. De toute manière, si elle voulait garder un espoir pour eux deux elle n'avait pas le choix.

« Peut-être parce que ça ne l’est pas ? Tino… J’ai pas envie de revivre tout ça, toutes ces disputes et tout ce que j’ai pu te faire vivre… La peur de te perdre ou que tu trouves mieux ailleurs… » Et c’était sûrement toute cette facette d’elle qui l’avait étouffé. Au tout début, ça avait été amusant. Mais sur le long terme, il en était devenu cachottier. Par peur qu’elle s’énerve, juste parce qu’il avait parlé avec une autre fille. Il était fidèle, loyal, il n’avait pas peur de ce qu’il serait capable ou non, de faire. Et c’était agaçant qu’elle, elle n’est pas cette confiance en lui. Et si encore elle se contentait d’angoisser dans sa tête. Mais non, elle lui faisait des crises, pour tout, pour rien. Tout ça, il n’en voulait plus. Il n’en pouvait plus. « Mais je n’ai jamais été aussi bien que dans tes bras. Alors, peut-être qu’on n’est pas nés au bon moment, qu’on n’a pas le même caractère ou les mêmes centres d’intérêt, mais il n’y a pas besoin d’avoir vingt ans d’écart pour ça. On n’est pas obligés de refaire les mêmes erreurs... » Alors pourquoi Tino était-il si persuadé qu’ils les referaient ? On ne change pas du jour au lendemain. Elle ne se poserait plus autant de question, si soudainement ? Les mains dans le fond de ses poches, il avait de nouveau détourné les yeux vers la route, si calme à cette heure-ci. Cette discussion lui donnait la migraine. Il était fatigué de tout ça. De se prendre autant la tête. Pourquoi la vie n’était pas plus simple ? Pourquoi est-ce qu’il s’accrochait toujours à des filles aux histoires les plus bizarres les unes que les autres ?

Il fuyait son regard, son visage, mais il savait qu’elle pleurait. Alors la gorge nouée, il baissait les yeux, culpabilisant, et laissant l’amertume le gagner totalement. Il était paumé, complètement. Sa conscience se battant avec elle-même. Il avait cette envie d’arrêter de se battre, de la prendre dans ses bras, et d’envoyer tout valser. Juste pour être avec elle, rien d’autre. Pourtant, il ne parvenait pas à se convaincre que c’était la chose à faire. Parce que l’autre partie de son cerveau, tentait de lui rappeler à quel point, il souffrait à chaque engueulade avec elle. A chaque crise existentielle, encore si enfantine, il avait pu avoir droit. Ou encore aux dangers dans lesquels il l’avait mené, à cause de son travail et de sa négligence. Il ne risquait pourtant plus grand-chose maintenant. Les gros dossiers étaient derrière lui, bouclés. Ezra n’était plus un danger, sans quoi Lou lui tomberait dessus. « J’y arrive pas sans toi… J’ai cru que t’étais vraiment parti tout à l’heure et… Je sais pas ce qu’on est censés faire mais ce que je sais, c’est que depuis deux mois, il n’y a pas un jour sans que je regrette d’avoir claqué la porte de chez toi. » Ils étaient deux à ne pas savoir quoi faire alors. Tino ne savait surtout pas ce qu’il voulait, dans le fond. Parce que Nina, il l’avait dans la peau. Mais, il savait bien qu’il y avait des tas de choses qu’il n’assumait pas. Et encore autre, si l’on écarte ses sautes d’humeurs, il y a bien évidement le regard des autres. Comme Sky par exemple, à qui il avait mis bien du temps à avouer que Nina était sa petite amie. Non pas parce qu’il voulait jouer sur les deux fronts, loin de là. Mais parce qu’il savait qu’on le jugerait. Un homme de quarante ans, fréquentant une fille dans la vingtaine, c’est toujours mal vu. Soit c’est un pervers, soit elle est là pour son argent. Et de l’argent, Tino n’en n’avait pas beaucoup. Pourtant c’était si bête, de s’empêcher de vivre pleinement, à cause des autres. Ho et puis, il avait le futur. Il ne pouvait pas s’empêcher de penser que dans dix ans, il en aurait déjà cinquante, et elle, à peine trente. Il serait déjà vieux, et elle, une femme accomplie, encore si jeune, qui aurait de quoi faire tomber bien des mâles. Il la perdrait probablement.

Alors qu’elle s’était arrêtée de parler, lui aussi avait gardé le silence. Il pensait, il réfléchissait, il tentait de remettre un peu d’ordre dans sa tête. Les yeux tantôt rivés vers la route, parfois vers ses pieds. Il ne laissait pas transparaître facilement son mal être. Contrairement à elle, qui laissait perler ses larmes. On ne pouvait que voir la fatigue mentale sur son visage. Et dans ce silence, presque lourd, il finit par relever le visage, pour poser son regard sur elle. Il voulait peser ses mots, et éviter de dire quelque chose qu’il pourrait regretter. En bien comme en mal.

« J'ai regretté de ne pas t’avoir rattrapé. Mais... En réalité, je pensais pas que tu partirais vraiment. J’étais persuadé que le soir même, tu serais rentrée. »

Comme elle l’avait fait si souvent, lors de leurs engueulades. A chaque fois elle retrouvait la chaleur de son lit, après s’être calmée.

« Ecoute... Je suis juste... Perdu. »

Nerveusement, il venait se frotter les yeux, puis passer sa main dans ses cheveux grisonnant. Jamais il ne s’était senti aussi mal dans ses chaussures. Sauf peut-être le jour ou Lou avait quitté son appartement, pensant qu’il était la pire des ordures. Alors que le démon dans l’histoire, c’était Ezra, le frangin. Ici il n’avait pas cette sensation d’injustice, c’était plutôt... Une indécision totale. L’envie d’être avec elle, et pourtant, savoir que ce serait mal, que ce serait se jeter dans cette spirale infernale. Il se frottait le menton, tout aussi blanchit, puis il se redécollait du mur, se tournant vers Nina. Les mains toujours bien au chaud, dans ses poches.

« Je sais plus où j’en suis, ce que je veux, ce qui est bon pour toi, pour moi. J’ai peur de te perdre. Je le sais. Mais j’ai aussi peur de me perdre, et de faire n’importe quoi. »

Il s’arrêtait un court instant, relevant ses yeux le temps d’une dernière réflexion. Puis son regard revenait vers elle, calme, mais tellement dans le brouillard. Et d’une voix plus raillée encore, il reprenait, doucement, presque en murmurant :

« Nous deux... C'est loin d’être parfait. Toi, tu te contenterais de cette imperfection ? »

Ils étaient comme des défauts. Un virus dans un système informatique. Pourtant, ils étaient là. Il y avait tellement de chemin à faire, de concessions, d’efforts. Est-ce qu’ils en étaient vraiment capables ? Les yeux s’attristant, il sortait une main de sa poche, pour venir légèrement frôler le bras de Nina. Se rendant compte rapidement que son geste n’était pas approprié à la distance qu’il imposait entre eux, il le ramenait rapidement en arrière.

« Reste pas comme ça dans le froid, tu vas attraper la mort. »

« J'ai regretté de ne pas t’avoir rattrapé. Mais... En réalité, je pensais pas que tu partirais vraiment. J’étais persuadé que le soir même, tu serais rentrée. » « Ecoute... Je suis juste... Perdu. » Nina l’écoutait, sans pour autant n’émettre de son. Plus il parlait plus elle culpabilisait et plus elle doutait. « Je sais plus où j’en suis, ce que je veux, ce qui est bon pour toi, pour moi. J’ai peur de te perdre. Je le sais. Mais j’ai aussi peur de me perdre, et de faire n’importe quoi. » L’étudiante le regarda à nouveau, sachant de moins en moins ou tout cela allait les mener. Il avait peur de se perdre lui-même? Nina était de plus en plus perdue et se sentit de moins en moins légitime d’insister pour qu’ils essaient de se retrouver et d’être heureux.

Leurs regards se croisèrent, aussi perdus l’un que l’autre. « Nous deux... C'est loin d’être parfait. Toi, tu te contenterais de cette imperfection ? » Il était plus calme et bien trop proche d’elle pour les inquiétudes qui régnaient entre eux. Alors qu’elle s’apprêtait à lui répondre, il sentit sa peau contre la sienne, un court instant. Son regard descendit sur la main de Tino avant que celui-ci ne la retire que trop rapidement. « Reste pas comme ça dans le froid, tu vas attraper la mort. » Elle ne put s’empêcher d’esquiver un léger sourire, Tino et ses recommandations, cela avait toujours été comme cela entre eux. Tino tentant de la raisonner et elle, n’en faisant qu’à sa tête, à quelques exceptions près.

« Je ne cherche rien de parfait… Je te veux juste toi… » dit-elle en se détachant enfin de la paroi qui était de plus en plus froide et humide aux vues de l’heure qu’il était. Elle imaginait déjà certains de ses amis quand elle leur raconterait qu’elle avait tout fait pour qu’ils reprennent où ils en étaient… Lui rappeler qu’il pourrait presque être son père et qu’il serait déjà à la retraite quand elle atteindrait l’apogée de sa carrière. Bien souvent ils exagéraient sur tout mais c’était l’image que beaucoup avaient eu quand elle leur avait annoncé. Sans parler ses parents qui lui avait conseillé de voir un psy afin de comprendre d’où venait son traumatisme pour chercher une relation avec une figure paternelle.

Alors avait-il raison ? Nina n’en croyait rien et était sûre d’elle. Elle n’avait jamais ressenti ce sentiment pour personne et la douleur qu’elle ressentait depuis leur rupture n’était comparable à nulle autre. Etait-ce son jeune âge et son manque d’expérience dans les relations amoureuses qui la faisait espérer autant pour eux deux ? Peut-être mais cela ne pourrait-il pas être leur force pour une fois ? Pour autant, Nina ne pouvait promettre de ne jamais ressentir d’angoisse ou de jalousie. Elle devait apprendre à se raisonner et espérait sincèrement pouvoir le faire. Après quelques instants de silence, elle se risqua à un geste, sans pour autant chercher plus loin. Elle posa sa main sur le bras que son ex petit-ami avait libéré juste avant.

« Je veux pas te faire souffrir, je peux pas promettre de changer complètement et je ne suis pas sûre que ce soit ce que tu voudrais non plus, mais je peux te promettre de faire des efforts. » Elle espérait avoir raison, raison de le pousser à y croire et que cela ne les amène pas à se déchirer toujours plus. « Mais toi, même si tu es perdu, tu veux encore de moi ? de nous ? » le questionna-t-elle. Elle aurait pu se contenter de l’embrasser ou se blottir contre lui, ayant bien compris qu’il pouvait lui aussi flancher facilement mais elle ne voulait pas que ce soit ainsi. Elle voulait qu’il ait le choix, de la repousser ou de la reprendre même si, effectivement, elle ne faisait pas machine arrière.

« Je ne cherche rien de parfait… Je te veux juste toi… » ça c’est sûr, c’était bien loin d’être parfait. Tino était tout sauf parfait. Après tout, rien que son métier le rendait imparfait. Il a tué, frappé, enfermé. Certes, des méchants de l’histoire, mais quand on se met de l’autre côté, celui de l’adversaire, ça devient Tino le méchant. Et puis il est loin d’être l’homme le plus romantique de la terre. Il ne lui a jamais offert de fleurs, par exemple. Tino n’était pas doué en relation, bien qu’il puisse avoir quelques exemples de longues histoires, dans le passé. Sky et Lou. Sur ses mots, elle venait poser sa main sur le bras de Tino, qui ne bougeait plus. Les yeux perdus, et fatigués, il la fixait tristement. « Je veux pas te faire souffrir, je peux pas promettre de changer complètement et je ne suis pas sûre que ce soit ce que tu voudrais non plus, mais je peux te promettre de faire des efforts. Mais toi, même si tu es perdu, tu veux encore de moi ? de nous ? » Lui, qu’est-ce qu’il voulait vraiment ? Il ne le savait plus. Il était sûr d’une chose : Nina, il l’aimait, et il avait et aurait, du mal à tourner la page. Mais il y avait un tel fossé entre eux. Il n’était pas prêt à revivre ses crises d’angoisses. Ses jalousies. Elle pouvait dire qu’elle en ferait des efforts, il savait pertinemment qu’on ne change pas de caractère comme ça. Pas en un claquement de doigt. Voir jamais. On Est-ce qu’on est. Et ce serait dommage de ne pas l’être. Finalement, c’était ce petit caractère bien trempé qui l’avait fait flancher. Et puis cette façon qu’elle avait de lui courir après, comme un aimant attiré par le fer. Il s’était senti important aux yeux de quelqu’un, lui qui était seul depuis bien des mois, rongé par l’injustice de sa relation chaotique avec Lou. Il y avait bien des points pour Nina. Mais aussi tellement de choses qui le bloquaient. La balance, il ne parvenait pas à savoir pour quel côté elle flanchait le plus. Alors soupirant discrètement, levant ses yeux vers le ciel maussade et sombre, il venait cacher sa main dans sa poche, fuyant le contact avec Nina. Il savait pertinemment qu’en la touchant, il ne pourrait plus faire machine arrière.

« J'ai aimé le nous Nina. »

Avouait-il, le cœur pourtant lourd. Les yeux toujours levés, pour fuir ceux de la jolie blonde. Dès qu’il les croisait, il sombrait. Et il voulait garder les siens ouverts. Ne pas être aveuglé par ses sentiments.

« Et je l’aimerais probablement toujours. Mais je ne peux pas te demander de changer, pour moi. C’est égoïste. Tu es comme tu es, et crois moi, si j’ai craqué sur toi, si j’ai flanché comme ça, malgré nos 20 ans d’écart, c’était bien pour ce que tu es. »

Une dernière inspiration, le froid passant dans ses narines, puis ses poumons. Et enfin, il rabaissait ses yeux noisette vers elle. Il lui offrait un léger sourire, triste, mais bien là.

« J'aime que tu sois pétillante, et spontanée comme ça. Seulement... Je pense que ça finit par m’étouffer, autant que j’adore ça. Parce que j’ai vingt ans de plus. Que j’ai besoin de plus de stabilité. De calme. Je sais pas trop comment expliquer ça. Mais je n’arrive pas à suivre. Je me sens largué. »

Ou juste trop vieux. Mais il préférait éviter de le dire comme ça. Le pire dans tout ça, c’est que plus il tentait de trouver ses mots, plus il se rendait compte qu’il y avait de fortes chances pour que cette histoire, ne soit jamais vraiment finie. Il suffirait de la recroiser, de la revoir, pour que son cœur cogne violemment dans sa poitrine, comme ce soir. Mais il fallait essayer de se détacher. Même si ça lui faisait mal. Même si il le savait, il allait la blesser, profondément. Peut-être que comme ça, elle passerait plus facilement à autre chose, et elle se trouverait un gars de son âge. Un gars qu’il détestera. Qu’il aura envie de massacrer. Mais un gars bien mieux que lui. Un gars qui grandira et mûrira avec elle. Pas un gars qui vieillira sous ses yeux. Elle méritait tellement mieux que lui.

« Et même si toi et moi, on est attiré l’un par l’autre, comme des aimants. Il faut qu’on arrête avant de se faire plus de mal. »

Il était bien loin de s’imaginer capable de les dires, ces mots. C’était comme se poignarder lui-même. Et aussitôt, il relevait les yeux pour fuir ceux de sa Nina, qui il le savait, allait se briser, et pleurer encore plus.

« J'ai aimé le nous Nina. » « Et je l’aimerais probablement toujours. Mais je ne peux pas te demander de changer, pour moi. C’est égoïste. Tu es comme tu es, et crois moi, si j’ai craqué sur toi, si j’ai flanché comme ça, malgré nos 20 ans d’écart, c’était bien pour ce que tu es. » « J'aime que tu sois pétillante, et spontanée comme ça. Seulement... Je pense que ça finit par m’étouffer, autant que j’adore ça. Parce que j’ai vingt ans de plus. Que j’ai besoin de plus de stabilité. De calme. Je sais pas trop comment expliquer ça. Mais je n’arrive pas à suivre. Je me sens largué. » Nina l’écoutait, les bras croisés, la main de Tino lui ayant fait comprendre qu’elle ne devait pas le toucher.
Rien ne semblait positif dans le ton qu’il prenait et la jeune femme commença à réellement perdre espoir et l’énergie de chercher encore à le convaincre. Sentant l’angoisse revenir plus intensément elle se demanda bien si un jour elle arriverait à suivre les bons conseils. Et s’ils n’avaient vraiment rien à faire ensemble ? Si c’était juste un fantasme de minette et qu’elle prenaient les choses beaucoup trop à cœur ? Pourtant, bordel ce qu’elle avait mal, là, devant lui à devoir l’écouter démonter ce qu’ils avaient vécus et ce qu’elle avait pour autant apprécié pour sa part.

Alors, quand il dit sa dernière phrase, elle n’en fut pas surprise, c’était la suite logique à tout ça. « Et même si toi et moi, on est attiré l’un par l’autre, comme des aimants. Il faut qu’on arrête avant de se faire plus de mal. » Une fois de plus il fuyait, par ses paroles et par son regard.

Inutile de lui dire qu’elle ne voulait pas que ça s’arrête et qu’elle l’aimait, il savait tout ça. Il savait qu’elle était désolée et, soyons honnête, elle se sentait blessée. Elle se recula cependant, sans pour autant partir, oh ça non, elle ne ferait pas la même erreur de fois. « D’accord… » commença-t-elle, la voix enrouée, retenant ses larmes, prenant sur elle, pour le moment. Pour autant, elle s’adossa contre le mur, sentant le tournis pointer. Elle n’y croyait plus mais elle ne voulait pas décider cettte fois. S’il voulait qu’ils arrêtent, il allait devoir le faire jusqu’au bout. « Alors va-t-en, il n’y a pas que toi qui a peur et qui est perdu mais je ne te laisserai pas une deuxième fois, même si je dois mourir de froid. » dit-elle en le regardant, le nœud dans sa gorge se resserrant de plus en plus. Elle n’avait aucune envie de retourner à l’intérieur et, déjà, elle se sentait ailleurs. Le froid, elle ressentait bien plus fort à présent et, le trottoir lui semblait un endroit parfait pour y passer la nuit. La peur, la tristesse, la douleur, tout cela la paralysait autant que la paniquait. Elle n’avait pas envie de le regarder partir ni de l’écouter lui dire une nouvelle fois qu’il devait arrêter. Elle se contenta donc de baisser les yeux sur ses chaussures attendant de se retrouver définitivement seule…

« D’accord… » Il s’attendait à tout, sauf à ça. Une crise, des pleurs. Et pourtant, elle était calme, aussi calme qu’un ruisseau. Figé, et mal en point, il reposait discrètement ses yeux sur elle, avec inquiétude. Il se doutait qu’elle cachait sa peine, nul besoin de le dire. Et il en culpabilisait d’autant plus. Pourtant, il lui semblait inévitable d’en passer par là. Ils en avaient besoin, l’un comme l’autre. Leur relation était nocive, il le savait bien. Même s’ils y étaient tous les deux, complètement addictes. « Alors va-t'en, il n’y a pas que toi qui a peur et qui est perdu mais je ne te laisserai pas une deuxième fois, même si je dois mourir de froid. » Un soupir discret, puis un bref regard vers la porte de l’établissement. Il savait bien que les amis de la jolie blonde allaient débarquer, dès qu’il serait parti. Il y avait bien une taupe surveillant les moindre faits et gestes des deux ex-amants. Tristement, il reposait son attention sur elle. Comment pouvaient-ils en arriver là. Ravalant sa peine, il s’avançait légèrement, posant délicatement une main sur la joue de Nina. Puis son corps se rapprochait légèrement, pour que ses lèvres puissent venir se poser sur sa tempe. Un bref instant, le temps d’un dernier chaste baiser.

« Je suis désolé. Mais tu mérites bien mieux que ça. »

Murmurait-il, les lèvres frôlant encore sa peau. C'était souvent la phrase bateau des ruptures, mais ici, le pensait sincèrement. Il n’était pas bien pour elle. Trop vieux, trop posé, trop calme. Elle, elle a besoin de sortir, faire la fête, vivre pleinement sa jeunesse, que lui n’a déjà plus. Peut-être qu’un jour, elle le comprendra.

« Fais attention à toi, s’il te plait. »

Puis délicatement, il se reculait, laissant sa main regagner le fond de sa poche. Il admirait le visage de Nina, encore un instant, tout en évitant de croiser son regard. Trop douloureux, trop de bons souvenirs qu’il se refusait d’oublier. Tourner cette page n’était pas gagné, voire impossible. Mais il se devait de lui rendre sa liberté, sa jeunesse. Elle avait tant à vivre, loin de lui. Ses yeux la quittèrent tristement pour espionner la porte de la boîte. La silhouette de son ami, se dessinait plus clairement. Il avait certainement tout surveillé. Tino lui faisait un léger signe de la tête, pour qu’il se ramène au plus vite. Nina avait besoin de quelqu’un. Il fallait qu’on prenne soin d’elle, et il ne pouvait pas se le permettre. Même si ce gars-là le détestait, il espérait au moins qu’il soit capable de ça. Préférant éviter toute altercation avec le petit jeune, il lui tournait le dos, et prenait la direction de la station de métro. Il voulait éviter les transports publics, mais attendre un taxi ici n’était pas une bonne idée. Il ne voulait pas voir Nina pleurer. Il reviendrait sur ses pas. Il le savait. Alors les yeux humides, la gorge nouée, et le cœur en miette, il quittait d’un pas pressé le parvis de ce bar, disparaissant quelques rues plus loin.