2017. Manhattan.

L’extérieur lui semblait paisible, les lumières artificielles berçaient les banlieues de New-York et il était difficile de comprendre ce qui pouvait s’y tramer. Mais Luca en savait trop. Des agressions, des viols, des règlements de comptes qui impliquaient la mort d’innocents, il avait tout vu. Les étrangers disaient aimer Manhattan car tout était vivant, mais il préférait une ville morte si c’était pour assister à autant d’immoralités. Il se retourna dans son lit, tournant le dos aux grandes fenêtres de leur appartement. « Leur », celui de Joan et le sien (c’était d’ailleurs étrange de ne pas vivre avec Angelo). C’était sa petite-amie, une agente anti-drogue à la forte tête - autant que lui. Ça faisait souvent des étincelles entre eux, mais c’est ce qu’il appréciait. Il l’avait aimée pour ça, après tout. Joan attirait le danger, tout comme lui. C’était bien pour ça qu’ils se comprenaient. Luca rapprocha doucement sa copine contre lui, l’enlaçant délicatement. Pour une des rares fois, ils étaient ensemble cette soirée-là. D’habitude, il quittait discrètement l’appartement pour jouer les justiciers et ce, sans qu’elle n’en sache rien. Mais le sommeil ne lui venait pas. Il avait beau se retourner, fermer ses paupières et attendre, compter les moutons… il ne tombait pas dans les bras de Morphée. Sans se rendre compte, ses doigts effleurèrent le dos de Joan, glissant et revenant sur sa peau. Puis, agacé par son insomnie, il se leva, prenant bien soin de ne pas faire de bruits ou de mouvements brusques. Luca attrapa ses vêtements pour les mettre, manquant de trébucher. Toujours furtivement, il mit son masque et partit, fermant la porte avec douceur.

La fraicheur de la rue le réveilla encore plus et c’est, tout en essayant de ne pas attirer l’attention sur lui, qu’il se mit à patrouiller les recoins. Après dix minutes de marche, il entendit un cri, puis un crash. Quelqu’un venait de tomber. Lorsqu’il s’approcha, il remarqua que c’était un jeune garçon qui se faisait frapper dessus par deux hommes. L’un d’eux était bien plus grand que l’autre. Le visage de Luca se tordit à cause de la colère, ses doigts se transformèrent en un poing et sans réfléchir, il sauta dans le tas. Il attrapa le premier pour le reculer de la victime – qui prit sa chance pour s’enfuir – et retint le coup de la deuxième. Luca se déchaîna sur le plus costaud, son expression faciale changée par la rage qu’il ressentait. Plus il frappait, plus il déversait sa colère. La personne à côté de lui semblait être figée par la peur et alors que Luca se retourna vers le second agresseur pour lui flanquer un coup de poing, il s’arrêta.

Joan était là.

. Cette fois la, cette fois de trop, elle l’avait sentie, sentie son corps quitter les draps, leur draps. Ses yeux étaient grand ouverts malgré sa discrétion, malgré tous les efforts qu’il faisait pour qu’elle ne s ‘en rende pas compte, elle n’avait pas oser bouger, tentant de garder une respiration des plus calmes. Faire comme si elle semblait dans un profond rêve, elle avait cette drôle d’impression pourtant d’être dans un cauchemar, il était parti sans un bruit. Ses pensées divaguant de plus belle, que faisait il durant ses longues heures loin d’elle. Y’avait il une autre elle au final ? Voyait il quelqu’un d’autre ? Lui mentait il toujours comme ça ? A de nombreuses reprises elle s’était réveillé l’autre côté du lit bien froid sans sa présence. Voyait il une autre femme, avec qui il n’avait pas ces nombreuses prises de tête ? Elle s’était redressé dans ce lit désormais bien vide. Un instant d’hesitation elle avait prit appui sur le rebord du lit pour se redresser. Il faisait froid, se frictionnant rapidement les bras pour y apporter un peu de chaleur. L’américaine s’était aussi lever et d’un pas de velour avait saisi les affaires qu’elle avait préparé pour le lendemain. Ce jean sombre et ce pull à capuche pour passer plus inaperçue, elle le savait si elle ne se dépêchait pas, elle risquait de perdre sa trace. Elle se trouvait presque ridicule de le suivre de la sorte, ce n’était pas une question de confiance. Elle voulait juste savoir ce qui le poussait à passer de longues heures dehors en plein milieu de la nuit. Prenant son arme avec elle au cas où il puisse arriver quelque chose de grave. Elle entendit la porte claque, son cœur battait de plus en plus vite dans sa poitrine. Elle risquait de perdre sa trace à tout moment, à cette pensée elle sentait déjà la colère prendre possession de son corps. Elle attrapa son smartphone encore posé sur la table de nuit, elle avait fait un truc dingue, un truc qui la rendait malade. Une application de géolocalisation. Elle pouvait savoir où il était n’importe où n’importe Quand. Déverrouillant son téléphone le fond d’écran lui arracha un sourire un peu amère, cette photo d’eux où ils semblaient plus qu’heureux, ce week end qu’ils avaient passé à la campagne sans réseau sans personnes pour briser leur bulle de bonheur. Ce souvenir où lui semblait déjà lointain. Enclenchant derechef l’application, il se déplaçait rapidement dans les rues. Fronçant les sourcils, que recherchait il au final ?  Elle finit par quitter les murs de leur appartement qu’ils partageaient déjà  depuis quelques mois.

Le vent glaciale foutait son visage lui arrachant une grimace et un frisson. Les yeux rivés sur l’écran elle se mit a le suivre, non sans culpabilité. Pendant de longues minutes elle suivait ses traces. Les yeux braqués sur son écran, l’appréhension gagnait ses traits. Elle avait peur de découvrir ce qu’il lui cachait depuis des semaines, voir des mois, peut être même plus encore. Resserrant les pans de sa veste, le vent était glaciale et faisait rosir ses joues à son contact. Mais elle ne pouvait pas abandonner pas maintenant. Pas avant de savoir ce qui se tramait. Le point bleu avait finit par s’arrêter de s’activer au détour d’une ruelle. Son cœur battait à présent la chamade, se faisant violence pour ne pas courir jusque là bas. Luca était probablement la personne qu’elle aimait le plus tout comme sa famille et son meilleur ami. Il faisait partie d’elle, elle avait ce besoin de le sentir à ses côté pour avancer de manière équilibrée, malgré les prises de becs et éclats de voix.

Elle déambulait à travers les avenues et les ruelles, Manhattan était calme pourtant au vue de l’heure tardive ou très matinale. Elle était enfin arrivée devant cette ruelle, des cris qui lui glacèrent le sang. Quand elle le vit, ses mains se plaquèrent sur sa bouche, ses yeux emplis de larmes. Il était là. Il se battait contre deux types, dont un faisait deux fois sa carrure. Que faisait il ? Luca s’était arrêter quand leur regard venaient à se croiser. L’incompréhension se lisait sur le visage de l’américaine. « Luca! » lui criait elle alors que l’armoire à glace venait de se relever., lui assénant un coup de poing dans les cotes. Sans plus réfléchir elle sortit l’arme qu’elle avait cacher à sa ceinture. « Dégage de la si tu ne veux pas finir à la morgue ! » lui hurla-t-elle la colère déformant son visage, alors qu’elle braquait son arme sur lui, les mains tremblantes de voir celui qu’elle aimait à terre. Le type finit par s’éloigner, se rapprochant doucement d’elle. Elle le fixait dans les yeux, alors que dans sa tête elle imaginait déjà le pire scénario.

Luca ne comprenait pas ce qui poussait l’humain à vouloir faire autant du mal autour de lui. C’était sûrement pour ça qu’il avait ce besoin de régner une justice, quelle soit offensive ou pas. Ce n’étaient pas les policiers corrompus qui allaient le faire, ni les supérieurs qui préféraient s’occuper d’affaires qui leur plaisaient. Les plus démunis ne possédaient pas le luxe d’être protégé, et il était temps que ça change. Le coup était parti tout seul en la direction du colosse : l’italien était grand, mais lui c’était clairement une montagne. Luca persistait à attaquer les deux agresseurs, alors que la victime s’était enfuie et était probablement déjà loin du danger. Sa colère le guidait, sa raison restait en retrait. Au moment où il se retourna pour foncer sur le deuxième homme, bien plus petit, son regard s’attarda sur quelqu’un. Pas n’importe qui. Joan. En face d’eux, sa petite-amie était figée, visiblement choquée. Luca s’arrêta dans son geste, complètement perdu et abasourdi de la voir là, et la regarda. Elle dormait. L’italien avait fait attention à ça, comme les autres fois. Elle l’appela par son prénom, le figeant totalement. Comment… ? Il ne put continuer le cours de ses pensées, car une douleur vive le força à s’accroupir et un gémissement de douleur s’échappa de ses lèvres. Il posa sa main sur le sol pour reprendre ses esprits. Ce gorille venait de lui asséner un coup dans les côtes, ses os avaient sûrement vibré. Le hurlement de sa copine le réveilla et il écarquilla les yeux lorsqu’il vit une arme entre ses mains. Ce n’était pas étonnant de sa part, mais Luca ouvrit enfin la bouche pour parler.

– Attends ! dit-il en sa direction, en espérant lui faire comprendre qu’il pouvait s’occuper de l’homme.

Ce dernier s’était éloigné, pas pour s’enfuir, mais pour se diriger vers sa copine. Un élan de stress et de colère le fit relever brusquement et à nouveau, il s’attaqua à lui par derrière. Luca le fit valser, tentant de garder son calme. La situation était chaotique. Comment allait-il lui expliquer ce qu’il faisait ? Il profita pour en terminer avec l’homme, lui assénant coups et insultes. S’attaquer à Joan, pour qui il se prenait ? L’agresseur assommé, Luca se retourna directement vers Joan et accourut vers elle, paniqué et alarmé.

– Qu’est-ce que tu fais ici ?

Il sut que ce n’était pas la meilleure question à poser, étant donné qu’il était celui qui devait donner des réponses. Mais ce fut ce qui lui vint à l’esprit, incapable de réfléchir correctement. Son cœur battait de vive allure, il avait tout fait pour que Joan ne se rende compte de rien. Il fut hésitant à l’idée de s’approcher pour la toucher.

« Attends ! » elle se figea a son tour, attendre quoi ? Attendre que ce type le tue là sous ses yeux, attendre qu’il finisse au sol complètement sonner, attendre impuissante d’elle aussi finir avec des bleus, peut être même pire. Son arme toujours pointer en direction de la montage, elle sentait ses doigts trembler, c’était bien la première fois que cela lui arrivait, la première fois depuis qu’elle avait apprit à tirer. Son index sur la gâchette, le sang tambourinant contre ses tempes. Elle n’arrivait plus a réfléchir correctement, elle avait cette sensation de nager en plein cauchemar. Elle aurait voulut se pincer, se pincer pour sortir de son rêve. Ce type qui s’avançait vers elle, cette armoire à glace. Elle reculait, elle savait très bien qu’elle ne ferait pas le poids. Luca finit par se relever, attrapant l’homme pour le faire valser à terre. Elle l’observait interdite casser la figure à ce type. Il ne bougeait plus, et elle n’avait jamais vu Luca de cette manière. Il semblait bien différent de la personne qu’elle côtoyait tous les jours, c’est comme si elle ne le reconnaissait pas. Elle inspirait difficilement, alors qu’il courait vers elle.

« Qu’est-ce que tu fais ici ? » Croisant ses bras sur sa poitrine, un petit rire nerveux s’échappa de ses lèvres. Elle se reculait encore un petit peu, créant une distance entre eux. Il se fichait d’elle, elle ne voyait que ça. Il se foutait d’elle depuis longtemps alors ? Tellement d’interrogations se faisaient violence pour avoir chacune une réponse. C’est ça qu’il lui fallait. Des réponses. Des réponses dans ce flou dans lequel elle avançait à présent. Elle n’aurait jamais penser qu’il puisse faire ce genre de chose, elle s’était mit en tête bien d’autre chose bien plus farfelues. Qui impliquait une troisième personne en l’occurence, Joan savait qu’elle regardait bien trop la télévision. Mais le voir disparaître jour après jour, sans explication. Elle ne savait pas ce qu’elle préférait au final. Il risquait sa vie tous les soirs alors, combien de fois était il rentrer dans un état pitoyable, et elle n’avait jamais ouvert les yeux. Le vent s’engouffrait dans la ruelle mal éclairée. Il faisait froid, elle sentait les picotements faire rougir ses joues, un frisson la parcourue. « tu ne crois pas que c’est a moi de poser les questions. T’est vraiment pas bien placé. » alors qu’un sourire ironique se dessinait sur son visage. Elle soupira passant une main dans ses cheveux, levant les yeux vers le ciel. « Qu’est ce que TOI, tu fais ici ? » lui demanda-t-elle alors qu’elle jetai encore un regard au type inconscient qui gisait sur le sol a quelques mètre d’eux, elle relevait les yeux en sa direction. Braquant ses yeux noisettes dans les siens, peut être a la recherche de réponses.. Elle grimaça en voyant sa joue rougie par les coups qu’il avait dut recevoir. Elle aurait voulut s’approcher, le prendre dans ses bras, pouvoir oublier tous ça, mais tout lui revenait à l’esprit, le voir se battre d’une telle manière. Cette rage. Mais elle se sentait trahie, et blessée. « on devrait aller aux urgences, tu dois d’avoir une côte cassée si ce n’est plusieurs.. » inspirant difficilement elle tentait vainement de garder son calme. Elle se rendit compte qu’elle tenait encore et toujours l’arme entre ses doigts, son index touchant la crosse. Elle s’en saisit, pour remettre l'arme sa ceinture. « Je comprends pas.. Je suis perdue, Luca.. » reprenant à nouveau la parole, elle ne savait plus sur quel pied danser. « tu pensais me mentir encore longtemps ? » elle ne pouvait s’en empêcher, elle devait lui poser ces questions. Elle ne savait plus quoi faire, se sentant totalement désemparée au vue de la situation.

Le colosse, allongé par terre et clairement assommé, fut une piqûre de rappel quant à la violence de Luca. Ce dernier observait l’agresseur, abasourdi par ce qu’il venait de faire. Retenir ses coups, ce n’était pas son genre… surtout quand sa petite-amie était menacée. La vague de haine, cette colère sourde, une rage profonde l’avait poussé à agir comme ça. Ce n’était pas non plus normal que Jo se fige. N’osant pas directement se retourner, par peur de rencontrer le regard de sa copine, il attendit un petit instant. Reprenant sa respiration, il prit enfin son courage à deux mains et accourut près d’elle, incapable de rester calme face à la situation. Que pouvait-il bien dire pour ne pas passer pour un psychopathe ? L’expression faciale de Joan le perturba, se demandant si elle avait peur de lui. Non, c’était impossible. Elle était trop intrépide pour ça… n’est-ce pas ? Perdu, il ne sentait même pas le vent s’infiltrer sous son haut. Puis alors, il lui demanda ce qu’elle faisait ici. Luca écarquilla les yeux lorsqu’il la vit reculer, sentant son cœur tambouriner dans sa poitrine. Elle lui en voulait, c’était sûr. Pourquoi se sentait-il si mal de la voir faire ce geste ? Il baissa la main qu’il avait tendu pour la toucher, en espérant la rassurer. La réponse de Joan, argumentée par un petit rire qui n’était pas joyeux, eut l’effet d’une claque pour l’italien. « Qu’est-ce que TOI tu fais ici ? » Il déglutit, toujours aussi stressé et paniqué.

– Je…

Comment lui expliquer qu’il flanquait des coups aux criminels lorsqu’il le pouvait ? Comment lui dire la vérité sans passer pour un fou furieux ? Il n’en savait rien et sortit ce qui lui venait en tête.

– Je peux pas m’en empêcher, je… je veux juste que les gens soient en sécurité, c’est tout… répondit-il finalement d’une petite voix.

Son envie de la réchauffer lorsqu’il la vit trembloter était pressante, mais il se retenait difficilement de ne pas lui faire de câlin. Il voulait juste rentrer avec elle, s’expliquer calmement. Pas comme ça, au milieu d’une ruelle avec une armoire à glace qui pouvait se réveiller n’importe quand. Luca ne sut la regarder dans les yeux et les releva uniquement quand Joan reprit la parole, pour lui dire qu’ils devraient aller aux urgences.

– Je vais bien, ça va guérir seul.

Il manqua d’ajouter qu’il avait l’habitude, mais se retint. Ça allait forcément ajouter de l’huile sur le feu. Il la regarda remettre son arme, l’écoutant avec peine. Il se sentait terriblement mal, ses émotions lui jouaient des tours et il reprit un air alarmé. Lui mentir ?

– Si je t’avais dit la vérité dès le début, est-ce que tu l’aurais bien pris ? demanda-t-il, légèrement tremblant à cause de ses sentiments. Je pouvais pas… il prit une petite pause. Je pouvais pas te révéler ça, Joan.

Cette fois, il ne put s’empêcher et s’approcha pour attraper ses bras, avec toute la douceur qu’il essayait de rameuter. Luca osa finalement plonger son regard dans le sien.

– Je suis pas un fou furieux, ce n’est pas ce que tu crois. Je me suis juste laissé emporter, il a voulu te faire mal…

Il parlait bien entendu de l’homme encore évanoui, il voyait bien qu’elle jetait des coups d’œil en sa direction. Luca était forcément vu comme quelqu’un de dangereux, maintenant. Cette pensée-là le fit perdre un peu ses moyens. Alors, sans réfléchir, Luca enlaça Joan dans l’espoir de lui faire comprendre qu’il était le même Luca.

– Ne m’en veux pas, s’il te plaît…

« Je peux pas m’en empêcher, je… je veux juste que les gens soient en sécurité, c’est tout… » répondit-il finalement d’une petite voix. Il finit par détourner le regard, la brune le dévisagea un instant, elle cherchait ses mots. Elle ne savait pas quoi dire, quoi faire, elle restait abasourdie par la scène qui venait de se dérouler devant ses yeux. Le vent la rappelait encore à l’ordre, comme un réveil qui sonne dix mille fois le matin pour nous ordonner de se réveiller pour éviter de perdre son boulot. « t’est flic Luca, ça te suffit pas ça ? Tu fais ton maximum tous les jours, pas la peine d’aller secourir des gens à trois heures du matin. De risquer ta vie comme tu viens de le faire, s’il avait une arme ou un couteau, t’est pas à l’épreuve des balles, et ton t-shirt n’empêche rien. » elle grimaça à cette pensée, la scène lui venait alors à l’esprit. Elle s’imaginait alors le pire, de le voir blesser lui fendrait le coeur en deux.

« Je vais bien, ça va guérir seul. » secouant la tête à cette réplique. Joan finit par lever les deux au ciel. C’est pas possible pour elle d’être inconscient à ce point là. Elle ne savait même plus quoi faire, quoi dire. Tout ça lui semblait surréaliste. S’il avait un poumon perforé, s’il avait une commotion ? Il voulait guérir tout seul, comme si rien ne l’atteignait. Elle soupira. « Sérieusement, Luca, guérir tout seul ? Tu ne crois pas que c’est un peu.. dingue. Tu dois aller consulter, faire une radio! Je sais pas moi.. Des trucs que les gens normaux font, quand ils se battent.. » elle se mordit la lèvre à sa réflexion, c’était sortit tout seul. Elle regrettait déjà ses paroles, Joan avait ce fâcheux défaut de n’avoir jamais eut de tact, son plus gros problème d’ailleurs. Celui qui lui attirait le plus d’ennuis. ses doigts se serraient doucement en un poing, elle sentait qu’elle commençait à s’énerver petit à petit. Elle baissait le regard sur ses chaussures, il était borné elle le savait. Mais le problème c’est qu’elle l’était aussi.

« Si je t’avais dit la vérité dès le début, est-ce que tu l’aurais bien pris ? » il marquait un point, elle l’aurait pris exactement de la même manière qu’actuellement. Très mal. Elle ne savait pas définir ce qui lui semblait le plus dingue. Cette révélation, voir un autre visage de Luca. Avait-il été toujours comme ça? Que devait-elle dire ou faire? Elle ne savait pas même pas ce qui lui faisait le plus mal en ce moment. Est ce qu’il finirait aussi par devenir comme ça avec elle ? « Je pouvais pas… » elle baissa la tête sur ses chaussures « Je pouvais pas te révéler ça, Joan. » ses yeux roulèrent, elle soupira encore une fois. Il avait raison dans un sens, il ne pouvait pas lui balancer ce genre d’information au détour d’un cheeseburger. Mais elle ne l’imaginait pourtant tellement pas se mettre dans ce genre de situation, il était bien plus terre à terre qu’elle. Ça la dépassait toutes ses informations, toutes ces images qui défilaient en boucle dans sa tête, elle en oubliant presque qu’elle aurait du lui parler de quelque chose d’important ce soir, elle voulait juste passer une soirée tranquille avec lui.

« Je suis pas un fou furieux, ce n’est pas ce que tu crois. Je me suis juste laissé emporter, il a voulu te faire mal… » cette fois-ci un rictus nerveux se dessinait doucement sur les lèvres de la jeune femme.« à qui la faute.. » marmonna-t-elle entre ses dents. Elle l’avait bien vu qu’il s’approchait d’elle dangereusement, pourtant c’est bien elle qui l’avait menacé d’une arme, son arme de service qui plus est. Elle n’aurait pas fait la fière longtemps c’était sûr et certain, Joan savait qu’elle ne pouvait l’utiliser elle voulait juste le dissuader de passer à tabac l’homme qu’elle aimait. Mais elle avait toujours eut ce problème avec la peur, elle devait y faire vraiment face pour se rendre compte de l’étendue du problème. La seule chose qui lui fait peur c’était de le perdre lui, de le voir se prendre des coups. Sa vie à elle l’importait peu tant elle était horrifiée de le voir à terre. Elle avait toujours été comme ça cachant sous de grands airs, sa peur de voir ceux qu’elle aimait souffrir. Si elle pouvait échanger sa place à chaque fois elle le ferait quitte à en prendre des coups. Il s’approchait un peu plus d’elle, elle restait alors figée. Une petite voix lui dictant de s’éloigner un petit peu, elle voulait s’enfuir, pour pleurer toutes les larmes de son corps, et surtout hurler, hurler toute cette frustration, toutes ses émotions négatives qui l’entouraient actuellement. Ses bras passant autour de ses épaules, venant l’attirer vers lui.

« Ne m’en veux pas, s’il te plaît… » elle aurait voulu rester là dans ses bras un peu plus longtemps. Son cerveau et son cœur livraient une bataille sans merci, les larmes lui montaient aux yeux. Perfides, elles se frayaient leur chemin jusqu’à couler doucement sur ses joues. Si elle se mettait à pleurer maintenant, elle ne saurait plus faire face à la situation elle le savait. Ses bras avaient toujours eut quelque chose de réconfortant. Cette sensation d’être heureuse quelque part, et c’était avec lui. Cet italien avec le même caractère qu’elle. Ces étincelles qu’ils provoquaient à chaque fois. Mais elle ne le reconnaissait pas. Elle ne le reconnaissait plus. Plus depuis qu’elle avait aperçu passer a tabac ce type sorti de nul part. Au final, l’ avait elle connu à un moment? Cette simple pensée lui donnait envie de pleurer de plus belle. La brune brisa l’étreinte, ses doigts se posant doucement sur le t-shirt de l’italien, effectuant une légère pression, elle l’éloignait alors d’elle un petit peu plus. « Je te connais pas Luca, je sais même pas qui tu es.. » prononcer ses mots, sa voix se brisait à nouveau. Elle avait l’impression qu’on lui arrachait le cœur tant ça lui faisait mal. « Tu ne t’es jamais posé la question? Si je te perdais dans ta vendetta de super héros, qu’est ce que je ferais sans toi ? Comment crois tu que j’aurais pu le vivre ? » sa voix s’était élevée, elle parlait plus fort. Sa ton était plus froid, son regard plus dur. ramenant ses doigts presque glacés contre sa poitrine, croisant doucement les bras, pour se réchauffer à nouveau elle le savait qu’elle aurait du prendre des gants, elle gelait à vue d’œil. Elle se sentait trahie, déçue, elle n’aurait jamais pensé une fois éprouvé ce genre de sentiments envers Luca.

Son métier de flic ne lui suffisait pas. Pas après avoir vu les immoralités dans les banlieues. Personne ne voulait endosser le rôle de protecteur, alors il le faisait. Même comme ça, Luca avait cette sensation dérangeante de ne pas être à la hauteur. Jo marquait un point. Son t-shirt n’empêchait rien. Trop fier, il préféra lui répondre qu’il allait bien : juste une cote fêlée, rien de plus. Et une joue rougie. Sa copine ne semblait pas vraiment convaincue, levant les yeux au ciel. Luca se mordillait légèrement la lèvre, agacé de ne pas pouvoir trouver les bons mots. Comment pouvait-il la rassurer ? Il ne faisait que s’enfoncer. Il l’écouta, jusqu’à entendre « gens normaux ». Luca déglutit, visiblement blessé. Il baissa les yeux.

– Des gens normaux, hein… répéta-t-il comme réponse.

Luca lui demanda ensuite si elle l’aurait bien pris si la vérité serait sortie plus tôt. Le silence de Jo confirma sa réponse et il souffla. Ça voulait dire que dans tous les cas, cette dispute serait arrivée. Sa tristesse le poussait à ressentir de la frustration : pourquoi ne pouvait-elle pas le comprendre ? Il le savait, que c’était dur à accepter. Angelo l’avait fait. Alors pourquoi sa petite-amie refusait-elle de l’écouter ? Luca continua, lui disant qu’il ne pouvait pas lui révéler ça. Pas comme ça, pas autrement. Surtout si elle le prenait mal. La voyant ne pas répondre, Luca persista à essayer de la convaincre : il n’était pas un fou furieux, il n’était pas anormal. Il était toujours lui. « A qui la faute » avait-elle répondu. Refusant de dire que c’était la sienne, tout comme ça n’était pas celle de Jo, il préféra s’approcher d’elle pour l’attirer dans un câlin. Luca frissonna à son contact, la sentant complètement gelée contre lui. Tremblotant, à cause du froid et de sa tristesse, il lui demanda de pas lui en vouloir. L’étreinte ne semblait lui durer que quelques secondes, car les doigts de Jo vinrent doucement le repousser. Il la regarda faire, perdu, et se figea lorsqu’il remarqua qu’elle avait pleuré. Ses doigts voulurent caresser sa joue, mais il se retint de justesse. Les phrases suivantes, comme toutes les autres depuis tout à l’heure, lui firent terriblement mal. Jo ne le reconnaissait plus. Les questions devinrent brutales, son ton monta, le faisant écarquiller les yeux. Elle était complètement gelée, aussi.

Luca ouvrit la bouche pour parler, mais au moment où il voulut dire quelque chose une voix hurla au-dessus de leur tête. L’italien releva son regard, pour observer un voisin qui s’était mis à la fenêtre. Fort heureusement, il ne semblait pas remarquer que quelqu’un était assommé juste derrière eux – enfin, il commençait lentement à se réveiller, mais encore fallait-il qu’ils le voient.

– VOUS ALLEZ LA FERMER OUI ?

Luca se retint de rétorquer quelque chose et se tourna vers Jo.

– Viens, on peut pas discuter ici.

Il attrapa sa main sans attendre de réponse et partit avec elle…

… le colosse, lui, avait décidé de les suivre.

« VOUS ALLEZ LA FERMER OUI ? » elle se retint de hurler quelque chose mais c’était qui ce connard qui les interrompait alors qu’ils étaient entrain de se prendre la tête. Elle était de plus en plus énervée, ses bras se croisèrent sur sa poitrine. Luca se tourna alors vers elle. « Viens, on peut pas discuter ici. » sans attendre une quelconque réponse, il attrapa sa main. Elle se laissa faire, discuter ailleurs était une bien meilleure idée. Elle le suivait, alors qu’il se dirigeait vers leur appartement. Ils marchaient rapidement, la brune se sentait bizarrement épiée, elle n’osait pour autant pas tourner la tête. Marcher dans la rue à une heure aussi tardive n’avait jamais été son truc. Elle trouvait tout cela bien étrange, deux heures auparavant, elle

« Luca.. » lui fit elle d’une petite voix. « Je crois qu’on est suivit.. » elle était de moins en moins rassuré, ses doigts serrant plus fort sa main. Elle soupira, encore une fois, elle était toujours aussi remontée contre lui. Tirant sur sa main, elle l’attira dans une petite ruelle perpendiculaire a celle qu’ils empruntaient. Avec un peu de chance la personne qui les suivait tracerait sa route, et ils pourraient rentrer tranquillement chez eux.. Enfin ce qu’il en reste d’eux. Posant son index contre ses lèvre, lui mimant de se taire. Caché dans ce renfoncement, son corps coller au sien, elle observa pendant quelques secondes le visage de son petit ami. La scène aurait put être absolument romantique, mais elle se sentait bien trop perdue pour ça. « J’pense que c’est bon. » trancha-t-elle, en s’éloignant à nouveau, de lui. Ses yeux s’était à nouveau assombris. « On peut rentrer. » elle s’avança à nouveau dans la ruelle, le laissant en plan, passant rapidement une main dans ses cheveux, pour se remettre les idées en place. Son visage se décomposa à nouveau, là c’était clairement mal barré. Le colosse était là, il lui faisait face. Depuis quand il était réveillé? la dernière fois qu’elle l’avait vu il gisait sur le sol. son sang ne fit qu’un tour. « Tout doux Rambo.. » Elle était stressée, fallait qu’elle fasse de l’humour dans le pire moment. Elle déposa sa main sur la crosse de son arme, prête à dégainer, reculant à nouveau dans la ruelle.

« LUCA ! » criait elle pour la seconde fois de la soirée, elle détourna pourtant que deux secondes pour chercher son petit ami du regard. Sauf que ce colosse fonçait droit sur elle. Il l’attrapa par la gorge, faisant décoller ses pieds du sol, mais ce type était immense et beaucoup trop fort pour elle. Sa main frappait son bras, elle sentait le souffle lui manquer. Devenant rapidement rouge, alors qu’il ne lâchait pas la pression. Et elle continuait de taper contre sa main désespérément , elle se sentait déjà partir. Puis il la lâchait subitement, son corps tombant à terre. Les deux mains contre le sol, elle toussa, tentant de reprendre son souffle bien difficilement. Les larmes lui montaient au yeux, alors qu’elle ne voyait plus grand chose tant elle respirait difficilement. Elle relevait ses yeux rougies vers Luca, ils allaient probablement mourir tous les deux cette nuit, et elle ne pouvait rien y faire.

Alors que Luca s’attendait à recevoir une pique en attrapant la main glaciale de Joan pour les éloigner, il fut surpris de voir que cette dernière ne fit pas de commentaire, se laissant guider dans les rues de Manhattan. L’italien était bien trop perturbé par ce qui se passait pour faire attention à ses alentours, ses pensées filaient à une vitesse impressionnante et ses émotions prenaient le dessus. Ce fut la voix de sa copine, étrangement petite, qui le sortit de sa transe. Suivis ? Il fronça les sourcils, jetant un coup d’œil rapide par-dessus son épaule, observant les environs sans grande attention.

– Je pense p-

Il sentit la main de Joan se serrer dans la sienne, avant qu’elle ne le tire dans une ruelle. Il voulut lui rétorquer quelque chose, agacé, mais se tut de justesse en voyant que la brune lui disait de se taire. Ce qu’il fit, ne voulant pas mettre l’huile sur le feu. Son visage proche du sien, il n’eut qu’une envie : s’approcher pour l’embrasser. Irrationnel dans une telle situation, car il risquait très probablement de recevoir un poing, il s’était doucement approché jusqu’à ce que sa copine recule. Perdu dans ses pensées, Luca ne la suivit pas immédiatement malgré « l’ordre ». Encore une fois, Joan le ramena à la dure réalité, mais cette fois ce n’était pas pour parler : mais pour crier son nom. Il écarquilla les yeux, les déposant sur l’armoire à glace qui s’était réveillée et postée devant la brune. « Tout doux Rambo » Vraiment ? L’italien reprit ses esprits lorsqu’il le vit déposer sa grosse main sur le cou de Joan, tentant de l’étouffer.

Comme tout à l’heure, la colère le poussa à foncer sur lui, mais le colosse, bien plus malin à présent, le repoussa, le manquant de le faire tomber.

– Enfoiré, maugréa Luca.

Voir Joan étouffer lui donna un boost d’adrénaline et il sortit enfin son Glock pour le pointer sur le type, la respiration saccadée. Aller au corps à corps avec lui ne servait à rien et il lui fallait une solution d’urgence. Enragé, ses mains tremblotaient. S’attaquer à quelqu’un qu’il aimait, c’était clairement une mauvaise idée. Sa voix, frémissante de fureur, lui ordonna :

– Lâche-la avant que je te mette une balle dans le crâne.

Ce qu’il fit, la lâchant sur le sol. Luca jeta un coup d’œil vers Joan, s’assurant rapidement qu’elle allait bien, avant de retendre le fusil vers l’homme. Ce dernier leva les mains, comme s’il était habitué (en même temps s’il avait agressé une pauvre personne…), se retourna et lui fit un sourire narquois. Sentant son sang bouillir de colère, Luca se retint miraculeusement de ne pas lui sauter dessus. Peut-être parce qu’il avait vu l’air choqué de Joan et qu’il s’était dit qu’il avait fait assez de dégâts dans leur relation.

– Dégage de là maintenant.
– Da, répondit l’armoire à glace avec un rictus.

Luca l’observa partir, s’éloigner et il s’abaissa rapidement près de Joan, attrapant à nouveau ses bras.

– Tu vas bien ? On devrait rentrer.

Tout semblait devenir flou, le manque d’oxygène, ça bourdonnait dans sa tête. Et ce type était tellement immense qu’il ne bronchait même pas quand elle lui tapait de toute ses forces des ses mains qui semblaient minuscules face à celle qui encerclait son cou. Luca avait finit par arriver, mais le géant l’avait repousser d’un geste. Il ne bougeait pas sa main ne bougeait pas. Jusqu’a qu’il la lâche, son corps retombant lourdement sur le sol. Prenant appui sur ses mains, Elle tentait de reprendre une respiration normale, toussant tant l’air lui manquait. Les larmes perlaient sur ses joues, alors qu’elle relevait la tête. Elle jeta un rapide coup d’oeil à l’italien, ce dernier pointait son arme en sa direction. L’homme finit par répondre en russe, avant de tourner les talons. Luca s’accroupit à côté d’elle, pour l’aider à se relever. « Tu vas bien ? On devrait rentrer. » Les larmes de peur de la brune s’étaient transformés en larmes de colère, elle tapa son poing contre le macadam du sol de rage. s’ouvrant par la même occasion la main, elle observait un peu absente les égratignures qu’elle avait présent sur les jointures de son poing gauche. L’américaine aurait put hurler comme n’importe quel autre personne, mais elle restait interdite. Elle ne ressentait pourtant rien. l’adrénaline, la colère avait prit possession d’elle. Ses larmes ne voulant pas s’arrêter de couler, elle était énervée, contre Luca, contre ce type, contre la terre entière à présent, ses pensées fusaient à vive allure. Elle risquait d’avoir des marques sur le cou d’ici le lendemain, comment allait-elle pouvoir expliquer tout ça au juste ? Que devait elle faire avec Luca ? Elle ne voulait pas risquer sa vie, parce que lui ça l’amuse de courir après les méchants. Partir ou rester ? Les deux lui fendaient le coeur, rester pour vivre dans la peur, ne plus dormir en attendant qu’il rentre. Elle ne comprenait pas, elle ne comprenait plus. Elle voulait juste que tout ça s’arrête que ce cauchemar prenne fin, qu’elle se réveille. Il avait déposé ses mains sur elle, pour l’aider à se relever. « Non ça ne va pas Luca.. » sa voix se brisait une nouvelle fois. Son coeur battait à tout rompre dans sa poitrine, elle se redressait finalement, s’écartant à nouveau. Il fallait qu’elle sorte de cette ruelle et rapidement. Luca avait raison, ils devaient rentrer. Resserrant les pans de sa veste, ses iris fixaient l’homme qu’elle aimait. Ses yeux rougies à force d’avoir trop pleurer.

Ils arrivèrent assez rapidement devant l’immeuble qu’ils avaient quitté une voir deux heures plus tôt. Elle déboutonnait rapidement son manteau, le jetant sur le canapé, sa main lui faisait mal à présent, l’air glaciale ne lui avait pas fait du bien, mais bizarrement l’avait apaisée. Elle savait qu’une fois dans l’appartement tout serait différent. Elle était silencieuse, le calme avant la tempête. Se dirigeant vers la salle de bain, elle sortit d’un des placards la trousse de soins, sa main avait légèrement gonflé avec le choc contre le sol, ses doigts s’en retrouvaient endorloris. Elle soupira, passant sa main sous l’eau pour la nettoyer. La brune revint enfin dans la pièce principale, s’asseyant sur le canapé, elle aurait plus de lumière dans cette pièce là pour se soigner. « t’aurais fais quoi au juste si ce mec ne m’avait pas lâché ? » la question était partie toute seule, elle sortie le désinfectant de la trousse. Sa voix brisant le silence dans ce petit appartement « T’aurais tué ce mec ? Tu aurais tout foutu en l’air, tout ce que tu fais au FBI depuis toutes ces années, t’aurais pus aller en prison pour ça, Luca. » elle sentait à nouveau les larmes lui monter, la scène lui revenait déjà en tête. « T’est totalement inconscient de faire ce genre de choses » elle versa un peu de désinfectant sur le coton, elle le déposa sur sa main, elle grimaçait à nouveau. Ça lui faisait un mal de chien mais pas autant que son coeur, elle ne sentait se briser encore un peu a chaque mot qui sortait de sa bouche. « Tu risques ta vie pour rien. » elle fit une courte pause. « J’ai pas envie d’assister à tout ça. »

Interdit, son regard s’était baissé. La culpabilité et la tristesse l’empêchaient de dire quoi que ce soit d’autre. Il observa les marques sur le cou de sa copine, sentant sa respiration se couper un instant. Que dire ? Les mots ne venaient pas. Rien qui ne permettrait de la soulager, du moins. Luca voulut s’approcher pour vérifier si tout allait bien, lorsqu’il n’eut aucune réponse de la part de Joan. Mais à peine eut-il le temps de bouger sa main vers elle, que la sienne frappa le sol, le faisant écarquiller les yeux. Du sang s’écoula, des égratignures parsemaient la peau de ses jointures. Toujours sans rien dire, il la releva avant de déglutir. « Non ça ne va pas ». C’était dur à entendre. Inquiet pour sa blessure, il la suivit tout de même dans un silence inattendu.

L’appartement faisait soudainement vide, malgré leur présence. Joan se dirigea dans la salle de bain et Luca la regarda partir, planté au même endroit. Il se ressaisissait et se planta face au grand miroir, retirant son petit masque qui cachait ses yeux. Ses doigts vinrent un peu relever son t-shirt et il grommela de douleur, lever son bras était presque handicapant à cause de ses côtes. Sa peau était fortement rougie, il s’était clairement brisé un ou deux os. Mais ça ne servait clairement à rien d’aller à l’hôpital, ça se guérissait seul. Il baissa son haut lorsqu’il entendit des pas et se retourna doucement. Joan s’était assise dans le canapé, commençant à se soigner – et à interroger. Luca s’approcha.

– Je ne l’aurais pas tué, je fais pas ça, répondit-il d’une petite voix.

Sauf il y a un an. Mais ça, il préférait l’omettre. Il ignora la partie où elle disait qu’il risquait de ruiner sa carrière et de passer un séjour en prison. Il le savait ça et Angelo lui répétait la même chose lorsqu’ils se disputaient. Frustré, bien qu’aussi coupable, il l’écouta et la regarda continuer de soigner sa blessure. Son envie de le faire lui-même était pressante, mais il préféra s’asseoir en face, sur un petit fauteuil. N’osant pas la regarder, il tenta de se calmer.

– Je fais ça depuis longtemps, Joan. J’ai l’habitude.

Argumenter était même devenu mission impossible : comment lui expliquer que ce qu’il ressentait était vital ? C’était un besoin, une drogue. La dernière phrase eut l’effet d’une claque. Il se redressa sur son siège, comprenant où elle voulait en venir : mais il joua quand même la carte de l’incompréhension.

– Tu veux dire quoi par-là ?

Luca céda et vint près d’elle, posant sa main sur celle qui n’était pas blessée. Son cœur battait à tout rompre, il refusait de croire ce qu’il entendait.

– Tu… comptes pas me quitter, pas vrai ?

Il voulut ajouter qu’il ne voulait pas être abandonné, mais sa voix s’était mise à trop trembler. Ses yeux s’embrumaient de larmes. Il aimait trop Joan pour qu’elle le quitte, il se sentait désespéré.

L’appartement était bizarrement froid. Elle ne se sentait clairement pas chez elle. Tout était différent. Tout lui semblait froid, plus dur. Elle avait toujours aimé cet appartement à partir du moment où ils l’avaient visiter. C’était leur endroit à tout les deux, mais elle se sentait à présent étrangère. « Je ne l’aurais pas tué, je fais pas ça » se justifia-t-il finalement. l’incompréhension se lisait sur ses traits, Joan l’observait s’installer dans le fauteuil en face d’elle. Elle restait pour autant bizarre calme, le fait d’avoir taper son poing contre le sol l’avait un peu calmer pour le moment. Elle baissa à nouveau la tête sur sa trousse de soin, sortant tout l’attirail nécessaire à son accès de colère contre le macadam.

« Je fais ça depuis longtemps, Joan. J’ai l’habitude. » un petit rire nerveux s’échappa de ses lèvres. L’habitude, elle leva les yeux au ciel. Elle était peut être tomber dans la quatrième dimension. Elle rêvait, peut être même qu’elle était morte au final dans cette ruelle. Ce mec l’avait peut être étrangler et son corps gisait sur le sol. Elle avait du mal à garder les pieds sur terre. A être totalement objective, elle ne le pouvait pas.

« Tu veux dire quoi par-là ? » sa poitrine se souleva légèrement, sa respiration se bloquait, elle leva ses iris vers son petit ami. Elle cherchait ses mots sans parvenir à leur faire passer la barrière de sa bouche. Elle voulait crier, hurler toute sa frustration d’avoir eut cette réflexion. Elle voulait tout recommencer, ne pas le suivre ne pas vivre ça. l’alcool sur ses doigts la ramenait à la réalité, elle grimaça alors que Luca s’approchait d’elle. S’asseyant à côté d’elle, déposant sa main sur la sienne.

« Tu… comptes pas me quitter, pas vrai ? » l’américaine baissa la tête sur la main que Luca avait déposer sur la sienne. Elle la fixait absente, laissant ses doigts caresser doucement les siens. Joan l’aimait c’était sur et certain, elle l’aimait comme elle n’avait rarement aimé quelqu’un. Mais elle se sentait perdue, son coeur battait beaucoup trop fort. Manquant de sortir de sa poitrine du moins c’était la sensation qu’elle éprouvait, elle se mordit la lèvre voyant les iris de l’italien  emplis de larmes. Elle n’aimait pas le moins du monde le voir dans cet état là, elle n’aimait pas le voir triste et encore moins à cause d’elle et de ce qu’elle disait.. « j’ai besoin de temps Luca.. »  sa voix s’était brisée, comme son coeur. Elle pleurait de devoir le dire, de l’avoir penser. Le temps elle n’en avait pas beaucoup, elle savait qu’elle devait prendre un décision rapidement. Elle n’assumait pas. Elle n’assumait rien. Ses images lui revenaient en mémoire, elle s’arrêtait de respirer un instant. Elle ne savait plus quoi dire, quoi faire, quoi penser. « je peux pas te regarder jouer les justiciers. » elle prit une grande inspiration. « Je peux pas imaginer que tu risques ta vie, pour ça.. » ses larmes perlaient sur ses joues « je peux pas Luca, je t’aime mais j’ai pas envie de te perdre comme ça. » Son coeur lui dictait de se taire mais sa raison en était tout autre, elle ne comprenait pas, elle n’arrivait pas à se dire qu’on pouvait risquer sa vie de la sorte. « j’ai pas envie de passer mes nuits à avoir peur pour toi, pour nous. T’a pensé au fait qu’un de ces types pouvaient te suivre et s’en prendre aux gens que tu aimes ?  » Elle releva son visage en direction du brun, cette question lui avait bruler la langue. Elle se détestait clairement actuellement, mais il pourrait difficilement y avoir un point de retour.

Le silence dans l’appartement le rendait oppressant. Le soleil commençait à doucement se lever, une légère lumière s’infiltrait gracieusement à travers les rideaux et pourtant, il faisait tout de même froid, vide. Comme si ce n’était plus leur domicile. Le cœur de Luca s’accélérait à chaque phrase qu’il prononçait, il sentait cette sensation étrange dans sa cage thoracique. Il détestait ressentir ça. Au fur et à mesure qu’il parlait, Joan se renfermait. Ils n’étaient quand même pas sur le point de rompre, non ? Le stress le força à s’asseoir près d’elle, pour se rassurer que tout ceci était une blague. Une mauvaise blague, un cauchemar. Sa main attrapa la sienne, pour l’arrêter dans son geste et la pousser à le regarder. Luca voulait des réponses claires, une conclusion. Quelque chose pour l’empêcher d’être brisé, au moins.

Sa vision se brouilla, les larmes montaient – trop vite pour lui, mais il était incapable de les retenir. Même les petites caresses de Joan contre sa peau ne parvinrent pas à l’apaiser. Lorsqu’elle releva ses yeux, la réponse tomba. Du temps, elle avait besoin de temps. Ce n’était ni oui, ni non, dans ce cas. Est-ce que ça lui donnait de l’espoir ? Pas du tout. Luca se tut, ne répondant pas tout de suite, sentant une larme couler sur sa joue. Puis une autre. Sans que ça s’arrête. Le reste du discours de Joan arriva bien vite et il baissa son regard, il lui était impossible de la confronter comme ça.

Alors il se leva, l’écoutant et subissant chaque mot. Ses phrases agissaient comme un couteau, s’enfonçant de plus en plus profondément. Même le « je t’aime » ne l’aida pas. Luca avait beau essuyer ses larmes, ils revenaient aussitôt. Le silence lui confirma que Joan avait terminé et il s’autorisa à se retourner.

– Évidemment, rétorqua-t-il d’une voix tremblante de peine. Tous les jours.

Il secoua légèrement sa tête, tandis qu’il réfléchissait à toutes vitesses. C’était inconcevable qu’il arrête sa vocation. Sauver les gens faisait partie de lui, c’était un instinct. Tout comme son amour pour Joan. Son sale caractère, ses répliques cinglantes, son rire, son visage, il aimait tout d’elle. Maintenant, il devait faire un choix. Soit l’écouter et ne plus prendre de risques, soit continuer et… sa pensée se tut, il refusait d’y croire.

– Je peux pas… il tenta de continuer, mais les mots venaient difficilement : Je peux pas arrêter ça, Joan. Je ne veux pas que mon entourage soit en danger à cause de moi, mais je sais que je peux empêcher ça et continuer quand même ce que je fais.

Il s’arrêta, la regardant avec tristesse. Joan n’allait pas rester avec lui, s’il prenait ce choix. Il le savait, maintenant il se rendait compte que c’était probablement la dernière fois qu’ils se parlaient. Luca réalisa enfin qu’ils étaient en train de rompre et ça lui brisait le cœur. Une petite colère s’incrusta en lui : pourquoi ne pouvait-elle pas comprendre comme Angelo ? Lui, il le laissait faire. Malgré les disputes, malgré les hauts et les bas. Pourquoi ne pouvait-elle pas faire pareil ?

Le temps, c’est tout ce qu’elle demandait. Du temps, elle ne savait pas ce qu’elle en ferait. Elle ne savait pas comment elle le gérerait. Elle avait juste peur, une peur qui lui prenait aux tripes, tant les images de cette nuit lui revenait en tête. Son cœur se serrant un peu plus dans sa poitrine, ses doigts caressant doucement la main de l’italien. Il pleurait, par sa faute. La brune voulait le prendre dans ses bras. Se dire que tout ça c’était idiot. Lui dire qu’elle l’aime, qu’elle a juste peur, peur de le perdre un jour. Peut-être dans un futur pas si lointain. Qu’elle ne sait plus ce qu’elle doit faire, puis ces images qui tournent en boucle dans sa tête. Lui. Ses hommes. Dans cette ruelle. Et cette montagne qui s’approche d’elle, elle respire difficilement, sa respiration se bloque à nouveau. « Évidemment » il se révèle alors de ce canapé où il était précédemment installé, l’obligeant à lâcher sa main. « Tous les jours. » elle baisse les yeux sur des mains qu’elle vient de déposer sur ses cuisses. Elle n’ose plus bouger, elle a envie de pleurer. Peut-être qu’elle le fait déjà, mais tant ça lui fait mal, elle ne s’en rend plus compte. Elle l’a dit, elle ne veut pas qu’il continue de prendre des risques de la sorte, elle ne peut pas s’imaginer avoir peur pour lui à chaque fois qu’il quitte ce petit appartement. Elle ferme les yeux, la tête baissée, elle voudrait retourner juste pendant quelques minutes dans ce petit chalet où ils avaient passé un week-end, ce week-end où elle lui avait dit je t’aime pour la première fois. Le voir sourire à l’entente de ces mots qui paraisse si simples si doux. Mais qui font beaucoup trop mal à l’heure actuelle.

Les yeux vagabondant sur le parquet, elle soupire, ce silence. Ce silence la tue à petit feu. Il la brûle de l’intérieur, réduisant à néant ce petit espoir, de penser qu’il arrêterait de se mettre en danger pour elle, parce qu’il l’aime, et qu’elle le lui demande. Que pour une fois il ne ferait pas la forte tête, comme il sait si bien le faire. « Je peux pas… » c’est alors qu’elle sort de sa contemplation, elle le dévisage. Pas très sûre d’avoir bien entendu ce qui vient de se passer. Ce fraction de seconde qui anéantit tout espoir. Elle pleure Joan, ces trois mots on l’effet d’un coup qui l’assomme, qui la sonne. Ces trois mots résonnent dans sa tête, elle est comme sur une autre planète actuellement. Elle le dévisage, elle a envie de mourir tant ça fait mal, tant son cœur se serre dans sa poitrine. « Je peux pas arrêter ça, Joan. Je ne veux pas que mon entourage soit en danger à cause de moi, mais je sais que je peux empêcher ça et continuer quand même ce que je fais. » ça ne veut plus s’arrêter, elle ne peut plus s’arrêter de pleurer. Elle essaie et pourtant n’y arrive pas. C’est donc ça d’avoir le cœur brisé, ça lui fait bien trop mal. Elle est mise au ko, celle qui veut toujours avoir raison, et pour une fois elle n’a plus les mots. « ça sera sans moi alors.. » bafouille-t-elle, alors qu’elle sèche ses larmes d’un revers de la main. Elle ne sait plus quoi faire, elle est perdue, elle doit sortir d’ici. Elle ne peut pas rester là, à pleurer comme ça. Son choix est fait, mais le sien aussi.. Elle se lève alors du canapé comme un zombie, elle n’a plus d’énergie, elle est vidée. C’est donc ça d’avoir le cœur brisé ? L’américaine se dirigea vers la chambre, a la recherche de ses affaires. Elle ne pouvait pas rester là comme ça, elle se trouve un sac de voyage, elle attrape tous les vêtements qui sont à elle, et les enfouis dans ce sac trop grand. Ça ne lui a pris que cinq minutes, cinq petites minutes pour rassembler ses vêtements, tous ces souvenirs qui partent en fumée. Elle se déteste Jo. Elle se déteste de ne pas avoir fermé les yeux encore une fois. Quand elle rejoint à nouveau le salon, il est toujours là. Elle plante ses yeux noisette dans les siens, elle s’est arrêté de pleurer pour le moment. « Je demanderais à Jill de récupérer le reste, je veux surtout pas te déranger.. » elle a du mal à articuler, tellement ça lui fait mal. Tellement qu’elle a du mal à respirer. «j'espère qu'un jour, tu t'en rendras compte, que je fais ça juste pour toi. »

Son cœur battait à tout rompre, ses mains tremblotaient et ses yeux étaient rougis par les pleurs. C’était bien la première fois qu’il ressentait une telle tristesse, c’était douloureux aussi. Comme si on le poignardait de toutes parts et qu’il ne pouvait rien n’y faire. La situation lui échappait, Luca n’arrivait pas à trouver une solution pour que ça se termine bien. Ce n’était pas à lui de faire la décision, maintenant. Si Joan ne voulait pas qu’il vagabonde les rues pour sauver les démunis, alors ils ne pouvaient plus être ensemble. En tout cas, c’était la manière de penser qu’avait Joan. Ça ne lui dérangeait pas de vivre avec elle, tout en se disant qu’elle savait pour son identité. Parce que Luca l’aimait. Profondément. Auparavant, il enchaînait les relations courtes et c’était lui qui rompait le premier. Peut-être parce que ces personnes ne lui correspondaient pas. Joan et lui, ils étaient faits l’un pour l’autre, il en était persuadé (aussi niais que ça puisse paraître). C’était donc pour ça que le cœur de Luca se brisa un peu plus lorsqu’il la vit pleurer à l’entente de ses mots, voulant immédiatement reprendre ce qu’il venait de dire. L’envie de la prendre dans ses bras et de la serrer fort contre lui était pressant, mais il n’en fit rien, par peur d’être rejeté et d’avoir encore plus mal.

« Ce sera sans moi » ses mots à elle aussi étaient durs à entendre. Il tentait de retenir ses larmes et laissa glisser sa main sur son visage pour empêcher ça. Sans un mot, car Luca ne parvenait pas à parler à cause de sa gorge nouée, il la regarda se lever pour se diriger dans leur chambre. Mollement, il se laissa tomber sur l’accoudoir du fauteuil, fixant le sol. Cinq minutes plus tard, il l’entendit revenir et releva lentement ses yeux vers le sac qu’elle tenait. Cette fois-ci, Luca ne put empêcher ses larmes de couler. Puis, ses pupilles reprirent son chemin et s’arrêtèrent dans ceux de sa copine. Non, son ex. Celle-ci bafoua que Jill allait récupérer le reste des affaires plus tard, avant d’ajouter la phrase qui le secoua. Luca hocha doucement la tête, avant d’attraper sa main avant qu’elle ne parte.

– S’il te plaît… ne disparais pas de ma vie.


Sur ces mots, il était retourné dans son ancien appartement. « Ancien » c’était surtout celui qu’il partageait avec Angelo, avant qu’il ne décide bêtement de vivre avec Joan. Les jours s’étaient écoulés, le temps que Jill reprenne le reste et qu’ils vendent le domicile à quelqu’un d’autre. Luca avait essayé de l’oublier, en vain.