Si Radio New-York s’amuse à jeter au peuple, des scoops plus faux les uns des autres, il y avait au moins une source sûre : Les collègues. Alors s’il a toujours trouvé les auditeurs de Radio New-York, stupides, à croire les inepties qui y sont racontées, il sait que les rumeurs de la boîte elles, sont vraies. Et la rumeur du jour ne l’enjaillait pas beaucoup : Jahed avait un rendez-vous avec le Patron de N.Y Studios. Qui dit rendez-vous, dis promotion ? Ou rétrogradation ? Si ça se trouve l’agence devient aussi restrictive qu’Eita, leur ancienne maison de disque. Et en vient à se débarrasser des chats noirs. Faut dire que de ce côté-là, Misha comme Jahed n’avaient jamais eu une chance de cocu. - faut dire que ce sont plutôt eux les infidèles. Les ragots, les rumeurs et les on-dit les poursuivent depuis le début de leur carrière. Tout avait commencé avec Misha, à l’école au Japon. Trop tatoué, et aimant à ennuis. Certes son passé ne l’aidait pas beaucoup, mais si chaque spectateur avait eu toutes les cartes en mains, ils auraient compris que le blondinet n’est qu’une pauvre victime. Comme le jour ou il est passé à travers le plafond de l’académie en visitant le grenier. Était-ce de sa faute si le sol était si instable ? Il ne pouvait pas deviner que sur la pancarte écrite en japonais, devant l’escalier du grenier, il y avait marqué “défense d’entrée, dangereux”. Personne ne le lui a traduit les kanjis! Ce n’était pas non plus de sa faute s’il avait assommé Yamapi après leur altercation, la porte des toilettes avait multiplié sa force en se refermant sur le pauvre Japonais. Ce n’était pas non plus de sa faute si le soutiens gorge était sorti de la boutique, sans sonner aux bornes anti-vol. Et l’idée était de Jahed, pour information. Comme quoi la rumeur le concernant lui, est loin d’être fausse. Nous pourrions continuer des heures comme ça, à assurer la défense du Polonais, victimisé depuis le début de sa carrière. Ce serait s’égaré.  

Tout ça pour dire que le tête à tête entre le Paki et le Giovanni, avait éveillé sa curiosité. Devait-il s’attendre à se faire virer lui aussi, simplement parce qu’un gogole à la radio, aurait sous-entendu qu’il cirait des chaussures publiquement ? Déjà, publiquement, ce n’était pas son trip. S’il avait à s’envoyer en l’air avec un homme, il le ferait discrètement. De deux, dans un bar, il est trop occupé à engloutir des litres de Vodka, pour avoir envie d’autre chose. Bien qu’il était certain que ses vrais fans devinent la connerie sous cette ânerie - c’est bien tourné ! - Il ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter... Est-ce qu’un journaliste aurait put être au courant de son histoire avec Jimmy ? C’était vieux, mort, et enterré. Un accident de parcoure, comme il aimait se le dire. Mais cette histoire le stressait toujours autant. Même trois ans après, il ne parvenait pas à assumer ça, et l’idée même que quelqu’un puisse découvrir ce petit secret qu’il se gardait pour lui, le rendait malade. Ce n’était pourtant pas la fin du monde, d’être ouvert à plusieurs bords. Mais pour lui, c’était impossible à assumer. Il se voyait hétéro, point barre. Et plaisanter sur le sujet pouvait le rendre agressif.  

Dès 13h, il était donc au coin du couloir, à surveiller l’arrivé du Pakistanais. Quand il aperçut le patron et le basané passer, et s’enfermer dans le bureau, il se jetait sur la porte, les mains et une oreille plaquées contre elle. Fallait qu’il sache ce qui se passe dans ce bureau. Manque de bol, il n’entendait rien. Encore sa malchance de non cocu. Pestiférant, il réfléchissait à toutes les possibilités, jusqu’à même s’imaginer passer dans les conduits d’aérations. Il s’était mis à chercher les petites grilles, que les espions traversent toujours dans les films. Mais ici, il n’y en n’avait pas. Encore un truc mensonger du cinéma.  

Sortant ses lunettes de soleil de sa poche, il les posait sur son nez, et cachait le reste de son visage avec la visière de sa casquette de grande marque. Il se cachait derrière une plante, attendant simplement la fin de la réunion. Il suivrait Jahed pour voir si cet abruti allait vider son casier, pour enfin, quitter le label. Quel bonheur ce serait.

L’heure défilait, et Misha fatiguait. Il avait faim, soif, et s’endormait sur les branches de l’arbuste domestique. Quand enfin la porte s’ouvrait. N'y voyant rien avec ses lunettes, il les relevait le temps d'espionner la scène. Jahed avait un bien trop large sourire en serrant la main du boss, pour avoir été renvoyé. Misha devint de plus en plus suspicieux. Il se décidait donc, à suivre le collectionneur de sous-vêtements.

Toujours plusieurs mètres derrière, caché derrière un poteau électrique - genre ? -, une boite aux lettres, ou même une vieille dame. Il se collait au mur pour les raser, se jetait par terre pour éviter les regards en l’air de Jahed. Il faisait une roulade avant pour atteindre un stand de hot-dog et rester caché accroupi derrière, tandis que le brun s’admirait dans une vitrine. C’est vrai qu’il a de jolies fesses. Les fesses du Pakistan, probablement. Il repartait. Il s’arrêtait devant un Subway. Misha réalisait qu’il avait vraiment faim. Mais son ennemi changeait de direction. C’est à cause de la viande, c’est ça ? Fronçant les sourcils envers Jahed, il continuait de le suivre discrètement, jusqu’à ce qu’il tourne dans une ruelle. Visiblement sombre et mal famée. Il en était sûr... Il avait un rendez-vous pour du trafique de sous-vêtements. S’il le prenait la main dans le sac, peut-être pourrait-il le faire renvoyer ? Un sourire de fierté aux lèvres, il empoignait son téléphone enclenché sur le mode Photographie, et s’avançait dans l’allée. « Tu t'es perdu ? » Le Polonais sursautait, se retrouvant face au Paki. Prit au dépourvu, il levait les mains en l’air, tout en cliquant sur le bouton de mise en veille de son téléphone.  

« Non. »

Répliquait-il simplement, cherchant rapidement des yeux une excuse à sa présence. C’est la que son regard océan s’arrêtait sur la seule boutique de la ruelle. Une boutique de cirage de chaussures.

« J'allais, faire cirer mes chaussures. »

Ce n’est que quand sa phrase se répétait dans sa tête, qu’il réalisait à quel point, il était con. Mais vraiment con. Un con du genre, bon pour l’hopital psychiatrique. Inspirant face à sa propre connerie, il baissait la tête, déglutissait, puis pointait son index vers la dite-boutique, pour assurer sa défense.

« Mais pour de vrai. Pas comme... S’te connerie. Et puis merde, tu faisais quoi toi ici ?! Tu viens trafiquer, avoues! »

Il n’était pas vraiment en pôle position pour avoir le dessus, mais bon, qui ne tente rien n’a rien.

« Ouai, je kidnappe des petits Polonais pas très futés, et je les donne à manger à mon chameau. Mais à bien y réfléchir, j'aurai peur que tu te mettes à genoux devant lui pour y faire tes petites affaires, si ça se trouve t'es zoophile, vu que tu touches à tout. » Le plus stupide dans cette histoire, c’est probablement qu’en entendant que Jahed ajoutait un chameau à l’histoire, Misha avait mis bien du temps à comprendre ou il voulait en venir. Et si sa réplique pouvait en faire rire certain, elle était assez ragoutante aux oreilles du Polonais, qui ne cachait guère sa grimace.  

« T'es vraiment c*n! »  

Crachait-il, frustré et vexé de la réplique de son ex. meilleur ami pour la vie. Qu’il le déteste, jusqu’à la mort, était une chose, mais qu’il l’insulte aussi méchamment, en était une autre.

« Tu serais jaloux de ton chameau! »

Cette réplique aussi était conne, mais Misha était touché dans son orgueil et n’avait donc, plus aucune répartie. Il allait bouder, comme toujours. Comme un gamin de 5 ans à peine. Pas étonnant que personne ne le croyait quand il affirmait avoir fêté ses 28 printemps, et que dans moins de deux ans, il atteindrait déjà la trentaine. Un âge qui ne lui faisait pas peur d’ailleurs. De un parce qu’il n’y pense jamais, de deux parce qu’il ne perd pas ses cheveux - là ce serait le drame – et de trois parce qu’il avait même hâte d’avoir des cheveux blancs. Il paraît que les hommes grisonnants sont plus sexy. Qui dit que tu es sexy, dit que tu auras plus de nanas.

« Sérieux, pourquoi tu me suis ? Je te manques à ce point ?  » La réponse était évidente : Oui. Le passé qu’il avait en commun rendait souvent le polonais, très nostalgique. Que ce soit lors des braquages ratés des boutiques louches de Tokyo, ou quand ils ont refait la décoration de leur chambre à l’académie - qui n’était pas du gout du directeur -. Ces après-midis entières qu’ils avaient pu perdre à faire des allées retours dans tout le campus de l’académie, pour s’exhiber, persuadés que les petites étudiantes nippones raffolaient des occidentaux. Ou encore toutes ces soirées trop arrosées dans les quartiers occidentaux de Tokyo, à la fin des quelles ils ne trouvaient même plus la sortie, encore moins le chemin vers l’académie. Tout ça avait été gâché par la jalousie du Pakistanais, puis plus tard, par Misha, qui avait envenimé les choses. Une histoire stupide. Tellement stupide qu’à force, Misha ne savait même plus pourquoi il était censé détester Jahed.

« Pas du tout, t’es pas le centre du monde. Plutôt le trou du cul d’ailleurs. »

Il avait ajouté sa derrière phrase en baissant d’un ton, mais assez fort pour que Jahed l’entende. Le tout en détournant le regard fièrement. C’est pas le tout mais il lui fallait trouver une bonne excuse quand même, à avoir joué au petit Poucet toute l’après-midi.

« Parce que le boss m’a demandé de te prendre en filature. Les vols de sous-vêtements, tout ça, tu saigne l’image de la boite et ça ne lui plait pas du tout! Il hésite à te virer tu sais ? Et j’pense qu’il ferait bien de le faire. »

Cet idiot n’avait même pas songé une seconde, que lors de son rendez-vous, une heure avant, Jahed avait peut-être été inondé de compliments ? Après tout, son Rêve Bleu était un carton. Et c’était mérité - bien que selon Misha, le Paki aurait été mieux comme acteur dans ce film -, mais vu que le brun avait été immonde avec lui quelques minutes plus tôt, il ne contrôlait plus vraiment ses dires. Le tout était de le blesser, comme il l’avait fait avant lui.

Free Hug et ils vécurent heureux jusqu’à la fin des temps. Ce serait mentir que de dire que Misha n’y avait pas pensé. A dire vrai, cette image lui traversait l’esprit à chaque fois qu’ils se croisaient. Peut-être parce que Paki lui manquait bien plus qu’il ne voulait l’avouer. Après tout, ses meilleurs souvenirs de toute son aventure nippone, sont pour une majorité, ceux qu’il avait en commun avec le basané. Des conneries de jeunes imbéciles. Comment avaient-ils pu en arriver là, après tant de fous rires en commun ? L’orgueil, c’était simplement ce fichu orgueil qui les empêchait de signer un traité de paix. Misha n’attendait certainement que ça, mais il se refusait à être le premier qui tendrait la main. Si Paki était décidé à le bouder jusqu’à la fin de sa vie, il aurait l’air terriblement con. Ou alors, l’autre idiot en face, lui ferait croire un “long live the king” avant de le jeter dans le gouffre plein de bisons. - Oui Misha regarde trop les Disney. Un traître, un pur et simple traître, ce type. Le Polonais n’avait plus confiance.

« Je comprends mieux pourquoi tu me suis comme un petit chien alors » Cette fois, c’est Misha qui ne relevait pas, se contentant de rouler des yeux, tout en ne cachant pas son air fatigué et blasé des blagues à deux balles de son collègue. « Je crois qu'en ce moment on la saigne à deux l'image de la boite, mais la différence entre nous c'est que le boss m'a dit à l'instant qu'il avait de bons projets pour moi, par contre quand on a mentionné ton nom, il semblait bien moins enthousiaste, je pense que tu ne devrais pas tarder à faire un tour dans son bureau. J'ai dis dans, pas sous, hein. »  Qu’est-ce qui le retenait de lui mettre un bon poing en pleine figure après ça ? Ho non ce n’était pas la peur d’abîmer son joli minois – quoi que -, mais sûrement cette infime reste d’amitié qu’il éprouvait pour lui, incapable de tourner la page de leurs aventures au pays des mangas.  

« C'est ça, moi en attendant, j’fais pas du détournement de mineure! »  

Les rumeurs vont vite hein... Une chance pour lui que ça ne soit pas encore arrivé aux oreilles de Radio NY, imaginez le scandale. Inutile de préciser, que cette phrase, il la regrettait au moment même où elle avait traversé ses lèvres. Il savait bien que Jahed n’était pas trop stupide – pas trop j’ai dit -, et qu’il ignorait certainement l’âge de la jeune femme mêlée à toute cette histoire. Il était même prêt à prendre son parti, témoigner pour lui s’il en avait besoin. Mais il restait bien trop fier pour l’avouer. Défiant donc le Paki du regard, tel un cowboy – peu crédible -, il haussait et rehaussait les sourcils, pensant certainement qu’ainsi, il avait l’air menaçant.

« Moi au moins, je croupirais pas en prison pendant quinze ans. »  

Continuait-il en croisant fièrement les bras, comme une pétasse, qu’il n’était plus très loin d’être. Culpabilisant, mais fier de sa répartie, il attendant au moins que le Paki se défende. « Alors je repose ma question, pourquoi tu me suis ? Si t'as un truc à me dire, dis le, et me sors pas une excuse bidon, j'ai plus important à faire que de t'écouter raconter n'importe quoi, j'ai un estomac à remplir. » Un estomac qui criait famine. Arrachant un sourire au Polonais, au passage.

« Ok, ok... »

Soupirait-il, comme s’il lâchait l’affaire, d’un faux air bien trop sincère.

« Je surveillais juste, qu’il n’y ait pas trop de jeunes filles de moins de dix-huit ans sur ton chemin. Je faisais simplement la circulation. Maintenant si tu veux, y’a un Kebab en face. »

Il relevait rapidement son index contre son menton, faisant mine de réfléchir.

« Faudrait peut-être que j’aille vérifier l’âge de la clientèle avant. »

Relou ? Juste un peu...

« Qui t'a parlé de ça ? C'est que des rumeurs, j'lai pas touché cette fille ! » Des rumeurs, des rumeurs... En attendant il semblait savoir de quoi il parlait. Contrairement à Misha qui n’avait aucun souvenir d’avoir cirer les chaussures de qui que ce soit, derrière un bar. De toute façon, Misha se doutait bien que cette rumeur sur le Paki, n’était pas partie de rien. Il était bien trop dragueur pour ne pas avoir fini par tomber dans son propre jeu. A trop jouer avec le feu, on fini par se brûler les ailes. C’était ce que vivait Jahed. Bien sûr, le Polonais savait qu’il devait être innocent quelque part. Il ignorait certainement l’âge de la jeune femme, par exemple. Mais ce commérage de couloir lui permettait de prendre un sacré avantage sur le basané, qui serrait les dents.

« J’t’en prie, tout le monde dans la boite sait que t’as besoin d’un avocat. Même le mien a été appelé par le boss. »

Ou peut-être devrait-il dire, “les miens” parce qu’un Misha, ça se fout souvent dans la merde. Et pour sortir de la merde, il faut plus d’un avocat parfois. Ceci dit lui, il n’était jamais tombé au point d’avoir d’aussi gros problèmes au-dessus de la tête. Il était ennuyé par des bagarres dans les bars, ou avec des groupies à l’aéroport, voir pour détention de substances illicites. Mais jamais ô grand jamais, pour un truc pareil.  

Il aurait peut-être dû s’arrêter là. Parce que la suite fut pas mal douloureuse. Le poing du pakistanais s’était fermé pour s’abattre sur le visage pourtant si innocent – ou pas – de Misha, qui surpris d’un tel geste de sa part, avait en plus, manqué de tomber en arrière. La surprise passée, c’est la douleur qui prenait le dessus. Juste sous son œil, il avait tellement mal. Échappant une complainte, il plaquait sa main contre son œil, avant de fusiller Jahed de l’autre. « Tu peux pas juste la fermer ? Faut toujours que tu parles trop »

« Mais t'es taré, tu m’as défiguré! »

Bon fallait peut-être pas abuser. De un, Jahed n’a pas la poigne d’un boxer et de deux, il n’y avait déjà pas grand-chose à défiguré, il n’était pas encore Brad Pitt ce petit c*n. Frottant le dessous de son œil déjà rougit et commençant à bleuir, il se redressait, toujours en pestant contre son ancien acolyte :  

« J'vais te rajouter un procès pour violence moi! »

Ça aurait peut-être été crédible s’il avait empoigné son téléphone pour appeler la police. Mais au lieu de ça, il s’était jeté sur le Paki comme un gamin, dans la cour de récréation. Misha était bagarreur, mais il n’était pas très entraîné pour ça. Alors ses coups partaient dans tous les sens, sûrement inutilement, et face à Jahed qui se débattait, il finissait le plus souvent par lui tirer les cheveux, la barbichette, les vêtements, ou tout simplement, lui mettre des claques. Les téléphones portables avaient terminé leur course au sol, sans même qu’ils ne s’en soucient, trop occupés à se mordre, ou se griffer, comme des gonzesses. Finalement, c’est sans le faire vraiment exprès, manquant de chuter, après être grimpé sur le dos de Jahed, que Misha donnait un bon coup de pied dans l’entre jambe de son ex. ami... Et pour ça, s’il y a bien une chose pour la quelle les hommes peuvent être solidaires, c’est la douleur des cacahuètes. Sa jambe reposée au sol, Misha se figeait, réalisant qu’il venait vraiment d’infliger une atroce douleur à son Paki. Instinctivement, il s’était penché vers lui, les cheveux dans tous les sens, et son œil maintenant bien teinté de noir au niveau du cerne.  

« Ho pardon, ça va ? »

Murmurait-il sous le silence du pakistanais, tombé à genoux et se tenant les cacahuètes.  

« Vois le bon côté des choses, tu pourras pas lui infliger une grossesse avant ses dix-huit ans... »

Tentait-il de le rassurer, grimaçant légèrement, et reculant surtout d’un pas, pour ne pas risquer de s’en prendre une autre.  

« Tu veux que j'appelle quelqu’un ? »

Il se penchais légèrement en avant, bien qu’il tienne une distance de sécurité entre lui et le basané.

« J'vais te tuer... » Inutile de préciser, qu’au simple son de sa voix, le Polonais devinait la souffrance endurée par le bronzé. Et que cette parole n’était donc pas très inquiétante, sachant qu’il ne parvenait même pas à tenir sur ses deux jambes. Néanmoins, par mesure de sécurité, le plus frêle des deux restait à une distance raisonnable du deuxième. Juste au cas où il ne sorte des babouches dont ne sait où.  

« Tu allongerais ta peine de prison tu sais. »

Répliquait alors le Polonais. Taquinerie ? C’était presque plutôt un conseil, il avait l’air sérieux. « T'as tué la moitié de mes petits soldats, assassin, c'est moi qui vais te le faire ce procès » Petit soldat ? Roulant des yeux, Misha minaudait un court instant, se demandant à quoi pouvait bien ressembler les petits soldats de Jahed. Un peu comme dans le dessin animé de “il était une fois la vie”. Probablement de petits asticots avec la tête du Paki. C’est limite flippant.  

« Je n’ai fait que t’éviter un procès là! »

Pas de petit soldat, pas de risque d’encloquer une mineure. Le voilà sauvé de tout gros scandale, tout du moins, de plus gros scandale que celui qui lui pend déjà au nez. « Tu me détestes à ce point pour vouloir m'encastrer ? » Quand deux étrangers tentent de parler une langue qui n’est pas la leur, ça pose vite problème. Parce que là, il y eu un gros blanc. Misha ne comprenait absolument pas ce que l’autre voulait dire par là. Et du coup, il ne trouvait rien à répliquer. Ce qu’il détestait, refusant de manquer de répartie face à cet idiot! Il lui fallut donc une bonne minute de réflexion et de révision e vocabulaire sans sa tête.

« T'encastrer ? J'aurais sûrement préféré. »

Avait-il finalement balancé, bien des secondes plus tard, le temps que son cerveau ne comprenne l’erreur de vocabulaire du basané.  

« J'te signale en passant, que c’est toi qui me détestes. Nuance. Moi j’t’aimais bien avant. Mais c’était avant, c’est comme tout, tout était mieux avant. C’est toi qui a lancé la première bombe, monsieur jalousie extrême. »

Se taisant une petite minute, il suivait de ses yeux clairs, le corps tremblant de Jahed qui se relevait enfin. Il s’adossait au mur, manquant probablement d’équilibre, après avoir récupéré son téléphone. Ho et le sien d’ailleurs ? Réflexe de survie, il scrutait le sol jusqu’à le trouver. L’écran était légèrement abîmé sur un coin, mais rien de grave. Il l’enfournait alors dans sa poche, tandis que l’autre se plaignait de devoir en racheter un.  

« J'irais voir chez Apple s’ils se lancent un jour dans la vente de cacahuètes de luxe. Tu sais, dorée, ça t’irait à la perfection. Mais le jour ou la version 2.0 sera sortir, faudra tout racheter. »

Le Paki souriait, et sans vraiment savoir pourquoi, le Misha en fit de même, comme si c’était contagieux. Soupirant discrètement, il passait sa main dans ses cheveux pour tenter de les recoiffer un minimum, puis il ressortait son téléphone pour se regarder dans l’écran. Il avait le dessous de l’œil tout bleuet. Bravo... Giovanni allait encore lui faire la morale sur les bagarres d’aéroport. Hésitant un court instant, il fini par aller s’adosser au mur lui aussi, près de Jahed, à qui il donnait d’ailleurs un petit coup de coude en souriant.

« La dernière fois qu'on s’est battu comme ça, c’était dans la chambre d’étudiant qu’on avait à Eita. On avait tellement bu la veille, on s’est réveillé dans le même lit et t’as paniqué. J’y étais pour rien pourtant, c’était mon pieux, pas le tiens. »

Il échappait un petit rire en se remémorant cet instant. Tout ça lui manquait beaucoup. Sauf qu’il ne pouvait l’avouer au Paki, c’était à lui de s’excuser en premier.