– Merde… avait murmuré Luca, relevant son costume noir devant lui.

Des trous partout. Du sang séché. Il avait complètement oublié de s’en occuper depuis maintenant quelques jours. Avec un soupir, l’italien déposa le tissu sur la table de sa pièce « secrète ». Dit comme ça, on s’attendait à voir des ordinateurs surpuissants avec des gadgets hors de prix, mais c’était plus un simple bureau avec ses armes à feu et ses anciens costumes. Ça faisait depuis un petit temps qu’il n’avait pas fait un tour dans le quartier. Il était à peine vingt-deux heures et pourtant, à Manhattan, les criminels commençaient à sortir de leur cachette. Luca était le chat, les autres les souris. Ses yeux s’attardèrent sur le masque qu’il avait lors de ses débuts, c’était mieux ça que de porter un costume déchiré… les anciens étaient aussi dans un état déplorable. Ce n’est pas qu’il n’osait pas demander à son ami et colocataire de tout réparer, mais ce soir-là il avait ce besoin pressant de sortir. C’était devenu une drogue de faire la justice à sa façon. S’il s’en détachait pendant quelques jours, il ressentait un manque terrible. Il croisa ses bras contre son torse, se mettant à réfléchir. Peut-être qu’il devait prévenir Angelo, finalement. Il entretenait une relation des plus ambigües avec de dernier. Des hauts et des bas, ils en avaient vécu des tonnes. C’était la personne en qui il avait le plus confiance, mis à part sa sœur. C’était l’un des seuls (avec Joan) qui étaient au courant pour sa deuxième identité. Il s’attendait à ce qu’Angelo prenne peur, à ce qu’il fasse comme son ex – l’abandonner – mais ce n’était pas du tout le cas. Rien que pour ça, il l’appréciait de tout son âme.

Luca avait attrapé son costume délabré et s’était dirigé dans l’atelier bordélique d’Angelo. Ne prenant pas la peine de toquer, car ils étaient loin de toutes ces choses, il s’engouffra à l’intérieur. Fasciné par tous ces tissus et ces modèles, il s’approcha enfin de son ami, attrapant doucement son bras pour l’arrêter dans sa fabrication de chemise. L’italien, gêné, commença à parler.

– Hey. Désolé de te déranger, mais euh…

Il lui montra le costume.

– … j’ai un peu oublié de te dire que j’ai défoncé le costume. Tu pourrais me le remettre à neuf pendant que je pars pour cette nuit ? Si tu veux.

Luca n’était pas quelqu’un de généralement anxieux à l’idée de demander une faveur, mais ses costumes prenaient énormément de temps. C’était lourd, très épais et cher. Il fallait des ressources, des nuits blanches pour remettre une de ces tenues comme elles l’étaient au départ. Luca s’en voulait un peu de l’entraîner dans ses délires massacrants.

Le chantier dans ton atelier ne diminuait pas alors que tu passais de plus en plus de temps à l’intérieur de cette pièce. Enfin, ce n’étais pas vraiment en chantier. Tout était à sa place. Les tissus entre eux, les modèles d’un autre côté de la pièce et ton nécessaire de couture dans un autre. Seule ta table de travail était recouverte de divers tissus et matériaux qui coûtaient tous un bras. Mais tu t’y retrouvais, t’ayant dégagé un espace sur la grande table pour avancer sur la commande que l’on t’avait passée. Tu n’avais plus vraiment l’habitude faire des commandes si importantes pour une seule personne, encore moins pour une personne aussi importante que l’homme qui t’avais passé cette commande. Qui pourrait, avec honnêteté, se vanter d’avoir fait des chemises pour une célébrité internationale sans même l’avoir démarché ou proposé de porter ses vêtements bien des mois plus tôt ? Toi tu pouvais t’en vanter même si ça ne te viendrait jamais l’idée de le faire. A quoi bon se vanter alors que, avec une seule erreur, il pourrait détruire ta carrière ?

Alors tu te trouvais dans ton atelier, travaillant sur la seconde chemise qu’il t’avait commandé. Un parfait mélange entre l’originalité et le chic, une touche de luxe en plus vu qu’il t’avait demandé d’y insérer quelques feuilles d’or. Cette commande était sûrement la plus grande commande que l’on t’avait passé depuis un bon moment donc tu faisais attention à tes moindres faits et gestes. Totalement concentrée sur ton travail, écoutant distraitement les bruits de pattes que Queen faisait sur le sol en fouinant dans les chutes de tissus qui étaient tombées au sol, tu ne fis même pas attention au fait que Luca était entré dans la pièce. Ce n’est qu’au moment où il attrapa ton bras que ton attention fut attirée par sa présence. Relevant les yeux vers lui, ton regard croisa son costume alors que tu fronçais légèrement les sourcils. « Je t’ai déjà dit que tu ne me dérangeais pas Lu. » Ton regard se centra de nouveau sur le costume alors que tu tendais une main pour l’attraper, lui prenant des mains pour l’examiner avant d’hocher la tête. Mais tu te figeas avant de regarder ton ami, haussant l’un de tes sourcils pendant que tu plongeais ton regard dans le sien. « Qu’est-ce que tu vas porter si j’ai ton costume ? »

Ta voix était stable, calme, alors que ton esprit imaginait déjà les pires scénarios. Tu le voyais déjà partir d’ici en ne portant que ce masque que tu avais vite remplacé en lui créant ses costumes. Si tu n’avais pas le contrôle sur cet aspect de sa vie, le sachant trop têtu, tu avais au moins pu faire en sorte qu’il garde son anonymat grâce à quelques bouts de tissus et beaucoup d’heures de travail. Mais tu étais fier du résultat même si tu cherchais constamment à améliorer ce costume. Tu faisais même en sorte qu’ils soient adaptés aux saisons afin qu’il ne tombe pas malade inutilement. C’était sûrement à cause de ta peur de le perdre, s’accentuant à chaque nuit qu’il passe dehors, que tu essayes toujours de l’en empêcher. Comme ce soir. « T’es obligé d’y aller ce soir ? Tu… tu ne peux pas attendre demain que je finisse de te refaire ce costume ou même que j’en fasses un nouveau ? » Une moue inquiète sur le visage, tu te levas tout de même pour faire de la place sur la table et y poser le costume, te mettant dos à Luca pendant que tu examinais avec attention chaque détails à refaire sur le tissu. « Je ne t’empêcherai pas d’y aller, tu le sais. Mais je préférerais te savoir ici en sécurité pendant que je n’ai pas fini de le refaire. »

L’atelier d’Angelo lui avait toujours apporté une certaine sérénité. Comme si le temps s’arrêtait et qu’ils étaient dans un autre monde : tout était coloré et joli, ici. Luca ne venait cependant pas souvent dans la pièce, il respectait l’espace de travail de son ami qui faisait de même pour le sien. Voir la bouille concentrée d’Angelo le fit un peu fondre, mais étant donné qu’il était un peu pressé il ne prit pas le temps de le taquiner à ce sujet. Sachant pertinemment qu’il était dans son monde, Luca le ramena à la réalité en l’attrapant, lui expliquant ce qui lui posait problèmes. La tenue avait nettement moins d’allure, comme ça. Il était un peu honteux de voir tous ces dommages, c’en était la preuve de sa violence exacerbée. Angelo tenta de le rassurer, en disant qu’il ne le dérangeait pas, mais Luca savait bien qu’il était occupé sur un projet important pour un homme haut placé. Il n’avait pas le temps pour lui-même. Peu convaincu, il fit une moue tout en le laissant prendre le costume de ses mains. Soudain, la question fatidique tomba. Qu’est-ce qu’il allait porter… l’italien perdit son air gêné, se redressa pour avoir l’air sûr de lui – enfin, il pensait l’être.

– T’inquiète, je gère.

C’était sa phrase favorite, juste après « t’as oublié de donner des croquettes à Queen », qui se trouvait juste derrière eux à s’amuser avec du tissu. Ce n’était pas assez pour Angelo, forcément. Ce dernier avait toujours eu peur pour lui, lui demandait parfois de rester avec pour le reste de la soirée au lieu de partir jouer les justiciers. Il était rare que Luca refuse de passer du bon temps avec lui, mais étant un borné de nature une fois qu’il voulait tabasser des criminels rien ne l’arrêtait. A la phrase prononcée d’Angelo, presque plaidante, Luca se mordilla la lèvre. Il se mit à réfléchir à toutes vitesses, cherchant ce qui pouvait l’apaiser. Il se retourna sur le costume qu’il avait posé sur la table, Luca l’observant faire.

– Je… il commença, s’arrêtant juste après, pour ensuite continuer avec un léger sourire : Ce sera juste pour une heure ou deux. Histoire de patrouiller un peu. Je t’enverrai un message toutes les dix minutes, s’il le faut.

Encore une fois, il attrapa doucement son bras, puis remonta vers son épaule, le basculant délicatement vers lui.

– Tu t’inquiètes trop pour moi, Angelo. Je suis toujours revenu en un seul morceau, ce sera pareil là. J’irai même nous acheter de la glace sur le chemin du retour.

De plus, il ne pouvait pas ignorer le règlement de comptes qui était supposé se passer près de chez eux. Si tout se passait bien, car Luca en était persuadé, ça allait durer même moins d’une heure. Il serait de retour pour une bonne soirée avec Angelo et pour une nuit de sommeil qui, espérons-le, sera normale – l’insomnie avait tendance à le guetter. Avant de partir, il s’arrêta brusquement, reprenant son air sérieux habituel.

– Oublie pas de bien fermer les fenêtres.

Puis, il revint, déposant un bisou rapide sur sa joue, avant de rapidement fuir de la pièce pour éviter la discussion. Il partit à nouveau dans son bureau pour prendre son vieux masque et le mit, il portait déjà des vêtements pratiques. Paranoïaque à l’idée qu’on sache que c’est lui, il sortit par la fenêtre, la verrouillant bien au passage et s’en alla.


Son corps valsa contre le mur d’une brutalité sans nom, un cri de douleur s’échappa de ses lèvres ensanglantées, il eut l’impression que chacun de ses os était brisé. Il évita de justesse un coup porté par le dernier homme encore debout, se relevant avec difficultés. Sa cheville était probablement tordue. Il avait clairement une côte cassée et son haut était imbibé de sang, deux coups de couteaux avaient été récemment portés sur sa peau. Avec un effort surhumain, il assomma enfin le mafieux russe. Ce n’était pas un simple règlement de comptes entre idiots, c’était un deal entre des russes. Il s’était vraiment foutu dans la merde, avait-il songé. Luca prit une grande inspiration, se rendant compte qu’il avait énormément de mal pour respirer et s’éloigna de la ruelle pour être sûr d’être en sécurité. Boitant, il se rattrapait aux murs qu’il voyait, crachant de temps en temps du liquide pourpre. Une fois qu’il était sûr d’être loin, il se laissa tomber contre un endroit, attrapant son téléphone en tremblotant. Il le porta à son oreille, remarquant qu’il voyait double.

– Angelo… avait-il réussi à dire entre deux souffles. Je vais pas pouvoir…  te chercher de la glace…

Sa réponse te fait tiquer alors que tu lèves les yeux au ciel. Bien sûr qu’il allait te répondre ça, comme toujours. Mais tu t’acharnais pourtant à lui poser encore et encore les mêmes questions à chaque fois. Alors que tu savais parfaitement que ce serait toujours les mêmes réponses. Tu poses juste ton regard sur lui avant de soupirer discrètement. Tu n’arriverais pas à le faire changer d’avis, du moins pas ce soir. Mais tu tentas quand même, lui faisant comprendre que tu n’as pas vraiment envie de le savoir dans les rues alors qu’il n’a pas son costume et qu’il a, sûrement, juste son masque comme protection pour cacher son identité. Et tu souris malgré toi, notant de lui faire promettre cela un jour, alors que tu lui tourne le dos pour commencer à repérer les endroits à réparer en urgence. « Je te veux de retour dans deux heures sinon je viendrais te chercher Lu. » Et tu le laisses faire, te tournant légèrement pour l’observer alors que tu lèves de nouveau les yeux vers le ciel. Tu aimerais bien le voir si vous échangiez vos places, il serait sûrement le premier à s’inquiéter si tu venais à arpenter les rues en pleine nuit à la recherche de personnes à sauver. « Hm… je te fais confiance. »

Pourtant tu avais tout de même ce mauvais pressentiment dont tu n’arrivais pas à te débarrasser. Et tu l’observes s’éloigner doucement, croisant les bras en attendant une remarque que tu connais aussi par cœur maintenant. Tu souris lorsqu’il dépose un baiser sur ta joue avant de le laisser partir. « Oublie pas que j’aime la glace aux cookies ! » Attendant quelques minutes qu’il soit parti, tu préparas tout le matériel nécessaire pour s’occuper du costume. Une fois cela fait, tu fis le tour de l’appartement pour t’assurer que les fenêtres étaient bien fermées. Plus pour rassurer inconsciemment ton ami que pour toi. Mais tu le faisais. Tu revins rapidement dans ton atelier, y trouvant Queen qui s’amusait avec une pelote de laine que tu lui avais mise de côté. Jetant rapidement un coup d’œil à sa gamelle, tu allas lui chercher rapidement ses croquettes avant de te mettre à travailler sur le costume. Tu savais bien qu’il faudrait sûrement en refaire un dans les jours à venir donc tu préférais faire les réparations pour qu’il puisse tenir le temps que tu récupères tous les matériaux nécessaires pour le faire.

L’heure passa rapidement alors que tu venais de finir de raccommoder le vêtement. Jetant un coup d’œil à ton téléphone, tu fronças les sourcils en voyant que tu n’avais aucune nouvelle de Luca. Un soupir et une caresse pour Queen plus tard, tu quittas ton atelier pour aller t’installer dans la chambre de ton ami. Plus le temps passait et plus ton mauvais pressentiment s’intensifiait, comme pour te faire comprendre que quelque chose n’allait pas. La chatte venant se poser sur tes genoux, réclamant des caresses, tu récupéras rapidement ton ordi qui se trouvait sur le sol près du lit. Quelques clics et recherches plus tard, tu cherchas si des événements en cours avaient été repérés. Mais, bien sûr, il n’y avait jamais des personnes curieuses quand il le faut alors tu reposas l’ordi à sa place et t’installa au fond du lit. Tu avais dit que tu attendrais deux heures avant de partir à sa recherche donc tu devais encore attendre. Alors tu te perdis dans tes pensées, jouant inconsciemment avec tes bracelets alors que ton regard ne quittait pas la fenêtre.

C’est ton téléphone qui vint te sortir de tes pensées, décrochant rapidement pour entendre la voix de Luca. Et tu grimaças, sachant ce que ça voulait dire. « Bouges surtout pas, j’arrive. » Ton téléphone te donna rapidement l’endroit, à quelques mètres près, où il se trouvait. Et tu te félicitas d’avoir installé cette application dans son dos, te permettant de le retrouver en cas de problèmes. Enfilant rapidement ta veste et tes chaussures, tu allas rapidement chercher une sacoche où tu avais rangé de quoi faire les premiers secours. Heureusement, il n’était pas bien loin de chez vous alors tu ne pris pas plus d’une dizaine de minutes pour le rejoindre. Et tu te laissas tomber à ses côtés, observant rapidement les blessures que tu pouvais voir. « T’inquiète, je gère hein ? Je vais finir par ne plus te croire. » Ta voix froide, sèche, tu camouflais ton inquiétude alors que tu examinais son visage en premier avant de t’intéresser au reste des blessures. Rien de tout cela n’était beau mais tu avais, tristement, l’habitude de gérer ce genre de blessures chez lui. « J’imagine que t’es pas en état de marcher, du moins pas tout seul ? » Mais tu n’attendis même pas de réponses, l’aidant à se relever avant de faire en sorte qu’il s’appuie sur toi. Le trajet jusqu’à l’appartement se fit lentement mais tu faisais attention, n’ayant pas envie qu’il s’évanouisse parce que tu le forçais à aller trop vite. Et, enfin, vous passèrent la porte d’entrée et tu le conduisis jusqu’au canapé où tu l’aidas à s’asseoir.

Luca s’en voulait plus de ne pas avoir pu acheter la glace aux cookies pour Angelo plutôt que d’avoir été inconscient – à vrai dire il l’était tout le temps. Le sang s’écoulait à une vitesse inquiétante et se relever était devenu mission impossible, faire de grands mouvements lui procurait trop de douleurs. Sa main tentait vainement d’empêcher une hémorragie, ce n’était pas une blessure fatale, mais ça restait tout de même assez profond pour transformer son t-shirt en lac rouge. Angelo le voulait de retour deux heures plus tard… il avait clairement dépassé la limite, tout ça parce qu’il ne s’était pas attendu à se battre face à des colosses russes. Le dernier s’était probablement réveillé et s’il lui restait de la force, il était sûrement à ses trousses. Pourquoi n’avait-il pas pris son arme ? Luca s’insulta en italien, tapant son poing contre le sol. Lorsqu’il appela son ami, sa voix l’apaisa et il fut soulagé de savoir qu’il arrivait. Même s’il risquait certainement de recevoir un long discours moralisateur, il préparait déjà des phrases pour les contrecarrer. Ce fut dix minutes plus tard qu’il entendit des pas frénétiques arriver, par réflexe il tenta de se redresser pour voir qui c’était, mais le visage d’Angelo lui parvint. Luca s’affala à nouveau, content. Son ami s’abaissa et bien évidemment, il lui envoya une pique froide. L’italien perdit son sourire, levant les yeux au ciel.

– Fallait bien que ça arrive un jour, maugréa-t-il.

Il se laissa examiner, Angelo était devenu doué en tant qu’infirmier attitré. Sa peau chaude contre son visage gelé lui fit un bien immense, et vint la question difficile. Se lever. Il grogna comme réponse, frustré. Bouger de là où il était, même accompagné de son ami, était une des choses les plus dures qu’il dut accomplir. Ses jambes tremblotaient et il essayait difficilement de s’accrocher sur Angelo sans être un poids mort. Il ne put empêcher un semi-cri de douleur.

– Putain de-

Le trajet vers la maison était… catastrophique. Il fallait éviter le regard des autres – chose ratée – tandis qu’Angelo faisait de son mieux pour le porter sans aller trop vite. Mais la douleur le poussait à demander des pauses de temps en temps, parfois incapable de marcher sans s’arrêter. Une fois arrivés, Angelo le déposa sur le canapé et un gémissement de bien-être s’échappa des lèvres de Luca, qui lâcha une multitude impressionnante d’insultes dans sa langue natale. Il pressa ses doigts contre ses yeux fermés, tentant bien que mal de rester éveillé. Pour éviter de laisser tout faire à Angelo, car il se sentait déjà bien trop mal de le faire faire ce genre de choses, il enleva difficilement son haut. Il jeta un coup d’œil vers son abdomen, transpercé par le couteau. Les côtes et la cheville ne lui importaient pas tant que ça, ça pouvait guérir seul. Les mains et le visage ensanglanté, il avait l’air d’un psychopathe comme ça.

Il releva son regard vers Angelo, l’air désolé. Il tendit la main, comme s’il attendait qu’Angelo lui tende les soins.

– Je peux me soigner tout seul, je t’ai fait sortir de la maison alors que c’est dangereux.

Il releva son regard vers les fenêtres et essaya de se lever tout en disant :

– T’as bien verrouillé t- putain ça fait mal !

Tu le savais, tu l’avais senti. Mais tu l’avais laissé te convaincre que tout irait bien, qu’il serait revenu rapidement après avoir juste fait un tour dans le quartier pour sauver quelques personnes qui se faisaient malheureusement attaquer. Et tu l’avais laissé s’en aller alors que tout te faisait penser que ce ne serait pas comme les autres soirs. Et tu avais raison puisque tu venais de le rejoindre, le découvrant blesser. Et tu laissas ton inquiétude de côté, montrant juste ton agacement alors que tu l’examines. « Si je m’inquiète trop, toi tu ne t’inquiètes pas assez. » Tu te moquais royalement de l’agacer ou de l’énerver avec tes mots, ses blessures étant ta principale préoccupation pour le moment. Puis tu auras tout le temps que tu veux pour lui faire comprendre qu’il doit cesser d’être si sûr de lui et si inconscient lorsqu’il sort la nuit. Mais tu perds rapidement ce côté froid lorsque, alors que tu l’aides à se mettre debout, il exprime sa douleur. Et tu grimaces quelques secondes, l’observant avant de soupirer. « Appuie-toi sur moi, on n’est pas loin de l’appart donc ça ira. »

Et vous n’étiez vraiment pas loin de votre logement mais le trajet de retour fut beaucoup plus long que l’aller, vous arrêtant quand il ne pouvait plus avancer à cause de la douleur. Inconsciemment, tu fusillais du regard les passants qui osaient poser trop longtemps leur regard sur vous, sur lui. Mais tu étais beaucoup plus concentré sur ton ami que sur les autres. L’immeuble apparut enfin devant tes yeux alors que tu poussais un soupir de soulagement, rassuré d’être enfin arrivé pour pouvoir le soigner rapidement. Et tu le déposas sur le canapé, te débarrassant de ta veste pendant que tu l’entendais sortir des mots dans sa langue natale. Levant les yeux au ciel, tu devinais aisément la nature de ses propos alors que tu secouais légèrement la tête. Attrapant ta sacoche, tu te tournas vers lui avant de te figer quelques secondes en fronçant les sourcils devant sa main tendue et l’absence de t-shirt. « Si je n’avais pas voulu sortir, je ne serais pas venu déjà. Ensuite, tu ne crois quand même pas que je vais te laisser soigner cette blessure tout seul ? Je suis persuadé qu’il va falloir recoudre donc n’y pense même pas. »

Et tu t’approches de lui, t’accroupissant pour être à la hauteur de sa blessure pendant que tu soupires en le voyant tenter de relever. Tu le forças doucement à rester dans le canapé, une main se posant sur son genoux pendant que tu fouillais ta sacoche de l’autre. « Oui je suis sûr de bien avoir verrouillé les fenêtres. Maintenant, cesse de bouger Lu. » Tes yeux se posèrent sur sa blessure alors qu’une grimace prenait place sur ton visage, les personnes avec qui il s’était battu ne l’avait pas loupé pour le coup. Mais c’était loin de dépasser tes compétences, il faudrait juste bien désinfecter et recoudre cette blessure. Ce serait une cicatrice de plus pour ton ami. Ton regard remonta rapidement jusqu’à celui de Luca, prenant à peine le temps d’observer son torse, alors que tu fronçais les sourcils. « Raconte-moi ce qu’il s’est passé pendant que je te soigne, ça occupera ton esprit et te maintiendra éveillé. » Tu t’écartas, attrapant compresses et produit désinfectant avant de commencer à nettoyer la blessure pour mieux voir avant de commencer à la soigner.

La culpabilité le rongeait, tandis qu’ils se dirigeaient vers l’appartement. Angelo s’inquiétait trop, c’était un fait. Luca s’était toujours senti mal quant à ce fait, mais les rares fois où il avait essayé d’arrêter d’être un justicier avaient été trop dures. C’était devenu une addiction, plus il sortait pour sauver les gens, plus il en demandait. Comme s’il aimait avoir la vie dure au quotidien. Il se demandait aussi comment Angelo avait pu le retrouver. Aucune adresse lui avait été transmise, il avait lâché le téléphone juste après lui avoir prévenu qu’il était dans un sale état. Gardant la question dans le coin de sa tête, la réservant pour le bon moment, il fut soulagé de voir que personne n’était dans l’ascenseur en même temps qu’eux. Le trajet vers le canapé fut le dernier supplice et l’italien observa son ami retirer sa veste. La douleur le forçait à prendre des respirations plus lentes, chose difficile. Son ami paraissait… agacé. Frustré ? Non, mais il n’était clairement pas content, c’était compréhensible. Ça faisait quand même mal de le voir comme ça, lui qui était habitué à son côté joueur et blagueur. Alors, pour se morfondre encore plus dans son coin, Luca tendit sa main pour attraper les premiers soins, avant qu’Angelo ne lui rétorque de bons points. Il est vrai que coudre n’était pas du tout ce qu’il savait faire… Luca soupira et le laissa s’accroupir près de lui.

– Oui mais… il s’arrêta, maugréant : OK, OK.

Buté qu’il était, Luca tenta tout de même de se relever pour vérifier les fenêtres, une obsession qu’il avait depuis que des voleurs avaient essayé de cambrioler leurs voisins. Cependant, Angelo était heureusement raisonnable et le repoussa doucement, tandis qu’il fouilla dans son petit sac. Il en profita pour l’ordonner de ne pas bouger, ce que fit Lu en râlant un peu.

– On sait jamais, répondit-il tout de même pour avoir le dernier mot.

Il vit sa grimace face à la blessure et la culpabilité revint de plein fouet. Angelo lui demanda ce qui s’était passé, avant de nettoyer sa blessure : Luca se figea, une brûlure parcourant l’endroit où il avait été charcuté.

– Je… il ajouta, moins hésitant : Je me suis trompé. C’était pas juste un règlement de comptes entre gangs, mais un deal entre des mafieux qui s’est mal passé. Ils étaient trop nombreux pour moi, mais j’ai quand même voulu tenter ma chance.

Il n’ajouta pas qu’il n’aurait pas dû, malgré qu’il se sentît coupable, il restait le fier italien qu’il était. Incapable d’avouer sa faute, il préférait dévier ses phrases pour que ce soit moins grave. Soudainement moins sûr de lui, il toussota avant d’avouer :

– Je crois que le dernier que j’ai eu vagabonde encore près de chez nous… je l’ai pas assez assommé.

Luca hésita à s’excuser, redoutant une énième pique de son ami. Il préféra se taire et tenta de changer de sujet :

– Tu t’es pas trop ennuyé ?

« Ne cherche pas Lulu, t’auras pas le dernier mot sur ça. » Malgré toi, tu souris doucement en sachant qu’il chercherait de toute façon à l’avoir sur un sujet dès qu’il en verra l’occasion. Sauf que tu reprends rapidement une moue sérieuse, ne voulant pas qu’il puisse croire qu’il s’en sortira si facilement. Et tu levas les yeux au ciel devant son inquiétude exagérée alors que, au fond, il devait très bien savoir que tu avais bien fermé les fenêtres et qu’il n’y avait aucun risque. Puis, même si vous étiez en danger, il y avait sûrement assez d’armes ici pour pouvoir vous défendre en cas d’attaque ou d’un simple cambriolage. Alors tu lui fis une pichenette sur le front avant de soupirer. « Je t’ai dit que tu n’auras pas le dernier mot alors n’essaye pas. Puis, fais moi confiance, les fenêtres sont toujours très bien fermées juste pour te rassurer. Inquiète-toi plutôt de tes blessures au lieu de t’inquiéter de ça. »

Et tu l’écoutas sagement, t’appliquant à nettoyer la blessure, pendant qu’il te racontait ce sur quoi il était tombé lorsqu’il était parti ce soir. Fronçant les sourcils, tu ne réagis pas tout de suite, tu préférais préparer une paire de gant et le matériel pour recoudra sa blessure. Mais tes yeux vinrent à la rencontre des siens, lui faisant très bien comprendre que tu désapprouvais tout ça. « T’es un idiot parfois Lu, le pire des idiots. T’aurais fait quoi si je n’avais pas répondu ? Tu serais mort dans cette fucking rue ! » Et tu cachas rapidement ton regard, te tournant pour fouiller dans ta sacoche à la recherche d’un briquet pour chauffer ton aiguille. Et tu revins vers lui, ton regard retombant directement sur la blessure alors que tu appliquas rapidement de nouveau du désinfectant. « Ça va piquer. »

Et tu fis attention en recousant la plaie de ton ami, haussant les épaules face à sa question. « A peine voyons. J’ai travaillé sur ton costume pendant une heure avant de squatter ta chambre en attendant ton retour. Et en me demandant pourquoi tu ne revenais pas. Mais, en dehors de ça, non je ne me suis pas ennuyé. » Tu terminas rapidement, te remerciant d’avoir appris à coudre pour ton métier, avant de chercher après un pansement assez grand pour l’appliquer en protection. Et tu te relevas avant de mettre une claque derrière la tête de Luca. « La prochaine fois que je te dis de ne pas sortir, écoute-moi. Et n’imagine même pas que tu pourras ressortir à la recherche de ces mafieux avant plusieurs jours. »

Luca s’apprêta à lui répondre quelque chose, têtu qu’il était, mais sa bouche se referma face à la moue d’Angelo. Il ne put s’empêcher de souffler, agacé envers lui-même de le voir comme ça. Peut-être que son inquiétude envers les fenêtres était un poil abusif, mais il avait ses raisons ! Des voleurs à Manhattan, il y en avait des tonnes. Ça ne voulait pas dire qu’ils étaient dans un quartier considéré comme « bon » qu’ils étaient forcément en sécurité. Angelo lui fit la morale, avant de commencer à le soigner.

– Je suis pas sur le point de mourir alors ça va, maugréa-t-il d’une voix basse.

Luca expliqua brièvement sa rencontre brutale avec les russes, grimaçant légèrement lorsqu’il se rappela du coup porté dans ses côtes. A force de recevoir des coups à cet endroit, il était habitué, mais ça prenait tout de même du temps pour guérir. L’italien tenta vainement d’éviter le regard sérieux de son ami. Ce dernier le traita des « pires des idiots » et au moment où Luca voulut rétorquer qu’il ne l’était pas, il écouta le reste, irrité.

– J’aurais appelé l’ambulance, tu crois vraiment que je serais resté là à attendre de mourir ? rétorqua-t-il avant de soupirer.

« Ça va piquer » la partie qu’il aimait le moins. Le désinfectant le poussa à sortir une de ces autres insultes en italien, sa main se serrant sur l’accoudoir. C’était bien la seule chose à laquelle il n’arrivait pas à s’habituer. L’aiguille se faufila dans sa peau tandis que son ami lui « expliquait » sa soirée. Bien sûr qu’il n’arrivait pas à dévier le sujet aussi facilement, l’homme avec qui il partageait cet appartement était le pro des piques. Luca toussota, ne sachant que dire au début.

– … c’est très chouette tout ça.

Le pansement vint sur sa blessure et un soupir de soulagement s’échappa de ses lèvres. Il n’osa pas se lever, sachant pertinemment qu’Angelo serait prêt à le repousser dans le canapé. Luca lâcha un « hey » lorsqu’il reçut une claque derrière la tête et maugréa tandis qu’il écoutait son ami lui faire à nouveau la morale.

– De toute façon j’ai pas envie de rouvrir la plaie, grommela-t-il.

Bien sûr, il nia la première partie. Le voyant relevé, Luca en profita pour l’attraper et l’attirer vers lui, sans trop de brusquerie. Il le regarda avec un léger sourire, mettant sa main sur son bras.

– Je vais bien, vraiment.

Il ajouta, fier :

– Ils étaient pas si bons, ils étaient juste nombreux c’est tout.

Tu hausses les sourcils alors que tu relèves ton regard vers le sien, cherchant à savoir s’il était vraiment sérieux en disant ça ou s’il cherchait juste à t’énerver un peu plus. Mais, dans tous les cas, il avait tout de même réussi à t’énerver un peu plus alors tu soupiras. « Non ça ne va pas, non ! » Mais tu ne dis rien de plus, te concentrant sur sa blessure pour éviter de criser tout de suite. Tu en aurais bien le temps après, sa blessure était plus importante que tes états d’âme après tout. Mais tu roule des yeux face à sa réplique, secouant légèrement la tête en te demandant comment tu faisais pour gérer un homme aussi têtu. Mais il faut croire que tu y arrivais vu le nombre d’années passées ensemble au compteur. « Et tu leur aurais expliqué tes blessures comment ? Parce qu’ils auraient bien vu que cela n’était pas une simple agression. » Toujours avoir le dernier mot, hein ? Tu détestais cette manie alors que tu l’avais aussi. Tu lui expliquas rapidement ce que tu avais fait en son absence, l’ironie se faisant sentir sans aucune hésitation dans ta voix. Tu étais peut-être dur avec lui mais tu savais que c’était ce qu’il fallait. « On n’a pas la même définition de chouette alors Lu. A part si tu parles du fait que ton costume est réparé et que tu n’as pas intérêt à ressortir sans la prochaine fois ? Là peut-être qu’on peut considérer ça comme chouette. »

Finissant de t’occuper de sa blessure, tu torturas ta lèvre inférieure pour empêcher à une énième remarque de quitter tes lèvres. Mais tu souriais discrètement, sachant qu’il n’avait pas du tout apprécier la claque que tu venais de lui mettre. Tu le laisses t’attirer vers lui, fronçant légèrement les sourcils alors que tu hoches la tête doucement. « Ce n’est pas une raison pour te croire plus fort que le reste du monde Lu. La chance ne sera pas toujours de ton côté. » Tu commences à te calmer doucement sauf que, comme souvent, il rajoute de l’huile sur le feu. Alors tu viens lui remettre une seconde tape derrière la tête, fronçant les sourcils. « Bons ou pas, nombreux ou pas, c’est toi que j’ai récupéré dans cet état donc ne te vante pas ! » Et tu t’éloignes de lui en marmonnant des insultes envers son fichu caractère, emportant tout ce que tu as utilisé pour soit le jeter soit le désinfecter. Tu savais très bien que tu n’arriverais jamais à lui faire refuser à ce qu’il fait une fois la nuit venue mais tu voulais quand même éviter de le récupérer dans des états qui sont de pires en pires. Tu avais déjà vu assez de blessures graves sur son corps pour savoir qu’il ne renoncerait quand même pas. Revenant vers lui, tu te poses à ses côtés sans rien dire alors que tu tentes de retenir la moindre remarque qui pourrait venir l’agacer. Mais tu ne peux t’en empêcher alors tu tournes ton regard vers lui, ta moue agacée toujours présente. « Je te l’avais dit qu’un jour ça finirait mal »

« Non ça ne va pas, non ! » Luca se maudissait. Quoi qu’il dise, il avait l’impression qu’il le faisait mal. Ce n’était pas sa faute. Il était juste… trop impulsif, peut-être. Les filtres n’existaient pas dans son esprit de feu. Il se demandait encore comment il avait pu réussir le test psychologique pour entrer au FBI, on lui avait juste prévenu de faire attention à ses petits problèmes de colère. Pour éviter d’envenimer les choses, Luca essaya de le rassurer en disant qu’il aurait appelé l’ambulance. Mauvaise idée. Angelo rétorqua encore, visiblement frustré par les réponses que lui donnait l’italien.

– On est à Manhattan, tout peut arriver, grommela-t-il d’une voix basse en espérant que son ami ne l’entende pas.

Comme un enfant incriminé, Luca essaya de dévier la conversation sur autre chose, mais Angelo semblait décidé à l’enguirlander pour la soirée. Calme à cause de ses blessures, Luca sut que ça ne tarderait pas à exploser à un moment donné. Son ami était inquiet, il le comprenait. Mais il avait aussi l’habitude du danger, il le frôlait tous les jours.

– Bordel, Angelo, je suis pas un enfant, répliqua-t-il, frustré.

Voulant vraiment éviter une énième dispute sur le même sujet depuis des années, Luca attrapa Angelo pour le placer à ses côtés. Il avait besoin de lui. De le sentir. Pas de s’engueuler avec. Il le savait, ça, qu’il n’était pas le plus fort. Sa vie n’était pas une saga de superhéros, il en bavait, il se prenait des coups. En pensant calmer le jeu, il lui avoua qu’ils étaient plus nombreux que bons. Angelo s’énerva, avant de s’éloigner, laissant un Luca irrité. Ce dernier passa une main dans ses cheveux, comme un tic lorsqu’il sentait la pression monter. Content de le voir revenir près de lui, il ne l’afficha cependant pas, l’écoutant dire un « told you so ». Si sa moue lui faisait d’habitude craquer, la fatigue et l’agacement le poussa à plutôt répondre, essayant de le convaincre :

– Mais je vais bien ! On a pas besoin de se disputer à chaque fois pour ça.

Cette fois, ce fut au tour de Luca de se lever, ne pouvant rester assis aussi longtemps. Bien sûr, ce ne fut pas une mince affaire, sa cheville étant un peu tordue, ses cotes – probablement – cassées et la plaie près de l’abdomen n’arrangeaient rien. Mais Luca était habitué. Ce dernier ouvrit le comptoir à alcools pour en sortir une bouteille et deux verres, au moins il pouvait se calmer. Il déversa le contenu dans les deux verres et en tendit un à Angelo.

– Je sais me mettre debout seul, tu vois ? Tu es rassuré ?

Tu avais l’impression de passer d’une émotion à l’autre, jonglant entre l’inquiète, le soulagement et l’agacement, voire la colère quand il répliquait face à tes paroles. Tu devrais y être habitué pourtant à force de vivre avec lui. Mais il faut croire qu’il y a certaines choses auxquelles on ne s’habitue vraiment jamais. Comme le fait qu’il mette sa vie en danger régulièrement la nuit, même si ce n’est pas mieux avec son boulot. Ton inquiétude grandissant un peu plus à chaque fois pourtant tu ne la montre que très rarement, préférant faire croire que tout va bien et que tu as confiance en ses capacités. Ce qui n’est pas totalement faux à vrai dire. Tu as une confiance totale en lui. C’est juste en les autres que tu n’as pas confiance, beaucoup utilisent la ruse pour gagner un combat et tu ne voudrais pas qu’il se fasse tuer à cause d’un ennemi usant de ce genre de « tricheries » pour le vaincre. Tu ne répliques même pas face à sa réponse, sachant déjà d’avance qu’il ne voudra pas entendre raison. Et, alors que tu te décides enfin à te calmer après avoir dit presque tout ce que tu avais à dire, il revient à la charge. « Justement Luca, tu n’es plus un enfant ! Tu devrais être responsable et faire attention à ta vie au lieu de la risquer la nuit ! Merde, t’as t’en envie que ça de côtoyer la mort ? Ton boulot ne te suffit pas assez ?! »

Mais tu te calmes presque instantanément lorsqu’il t’attire à ses côtés mais c’est plus fort que toi, plus fort que vous. Tu sais déjà que tout sera oublié d’ici demain matin, que tu lui auras pardonné son inconscience. Et tu t’éloignes de lui, allant ranger ou jeter tout ce que tu as utilisé avant de revenir à ses côtés. Tu pourrais mettre un terme à cette dispute qui n’as même pas lieu d’être sauf que tu ne serais pas toi si tu ne venais pas lui lancer une pique juste pour l’agacer. Tu hausses les épaules les épaules, soupirant avant le regarder. « On ne se disputerait pas si tu m’écoutais plus souvent Luca, je dis ça, je dis rien. » Et tu fronces les sourcils, te levant en même temps que lui alors que tu t’inquiètes pour lui, ne l’empêchant pas pour autant de se lever alors que tu le suis. Tu le jugeas du regard, croisant les bras après avoir déposé le verre sur un meuble. « Oh mais de rien mon cœur, j’adore te soigner et j’adore encore plus tes remerciements. » Sarcastique à souhait, tu affiches une moue boudeuse, reprenant le verre avant de reprendre place dans le divan. « Fais ce que tu veux, je m’en moque. Mais ne viens pas te plaindre si la blessure se rouvre ou si tu te casses la cheville. »

Angelo marquait des points. Côtoyer la mort chaque semaine pour sauver des gens qui n’en avaient probablement rien à faire de lui (et qui étaient peut-être eux-mêmes des raclures), ce n’était pas responsable. Ça, il l’avait toujours su. Mais pour une raison qui lui était inconnue, quelque chose le poussait à aller dehors pour protéger les plus faibles. Son ami subissait ses escapades, parfois sans rien dire, mais de temps en temps ça finissait par des disputes. Luca avait peur qu’il l’abandonne un jour, qu’il lui dise « stop ». Ça le rongeait.

– Je sais tout ça, répondit-il, un peu frustré. Mais… ces gens-là, ils n’ont personne d’autre, Angelo.

Il tenta de calmer le jeu, l’amenant près de lui, avant qu’il ne reparte. Bien sûr, si tout semblait s’apaiser pendant quelques secondes, le ton haussa de plus belle. C’était toujours comme ça avec eux. Se disputer, se câliner, se redisputer, dormir et oublier le lendemain. Incapable de rester sur place, Luca se leva vers la cuisine, cherchant de quoi boire. Il attrapa une bouteille et en versa dans deux verres, relevant son regard vers Angelo.

– Et si tu m’écoutais- il soupira. Laisse tomber.

Il sut que la phrase allait faire tiquer Angelo et ne préféra pas la continuer, buvant quelques gorgées. Ce que répondit le brun le figea et transforma son expression faciale. Au début frustré, il devint gêné. Il se mordilla un peu la lèvre, ne sachant que dire et l’observant retourner dans le divan en râlant.

– Désolé. Je… euh…

Après un petit temps d’hésitation, il ajouta :

– Merci, Angelo.

Il déposa son verre vide dans l’évier et se dirigea vers la chambre, mais avant il s’arrêta et se tourna vers Angelo, prenant un petit air de chien battu.

– Je vais aller dormir…

La petite pause à la fin de sa phrase signifiait qu’il avait envie qu’il le rejoigne. Dormir seul après une dispute allait tout simplement le démoraliser et il se sentait déjà assez mal de ne pas l’avoir remercié comme il le faisait habituellement. Luca attendit un instant près de sa porte et entra à l’intérieur, se laissant presque tomber dans son lit. Une fois bien mis, malgré la douleur que ça lui procurait, il attendait sagement qu’Angelo le rejoigne.

Tu culpabilises un peu face à sa réponse, pensant à ces pauvres personnes qu’il sauvait en agissant si dangereusement. Et aux vies qu’il avait sauvé en mettant la sienne en danger, en revenant souvent blessé. Sauf que tu ne pouvais t’empêcher de t’inquiéter pour lui, d’imaginer les pires scénarios lorsqu’il prenait du temps pour revenir. Ta pire crainte serait qu’on vienne te dire qu’il a perdu la vie en voulant sauver celle de quelqu’un d’autre. C’est peut-être égoïste, tu en as bien conscience, mais tu ne voudrais pas le perdre de cette façon. Alors tu soupires doucement, baissant les yeux en torturant ta lèvre inférieure. « Sauf que tu n’en sais rien Luca. Puis, pense à la douleur de tes proches si tu venais à ne pas revenir un soir ! A ma douleur… » Et tu t’éloignas avant de revenir. Pour au final devoir retourner dans la cuisine puisque monsieur n’en fait qu’à sa tête et décide d’y aller malgré les douleurs. Et tu balances une nouvelle fois ta frustration, et aussi ta tristesse, en lui rappelant qu’il ne t’a même pas remercié. Et, bordel, qu’est-ce que tu détestes ces moments où vous vous disputez pour tout et rien alors que vous pourriez juste être blottis l’un contre l’autre comme d’habitude.

Tu pars dans le canapé, ronchonnant contre le caractère trempé de ton ami alors qu’il reste dans la cuisine. Tu t’énervais peut-être pour rien à ses yeux mais c’était vraiment important pour toi. Tu avais passé près de la moitié de ta vie avec lui à tes côtés donc tu ne pouvais pas t’imaginer une vie sans lui. Cette année sans lui te l’avais assez prouvé. Sa voix vient te sortir de tes pensées alors que tu bascules légèrement la tête pour le regarder, acceptant son remerciement d’un hochement de tête avant de te replacer dans le divan pour lui montrer que tu le boudais toujours. Tu relèves à peine quand il annonce qu’il va dormir, te concentrant tout de même sur ce petit de flottement qui signifiait beaucoup. Sauf que tu voulais le faire patienter un peu, lui faire comprendre que tu ne pouvais pas toujours lui pardonner tout facilement. Même si la dispute sera déjà oubliée d’ici demain matin. Alors tu attends quelques minutes, jouant avec ton téléphone en silence avant de te lever et d’entrer dans sa chambre, une petite moue sur le visage. Tu imaginais sans problème la douleur qu’il devait ressentir alors tu t’approchas en douceur, retirant rapidement tes vêtements avant de venir t’allonger contre lui. Tu fis attention de ne pas toucher sa blessure ou ses côtes alors que ta tête venait se loger contre son cou. « Ne pense pas que je t’ai pardonné, tu restes tout de même un idiot. » Mais un idiot que tu aimes malgré toi alors tu te colles un peu plus contre lui, l’une de tes mains allant chercher l’une des siennes.

Le silence qu’il y eut après ce que venait de dire Angelo était un peu lourd. Il avait raison, en réalité c’était souvent Luca qui avait tort dans les disputes – mais encore fallait-il qu’il l’admette. Joan lui avait dit la même chose, avant de partir. L’italien baissa les yeux, évitant de penser à ça. Luca songea à quelque chose d’horrible : est-ce que son ami allait lui en vouloir s’il venait à mourir en sauvant des gens ? Ne sachant que répondre, parce qu’il n’avait pas d’arguments aussi forts que les siens, il le regarda s’asseoir dans le canapé et râler. Luca préféra ne pas prolonger la dispute, par peur de dire des choses blessantes et prévint son ami qu’il allait dormir. Il tenta de voir s’il allait le rejoindre, mais en le voyant ne pas bouger, il s’engouffra dans sa chambre. Luca ferma la porte derrière lui et soupira, avant de s’allonger sans se faire trop mal. Il n’aimait pas dormir sur le dos, mais étant donné que ses côtes lui faisaient trop mal…

Alors, il attendit. Et attendit. Luca attrapa son téléphone pour faire passer le temps, il n’arrivait jamais à dormir seul. La porte se rouvrit et Luca essaya de ne pas paraître trop heureux lorsqu’il aperçut Angelo s’approcher de lui. Il le laissa venir près de lui, son bras l’entourant automatiquement. Le sentant se loger près de son cou, Luca fut immédiatement apaisé et ses doigts, sans qu’il se rende compte, glissèrent distraitement sur la peau d’Angelo. Ce dernier maugréa, le traitant d’idiot, ce qui fit doucement rire l’italien.

– Je t’aime aussi.

Content de sentir sa main dans la sienne, Luca ferma les yeux. La fatigue s’installa brutalement, le berça et sa respiration se stabilisa. Tout ça grâce à Angelo, si ce dernier n’était pas venu, il aurait passé une sale nuit à tourner et se retourner sans pouvoir trouver le sommeil.

Il rejoignit rapidement les bras de Morphée.