Assis à l’arrière de la voiture, ton cinquième coup de fil terminé, tu fermes enfin les yeux et appuie ta tête contre ton siège. Une grande inspiration et tu serres les poings, pour tout relâcher, tenter de faire le vide dans ton esprit. Le travail n’est jamais véritablement terminé quand tu joues à la fois le rôle de papa, conseiller et gérant d’une bande d’adulte créatif. Ce qui explique que tu prends rarement ta propre voiture, pas quand tu es en ville. New York est une amante exigeante et parcourir ses courbes demande trop d’attention pour quelqu’un comme toi. Quelqu’un qui travaille perpétuellement, ton téléphone te gardant en contact avec tout le monde. Non, tu laisses plutôt ton chauffeur te promener partout et maintenant que ton dernier rendez-vous de la journée est terminé, que tu dois remettre ta visite à Edward au lendemain, c’est en direction du café suggéré par April, que vous vous dirigez. Pour elle que tu cherches à faire le vide, pour n’être qu’avec elle, une fois le pas de la porte foulée.

Et les yeux fermés, tu songes à vos derniers échanges. Pas ceux sur son site de webcam, non hier tu à tout juste osé la saluer, conscient de ne pas y être le bienvenu. Un état qui ne risque toutefois pas de changer, parce que tu as osé l’interdit : tu l’as touché, tu l’as embrassé, tu l’as consommé et tu en as redemandé. Avant de lui avouer la vérité, parce que de toute manière, elle l’aurait découvert bien assez tôt. Une petite recherche google et ton nom mène tout droit à ton ancienne carrière, ainsi que tout ce qu’elle comporte. Jane, les enfants et Lou. Ton succès et tes erreurs, ton accident. Pas de mauvaise surprise pour April, sauf d’apprendre que tu es toujours marié et que tu n’as jamais su la quitter. Jane, qui aujourd’hui refuse de signer et qui tarde à te libérer, des excuses éparpillées jusque dans les cheveux de vos enfants. Ce serait tellement plus simple si elle se contentait de les utiliser pour t’atteindre, si tu ne savais pas qu’elle a raison et que toute cette situation, c’est bel et bien trop pour eux. Alors tu soupires, te passes une main sur le visage et souris un peu quand Alban s’excuse du trafic, comme si c’était de sa faute. C’est un brave type, ton chauffeur.

Puis vous y êtes et si l’homme promet de ne pas trainer très loin, tu lui assures que tout va bien. Il peut même prendre sa soirée, un taxi fera l’affaire pour te ramener. C’est donc seul que tu t’enfonces dans le café, l’estomac noué et ton téléphone enfoncé dans la poche de ton blouson. Le regard qui cherche la fameuse tête nuageuse de la belle. April qui achève de se redresser et qui sourit, un peu nerveuse. Une expression que tu t’en veux de lui inspirer cette fois, parce que ce n’est pas par coquetterie qu’elle s’inquiète, mais parce que tu n’es pas ce qu’elle espérait. Plus entièrement. Tu la rejoins donc en quelques enjambés, soulagé de la voir pour ta part. « Bonsoir, j’espère que tu n’attends pas depuis trop longtemps… » Non pas que tu sois en retard, mais sait-on jamais. Ses lèvres t’effleurent la joue et tu tournes bien le visage, mais elle file avant que tu puisses l’atteindre. Un nouveau soupir sur les lèvres, tu gagnes le siège en face du sien. Une fois assis, tu te permets de la détailler du regard, d’admirer les cheveux décolorés et le pull jaune. April qui se prend pour le printemps, journée d’été contre laquelle tu aimerais t’allonger et ne plus rien faire, sinon profiter de sa chaleur.

C’est elle qui pose la première question, probablement parce que tu tardes trop à le faire. Pourtant, c’est mieux ainsi, mieux si elle est celle en contrôle. Si tu t’es montré prudent avec elle, lors de votre première rencontre, tu l’es doublement ce soir. Jericho, conscient de ses fautes, comme un manteau dont tu ne sais plus te débarrasser. « Ça peut aller, j’ai un de mes gars à l’hôpital mais les visites sont terminées donc j’irais demain. Et puis, son état est stable donc, au pire ils vont m’appeler… enfin, pas de boulot en privé, désolé. Et toi, comment vas-tu ? » Et cette fois, tu lui offres un petit sourire encourageant. Y’a même ton regard qui réclame, qu’elle te parle, qu’elle t’offre un peu de son temps. Un peu de sa confiance.

Tu te sens tendue, mais pouvais-tu réellement simplement blâmer Jericho de cette situation? Non, évidemment pas. Ta vie n'était pas prête à l'accueillir, le recevoir de nouveau. Bordel ambiant en trame de fond sans cesse, ta vie est bien loin d'être assez rangée pour que tu parviennes à faire le ménage dans ton esprit et savoir quoi faire de ces informations, de cet homme qui revient dans ton entourage. Tu ne comptes pas lui fermer la porte au nez, l'enfermer à double-tour loin de toi. Ce n'est pas ton intention, tu ne le détestes pas. Tu ne sais simplement pas où te placer face à tout ça. Parce que l'espace d'une nuit, tu as été une maitresse, qu'importe ce qu'il te dit. Il ne t'a peut-être jamais vue comme tel, mais tu l'as bel et bien été. Le temps de consommer cette attirance, de pouvoir mettre les doigts et lèvres sur ce qui aura été longuement tenu à l'écart par ces écrans, ces pixels. Tu t'es mal sentie quand tu l'as appris finalement. Quand il a décidé d'être honnête. La fierté de se taper une camgirl et désormais la crainte qu'il revienne pour une soirée avant de nouveau disparaître pendant des mois.

Une fleur apparue au pire moment. C'est ça qu'est Jericho présentement. Une confusion magnifique qui s'amène alors que tu es au plus fragile. Toi pourtant si forte, si indépendante en temps normale. Désormais, te voilà là devant le géant avec tes coupures que tu n'avais pas quand vous vous êtes vus.  Avec ce coeur brisé que tu n'avais pas quand vous avez partagés un moment intime. Pas le bon moment, mais tu n'es pas certaine qu'il y en ait un bon quelque part pour vous rapprocher de nouveau, pour mettre enfin cartes sur table. Tu ne sais pas entièrement à quoi t'attendre. Il t'a vaguement expliqué cette histoire de divorce, mais tu ne sais pas quand il arrivera, ni même si le vent ne risque pas de tourner pour au final ne pas avoir lieu et resté marier. Ça pourrait n'être qu'une excuse alors que pourtant, après deux ans à discuter bien que dans l'anonymat, quelque chose te dit que ce n'est pas ça. Tu ne lui en veux pas, pourtant. Du moins, tu ne lui en veux plus. Tout dépend, dans la finalité, de comment ce soir allait tourner et ce qu'il allait dire en guise d'explications. Parce que ce soir, contrairement à il y a quelques mois, c'est une femme trompée qui se tient devant lui. Qui pose ses lèvres à sa joue et se défile avant même qu'il ne puisse rendre le geste. La douceur de sa joue est telle que tu te souviens, son odeur également. Et déjà, le coeur s'emballe malencontreusement. Malgré que tu ne veuilles pas. « Non, du tout, je viens à peine d'arriver, t'en fais pas. » Tu le rassures doucement et t'installe, fais signe au serveur qui tarde un peu à se présenter à votre table parce qu'il est occupé, sans doute. Ça te permet de poser une question afin de t'informer, démarrer quelque part.

Une légère moue inquiète s'amène à tes lèvres quand il te parle de l'un des gars à l'hôpital et tes pensées se dirigent vers Edward par automatisme. Tu es bien loin de te douter que vous parlez de la même personne. « Je compatis, un ami y est aussi. Il y avait trop de gens, j'étais au boulot, je comptais attendre un peu avant de passer. » Le sourire tente encore une fois d'être rassurant, compatissant face à la situation. Le serveur s'amène finalement et tu commandes à boire, latte sans sucre et un scone framboises et citron. Tu laisses le sportif commander, le serveur quitter puis tu ramènes tes iris vers lui. Le regard l'observe un petit instant, le détaille. Il n'a pas changé depuis ces derniers mois, toujours ces même yeux perçants. Et ce petit sourire que tu as perçu, juste avant que le serveur n'arrive. Ce regard qui parle pour lui, qui supplie silencieusement, presque. Tu soupires doucement, souriant à ton tour, finement. « Ça va. Enfin, la situation est... compliquée. Plusieurs choses en même temps qui ne semblent pas réellement vouloir prendre fin, si on veut. Mais ça va, ça finira par passer. » Tu te mordilles l'intérieur de la joue quelques secondes, hésitante à parler de nouveau, à laisser les mots te quitter. Sauf que tu ne parviens pas réellement à les retenir. « Je suis désolée si j'ai paru... froide ou quoi que ce soit par sms. C'est juste tombé au mauvais moment, ce n'était pas réellement contre toi. » Tu te mordilles un peu la lèvre cette fois, puis secoue brièvement la tête. « Enfin, on est pas là pour tout ça. Tu voulais m'expliquer des choses, tu voulais que je t'écoute... » Tes doigts jouent distraitement ensemble ou avec le bord de ta manche, tandis que tu pinces les lèvres pour cesser de parler. Tu ne veux pas trop t'étaler, tu n'es pas là pour lui raconter ta peine de coeur, tes mauvaises passes. Tu ne veux pas te retrouver à lui raconter que tu aurais pu être toi aussi à l'hôpital si tu n'avais pas eu l'intelligence parmi les brumes de l'alcool de contacter Luca pour qu'il vienne t'aider. Non, vous êtes là pour qu'il t'explique sa situation et que toi, tu l'écoutes sans le juger. Et c'est ce que tu comptais faire.

Le serveur envolé, t’ayant contenté de commander un café crème et une part de tarte, tu te concentres entièrement sur April. Cherche à comprendre ce qui a changé chez elle et pas seulement par ta faute. Oui, tu t’es clairement emballée lors de votre première rencontre en chair et en os, surtout en chaire, oui. Mais tu n’avais aucune intention de reprendre tes anciens jeux avec elle. April n’est pas Lou et toi non plus, tu n’es plus celui qui s’est amusé à tromper Jane des mois durant. Tu n’es plus le joueur de baseball, tu n’es plus qu’un autre gardien de grand enfant. Mais elle aussi, n’est plus la même d’il y a quelques mois. Pourquoi ? Comment ? Difficile à dire, puisque vous n’avez pas échangé depuis, que tu t’es même interdit de visiter son site. April comme un interdit, seulement ça a assez duré. Il est temps que vous parliez, que tu la récupères, parce que tout compte fait, trois mois sans elle, c’est déjà trop. Et elle, le ressent-elle aussi ? Ton absence l’a-t-elle marqué ? Aussi immature ou injuste que ce soit, tu l’espères un peu. Beaucoup.

Pourquoi est-ce que lui parles d’Edward d’ailleurs ? Parce que tu t’inquiètes pour lui, déjà, mais aussi par habitude. Parce que tu ne lui cache rien, à elle, depuis au moins un an. Elle ne connait pas ton métier, enfin connaissait parce qu’avec sa recherche google, elle doit dorénavant savoir, mais tu n’as jamais hésité à te confier. À lui parler, bien que ce soit sans offrir de prénom, de tout ce que tu traversais. Outre ta femme, Jane que tu lui as cachée. Une erreur, évidemment. De fait, lorsqu’elle t’avoue se trouver avec plusieurs feux à éteindre, tu ne peux pas t’empêcher de grimacer légèrement – conscient d’être l’une des catastrophes actuelles de sa vie, bien malgré toi. Tu n’es d’ailleurs pas très discret quant à ta réaction, parce que la voilà qui s’excuse et tu redresses une paume devant elle, presque gêné. « Oh non, je t’en prie, April. Tu n’as rien à te reprocher, pas après… ma situation. » Et elle à raison, vous n’êtes pas là pour ça. Pas pour qu’elle se perde en excuse et tu soupires un peu, avant d’être sauvé par le serveur. Tu le laisses déposer vos commandes respectives, puis incline la tête à son départ.

C’est ici que tout se joue, tu en es bien conscient et si tu sirotes une gorgée de café, c’est pour te calmer. Rassembler tes esprits, avant de reposer la tasse et de la regarder droit dans les yeux, si seulement elle accepte de croiser ton regard, bien sûr. « Je tiens d’abord à te répéter que je suis désolé. Pas que notre première rencontre se soit passé comme ça, mais plutôt de la déception que tu en as tiré. Je n’avais pas l’intention de te causer du tort, je… considérais seulement que Jane et moi, nous n’étions plus tenus d’être exclusifs. À vrai dire, comme je l’ai écrit hier, avec un terrible manque de tact de ma part, j’en conviens… nous ne sommes plus intime, elle et moi. » Aussi étrange que puisse sembler la chose. Puis, tes doigts récupèrent l’anse de ta tasse et tu cherches la suite dans les reflets sombres du breuvage. Les sourcils froncés, tu te racles la gorge et continue ton explication. « Depuis la naissance de Maddie, il n’y a plus eu de rapprochement physique. Je pourrais te raconter que c’est un manque de temps ou qu’elle ne me plait plus, seulement ça n’a rien à voir. Ce ne sont pas les enfants qui ont abimés notre couple, ni abîmé mon affection pour elle d’ailleurs, j’ai énormément de respect pour Jane mais… je ne l’aime plus. » Et parfois, tu te dis que c’est une bien triste réalité. Comment peut-on créer trois enfants ensemble et ne pas s’aimer ? T’aimerais le savoir.

En attendant, tu te passes une main dans les cheveux et redresse les yeux sur elle. Inquiet de sa réaction, craignant son avis. Tu connais ton rôle dans la situation actuelle, tu es l’infidèle – à jamais, n’est-ce pas ? Pourtant, ce n’est pas ton intention. « Très franchement avec toi, j’ai toujours adoré Jane mais… je ne sais pas si je l’ai réellement aimer. Je sais que c’est terrible à dire, j’en suis conscient mais… elle est tombée enceinte au même moment où j’entrais chez les pros. Je ne pouvais pas l’abandonner, ni Annah. Puis tout s’est enchainé… » tes mains gesticulent doucement dans les airs et tu soupires, te calant contre ton dossier. Un peu épuisé, par le passé, par tout ce que tu as perdus, tout ce que tu as imposés et blessés chez Jane. Du regret plein les yeux, tu trouves ta fourchette du bout des doigts et te met à séparer lentement ta pointe de tarte. « Mon mariage n’a jamais été plus qu’un bonus à mon contrat… oui, nous avons eu des enfants et je ne les regrettes pas. Je les aime tellement, tu ne peux pas savoir, mais… c’était accidentel ou pour me racheter, pour la remercier. Des tentatives, en quelque sorte, pour nous maintenir ensemble ? Enfin, c’est tordu dit ainsi, mais c’est ce que le thérapeute croit aussi. » Cette fois, tu te tais, le temps de soulever un bout de tarte – celle que tu viens de disséquer, sans le réaliser, pour nourrir Maddie. Réalisation qui suffit à t’arracher un sourire en coin. « Je t’assure que le divorce est pour bientôt, Jane est même d’accord. Nous attendons pour les enfants… et puis, il a été question qu’elle me rejoigne ici. C’est… compliqué actuellement, mais nous espérons parvenir à leur offrir un semblant de stabilité en ville, avant de pouvoir nous séparé définitivement. Tu comprends ? » Pourvu que oui…

L'esprit se tord à travers dans les réflexions. Tu tentes de faire le vide et simplement te concentrer sur l'instant présent. Pourtant, il y a tellement de choses autour de toi. La pensée t'effleure un instant. Et si on te voit avec lui, cette fois? Si la Radio met la main sur vous deux? Tu as été épinglée par celle-ci, mise de l'avant et tu sais que sans doute certains observent tes faits et gestes d'une quelconque façon. D'abord au Macumba avec Wyatt, puis en train d'embrasser Sejin, désormais avec un ancien joueur des Yankees... Et si on pensait que tu t'amuses à fréquenter des stars? Ce serait si faux, pourtant. Puis l'esprit dérive vers ton apparence. Tu n'as pas réellement changé, pas physiquement du moins. Tes cheveux sont les mêmes, tu n'as pas soudainement le ventre d'une femme enceinte ou autres idioties pouvant sauter aux yeux d'un changement flagrant. Mais toi, tu en as conscience de ces marques à tes poignets. Tu ne parviens pas à les oublier et tiens à tout prix à les cacher. Que penserait-il? Lui qui semblait te trouver si parfaite cette nuit-là. Tu as peur de briser un mirage. Vous avez passé, pendant ces deux années, à vous confier toujours un peu plus à l'autre. Malgré ça, tu as cette crainte de ne pas être la personne parfaite qu'il semblait croire voir il y a de cela trois mois. Trompée, larguée, mutilée. Loin de là l'image de séduction que tu pouvais transmettre il y a de cela à peine trois mois. Tu t'excuses quasi aussitôt. Pire encore, tu le vois grimacer quand tu expliques que tu gères diverses situations. Comme si d'un seul coup, il comprenait être parmi celles-ci. Il te dit de n'avoir rien à te reprocher et tes lèvres se tirent légèrement. « Tu es juste revenu dans un moment compliqué, mais tu n'y peux rien. Tu ne pouvais pas savoir. » Tu ris brièvement avant de souffler un peu pour mieux admettre, après avoir remercié le serveur ayant apporté vos commandes. « Je suis contente que tu m'aies recontactée. Sincèrement. »

Tes doigts s'amènent à ton scone que tu t'occupes de couper en deux. Demie dont tu attrapes pour mieux en casser la morceau d'une bouchée, la glissant entre tes lippes tandis que tu attends qu'il se mette à parler. Tu ressens pourtant son regard vers toi lorsqu'il dépose la tasse et c'est automatique, tes yeux se relèvent vers lui pour mieux le regarder, mieux l'écouter, attentive. Tu manges lentement, incrustant au mieux ses paroles dans ton esprit. Malgré toi, tu cherches des signes de mensonge quelque part. Des preuves qu'il pourrait ne pas te dire la vérité. Déformation professionnelle, peut-être. Ou tu en as simplement marre de te faire mentir sans cesse comme l'aura fait Wyatt sur... probablement toute votre relation en fait. Chaque fois que le bonheur s'installait, un mensonge faisait surface entre le mariage, l'enfant, la tromperie, le chantage de Sofia. Toujours un problème de plus. Sauf que cette fois, rien. Il ne semble pas mentir et tu parviens même à laisser un faible rire te quitter lorsqu'il parle du manque de tact, tandis que tu te rappelles de ses paroles assez crues de la veille. « Je ne savais pas. » Tu commences d'abord lorsqu'il prend pause, te replaçant un peu distraitement sur ta chaise. « Pour l'histoire d'exclusivité, je veux dire. » Un court soupire, époussetant délicatement tes mains de poussière de scone pour ne pas en mettre partout, pour mieux attraper la chaleur de ton latte entre tes mains, agrippant doucement la tasse pour l'approcher de toi. « Je ne regrette pas cette soirée - nuit, non plus. Difficile de regretter ou même d'oublier ça. » Tu admets, petit sourire en coin alors que tu détaches tes iris des siens pour regarder la mousse blanchâtre dans ta tasse. « Je crois bien que, sans mentir, ça a probablement été ma meilleure fois avec... quiconque, en fait. » Et tu enfouis l'aveu en prenant une gorgée du latte, osant redresser la tête ensuite. « Je regrette juste d'avoir été... "l'autre femme". Sans le savoir, du moins. J'ai plutôt eu l'impression que c'était juste pour... tirer ton coup. » Tu pinces les lèvres, haussant une épaule puis tu soupires un rire, levant les yeux au ciel. « Je sais que je n'ai pas non plus laissé grand place à des explications. Peut-être que ça ne se serait pas terminé de la même façon si je t'avais laissé un peu plus parler comme on le fait maintenant. » Et il y a le sourire désolé qui se note sur tes lèvres avant de reprendre à boire, calant ton dos au dossier de ta chaise, tasse en main après avoir cassé un autre morceau de scone à manger.

Tu l'écoutes attentivement de nouveau, l'index tapotant sans trop réaliser contre la tasse, dans le silence. « Ça ferait du sens, ce que la thérapeute pense. Ce n'est jamais facile non plus de simplement quitter une relation quand il y a des enfants dans l'équation, j'imagine. Ils deviennent la priorité et les sentiments sont mis de côté, pour mieux subvenir à leurs besoins. » Tu soupires doucement, tentant de tout assimiler les informations. Tu le laisses parler jusqu'à la toute fin, le regard posé sur lui, dans ses yeux clairs, les sourcils légèrement froncés sous la concentration. Une main tenant l'anse de ta tasse, tu coinces l'arrête de ton nez entre deux doigts, fermant les paupières, geste d'une seconde à peine avant que tu prennes une lente inspiration, passant tes doigts libres contre ta nuque, puis hoche un peu la tête. Si tu comprends..? « Je comprend. » Autant ne pas causer davantage de temps d'attente et briser le silence que tu as déjà fait un peu perdurer. Une autre gorgée de latte puis ta langue récupère la goutte de café rebelle restée contre la commissure de tes lèvres. « Je comprend que tu ne l'aimes plus, que tu veux tout arrêter, la divorcer, qu'il n'y a plus aucune intimité. Que les enfants jouent dans la situation, aussi. Mais est-ce que... Est-ce qu'elle savait, quand on s'est vus? Que les sentiments n'étaient plus là, tout ça? Ou bien c'est récent et tu as agis dans son dos..? » La voix est douce, sans reproche malgré les paroles. Ce n'est pas le cas, de toute façon. Ce n'est pas fait pour en être non plus. Tu veux simplement savoir. « Pour avant, il n'y avait pas eu de contact. J'ai l'habitude d'hommes qui passent parce qu'ils ne sont pas heureux avec leur femme, leur petite amie, tout ça... J'en fais abstraction. Je veux juste savoir pour lorsqu'on s'est vus, toi et moi. » Le pouce caresse distraitement le dessus de l'anse, déposant finalement la tasse contre la table de nouveau, gardant tes mains contre, toujours. Tu préfères le lui dire, lui préciser. Tu veux simplement savoir la vérité, comprendre ce que vous avez pu causer en passant une nuit de folie. Parce qu'il y avait une des deux options qui était plus facile à accepter que la seconde. Alors tu attends, patiente, prenant un autre morceau de ton scone.

Elle est contente, qu’elle dit et tu t’y accroches. Essaie de t’en convaincre, alors que très franchement, vu la situation, c’est loin d’être gagné d’avance. Seulement, elle écoute, elle te donne le droit de t’expliquer et de tout lui exposer. Ça n’a rien de joli ou de confortable, mais au moins elle sait. Que tu n’es pas venu à elle pour l’utiliser, au contraire. Heureusement, elle se montre tout aussi honnête que toi, t’assurant qu’elle ne regrette pas la nuit partagée – celle qui te hante encore les pensées. Son corps que tu revisites dans ton esprit, encore et encore. Celui dont le souvenir suffit à te faire t’humecter les lèvres – bien que ce ne soit ni le moment, ni le lieu. Couché, Jericho – tu te contentes donc de te racler la gorge, un petit sourire en coin. Faussement modeste ou désintéressé, pas assez pour le dissimuler – pourquoi le ferais-tu, de toute manière ? « En effet, si tu m’avais laissé t’expliquer, tu aurais compris que tu n’étais pas seulement un coup, ni l’autre femme. Que tu es simplement LA femme avec qui je voulais être… avec qui je me sentais bien. Enfin… » tu n’en as pas terminé et tu termines ton exposé. Puis, c’est sur la tarte que tu te rabats, avalant lentement chaque bouchée. Lui laissant le temps de te répondre et de digérer tes aveux.

April semble comprendre ta situation et c’est un véritable soulagement. Celui qui suffit à t’arracher un soupir et à sourire, des miettes de tarte au coin de la bouche. « Tu ne réalises pas à quel point ça fait du bien de t’entendre dire ça… » même si elle fronce les sourcils, même si elle n’est pas convaincu. Mais au fond, tu n’en espérais pas tant, hein. Puis elle se pince l’arrête du nez avant de faire glisser ses doigts contre sa nuque et c’est là que tu prends notes du pansement sur son poignet. Celui que la manche jaune découvre brièvement, aussi blanc que sa tignasse. Mauvais signe ça, parce que l’inquiétude se faufile sous ta peau et que l’envie de trouver sa main, d’exposer le poignet, te démange. Tu aimerais lui demander ce qui lui est arrivé, si elle va bien – quand bien même elle disait que oui au début de votre rencontre – seulement elle te relance sur le sujet actuel. Or, un détour en direction de son poignet ne ferait qu’éveiller des soupçons sans intérêt. Alors tu redresses les yeux sur les siens et acquiesce sous sa question. « C’est une bonne question et je dirais que… oui. Enfin, oui et non, en réalité. Jane est une femme intelligente et elle savait déjà que ça n’allait pas. Nous en avions parlé et comme je t’ai dit, il n’y avait plus d’intimité entre nous. Mais est-ce qu’elle savait que je te rencontrais, ce soir-là ? Non… » Et elle aurait peut-être dû. Ça aurait été plus délicat de ta part, mieux aviser. Qu’importe sa réaction, de toute manière, puisque tu ne comptais pas changer d’avis.

Tu soupires à nouveau, approche ta tasse et fixe son poignet blessé. Celui qu’elle tente de dissimuler. « Elle sait, maintenant. Elle sait aussi que je comptais te revoir, que j’attendais que tu puisses passer outre. Ou du moins, être apte à m’écouter. Après, je ne veux pas la diaboliser, je l’ai bien assez longtemps fait… » et elle ne le mérite pas. Pas vraiment. Au final, vous n’étiez que des enfants de base, de ceux ne sachant pas quand cesser de jouer à la dinette. Et maintenant que le sujet est clos – c’est ton avis, du moins – tu te permets de glisser ta main près de la sienne. De t’en emparer presque gentiment, puis de la retourner. « Et ça, qu’est-ce que c’est ? Tu t’es blessé au travail ? » Parce que outre la cam, tu ne sais pas ce qu’elle fait, mais que tu t’inquiètes. « C’est profond, April ? … » Et comme elle ne te regarde plus en face, tu soupires et presse doucement ton pouce contre le creux de sa paume. « Est-ce que tu as vu un médecin ? »

Tu ne regrettes pas cette rencontre. Pas encore, pas maintenant. Tu ne sais pas ce qui va en découler, si tu vas t'énerver face à un mauvais aveu qui va éclater soudainement. Tu ne sais rien de tout ça, sincèrement. Mais pour l'instant, tu ne regrettes pas. Tu préfères être assise là et avoir des réponses, des explications. Par-dessus tout, tu préfères être assise là à l'écouter que de te prendre la tête de nouveau avec Wyatt. Il y a cette langue à ses lèvres que tu ne parviens pas à ignorer, qui fait rater un battement de coeur et te tire un sourire en retour. Parce que tu te doutes à quoi il pense. Et ce n'est certainement pas l'une de ces soirées sur caméra, tu le sais bien. Il y a cette satisfaction sur son visage, qui tente de faire croire que les paroles ne lui font rien alors que c'est tout l'inverse. Ce raclement de gorge, tu percutes pourtant les paroles, bloquant sur l'accentuation. "La" femme. Tu ne veux pas analyser, ce n'est pas le moment. Tu n'as pas le coeur, l'esprit, placé pour ça, pour te mettre à te faire des idées. Tout ce qui compte, c'est qu'il ne t'a pas vu comme un coup d'un soir. Qu'il voulait bel et bien que ça arrive, sans avoir l'intention de disparaître soudainement par la suite. Le sourire flotte légèrement sur tes lèvres et tu n'ajoutes rien, ne dis rien. Pas avant de commenter la suite, du moins.

Tu comprends. Bien sûr que tu comprends. C'est toi. Tu es la personne compréhensive, trop grand coeur pour réellement détester quelqu'un à moins que l'on t'ait fait réellement du mal. Et même encore, tu n'es pas certaine de parvenir à réellement détester quelqu'un à ce point. Il soupire de soulagement et ça te rassure un peu que les paroles soient suffisantes. Sauf que cette fois, c'est à ton tour de poser des questions parce qu'il y a des incompréhensions derrière tout ça. Tu n'es pas certaine de tout assimiler en entier, de tout comprendre, les sourcils froncés par tes réflexions. Alors tu demandes la première chose qui te vient en tête. La première question qui te brûle les lèvres. Tu inspires doucement, lentement. Non, elle ne savait pas. Elle ne savait pas qu'il était parti la tromper, ce soir-là. Tes lèvres se pincent un peu. Tu te sens mal pour elle, qu'importe que le couple était en déclin. Elle savait que ça n'allait pas, mais ne savait pas qu'il l'a trompé de nouveau. Pas avant que ce soit fait, du moins. « Pourquoi ne lui avoir rien dit, si tu croyais que vous n'étiez pas tenus d'être exclusifs..? » Question qui ne fait peut-être pas de sens, mais c'est la seule qui te traverse l'esprit sur le coup. Peut-être pour t'assurer qu'il n'y a bel et bien pas de mensonge derrière. Trop de coups bas, trop de mensonges et faits cachés en peu de temps. Tu dois t'assurer que tout tient la route et tes traits persistent à l'observer, analyser, fouiller la moindre chose pouvant te montrer qu'il ment. Plutôt, tu le vois surtout observer ton poignet, lequel tu persistes à cacher de nouveau un peu mieux.

« Pourquoi tu tenais à me revoir..? Pour que l'on soit des amants? Des... amis avec bénéfices? Apprendre à se connaître tout simplement? » Parce que loin de toi l'idée qu'il pourrait y avoir plus, qu'il penserait à plus, sur l'immédiat. Peut-être que c'est parce que tu as tout le reste autour de toi qui t'empêche de le visualiser, que le coeur saigne trop encore pour te permettre une image aussi claire. Tu ne sais pas comment il arrive à te voir, outre cette luxure derrière la caméra. Outre quelqu'un avec qui batifoler. La question se pose pourtant sans jugement, simplement curieuse, tentant de savoir les raisons. Si ça te semblait clair jadis, lorsque vous vous êtes vus la première fois, le fait d'être de nouveau face à face t'amène à être confuse, un peu. Sauf que tu n'as pas le temps de pousser davantage tes réflexions. Ton coeur s'arrête soudainement alors qu'il prend prise sur ton poignet, ta main, la retourne avec délicatesse pour mieux questionner.

Ton regard l'évite, c'est plus fort que toi. Le coeur bat plus rapidement, plus fortement dans ta poitrine. Peut-être que tu aurais dû mettre autre chose à ton poignet ou alors rien du tout pour l'éviter de voir. Peut-être que tu aurais dû mettre un chandail qui ne bouge pas, mieux collé à tes bras pour éviter de dévoiler le pansement blanc à ton poignet. Tu délaisses un « Merde... » Tout bas, murmuré, marmonné, à peine audible en réalité. Les mots bloquent, se coincent à ta gorge, incapables de se percuter jusqu'à ta langue. Jusqu'à ce qu'il presse son pouce à ta paume, ramenant le clair de tes iris dans les siens. « Je- Non, je n'ai pas vu de médecin. Mais c'est rien de grave, t'en fais pas- Je- je me suis juste bêtement coupée au travail. » Tu te sens mal de lui mentir, la voix un peu tremblante, mais que pouvais-tu réellement lui dire? Que tu t'es mutilée à cause de ton ex, complètement bourrée pendant qu'il était en train de te tromper? Non. Tu ne veux rien dire. Pas encore. Pas à une deuxième rencontre malgré ces deux années de conversation. Ta main libre, ta dextre, s'amène à la sienne afin de se glisser contre le pouce puis vers son poignet, le serrant tendrement. Ton autre se bouge et tente de se défaire de la prise pour mieux serrer ta main entre les tiennes. Sa main si grande, tu as l'impression que les tiennes se perdent dessus alors que ce n'est pas même le cas. « Ce n'est rien de grave, ne t'inquiète pas, d'accord..? »

Celui qui a un jour dit que faute avouée était déjà à moitié pardonné, n’a pas clairement pas compris le concept de l’adultère. Et qu’importe si le couple est toujours vivant ou se meurs à petit feu, parce que l’adultère reste une faute. Celle dont tu portes le poids depuis longtemps – probablement trop, tant et si bien qu’elle ne te dérange plus autant qu’auparavant. Et si quelque part tu as conscience que ton comportement est mal, tu peines à faire mieux. Probablement parce que tu es coincé, quoi que tu fasses, quoi que tu puisses dire. Au final, tu as appris à endosser le manteau de la faute, t’y réchauffe même. Quand bien même c’est injuste pour Jane – après tout, elle sait ce qui t’habites et ce qu’elle t’inspire. Le divorce n’est pas un caprice de ta part, c’est la seule voie possible. Aussi, ta réponse à sa question, ce fameux pourquoi face à ta femme, s’accompagne d’une grande inspiration. « Parce que j’en ai assez des conflits, des cris et des reproches… et qu’outre les enfants, c’est tout ce qu’il nous reste. » Une réponse encore trop vague et pourtant réelle, de celle qui te pousses à te frotter le visage, le regard rivé sur son poignet. « Et que chaque fois que je tente d’aborder un sujet difficile avec elle, Jane à ce talent terrible de savoir le détourner. De nous entrainer vers autre chose : les enfants, sa famille, un nouveau design, bref… Même lorsque j’ai l’intention de parler clairement avec elle, c’est compliqué. »

La deuxième question te pousses à la regarder droit dans les yeux. À chercher ce qu’elle croit, ce qu’elle espère. Seulement, la femme qui te fait face n’est plus la même que celle que tu as entrainé chez toi. Non, April à quelque chose de plus raide dans le corps. Vulnérable et pas à la fois, dur mais pas entièrement. La faute à sa blessure, peut-être ? Le sujet est brièvement abordé, mais ton vis-à-vis refuse de t’expliquer quoi que ce soit. Ce qui pique ta curiosité, évidemment. Si ce n’était rien de grave, rien d’étrange, elle se serait contentée de répondre sans grande attention. Or, April a hésité, elle a même juré tout bas et déjà tu fronces les sourcils et incline la tête sur la droite. « Visiblement, c’est plus que ça… » et si elle était avec toi, réellement avec toi, elle serait forcée de te dire la vérité. Tu l’exigerais, quitte à la renverser sur tes genoux pour lui rappeler ce qu’il advient des vilaines filles – oui bon, tu fantasmes toujours un peu quand elle est concernée, mais tout de même. Seulement, ce n’est pas le cas et tu te contentes de contracter la mâchoire en braquant le bleu de tes yeux sur elle. Légèrement déçu, inquiet surtout. « J’espère seulement que ce n’est pas quelqu’un qui t’as fait du mal. » Sur ce, tu retournes lentement ta main et laisse le bout de tes doigts l’effleurer à nouveau. Tant pis si le poignet blessé s’envole plus loin, tant qu’elle y laisse l’autre.

Puis, c’est à ton tour à nouveau. De t’exposer, les côtes grandes ouvertes et le ventre à l’air. « Tu veux savoir pourquoi je voulais te revoir, pourtant je croyais que c’était clair : j’ai besoin de toi, April. » Et ça, ce n’est pas un mensonge, ni une omission. Tu t’humectes les lèvres, sans jamais quitter son regard et fronces un peu plus les sourcils. « Je sais que notre rencontre était… particulière. Que ce genre de point de repère n’est probablement pas celui qu’on raconterait à nos familles respectives mais… ça n’en est pas moins vrai ? Pas pour moi, du moins ? » Oui la voilà, la nuance – la possible différence – entre vous. Bien que tu aies fais la rencontre de Diamond avant celle d’April, tu as senti la connexion. Elle est devenue bien plus qu’un lot de consolation. Ce n’est plus le corps sur lequel tu t’es mis à fantasmer, mais sur la personne, sa personnalité pour aphrodisiaque. Tu te penches légèrement sur la table, pour mieux la regarder, pour parler plus doucement encore – sans qu’elle en rate une seule miette. « Évidemment que je veux apprendre à te connaitre. Et c’est ce que je fais depuis un moment, April. Oui, j’ai commencé avec Diamond et ses restaurants préférés, mais c’est toi que j’ai déniché dessous. Si tu crois que je ne suis resté que pour ce que tu acceptais de retirer, tu te trompes… quand je t’ai proposé de te voir, en janvier, ce n’était pas pour seulement te baiser, April. » Le mot est d’autant plus cru, que tu le prononces avec douceur. C’est incongru et pourtant, tu laisses ton regard glisser contre l’arc de sa lèvre supérieure. « J’avais besoin de savoir si ce que je ressentais à chacune de nos conversations, surtout celles où tu ne te déshabillait pas, était possible. Si tu n’étais pas un simple joli mirage, une oasis magique. » Un joli rêve à caresser du regard, alors que tu te caressais à coup de main. Sauf que non, hein, Jericho. La femme que tu as rencontrée n’a pas su te décevoir, pas même lorsqu’elle s’est enfui. Parce que c’était assurément de ta faute, encore. Toujours.

Vous en avez vécus des choses, Jericho et toi. Il t'en a fait faire des trucs derrière la caméra et une réelle connexion s'était formée au travers de vos conversations nocturnes. Le seul problème est que voilà, tu ne le savais pas marié. Tu croyais que la femme était hors du portrait. C'est simple, après quasi deux années de conversations, tu croyais que si elle avait été encore présente, il en aurait parlé d'une façon ou d'une autre comme la plupart de tes clients sur ces sites de débauche. Sauf que non, rien n'est jamais venu à tes oreilles ou sous ton regard alors bien entendu, tu as cru que ce n'était qu'un mauvais coup. Que ce n'était que pour avoir une maitresse le temps d'une nuit, se vanter d'avoir pu mettre les mains et lèvres sur la camgirl à qui il aura demandé bons nombres d'actes. Mettre les fantasmes à réalité. Alors tu es partie, tu as claqué la porte après ces moments plein d'érotisme. Les souvenirs sont encore fréquents à ton esprit, malgré toi et c'est sans doute pire encore maintenant que tu as l'homme de nouveau en face de toi.

Tu te pinces les lèvres tandis que tu l'écoutes. Tandis que tu observes l'homme devant toi, visiblement malheureux de son mariage. Et tu veux lui pardonner, l'excuser de son geste. Pourtant, tu te sens coupable quelque part. Coupable d'avoir commis la même chose que Wyatt, bien qu'à l'inverse tu n'en étais pas consciente. Que tu ne savais pas qu'il était marié contrairement à ton ex et son ami qui tout deux savaient qu'ils étaient en couple chacun. « Je me doute bien que ce soit compliqué de discuter avec quelqu'un qui fait tout pour éviter le sujet... » Que tu soupires doucement, un vague ressenti sur tes conversations avec ton ex où il faisait tout pour éviter les sujets et s'enfoncer dans divers mensonges, encore et toujours. Puis tu laisses ton regard dériver, effleurer à peine, vers la blessure que tu t'efforces de cacher, te rappelant de sa cause, de tout ce qui s'est passé juste avant. « Je crois que je peux comprendre, aussi, pourquoi ne lui avoir rien dit ce soir-là... De ne pas avoir voulu la laisser dans l'angoisse de te savoir avec quelqu'un d'autre en sachant très bien comment tout ça risquait de tourner. Ça aurait été... lui faire du mal deux fois plutôt qu'une seule lorsqu'elle l'apprend, j'imagine. » Tes lèvres s'étirent légèrement, brièvement, sans réelle joie, plutôt vers la compassion. Parce que tu comprends, April. Parce que tu as passé la nuit à te faire du souci, te faire du mal, à l'idée que Wyatt soit en train de te tromper et on t'a arraché le pansement sur la plaie une seconde fois lorsqu'il a avoué qu'il avait bel et bien commis l'acte. Le coeur se serre une seconde à peine, les souvenirs encore trop frais et douloureux.

Tu jures lorsqu'il constate la blessure, qu'il relève l'information parce que visiblement, tu n'as pas fait attention en relevant le bras vers ton cou. Tu osais espérer qu'il ne le remarque pas, qu'il soit captivé par autre chose, mais à force de voir son regard qui y revient sans cesse, tu l'as bien compris. Et il semble déçu, Jeri'. Inquiet, peut-être aussi. Tu soupires doucement, presque tendrement alors que tu le laisses retourner sa main pour mieux t'effleurer de ses doigts. Et tu n'oses pas bouger, tu te laisses lentement ensorceler par la douceur de ses gestes. Tu secoues un peu la tête. « Non, ce n'est pas-... Ce n'est pas quelqu'un qui m'a fait ça. C'est juste... compliqué? Je n'ai pas envie d'en parler dans un lieu publique puis-... Ça gâcherait un peu les retrouvailles et je ne veux pas ça. » Tu avoues tout doucement, laissant le bout des doigts d'une main l'effleurer en retour.

C'est son tour de nouveau. De t'expliquer un peu plus et d'aller au coeur de cette conversation. Pourquoi revenir vers toi, finalement? Parce qu'il aurait très bien pu ne pas le faire. Il aurait très bien pu passer à autre chose quand tu as claqué la porte. Tu l'as vu disparaître de tes clients dans la salle de clavardage. Il ne s'est pas montré depuis un moment jusqu'à récemment. Jusqu'à ces sms soudains. Sauf que la réponse te surprend, te laisse hausser légèrement les sourcils alors que dans un certain sens, c'est évident. Au nombre de conversations que vous aurez eu, suivi de cette rencontre qui aura durée jusqu'au lendemain, ça te semble plausible. Ça te semble typique de l'homme devant toi. Pourtant, l'importance qu'il te donne te surprend encore et toujours. Ça te semble si irréel. Tu es peut-être narcissique sous certains angles, mais de là à te donner autant de valeur comme il le fait? Non. Tu as la bête impression qu'il confond Diamond et la réalité tandis que pourtant, il t'a vu jour et nuit, sous les deux portraits. Et comme toujours, sa phrase s'accompagne de cette langue qui humecte ses lèvres. Petit geste qui joue toujours sur ton envie, depuis cette rencontre. « Non, c'est- Enfin, bien sûr que c'était vrai. J'ai bel et bien apprécié nos conversations, nos moments... Notre rencontre, aussi, malgré la fin. Oui, certaines conversations étaient accentuées au début pour mieux plaire, vu les circonstances, mais la suite n'était pas pour autant fausse. » Tu souris doucement, bercée par son charme, ancrée dans cette conversation. « Je n'aurais pas accepté de te voir s'il n'y avait rien eu de vrai et je ne me serais pas insultée de la sorte si cette nuit n'avait pas eu d'impact sur moi. » La confession quitte finalement tes lèvres, tandis que tu déglutis lentement, discrètement, le regard fixé au sien. Il se rapproche et la voix est plus douce encore alors qu'il s'est penché vers toi, incapable de retenir ce regard tendre envers l'homme en face. Il sait peser ses mots, flatter l'égo. Il sait comment te faire plaisir par de simples paroles et un instant de vérité. Vérité qui est plus que la bienvenue en ces moments compliqués. Tu ne demandes que ça, après tout.

Incapable de lâcher son regard même lorsqu'il le défait du tien, tu le contemples. Par-dessus tout, tu pèses le pour et le contre de la situation. Tu réfléchis, tentes d'analyser. Tu cherches à voir si ce n'est pas qu'un autre tour de passe-passe pour t'amadouer et mieux te laisser ensuite. Parce que tu ne sais pas si tu sauras encaisser sur ce coup-là. Si tu sauras pardonner une fois de plus, aussi. Les doigts d'une main vient serrer tendrement la sienne et la seconde se glisse contre son avant-bras, dans une douce caresse tandis que tu inspires, comme si tu venais de prendre décision sur l'avenir de votre relation, situation. « Alors apprenons à nous connaitre, d'accord? Commençons avec ça. Commençons à apprendre à se connaitre face à face cette fois. » Ta main relâche l'emprise de la sienne, mais tu laisses l'autre effleurer pour atteindre les doigts lorsque tu reposes ton dos contre le dossier. Tu prends la tasse de ta main libre pour en prendre une gorgée. « Vérité ou vérité. On se pose toutes les questions que l'on veut, tout ce qui nous passe par la tête. Ça te dirais? » C'est ton tour de t'humecter brièvement les lèvres pour retirer la sensation de mousse de lait et de café qui y colle. « À toi de commencer, en guise de récompense pour avoir été honnête. » Et un sourire en coin se forme, tes doigts jouant distraitement avec les siens, laissant un morceau de scone se glisser entre tes lèvres.