Sayuri s'était inscrite sur Tinder, pas vraiment pour trouver l'amour, car de toute façon, elle n'avait absolument pas le temps de s'occuper de ce genre de choses, mais pour peut-être améliorer sa carrière, qui sait, elle pourrait peut-être entrer en contact avec des personnes influentes ? Elle avait matché plusieurs fois, mais avait vite arrêté les conversations en voyant qu'elle n'en tirerait rien. Mais l'autre soir, elle tomba sur Taïchi Sano, au début, elle n'avait pas vraiment compris qui il était, il avait bien choisi des photos de lui où on voyait mal son visage. Il était futé le japonais, mais ça avait intrigué la demoiselle. Elle avait continué de communiquer avec lui. Et elle avait fini par découvrir qui il était, c'était quelqu'un d'assez polyvalent, acteur, chanteur, présentateur, mannequin, Sayuri avait vraiment l'impression qu'il avait tout essayé. Mais le mieux dans tout ça, c'est qu'elle le connaissait d'avant. Quand elle était enfant et que sa mère l'inscrivait à tous les photoshoot qu'elle trouvait.

Elle avait même rencontré la mère de Taïchi qui était styliste et par la même occasion Taïchi, qui plus âgé qu'elle, aidait sa mère à garder un oeil sur elle quand ils étaient seuls et que sa mère était sortie chercher des vêtements. Sayuri avait essayé de voir s'il se rappelait d'elle, elle lui avait même partagé une photo d'elle quand elle avait cet âge là. Mais il ne semblait pas l'avoir reconnu. Ce qui l'arrangeait bien, enfant, elle était moins douée pour cacher son côté peste, elle n'était pas sûre qu'elle lui avait laissé une bonne impression à l'époque. Mais aujourd'hui, elle avait réussi à se dégotter un rendez-vous avec lui dans un café qu'elle connaissait bien. Toujours important de connaître le lieu où emmener ses proies, ainsi, il y a moins de variables inconnues. Elle espérait se rapprocher assez de Taïchi, non pas pour devenir sa petite copine, elle n'y voyait pas l'intérêt, mais pourquoi pas, qu'il l'aide à avoir un rôle à Disney Channel ou au moins lui permette d'y mettre un pied. Elle était curieuse de savoir ce qui ce cachait derrière les arc-en-ciels de Disney.

Elle se maquilla, coiffa et enfila une jolie robe assez sage, elle devait faire bonne impression et elle avait compris que Taïchi n'était pas du genre à sauter sur tout ce qui bougeait. Elle avait un peu étudié son cas sur internet, il était rarement dans les magasines people et on lui connaissait peu de relations amoureuses. Soit, il n'aimait pas s'afficher, soit il avait gardé ses habitudes d'idol et comptait rester "chaste" jusqu'à la fin de sa carrière. Elle n'était pas surprise, elle connaissait un peu le milieu du showbiz japonais et savait qu'ils pouvaient être très strictes à ce sujet.

Quand elle fut prête, elle donna une caresse à son chat et sortie de son appartement, un sac à main avec elle. Elle prit un taxi pour Manhattan jusqu'au petit café japonais qu'elle avait choisi. Ils faisaient également d'excellent sushis et ramens, si leur après-midi s'éternisait un peu trop. Elle paya son taxi et entra dans le café. Elle ne vit pas le japonais, elle était arrivée un peu plus tôt pour bien choisir leur emplacement et ainsi ne pas être dérangé. Elle se commanda un Matcha latte et s'installa à sa table. Elle prit en photo sa boisson qu'on venait de lui apporter une centaine de fois et après avoir choisi la photo qu'elle préférait, la posta dans sa story instagram. Elle prendra une seconde photo plus tard pour taguer le café, elle ne voulait pas que des followers viennent les déranger, elle la postera donc quand la journée sera terminée.

Elle scrolla son feed instagram en attendant l'arrivée de Taichi, elle vit que Sejin avait encore posté une photo de lui, ce gars postait tous les jours et spammait totalement sa page d'accueil. Elle posa son portable agacé de voir la tête du coréen. Elle entendit la clochette de la porte d'entrée du café, elle se tourna pour voir qui venait d'entrer.

Pourquoi est-ce qu’il s’était inscrit sur ce stupide site ? Beaucoup de raisons, et rien à la fois. On ne peut pas vraiment dire que la solitude lui soit pesante, au contraire. La liberté de ses faits et gestes lui est chère, et ce, depuis longtemps. Sans compter que ses dernières histoires ne lui ont laissé qu’un gout amer sur les lèvres, le poussant à éviter tous les rendez-vous qu’on pouvait tenter de lui coller dans les pattes. Et puis il y a sa mère. A l’autre bout de l’océan, au Japon, qui n’a de cesse que de le harceler sur les américaines et leurs dangers. Qu’il lui faut une bonne petite japonaise, qui lui fera de vrais et beaux enfants. Oui, visiblement, les enfants américains ne sont pas des vrais ? Il a bien du mal à tenir sa mère sur le sujet, si bien qu’il ne lui a jamais avoué que pratiquement toutes ses petites amies ont été américaine. Et dans le fond, il faut le reconnaître : Il espère se trouver une nippone pour plaire à maman. Il n’en donne pas l’impression aux premiers abords, mais Taïchi c’est avant tout un vrai fils à maman. Tout ce que maman veut, il ne peut le lui refuser. Et c’est réciproque. Quand il vient la voir, il y a toujours une cargaison de Gyozas qui l’attend sagement. S’il est la prunelle de la vie de sa mère, elle n’est pas loin de l’être aussi. Il lui est tellement reconnaissant d’être autant à ses petits soins. Son petit prince quoi. C’est un peu pour elle qu’il a rejoint le site Tinder. Il espère y dégoter une japonaise au gout de maman. Et comme par miracle, il en a trouvé une. Visiblement gentille, amusante, et dans le milieu du showbiz aussi. Elle comprendra son manque de temps. Il a discuté un petit peu avec elle, jusqu’à échanger des photos d’enfances, assez amusantes. Puis ils ont déterminé d’un rendez-vous, pour le samedi suivant. De quoi angoisser quelque peu le nippon, qui n’a pas fréquenté une fille depuis bien longtemps.

Ayant pratiquement vidé l’entièreté de sa penderie pour trouver quoi se mettre, telle une gonzesse avant un rendez-vous galant, il finit par soupirer devant le bazar qu’il a pu mettre dans sa chambre. Et le pire, c’est qu’il a toujours l’impression de ne rien avoir à se mettre. Vêtu d’un simple jean, il se laisse retomber dans la chaise de son bureau pour repasser la discussion de Sayuri sous ses yeux. Comme si quelque chose dans ses dires allait l’aider dans son choix de fringues. C’est pourtant sur sa photo d’elle petite qu’il s’arrête. La photo il l’a trop regardé peut-être, au point qu’il a l’impression de l’avoir déjà vu auparavant. Une impression un peu bête, les petites filles japonaises se ressemblent facilement à cet âge-là. Il referme donc l’image de son écran, et en revient à ses vêtements, l’air dépité. Ne sachant quoi adopter comme look, il prend le risque d’être lui-même. Sans trop d’exubérance. Il prend un jeans noir, moulé et troué à quelques endroits. Un tee-shirt ample, et blanc avec quelques flocages colorés. Des baskets montantes, sportives et de marque. Ses multiples bijoux (bracelets et bagues), puis il vérifie son reflet dans le miroir, passant rapidement ses doigts dans ses cheveux rouges. Ça fera sûrement l’affaire. De toute façon, c’est juste un café, pas une demande en mariage. Au grand désespoir de maman.  

Avant de partir, il range correctement ses vêtements dans sa penderie, sachant pertinemment qu’il ne sera guère tranquille de la journée, s’il laisse tout dans cet état. Puis l’heure approchant, il quitte son domicile, pas très tranquille. Les rendez-vous avec les filles, ça l’angoisse toujours un peu. Comme les microbes dans les transports en communs, dans une toute autre mesure. Alors ce café, il s’y rend avec sa voiture, lunette de soleil sur le nez. Il trouve un parking non loin et termine le chemin à pied, sans quitter ses lunettes. Il sait qu’ainsi, personne ne viendra le déranger. C’est le truc le plus incompréhensible qui soit, mais qui rend l’histoire de Clark Kent beaucoup plus crédible.  

Arrêté face au café, emmitouflé dans un large blouson d’aviateur, il vérifie le nom de l’enseigne avant de rabaisser ses yeux vers la vitrine. Il scrute discrètement l’intérieur, mais il ne lui semble pas avoir reconnu Sayuri. Il pousse donc, lentement et hésitant, la porte, un peu nerveusement. Puis il passe en revue tous les clients, jusqu’à apercevoir une petite tête aux yeux bridés, se tourner vers lui. Nul doute, c’est bien Sayuri. Il lui lance un petit sourire intimidé, avant de s’avancer vers elle. Mains dans les poches de sa veste, il serre le tissu à l’intérieur, tant il se sent mal à l’aise.  

« Tu es bien Sayuri ? »

Lui demande-t-il sans quitter son large sourire, un peu enfantin d’ailleurs, tout en se penchant pour la saluer à la japonaise. Et une fois sûr qu’il s’agisse bien de son rendez-vous, il contourne la table qu’elle a choisi pour s’asseoir juste en face d’elle. Il pose sa veste sur le dossier de sa chaise, sentant son cœur le menacer de déchirer sa cage thoracique. Même ses joues de hamster ont dû rougir. Non seulement il se sent mal dans les rendez-vous du genre, mais en plus, il faut le reconnaître : Sayuri est vraiment mignonne. Kawaii, comme on dit chez lui. Ça ne l’aide pas à se détendre. Maman adorerait Sayuri, c’est sûr. Heureusement qu’il ne lui a pas parlé d’elle, ni même envoyé sa photo, sans quoi, elle les aurait déjà mariés. Mais si ça se passe bien ce soir, il le fera sûrement. Ça pourrait rassurer Maman qui n’a de cesse de lui demander s’il n’est pas gay au moins. Comme si ce serait si terrible ?

« Ho, j’espère que je ne suis pas en retard ? »

S’inquiète-t-il en posant ses yeux sur la boisson qu’elle s’est commandée. Peut-être l’a t-il fait attendre un peu trop ? Il lui semblait être à l’heure, mais il aurait peut-être dû comprendre qu’il fallait arriver plus tôt ? Avec les filles, il n’est jamais sûr de lui. Les bras posés sur ses cuisses sous la table, il se frotte alors encore plus nerveusement les mains.

« Je suis content que tu ais accepté qu’on se voit, pour de vrai. »

Il retrouve le sourire tout en hochant la tête. Au moins elle ne l’a pas pris pour l’un de ces types qui match à tout va sur ce site, juste pour ne pas dormir seul la nuit suivante. C’était un peu ses craintes, vu la réputation de Tinder.

Elle n'avait pas encore eu le temps de commencer son Latte, le temps de prendre en photo sa boisson, de retoucher les couleurs et de lire les commentaires qu'elle recevait à sa story, il était déjà tiède. Puis, elle ne put s'empêcher de vite vérifier ce qui était posté sur son feed. Elle vit de suite une image de Sejin apparaître, elle roula des yeux, elle avait découvert il y avait quelques jours en espionnant l'Instagram de Tali qu'elle avait été invitée à une de ses fêtes, mais pas Sayuri. De quoi énerver la japonaise, elle lui avait de suite envoyé un sms et depuis, elle lui faisait la gueule. Elle avait commencé à se faire une liste mentale de ce qu'elle allait lui faire subir pour le punir. Elle posa son portable sur sa table pour arrêter de se prendre la tête avec cette histoire. Elle allait prendre son latte quand elle entendit la porte du café s'ouvrir.

Elle vit entrer un homme habillé d'une veste d'aviateur et de lunettes de soleil. Vu la carrure ce ne pouvait être que Taïchi, même si ça faisait plusieurs années qu'elle ne l'avait pas vu en vrai, il passait souvent à la télévision et même avec ses lunettes, elle le trouvait reconnaissable à qui savait regarder. Elle sourit en le voyant approcher. Elle se leva de sa chaise pour l'accueillir et lui indiquer où elle était assise.

« Tu es bien Sayuri ? »
- C'est bien moi, enchanté de te rencontrer en vrai.

Elle le salua en retour à la japonaise, elle allait lui tendre la main pour le saluer comme ils faisaient aux USA, mais ses réflexes dût l'éducation à la japonaise de sa mère lui permis de réagir rapidement. Elle se rassit à sa chaise et l'observa prendre place en face d'elle. Il avait l'air très anxieux, ses joues rouges et son sourire le trahissait. Il était quand même cute dans sa maladresse, elle ne s'était donc pas trompé dans ses recherches, il n'avait pas l'air très habitué à ce genre de rendez-vous. Ce qui faciliterait certainement la tâche à Sayuri.

« Ho, j’espère que je ne suis pas en retard ? »

Sayuri secoua la tête, elle décida de lui répondre franchement, si elle devait gagner la confiance de Taïchi, il devait la croire sincère. Elle dit avec un sourire faussement gênée :

- Non, pas du tout, je suis arrivée en avance. C'est que je voulais prendre une photo de mon café pour mon Instagram avant ton arrivée et ainsi évité de te déranger avec ça... Désolé, j'aurais surement dû t'attendre, c'est devenu une mauvaise habitude.

C'était techniquement vrai, son compte Instagram prenait beaucoup de places dans sa vie et c'était parfois inutile d'utiliser autant de temps dessus. Mais elle n'avait pas vraiment envie de changer ça. Il semblait toujours aussi nerveux quand il lui dit :

« Je suis content que tu ais accepté qu’on se voit, pour de vrai. »

Évidemment qu'elle n'allait pas laisser passer une occasion pareille de rentrer en contact avec une célébrité de Disney, mais elle allait bien se garder de lui faire savoir. Elle dit simplement en gardant son sourire :

- Tout le plaisir est pour moi, j'étais heureuse de recevoir l'invitation.

Elle ajouta ensuite à Taïchi espérant le détendre un peu :

- Et je n'ai pas trop l'habitude des rendez-vous Tinder, c'est difficile de savoir ce que cherche réellement la personne derrière.

Ironique connaissant les vraies motivations de Sayuri, mais c'était vrai, elle acceptait rarement les rendez-vous Tinder, elle n'avait pas de temps à perdre avec de simples rencards. Pour changer le sujet, elle prit le menu sur leur table et le tendis à Taïchi :

- Comme dit sur Tinder, je te conseille leur Matcha, ils sont vraiment excellents ! Puis, si tu leurs souris assez, parfois ils te font un dessin mignon avec le lait.

Elle n'avait pas eu droit sur le sien aujourd'hui, ce qui l'avait déçu, c'était surtout, selon le vendeur que, selon le sourire du client. Mais elle chambrait un peu Taïchi pour détendre l'atmosphère.