Il tourne nerveusement la clé dans la serrure. Désormais, depuis qu'il rentrait chez lui, il avait toujours cette appréhension qui lui rongeait le ventre. Prenant un moment de pause, le visage légèrement incliné vers l'avant tandis que son esprit venait de se perdre dans les méandres de son inconscient, Woo-Jin se préparait à la guerre qui l'attendait de l'autre côté de la porte. C'était bien beau de partir toute la journée... Mais il fallait bien dormir quelque part, lorsque la nuit surplombe le ciel. Ses lèvres s'étirant en une fine grimace, il prit de nouveau son courage à deux mains pour apposer la paume de sa main contre la poignée, la tournant cette fois-ci de façon abrupte.

Ça faisait désormais de nombreux jours qu'il avait rompu avec Kyu-Jung. Et depuis... Leur relation n'était qu'une descente aux enfers. Tout du moins, c'était le cas pour le jeune influenceur de vingt-quatre ans. Leur vie commune se résumait principalement à un jeu de chat et la souris ; Woo-Jin essayait de coller aux talons du pauvre hackeur tandis que ce dernier, s’attachait à le repousser autant de fois que nécessaire. Il fallait le dire... L'ambiance du studio était assez catastrophique. Si Woo-Jin n'était pas encore très amoureux de son ancien conjoint, il se serait probablement vu déserter ce champs de mine illico. La salive coincée dans le fond de sa gorge, le jeune homme referma précautionneusement derrière lui, toisant le hall d'entrée dénué de lumière. Il n'était probablement pas dans le salon... Peu étonnant, sachant qu'il avait récemment éventré le studio en deux pour se réserver un côté.

Woo-Jin s'approcha alors du canapé, allumant l'interrupteur au passage pour y voir clair. Jetant son sac sur les coussins, déposant par la suite son téléphone sur le comptoir de la cuisine américaine, il fila tout droit vers le frigo' afin de trouver quelque chose à boire. Il avait couru partout aujourd'hui ; Deux rendez-vous important, dont l'un avec une marque de vêtements qui lui avait proposé un contrat. Les muscles gourd, sa main se posa sur la première chose qu'il eu en vu, c'est à dire une canette de coca-cola. Plus vite il serait posé, mieux sa journée pouvait finir... Tout du moins, il croyait. Pensant à ce qu'il allait pouvoir manger ce soir, ses sourcils se fronça en voyant qu'il n'y avait presque plus rien à piocher dans le contenu réfrigérant. Allons bon... Ca serait encore une fois à emporter, ce soir ? Peu enjoué à sauter un repas, il se massa le coin des yeux tout en grognant pour lui-même, se détournant du frigo tout en le refermant avec son pied.

« … Kyu-Jung ! »

Il était plutôt tard dans la soirée, alors il était possible que son colocataire eut déjà mangé. Le cœur brodé par le stress d'une quelconque interaction avec lui, il ouvrit la capsule de sa canette tout en s'approchant de la délimitation au scotch.

« T'es là, au moins ? Kyu ! Jung ! » Un silence, sûrement ? De toute façon Woo-Jin n'avait pas une once de patience en lui. Il traversa alors la ligne, sans aucune jugeote. « T'as déjà mangé ? 'Fin, t'as mangé tout court, aujourd'hui ? J'vais commander un truc à la pizzeria ! Je voulais savoir si tu voulais un truc ! »

Ça partait d'un bon sentiment... Mais Woo-Jin ne pouvait pas s'empêcher d'avoir un arrière goût amer sur le palais. Quelque part, il avait peur de se faire recaler une énième fois. Traçant déjà sa route vers la chambre, il l'ouvrit alors, cherchant une trace de vie.

Chaque altercation lui faisait l’effet d’une balle entre les deux yeux. Ce n’était pas comme se préparer à une exécution, mais…  Les ressentiments de Woo-Jin étaient si fragiles vis a vis de son ancien compagnon qu’il se sentait fébrile quand il osait se percuter à lui. Mais qu’y pouvait-il, il se sentait toujours terriblement inquiet pour sa santé. Il préférait nettement provoquer une petite tension plutôt que de faire mourir le restant de leur relation sur un brasier. Même si Kyu-Jung était sans nul doute plus adulte que lui pour moult choses, il savait qu’il… Avait fortement tendance à se plonger à corps perdu dans son travail. Nonobstant au passage le fait de se dormir, et probablement parfois de se reposer assez. Se préparant déjà à la moindre des réaction de son futur interlocuteur, le jeune homme allait poser sa main sur la porte pour la pousser que cette dernière s’ouvrir brutalement.

Un bon, mais aussi horrible timing.

La main toujours relevée, Woo-Jin eut l’air affreusement interloqué pendant plusieurs secondes. Comme tétanisé. Pourquoi devait-il être autant surpris ? Ce n’était pas comme si son absence de réponse apportait un quelconque choc. Ses muscles se relâchant progressivement, son visage paraissait se morfondre dans une moue triste, pour finalement devenir inexpressif. Froid. Tranchant. Leurs discussions se résumaient désormais à ça, mais le coréen ne s’y faisait pas. Tout était monstrueusement frustrant. A un tel point qu’un il eut un moment pour lui répondre, son cerveau se remettant finalement en marche lorsque Kyu-Jung employa un moyen plus tactile pour le faire reculer. Sans faire le difficile, Woo-Jin se mit alors à reculer de quelques pas, un frisson lui traversant l’échine tout en le regardant s’écarter après sa brève réponse.

Il avait l’impression qu’on tournait et retournait un poignard dans sa blessure
mais il était fautif, n’est ce pas ? il était lui-même le créateur de ce désastre
du fait que Kyu-Jung puisse le hair.
un mépris qui a le goût d’une sentence a perpétuité.

Puis, c’est comme un mécanisme d’auto-défense qui s'enclenche. S’il y avait bien encore une chose qui sauvait Woo-Jin des larmes et de la déprime, c’était sa fierté exacerbée. Soumis à un rush d’adrénaline lorsqu’il constatait qu’il s’éloignait pour de bon, le coloré lâcha avec un ton trop audible pour son propre bien.

« Tu rigoles j’espère ?! »

Et ça y est, son poil d’animal en colère venait tout juste de s’hérisser. Dans une tentative on ne peut plus vaine, Woo-Jin essayait malgré tout d’essayer de marcher rapidement, pour venir se replacer en face de sa pauvre victime. Quel égoïste il faisait… Au fond, il savait très bien qu’il le faisait aussi souffrir en continuant à se frotter à lui. Ils vivaient ensemble, un peu parce qu’ils ne pouvaient pas faire autrement ( et ceci arrangeait bien Woo-Jin qui ne désirait pas se séparer de lui), mais le studio était assez grand pour ne pas forcément se croiser tous le temps. Surtout depuis que Kyu-Jung avait délimité les lieux, au passage. Décidément, il ne voulait pas le voir... Mais Woo-Jin continuait à forcer. Un poil affolé derrière sa colère, l’influenceur semblait à vif, presque tremblant.

« T’oses me balancer un truc pareil pour te barrer ensuite ? Comment tu peux dire que j’pense pas à toi ?! » Dieu que ces mots étaient ironiques venant de quelqu’un qui avait fait en sorte d’avoir une séparation « Ouais, c’est vrai. C’que tu fais ne me regarde pas. Mais t’as pas le droit de me cracher ça à la figure pour ensuite tourner les talons. Je vaux même pas une confrontation ? Même pas une discussion ?  Tu m’laisse même pas la chance de te parler !»

Et le voila qui devenait de nouveau émotif pour une simple question de pizza. Cherchant toujours à lui bloquer la route, quitte à rester devant la porte de la salle de bain, son visage se plissait d’amertume. Il savait déjà la réponse de Kyu-Jung. A force de batailler… Il commençait à croire que plus rien n’était possible. Mais quand bien même… Il l’aimait. Il l’aimait, et il ne pouvait pas reculer et partir… Non ? Woo-Jin ne savait plus.

Kyu-Jung n’avait pas à l’écouter déblatérer ces bêtises. Il ne lui devait rien, si ce n’est cette distance de sécurité pour mieux défaire ce qu’ils avaient un jour construit ensemble. Les bras croisés devant lui bien qu’il avait encore la canette dans l’une de ses main, le regard dans le sien, le coréen fronça imperceptiblement les sourcils après ses mots. Il était dur, profondément mécontent de la manière dont les choses tournaient. Et pourtant, il n’était pas étonné. Kyu-Jung méritait mieux qu’une vie quotidienne rythmée par les disputes… Oui, il méritait qu’on puisse l’aimer de manière inconditionnelle. Ce que Woo-Jin rêvait de lui donner, s’il n’y avait pas tous ces détails cruels en arrière plan. Ses yeux ne quittant pas une seule seconde le visage de son ex compagnon, cherchant dans ces derniers le moindre changement, il fut légèrement désorienté en le voyant toujours aussi amer et froid. Ce n’était pas nouveau; Ils avaient tout deux un caractère de plomb, alors plus le ton montait plus vagues se faisaient hautes. Les yeux baissés momentanément, se demandant comment il pouvait être aussi idiot à s’agacer tandis qu’il était définitivement en tort dans cette histoire, l’influenceur ferma quelques secondes les paupières comme pour s’échapper. C’est ainsi qu’il n’eut pas le temps d’anticiper l’avancée brutale du brun, tapant brutalement contre la porte derrière lui. Non…  Mis à part quelques exceptions, Kyu-Jung n’avait plus jamais été si proche depuis qu’il avait rompu avec lui. Coincé dans une parfaite immobilité, Woo-Jin ne scilla même pas quand il alla porter son front contre le sien.

Il y avait quelque chose de violent dans cet échange. Parfois, Kyu-Jung était si confiant dans ses actions qu’il parvenait à le déstabiliser. Mais jamais il n’aurait cru le voir de nouveau emprunter le chemin des gestes de nouveau pour lui faire comprendre. Était-ce parce qu’il lui barrait le chemin jusqu’a la salle de bain ? C’était on ne peut plus probable. Sa respiration étant ténue jusqu’au moment où le jeune policier recula, Woo-Jin se retrouva à déglutir, chamboulé. Qu’est-ce qu’il était faible quand il s’agissait de lui. Son ventre se contractant sous le coup de chaud il venait d’endurer, il détournait cette fois-ci les yeux, presque docile quand il alla lui prendre le menton. Il avait beau être décontenancé… Kyu-Jung lui ordonnait de parler, maintenant. Chose qu’il rêvait de faire depuis des lunes maintenant.

« Ouais. »

Il confirme, parce que Woo-Jin était plus du genre à être insolent plutôt qu’a comprendre où était sa place. Il n’oubliait pas son regard, si bien que ses propres yeux paraissent un peu humides l’espace d’une demi-seconde. Afin d’effacer les traces honteuses de sa propre tristesse, il clignote plusieurs fois des yeux, décroisant ses bras pour venir attraper la main du brun de sa menotte libre, cherchant à la lui faire enlever de son menton. C’est maintenant à son tour qu’il le regarde, partant à la recherche des mots justes pour ne pas faire souffrir d’autant plus Kyu-Jung.

Il avait été bien assez idiot comme ça.

« J’me fou bien si ce que je vais dire sonne comme des excuses. Mais tu sais quoi ? Tu me manque. Ce sont des choses que je peux te dire maintenant, parce que de toute façon, je pourrais jamais avoir l’air plus con. J’mérite la manière que tu as de réagir avec moi. Je mérite ta distance. Je mérite ton mépris. Je mérite… Ta haine. »

Woo-Jin ne lâche pas le poignet de son compagnon. Il priait pour qu’il l’écoute jusqu’au bout.

« Je pensais que c’était la bonne idée de te quitter. Parce que… Parce que le fait que tu sois avec moi t’aurais fait du mal sur la durée. Pourtant… Pourtant j’y arrive pas. J’ai pas la force quand c’est toi. J’ai… Tout fait foirer. Je t’ai fait souffrir, tout comme j’ai tué ce qu’on avait tous les deux. Je t’ai laissé seul. » il laisse tomber sa canette au sol, parce que ses bras, ni ses jambes, n’arrivent à le soutenir. Se laissant glisser le long de la porte pour s’asseoir au sol, ce sont désormais de véritables larmes qui creusent le coin de ses yeux. « Pourquoi je pleure... Quand c’est moi qui suit parti, hahaha... L’imbécile que je suis… Est toujours profondément amoureux de toi. Je n’arrive pas… A accepter que c’est terminé… A accepter… Que tu ne puisse plus vouloir de moi. »

Les sillons de ses yeux débordent pour courir sur ses joues. A vrai dire, Woo-Jin n’arrive même plus à sentir ses larmes tant son corps lui fait soudainement mal. C’était la fin. C’était sa faute. Il devait le réaliser. Ce qu’il ressentait pour le beau coréen ne changerait plus rien désormais. Le visage relevé vers lui, il s’enfonça davantage dans cette tempête interne. Un sourire triste broda ses lèvres blanches.

« Tu ne me l’a jamais rendu, mon coeur. Je sais que tu n’en veux plus... Mais je sais que je ne peux pas le reprendre non plus, alors… Tu peux toujours le jeter si tu ne sais pas quoi en faire. C’est… C’est terminé. »

Il relâcha l’arrière de sa tête contre la porte, un soupire douloureux franchissant sa gorge. Il voulait bouger pour le laisser passer, mais il n’y arriva pas, pas encore.