Trahie. Complètement trahie. C'est comme ça que tu te sens quand tu ouvres les iris dans la chambre trop pâle, trop vide. L'hôpital. C'est là que tu te trouves. Une médecin vient finalement te voir et t'explique la situation. Une chute de pression parce que tu étais trop stressée, que tu n'avais pas mangé assez. On tente de te garder un peu plus longuement pour des tests et tu acceptes jusqu'à savoir que l'enfant va bien. Qu'il n'y a pas d'atteintes, pas de mal qui a été porté dans la chute. C'est tout ce que tu as eu besoin de savoir avant de convaincre les médecins de te laisser quitter. Ton état est stable, tu as mangé, il t'en faut alors peu pour rentrer chez toi. Parce que tu avais autre chose à faire. Des choses plus importante à régler. Tu devais venger le creux dans ta poitrine, le coeur qui t'a été arraché. Parce que tu le sais bien que la rencontre avec Tino a eu lieue avant que les choses ne dérapent chez toi. Il t'a trahie et a osé t'affronter en face, te regarder droit dans les yeux, te dire qu'il te savait loyale. Il a osé t'embrasser, te faire l'amour, en sachant très bien ce qu'il avait fait.

Un sms et c'est tout ce que tu as besoin. Savoir où il est, savoir à quel domicile il se trouve. La colère gronde dans ton corps. Trahie, merde. Sur toutes les personnes possibles, c'est lui qui a vendu la mèche et depuis, Tino a disparu. Volatilisé. Disparu avec une information la plus secrète et tu as aussitôt envoyé des messages à tes employés pour retrouver cet ancien agent de la DEA. Il ne peut pas rester en vie, pas comme ça. Et Ezra... Ezra, tu allais t'en occuper personnellement. Tu as encore le pansement contre le dessus de la main, celui qui cache ce petit trou où le soluté a été inséré pour t'injecter un médicament, de quoi te redonner ton énergie, ta force. De quoi s'assurer que tu n'allais pas refaire une chute de pression. Le bracelet identifiant de l'hôpital a été arraché, jeté dans la poubelle aussitôt rendue chez toi. Ordres donnés, tu es dans ta voiture en moins de deux et en route vers l'appartement que tu as visité bon nombre de fois. Vers cette route que tu connais par coeur et que tu pourrais faire les yeux fermés.

Tu te rends rapidement jusqu'au lieu, gare la voiture et c'est à peine le moteur éteint que tu te glisses hors du véhicule pour rejoindre la porte. Celle qui cache le traitre de l'autre côté. Tu tambourines la porte aussi fortement que ton coeur cogne dans la cage thoracique et lorsque celle-ci s'ouvre, ta voix s'élève aussitôt. « TOI! » Tu avances vers lui et probablement parce qu'il sait que ce n'est pas sage de rester dans ton chemin, il se bouge. Tu refermes la porte d'un coup de pied, les éclairs dans le regard, le corps tremblant toujours autant de rage. « COMMENT AS-TU PU ME FAIRE UNE CHOSE PAREILLE, ROSENBACH?! » Les paroles sont crachées, vénéneuses, la tête haute malgré les prunelles reluisantes. Tu as déjà le souffle court, non pas par manque d'énergie, mais par l'angoisse qui grimpe, par la douleur de son acte. Trahie. Il a osé dire à Tino que tu étais Snake et par cette faute, il a détruit ton anonymat à la pire personne possible. À celui qui t'a trompé. À celui qui t'a manipulé. À celui qui est votre pire ennemie. Ta main atteint ton dos et une arme en sort. Arme que tu braques sur Ezra sans même savoir si tu allais réellement oser tirer. Probablement pas. Probablement jamais. Tu apprécies beaucoup trop ce qui fut jadis ton associé pour réellement mettre fin à ses jours. Sauf qu'une arme, pointée vers le crâne, ça aide toujours à faire parler. Tu ne trembles pas, tu restes droite, le dégoût sur tes traits, la douleur qui transperce la froideur de tes iris. « Tu as trente secondes pour t'expliquer, SALE TRAITRE. » Et ça fait mal, Alex. Si mal. Tu en as subit des trahisons. Plusieurs fois, même. Tu en as abattu, des gens, aussi. Mais rien ne pouvait comparer ce gouffre dans lequel tu te sentais tomber à l'immédiat. Rien ne pouvait comparer ce coeur qu'il avait si sauvagement arraché pendant qu'il retirait tes vêtements, incapable de savoir si tu avais encore une fois été manipulée pour t'empêcher de savoir la trahison qu'il avait commise envers toi.

Ton esprit est tel un ouragan qui défile à une vitesse effarante. Ça te semble presque irréel et tu espères que Tino a menti, a fait ça pour te déjouer, pour se moquer de toi. Tu espères que ce n'est qu'un pur mensonge et qu'Ezra ne comprendra pas ce qui arrive. Tu débarques chez lui et ce n'est pas Alex, cette fois. Ce n'est pas même son associée. C'est Snake, dans toute sa grandeur, dans toute sa puissance et dans toute sa crainte de mourir. Parce que tu as eu de la chance quand tu étais dans la chambre de l'ex-agent. Tu as eu de la chance parce qu'il aurait très simplement pu te coller une balle dans la tête ou appeler des renforts, te faire mettre en prison. C'est presque miraculeux, selon toi, que tu as surtout terminé à l'hôpital pour une chute de pression plutôt qu'à la morgue, quand tu y penses. Tout ça parce que Ezra, parce que la personne en qui tu avais le plus confiance, t'avais trahie. Et te voilà à tambouriner la porte, avec une envie de la défoncer d'un coup de pied. Sauf que tu te retiens. De toute façon, tu en as besoin pour la refermer et cacher les secrets dans le penthouse.

Tu ne l'entends même pas quand il pose la question. La voix siffle dans tes oreilles sans réellement atteindre les tympans. C'est le coeur affolé qui palpite contre les tempes, c'est la nausée au bord des lèvres et la rage qui fait gronder la moindre parcelle de ton corps. Les paroles se crient aussitôt et il réalise, il comprend. Il se fige, même. Quelques secondes à peine, mouvement difficilement perceptible, mais tu l'as constaté. Rien que ça, rien qu'avec ça, tu comprends. Tu comprends qu'il l'a fait. Tu comprends qu'il t'a bel et bien trahie. Que ce n'est pas qu'une connerie de Tino pour mieux te faire avouer le morceau. Non, Ezra est bel et bien responsable de ton anonymat perdu et ton coeur se serre, se fracasse en morceaux. Et il le reconnait, ton geste. Il sait ce que tu es en train de faire quand ta main se glisse dans ton dos. Il sait que c'est une arme que tu en sors. Tu l'entends sa voix, cette fois. Sauf que tu ne réponds pas. Toujours pas. Silencieuse, trop en colère, tu tentes de te ressaisir ne serais-ce qu'un peu. Juste assez pour que tu puisses voir quelque chose, pour t'éviter un geste trop impulsif que tu finirais par regretter.

Il s'approche. Ce parfait idiot s'approche alors que tu braques ton arme sur lui et plutôt que de la descendre, te voilà à redresser ton bras, le rendre plus droit encore, comme de peur qu'il cherche à te désarmer, la prise se resserrant contre le métal. « JE T'APPELLE COMME JE VEUX, ROSENBACH. » Incapable de baisser la voix, de faire descendre ta colère, tu n'as pourtant pas la force de le repousser. Tu le laisses s'avancer, serrant les dents. Il clame que c'était une erreur et c'est bien ce qui te fâche le plus dans sa réponse. Parce que ce n'est que ça. Qu'une erreur qui aurait pu mettre ta vie en danger. Une bêtise qui aurait pu t'envoyer derrière les barreaux. « Et tu comptais me le dire QUAND merde?! Entre deux gémissements?! » Vos regards s'affrontent et lorsqu'il s'approche de trop, tu baisses la sûreté de ton pistolet. Comme si tu étais prête à tirer alors que tu sais bien que tu n'en auras jamais réellement le coeur. « T'as conscience des conséquences, putain?! Ton erreur aurait pu me coûter la vie, Ezra! » Ta voix ne tremble étonnement pas, si ce n'est qu'elle le fait par la colère sourde qui ne veut pas te quitter. Tu cris, tu lèves la voix, alors qu'il te demande si tu veux le tuer, si tu n'attends que ça, de te venger. Il te dit de le faire et pendant un instant, le barillet est entre les yeux de l'héritier. Pendant un instant, tu es persuadée que tu saurais le faire. Que tu saurais mettre fin à sa vie. Sauf que tu remets la sécurité de l'arme. Tu ne peux pas. Tu sais que tu ne peux pas. Tu te permets un geste cependant. Geste soudain, frappant le côté de sa tête avec le côté de ton arme. Métal contre peau, contre crâne, avant que tu ne jettes le pistolet par terre et le contourner. Ton épaule percute la sienne dans le geste, le détournant que sommairement pour mieux aller atteindre cet endroit interdit. Celui que tu ne devrais pas approcher actuellement. Mais c'est nécessaire, à l'immédiat, alors que tu verses l'alcool dans un verre d'une main désormais tremblante. Tant pis pour l'enfant. Quelques gorgées ne lui feront pas de mal.