C'était le temps de faire un choix. De finalement obtenir une réponse de la part de ce petit enculé. La torture avait dû faire son travail depuis le temps. Puis tu l'as croisé au gala. Tu savais que c'était gagné d'avance: il t'avait vouvoyée. La crainte avait commencé à prendre place. Peut-être pas entièrement, mais c'était déjà un bon début, chose certaine. Il avait tout compensé en décidant d'être horriblement chiant cependant, comme s'il cherchait à compenser ce comportement obéissant. Mais les faits restaient les même: tu le savais vaincu alors c'était le moment ou jamais de lui rendre une petite visite. Tu avais décidé de te rendre assez tôt à son appartement, une fois être passée au-dessus de ces nausées matinales. Le sommeil se faisait court depuis quelques jours, d'ailleurs. L'anxiété qui battait son plein t'empêchait de rester endormie pour un sommeil réellement réparateur. Le départ d'Ezra avait eu son effet, en plus de la surprise imprévue. Tu te retrouvais désormais quasi à la tête du trafic, travaillant main dans la main avec le père des Rosenbach afin de lui obéir, prise avec divers trafics sous les bras plutôt que de simplement toucher la drogue. Toi qui voulait déjà t'investir davantage auprès d'Ezra, ce n'est pas forcément ce que tu avais en tête. Si d'une part ça te terrifiait pourtant, par l'aspect soudain, il fallait aussi admettre que ça te plaisait bien. Prendre plus d'ampleur ça ne se refusait pas, surtout si tu n'avais pas à tuer qui que ce soit pour obtenir un poste plus haut cette fois-ci. Mais voilà que tu te retrouves avec diverses réflexions lorsque tu vas pour te coucher, la nuit. Toi, gérer ce trafic, avec un gamin en plus ? Tu te sais forte, capable de le faire, sauf que ce n'est pas ainsi que tu imaginais le tout. Puis il y avait Ezra, il y avait ses paroles qui restaient. Si d'une part il avait dit devant son père et toi qu'il te faisait ultimement confiance pour prendre sa place, il y avait eu ces sms te disant qu'il n'en avait que faire de l'enfant et que, fatalement, tout était ta faute. Déjà que tu n'as pas le sommeil le plus réparateur dans la vie de tous les jours, il fallait admettre que là, c'était largement diminué.

Heureusement pour toi, CoffeeCup ouvrait tôt et tu avais pu aller te prendre à boire, faire des beaux yeux à Dawn et discuter un peu avec celui-ci avant de prendre ta route. Tu t'incrustes étrangement facilement, débarrant la porte via quelques coups de carte comme au gala, refermant silencieusement derrière toi pour aller t'installer dans la cuisine. C'était inutile de retarder l'inévitable, inutile de te rendre là plus tard: le sommeil ne voulait rien savoir de toi dans tout les cas. Alors tu auras pris avantage du silence des lieux, prouvant que son colocataire et lui dormait. Oh tu n'étais pas idiote, tu t'es bien renseignée: Daryl ne vivait pas seul. Et comme tous deux dormait, tu t'es mise à explorer un peu. Prévenante, surtout afin de voir ce qui pourrait te faire défaut dans cet appartement si jamais celui-ci venait à faire une crise. Indirectement, ce qui pouvait te servir de protection outre ce couteau soigneusement incrusté dans ta botte. Un pouce se glisse contre le coin du comptoir entre deux gestes: il était pointu, ça pouvait servir si la situation dégénérait. Finalement, tu t'es appuyée contre le plan de travail, sortant le téléphone de tes poches afin de pianoter dessus, écrivant ici et là, gérant des trucs de boulot. Encore et toujours le boulot. À croire que tu ne fais que ça. Une gorgée de café de plus pour bien te réveiller, rebaissant les yeux pour l'apercevoir. Lui, ce colocataire, endormi, qui va dans la cuisine sans doute pour se faire à manger. Il se sera figé une fraction de seconde, ton regard fixé sur lui, attendant la moindre réaction. Il avait intérêt à ne pas crier infraction, celui-là. Sauf que non, rien. Un "salut" marmonné, répondant en échange un bref « Bon matin. » sans réel enthousiasme, baissant de nouveau les iris sur l'écran tactile. Bien. Il ne serait pas dérangeant, celui-là.

C'est au tour de Daryl de se réveiller et tu peux presque entendre la conversation au loin. Tu soupires un rire discret. "Sa meuf". Comme si t'allait te taper ce type. Tu en avais très franchement bien assez comme ça, surtout. C'était hors de question de le mêler à tes histoires intimes: tu avais déjà mêlé plaisir et travail, on voit bien dans quel merdier ça t'avais mis. Tu fronces un peu le nez lorsque tu entends au loin, entre l'amusement et l'insulte, lorsque le coloc dit que t'es bonne, mais flippante. Tu as pourtant été sympa, tu lui avais dis bon matin. Tant pis, vraiment, parce que plus important se préparait. Tu pouvais entendre les bruits de pas se ramener jusqu'à toi, discret, digne de pieds nus ou en bas. Tu termines d'envoyer un message que tu le vois dans ta vision, juste là dans l'encadrement. Tu envoies, verrouille le téléphone et le range dans tes poches. Un petit sourire en direction de l'ex-chef de trafic, prenant une gorgée du café alors qu'il fait déguerpir le colocataire. Heureusement: ce n'est pas une conversation que tu voudrais avoir devant cet homme. Tu te redresses finalement pour aller t'installer sur la petite chaise de cuisine, lui faisant signe de venir s'installer également. « Quelle déception, t'as déjà laissé tomber ta politesse? Reprend le vouvoiement, Daryl. » Tu lâches dans un timbre légèrement agacé, calant ton dos contre le dossier de la chaise. Un sourire étire tes lèvres finement, tes doigts incapables de quitter la tasse de café pour emporter pour en accumuler la chaleur. « Simple visite de courtoisie. Bien dormi, Crane? » Et le sourire se veut presque trop bienveillant pour être véridique. Il le savait, tu le savais: tu faisais tout simplement semblant avant de passer aux choses sérieuses.

Il y avait tellement de poids sur tes épaules, dernièrement. Heureusement, depuis les années, tu as appris à être moins angoissée, à ne pas regarder derrière ton épaule chaque fois que quelqu'un prend la même trajectoire que toi. Tu as cessée d'être nerveuse sur ce genre de bêtises, parvenant à marcher en regardant droit devant toi, tête haute, comme si le monde t'appartient. Pourtant, l'angoisse persiste, juste de façon moins visible. Elle est là, présente au creux du coeur, du ventre. Parce qu'Ezra est parti tout juste après tout ce drame. Après la révélation de la radio à la suite de votre nuit pourtant si douce et agréable, te permettant un réel sommeil réparateur au creux des bras de l'héritier. Il est parti après l'affront de Tino qui sera venu te confronter tout de suite après, tentant de te faire avouer quoi que ce soit sur vos affaires illégales. Il est parti après ce moment de détente passé au soleil, là où vous aurez baissé vos gardes, où vous aurez laissés les vêtements joncher sur le sol afin de vous rapprocher dans une intimité passagère. Intimité qui te laisse désormais avec de lourdes conséquences, t'abandonnant avec cet enfant en devenir dans le ventre. Et il est parti, te léguant son poste dans l'entreprise illégale. Et tu en as tellement sur les épaules, Alex. Tellement que tu ne sais plus où disperser le poids. Mais tu es une femme forte, toi. Tu gardes la tête haute et tu vas même jusqu'à t'incruster chez Daryl afin de continuer ton travail. Afin de lui faire comprendre que de vous rejoindre était la meilleure option pour lui et que le temps de prendre une décision approchait à grands pas.

Tu laisses une moue se former sur ton visage, sur tes traits, alors qu'il refuse, qu'il dit que dans tes rêves seulement tu auras droit au vouvoiement. Un petit soupire d'agacement s'en suit, reprenant une gorgée de ce café réconfortant. La douceur de Dawn pouvait presque se transmettre dans la torréfaction des grains, dans ce liquide coulé à la perfection. « Mes rêves deviennent toujours réalité, Crane. Sache-le. » Autant le lui faire comprendre maintenant. Tu sais tout atteindre, Alex. Ou presque. Sauf qu'un rire t'échappe tandis qu'il te parle d'accoucher. Oh l'ironie. Tu n'es pas encore dû avant des mois, s'il savait. « Si seulement. » C'est amusé, moqueur, avec chance il croirait que tu rebondis sur les perles plutôt que l'accouchement. Tu n'as pas envie qu'il sache non plus, mine de rien. Ce serait un point négatif à jouer contre toi. Il l'apprendra comme les autres: quand tu commenceras à grossir.

Il referme la porte et s'installe finalement face à toi, assis contre la chaise, t'observant encore et toujours. Toi, tu as pris tes aises. Quelqu'un ne sachant pas votre lien à tout les deux pourrait croire que tu es tout simplement là en guise de visite. Une amie qui a l'habitude de poser les pieds dans ce lieu. C'est tout faux, mais tu as cette mauvaise manie de faire comme si partout c'était chez toi. « De la chance de te trouver ici, oui. On dira que c'est réellement ça. » Sourire secret, qui en dit long sur le sous-entendu. Il fallait être complètement idiot pour croire que tu agis sur le coup de la chance. Ça t'arrive, mais pas pour des situations comme l'homme face à toi. Après tout, tu l'as fais suivre à certains moments. Tu t'es organisée pour connaître un peu plus ses habitudes afin de savoir quand le coincer. Tu es maligne, Snake: Tu sais capturer tes proies au bon moment, tu ne te laisses pas détourner. La malice se veut dans tout ton regard, embrumant tes iris, cachant ce sourire contre le gobelet de café.

Il n'attend pas plus afin de te relancer la question encore une fois, afin de savoir ce que tu viens faire chez lui. C'est pourtant l'évidence même tu as l'impression. Tu n'es pas là pour lui demander de faire un casse-tête avec toi, après tout. Tu grimaces pourtant encore un peu. « C'que tu manques de politesse, j'te jure. » Tu te fous de lui plus qu'autre chose, autant l'admettre. Tu sais très bien que tu n'as pas fais preuve de politesse également lors de votre première rencontre. Au moins, désormais, vous aviez un pied d'égalité: Il connaissait ton prénom, considérant que William avait sagement dévoilé ton identité lors du bal. C'était déjà beaucoup, bien plus que d'autres d'ailleurs. Bien plus que la majorité de tes employés. Ton identité est secrète, personne ne sait qui est réellement à la tête afin de te permettre de te mouvoir aisément entre les employés. Afin de ne pas être une cible, afin de te mêler aux autres. Personne ne sait réellement si Snake est homme ou femme, jeune ou vieux. Sauf les plus proches, ton identité reste secrète afin de vivre une double-vie en toute tranquillité. Et non seulement tu as approché Daryl toi-même ce soir-là, non seulement a-t-il découvert ton identité physique, il sait désormais ton identité dans le monde réelle. Il y avait gros en jeu, désormais. Peut-être qu'il ne le savait pas, mais il avait déjà beaucoup d'avance sur d'autres et il pourrait aisément aller te filer aux flics. Raison de plus pour l'avoir dans tes rangs et empêcher ça. « Tu sais pourquoi je suis ici, Crane, ne fait pas l'idiot. C'est le temps de me rendre ta décision. Je te souhaite simplement qu'elle soit en ma faveur. » Tes lèvres reviennent contre le gobelet de café, redéposant celui-ci contre la table. Ton regard se détourne contre le frigo pas très loin, derrière toi, afin d'en observer les photos que tu avais pu voir en fouillant la cuisine ce matin. Tu fronces qu'à peine les sourcils en constatant que l'une d'entre elles se veut disparue. L'une sur laquelle tu avais porté une bonne attention, mine de rien. Parce qu'elle était particulière, cette photo. Et elle était désormais dissimulée. Tes lèvres s'étirent, malicieuse de nouveau, mesquine. « Le vol de Manon s'est bien passé, au fait? » Question qui sonne comme étant l'innocence même, alors que tu ramènes tes yeux sur le jeune homme qui n'a sans doute pas le réveil espéré. Oh tu sais tout, Alex. Tu as des yeux et des oreilles dans toute la ville, après tout. Et tu le sais plus que tout: Sa femme est à New York et ce "déménagement" se veut chez elle. Avec elle.