Le portable en main, Crane hésitait. Il tournait en rond dans cet appartement. Dans ces murs qui n'étaient plus les siens. Il avait déménagé depuis quelques temps déjà, prenant doucement ses marques auprès de sa femme, reprenant "les bonnes habitudes" comme elle le dit si bien. Il avait besoin de ça, pourtant, n'est-ce pas ? Besoin d'elle, besoin de sa présence, besoin de cette petite vie bien tranquille qu'il lui promettait. Pourtant il tournait en rond, dans ces murs, dans cet appartement au dessus de son garage. Celui qu'il avait abandonné, retrouvant une chambre, un lit, qui ne lui appartenaient plus. Pourquoi ? Parce que rester chez lui, chez eux, chez elle, lui rappelait beaucoup trop William. Il voyait encore son expression, cette incompréhension dans son regard quand ses yeux ont croisés les siens. Sa déception quand Manon l'a présenté comme son mari. Cette colère, cette tristesse aussi, qui l'avait envahit.

Il se revoyait encore lui, en bas de cet immeuble, suppliant l'homme qu'il aimait de revenir sur sa décision. Tentant le tout pour le tout, jusqu'à le rejoindre dans cette voiture, l'embrasser de toutes ses forces, lui promettre de changer, d'arranger les choses. Il se revoyait rentrer, éclater en sanglots malgré lui, se haïr intérieurement en regardant son amant partir doucement. C'était fini. Terminé. Et Daryl n'acceptait pas cette idée. Il tournait en rond chez lui, ruminait sans cesse. Alors pour s'échapper, il avait prétexter être submergé de boulot, finir tard, très tard, trop tard. Et s'endormir sur place pour plus de sécurité. Des mensonges, encore des mensonges, toujours des mensonges. C'était plus facile pour lui d'inventer des conneries que d'assumer auprès de sa femme qu'il avait le coeur complètement brisé. Que cet homme lui manquait terriblement. Il essayait, au mieux, de l'effacer de sa mémoire, mais rien n'y faisait. Les seuls moments où il ne pensait pas, c'était quand il travaillait. mais là, aujourd'hui, il n'a plus rien sous la main. Et il rumine, il pense trop, alors portable en main, il finit par envoyer un texto.

Il sait qu'il va le regretter. Il n'a aucune envie de lui écrire, pas à elle. Il ne veut pas lui rendre de compte, mais il bosse pour elle après tout, pas vrai ? Il est bien forcé d'être là, de travailler, et peut être qu'elle le détournera, ne serait-ce qu'un instant, de cette douleur qui pèse sur sa poitrine. Parce qu'il va mal, il est au plus bas. Et elle pointe sa douleur du doigt. En colère, blessé, meurtri, il fait ce qu'il sait faire de mieux; Se braquer, agresser. Promettant qu'elle ne perdrait pas son temps. Et puis il prend sa bécane, prend la route pour rejoindre le QG. Il se gare, descend de sa moto et entre dans le bâtiment. Pas de bonjour, pas de politesse, il n'est pas là pour enfiler des perles alors qu'il l’aperçoit déjà. "Pas de chichis, dis moi directe ce que je dois faire." Il s'approche d'elle, fourrant les mains dans les poches. Son visage est fermé, impassible. Il a l'impression de ne plus vraiment être là depuis que William est sorti de sa vie. "Plus vite je me mettrais au boulot mieux je me porterais."

@Alex Davies

Un soupire s'échappe de tes lèvres. Soupire de découragement tandis que tu te relèves du sol, que tu tires la chasse afin de te laver les dents. Les nausées deviennent petit à petit des vomissements et ça, ça t'embête. Parce que en dehors d'Hayden et le père du gamin qui grandit en toi, il n'y a personne qui sait pour son existence. Tu soulèves ton chandail afin de dévoiler ton ventre et observer celui-ci, tenter de voir s'il a pris de l'ampleur. Si peu, à peine, c'est pas même visible ou tu donnes vaguement l'apparence d'avoir trop mangé. C'est comme s'il n'y avait rien, c'est bien trop récent et pourtant, le fait de vomir désormais te fait paniquer un peu. Tu n'as pas envie de perdre crédibilité auprès du trafic parce que tu t'es laissée engrossée par Ezra. Tu rinces une dernière fois ta bouche à l'eau fraîche et ton téléphone te distrait, vibre pour annoncer une notification et tu reconnais aussitôt le pseudo. Daryl. Vous échangez quelques sms et malgré les paroles assez directes que tu lui offres, un sourire ravi étire tes lippes. Il capitule enfin, ose te demander du boulot. Enfin, il se la joue employé plutôt que connard de première comme il le fait toujours.

Jeans sur les fesses, simple teeshirt et veste de cuir sur le dos, tu te diriges au quartier général dans les temps, tel que mentionné. Il avait intérêt à ne pas te faire perdre ton temps: tu venais de rendre ta nourriture, tu voulais simplement retourner dans ton lit pour te reposer un peu, faire passer la petite nausée restante. Tu n'avais pas la patience pour qu'il vienne te faire perdre ton temps à te ramener au Quartier Général. Alors tu l'attends de pied ferme, assise à la première chaise trouvée à l'entrée. Entrée qui ne ressemble quasi à rien, d'ailleurs. Tes doigts caressent lentement ta dernière acquisition: Arsenic. Un grand doberman qui serait prêt à bouffer la première personne qui ose commettre un geste de travers ou qui lui semble ne serait-ce qu'un peu louche. En dehors de ça, il adore se faire gratter derrière les oreilles et au bord de la mâchoire. Sa peluche préférée, c'est ce lapin complètement adorable qu'il utilise comme un oreiller en dormant. Sauf qu'Arsenic, il bouffe de la rage pour le petit-déjeuner. Et tu l'adores comme ça.

La porte s'ouvre puis les bruits de pas se font entendre, résonnent dans la pièce majoritairement vide. Ce n'est qu'une façade, le reste du bâtiment est en meilleur état, c'est tout simplement caché derrière ces airs d'usine désaffectée. « Bonjour à toi aussi, Daryl. Putain, faut vraiment t'apprendre la politesse. D'abord le vous, puis les salutations... T'as été élevé dans une ferme ou quoi? » Tu soupires, laisse une dernière papouille derrière l'oreille d'Arsenic avant de te relever et te diriger vers l'intérieur du QG. Une fois quelques portes de sécurité passée, le bâtiment se veut plus rafraîchi et semble presque moderne, avec ces éclairages bien plus blanc et prononcés. Il fallait bien que les gens qui fabriquent voient ce qu'ils font et tu tuerais de vendre de la drogue insalubre. Une mort se provoque par une arme, pas par une saleté qu'il a sniffé. « J'ai plusieurs trucs qui doivent être fait, ça dépend de ce que t'as envie. J'ai des livraisons qui doivent être effectuées, puis j'ai des jobs plus... sales. Y'a un endroit à désinfecter de nouveau. Toujours plus prudent de le faire une seconde fois par une autre personne, comme ça y'a rien d'oublié. Y'a de la poudre à préparer, aussi. C'est vite chiant de peser, par contre. Sinon j'ai un truc plus important à régler. Ça devrait davantage te changer les idées si on commence avec ça. Tu sais tirer ? » Tu étales les informations et tâches à effectuer comme si tu parlais simplement d'une planification, comme un horaire de cours. C'était banal, pour toi. Tu en avais l'habitude, depuis tout le temps que tu faisais ce travail. Tu t'es désensibilisée de tellement de choses depuis les années, Alex. Ça pourrait peut-être faire peur, au fond. Mais tu es une trafiquante, tu n'es pas là pour prendre le thé, encore moins pour pleurer la moindre mort qui arrive sous tes doigts.

Tes pas s'arrêtent nets une fois la question posée, tout comme parce que tu es arrivée à la destination de la dernière tâche évoquée. Tu n'étais pas très loin de la salle d'armement, là où tes employés se fournissent en balles et armes. Tout est environ organisé. C'est l'une des premières choses que tu as fais en arrivant comme dirigeante dans ce trafic. Tu as trouvé une façon d'organiser pour savoir ton inventaire, mais également t'assurer de savoir qui a une arme en sa possession. Dans les faits, tu t'en fous un peu. Sauf que tu n'as pas envie de simplement perdre des armes ici et là. C'était déjà chiant le trafic d'armes, si en plus vous deviez bosser en double parce que des imbéciles ne savent pas garder leur arme près de soi... Ça n'allait pas le faire. Tu ranges le téléphone dans ta poche, celui que tu utilisais lors du trajet afin d'envoyer quelques sms ici et là à d'autres employés, puis tu croises les bras, attendant la réponse de Daryl.

Crane n'avait clairement pas de temps à perdre. Il ne voulait pas penser, surtout, ne se laissant pas le temps de se poser une seule seconde. Parce que quand il se posait, il l'avait lui dans la tête. Autant son image que le souvenir de cette rupture, de cette lettre qu'il gardait dans sa poche, précieusement, sans comprendre lui même pourquoi. Il la gardait, alors qu'il aurait sans doute dû la déchirer. Qu'il aurait sans doute dû la lui renvoyer, ou l'envoyer en pleine figure de quelqu'un, juste par pur esprit de vengeance, de colère. Il n'aurait pas dû la garder, encore moins dans sa poche, alors qu'il tentait tant bien que mal d'oublier cet homme qui avait partagé sa vie. Alors il pénétrait dans le bâtiment, sans un bonjour, sans blabla inutile. il voulait bosser, rien de plus, approchant de la jeune femme, s'engouffrant dans la bâtisse qui semblait délabrée vue d'ici. Les yeux rivés sur le chien qu'elle caressait du bout des doigts. "Ouai on va dire ça. Bon sérieux, qu'est-ce que t'as pour moi ?" Pas de politesse, il n'en avait que faire qu'elle lui reproche son éducation. Et encore et toujours, il se refusait à la vouvoyer. Quand bien même ça agaçait la brune, il persistait à la tutoyer. Il était assez frustré comme ça de devoir se soumettre aux ordres de quelqu'un.

Les mains fourrées dans les poches, il suivait Alex, passant quelques sécurité avant de s'engouffrer dans un coin du bâtiment bien plus accueillant. Ses yeux se baladaient ci et là, observant cet endroit qu'il n'avait pas encore eu l'occasion de découvrir jusqu'ici. Il l'écoutait sagement énumérer toutes les tâches qu'elle pouvait lui proposer, alors que lui réfléchissait, son regard toujours baladeur. Il haussait les épaules tandis ce qu'elle se postait devant la salle d'armement, croisant les bras. Crane se redressait, le regard dans le sien. "Je prends tout. Tout ce que t'as. Peu importe ce que c'est, je m'en tape." Il était prêt à se salir les mains s'il le fallait. Alors qu'elle lui demandait s'il savait tirer, il secouait doucement la tête, assurant. "J'apprends vite."

Et lui dont la colère était constante, présente, oppressante, se disait que ce n'était pas une si mauvaise idée que ça, cette idée d'apprendre à utiliser une arme. Qu'il pourrait assouvir sa colère, ses pulsions, et que les travaux qu'elle lui proposait allaient définitivement lui changer les idées. Il s'approchait d'un pas, sans la quitter des yeux, le regard froid. "Tu voulais que je me mette à bosser non ? Alors donne moi tout ce qu'il y'a à faire." Haussant une nouvelle fois les épaules, il se pinçait les lèvres avant d'ajouter. "Puis ça doit pas être si compliqué, pas vrai ?" Il n'avait jamais tenu une arme entre ses mains. Lui usait plutôt de ses points, d'habitude. Laissant sa colère se rependre dans ses veines, prendre possession de lui. Amenant parfois ses rivaux jusqu'au bord du comas si on ne l'arrêtait pas. Parce que là était tout le problème; Crane laissait bien trop souvent sa rage l'envahir. Wallace avait réussi, miraculeusement, à contenir, à réprimer cette haine viscérale qu'il avait envers le monde entier, constamment. Mais William n'était plus là. Plus là pour le bercer, le calmer, le canaliser. Et au fond, il le savait bien, le Daryl Crane qu'il était referait bien vite surface aux côtés d'Alex, sans le mannequin pour le tirer vers le haut. Au fond... C'est bien ce qu'il voulait; S'éteindre. Se laisser ensevelir sous la colère pour ne plus rien ressentir d'autre, pour ne plus percevoir cette souffrance, cette tristesse qui présentaient à son sens une faiblesse. Redevenir cette ombre, ce monstre qu'on décrivait à Nevada City. retrouver sa prestance, sa réputation. Redevenir le King.