« Bryan ! »

Le cri retentit en cette heure tardive dans le bureau du procureur de NY. Assis devant un ordinateur, un jeune homme, le fameux Bryan, sursauta, remonta ses lunettes sur son nez et se précipita dans le bureau d’où venait le cri. Charlie Richards, procureure de NY. Voilà ce qui était écrit sur la porte qu’il poussa précipitamment.

Dans son bureau, Charlie venait de raccrocher avec un juge quelques secondes avant d’appeler son assistant. Et un bon assistant, car il déboula quelques secondes plus tard, essouflé.

« Bryan, trouvez-moi le dossier Mitchell s’il vous plaît. »

Il hocha la tête avant de faire demi tour. Et en bon assistant, il revint quelques minutes plus tard, le fameux dossier entre les mains. Charlie le remercia d’un signe de tête avant de se plonger dans sa lecture.

Elle n’était en poste que depuis quelques semaines et sentait déjà le mal de crâne pointer le bout de son nez. Elle n’avait pas eu beaucoup de temps pour s’imprégner des dossiers de son prédécesseur. En temps normal, le passage du flambeau se faisait en douceur. L’ancien procureur et le nouveau travaillait ensemble quelques temps histoire de faire un passage en douceur, que le nouvel arrivant prenne connaissance des dossiers tranquillements. Mais pas pour Charlie…noooon. Son prédécesseur avait fini à l’hôpital pour crise cardiaque. Des années de malbouffe avait eu raison de ses artères. Oh, rassurez-vous, il allait bien. Mais à peine sortie de l’hôpital qu’il avait pris sa retraite et était partie se reposer en Floride. La veille du jour où Charlie était arrivée. Elle ne l’avait même pas vu ! Mais elle avait quand même eu la bonne surprise de découvrir une  très bonne équipe autour d’elle pour l’épauler. Mais ce soir, son assistant ne pouvait rien pour elle.

« Bryan, appelez Jake Owens et dites-lui de venir. Maintenant. Peu importe l’heure qu’il est, je veux qu’il soit dans mon bureau dans une heure maximum…..Et Bryan ? Rentrez chez vous après ce coup de fil,  il est tard. »

Effectivement, l’horloge indiquait 22h.Mais Charlie n’était pas prête de partir…
Jake Owens….le responsable de son mal de tête ces derniers jours. Excellent détective privé mais prends des libertés avec les lois. Ne garde son  boulot que parce qu’il est fort utile à la police. Va finir par créer des gros problèmes Pas ses mots. Cette description venait tout droit du dossier (non officiel) que tenait son prédécesseur sur  ce drôle de personnage. Et, ayant beau être en poste depuis peu, Charlie avait déjà trop entendu parler de lui. L’avait trop vu alors qu’elle avait du, dès le 1er jour et pas pour la dernière fois, lui éviter des poursuites judiciaires après de enquêtes menées comme un cow boy. Mais cette fois, il était allé trop loin. Le juge qu’elle avait  eu au téléphone quelques minutes plus tôt lui avait bien fait comprendre.

Ce soir, alors que les gens respectables étaient couchés et les fêtards se préparaient à sortir, Charlie attendait patiemment (plus ou moins) que Jake Owens daigne se pointer afin qu’elle l’engeule et qu’elle aille se coucher.

Il restait un moment immobile. Allongé sur son canapé la tête entre les mains, à faire le vide dans son esprit. Trop de choses y tourbillonnaient, l'empêchant de penser de façon cohérente. Ou était-ce cette flasque de rhum sur le sol à quelques centimètres de lui qui en était la cause. Son contenu était vide, il en avait bu jusqu'à la dernière goutte et la remplira certainement après sa déprime habituelle du matin. Le détective se revoyait encore assis au siège conducteur, avec la vision de sa femme remplie de douleurs et d'effroi. Le regard dans le vide, l'homme enpoignait l'un des pistolets sur la table basse pour l'admirer sous toutes les coutures. Qu'allait-il détruire aujourd'hui ? La télévision ? Non trop cher, il n'avait le budget que pour son alcool. Ce  vase ideux que lui avait offert sa cousine à cette dernière réunion familiale à laquelle il ne voulait pas participer ? Oui, bon choix.

L'arme étant sur silencieux, les dégâts n'avaient été entendu d'aucun voisins. Ce qui l'arrangeait, il ne souhaitait pas s'expliquer une énième fois avec les forces de l'ordre, il avait mieux à faire. En fait non, mais leur discours barbant l'endormait et sans qu'il n'en comprenne quoique ce soit, il finissait toujours au poste dans une cellule de dégrisement. Ce qui le faisait doucement rire puisqu'au point où il en était, il n'avait plus aucun moment de lucidité.

Alors il poussait un soupir d'aise, pleinement satisfait des nombreux débris de terre cuite qui jonchaient le sol. Aujourd'hui il n'avait rien d'exceptionnel à faire, pas de mission importante en vue si ce n'est un abruti fini qui n'avait même pas la capacité de cacher ses nombreuses aventures. Ah si, il y avait cette procureure à aller voir, un joli petit bout de femme à fort caractère. Une vraie tigresse, dûre à dompter mais il était confiant, elle tombera forcément sous son charme un jour ou l'autre.

Au téléphone elle avait l'air furax, rien d'étonnant quand on connait la tournure qu'avait prit sa dernière enquête. Une riche héritière, pète cul au possible, l'avait contacté parce qu'elle soupçonnait sa femme de ménage de vol. Son rôle était clair : il devait simplement la suivre et découvrir si elle possédait ou vendait certains objets sur une longue -bien trop longue liste que sa cliente lui avait donnée. Mais Jake ne l'avait pas écoutée de cette oreille non, il devait avoir le fin mot de l'histoire par des moyens radicaux : en flagrant délit. Alors il s'était rendu dans la grande demeure, était passé par la porte de derrière -fermée mais très simple à forcer avec les bons outils puis avait fouillé dans de multiples meubles afin de visualiser les biens coûteux. Sans se préoccuper de l'illégalité de ses faits et gestes, il s'était assis dans un coin du salon, un appareil photo d'une main et une bouteille de whisky de l'autre dont il en bu la moitié avant d'avoir une preuve du méfait. Heureux, il avait exprimé sa joie et son éternelle capacité à résoudre ses enquêtes devant la dite criminelle. Sauf qu'il était trois heures du matin, que la propriétaire dormait à poings fermés et qu'il puait l'alcool à plein nez. En gros il avait l'air bien plus coupable que ne l'était la femme de ménage. Sa joie de vivre écriée de vive voix avait alertée les voisins qui avaient appelé la brigade du coin. Pas manqué, il avait une nouvelle fois passé la nuit au poste pour s'expliquer.

Mais si la situation s'était depuis arrangée pour le quarantenaire, la pauvre Charlie Richards avait elle sur le dos, une riche en colère qui malgré la résolution de l'affaire, s'était plainte des moyens utilisés. Encore une coincée de plus sur cette planète, il l'aurait bien fait taire dans son lit king size si elle n'était pas aussi farouche!

Apprêté d'une simple chemise ouverte, d'un jean d'une taille trop grande et de claquettes, il s'était rendu d'un pas nonchalant dans le bureau de la procureure. Avant d'y mettre un pied, il jetait un regard vers les muscles de son torse, ça devrait éveillé son appétit. Confiant, il entrait dans la pièce d'un pas assuré avant de croiser le regard de la jeune femme.

— Mademoiselle Richards...Même en colère vous êtes magnifique !

L’énorme horloge dans le coin de la pièce égrenait lentement les minutes qui résonnaient dans le silence absolu qui régnait dans le bureau. Et cette horloge la rendait dingue ! Mais qui avait eu l’idée de mettre une monstruosité pareille ici ? A croire qu’elle cachait l’entrée de la Batcave ! Non vraiment, dès demain, elle allait s’en débarrasser. Ou l’exploser elle-même à coup de talons. Faut pas croire, les Louboutin de 15cm c’est dangereux ! Oui, bon en bref, elle devenait dingue. Elle était debout depuis l’aube, venait de se taper une semaine de folie à enchaîner les plaidoiries, les dossiers et les déjeuners d’affaires et maintenant, alors qu’elle ne rêvait que d’une douche et de son lit, elle devait attendre ce satané détective privé. Déjà qu’il lui rendait la vie dure à jouer avec les lois mais maintenant, elle devait attendre qu’il daigne pointer le bout de son nez. Et c’est qu’elle n’avait pas l’habitude qu’on la fasse attendre la Charlie. Que ce soit dans sa vie professionnelle ou dans sa vie privée, elle avait d’ordinaire, ce qu’elle voulait quand elle le voulait. L’attente n’était pas dans son vocabulaire.

Prenant son mal en patience (plus ou moins), elle jeta de nouveau un coup d’œil à cette affaire. La « victime » en question, elle la connaissait, les deux fréquentant les mêmes cercles de la haute classe newyorkaise. Mais elle ne pouvait pas la supporter ! Charlie se savait une vraie garce quand elle s’y mettait,  capable de faire trembler les hommes quand elle se mettait en colère. La Reine des glaces l’avait on déjà surnommée. Elle tapait là où ça faisait mal sans aucune pitié et sans cris ou hurlements, juste une voix et un visage glaciale Elle était douée là dedans (d’où sa prometteuse carrière en tant que procureure). Donc elle n’était pas forcément quelqu’un de bien et elle le savait. Mais cette Betty Mitchells…..L’archétype même de la riche héritière d’une jeune fortune. C’était qui….son grand père qui avait fait fortune quelques années auparavant ? Ah, les nouveaux riches sérieusement. Aucun goût, aucune pudeur. Elle étalait sa richesse sans aucune finesse. Un sketch cette fille. Et sa maison ! Une horreur. Charlie s’y était déjà rendue lors d’une petite fête (où elle n’avait aucune envie d’y aller mais pas le choix), que du clinquant ! Atroce.
Bref, cette femme avait été victime de vol répété par sa femme de chambre. Et au lieu de faire appel à la police, elle avait décidé d’engager un détective privé.

D’ailleurs, Charlie se demandait bien pourquoi elle avait choisi un trublion tel que Jake Owens. La Betty avait du s’évanouir quand elle l’avait vu pour la première fois…

Et bien sûr, comme à chaque fois que Jake était impliqué, l’affaire était résolue mais….pas vraiment dans les règles de l’art. Il avait atterrit en cellule, une fois de plus, le téléphone du bureau du procureure avait sonné, une fois de plus, et l’équipe de Charlie s’était chargée de le faire sortir, une fois de plus. Bref, la routine quoi. Sauf que cette fois, il était tombé sur une enragée. Betty Mitchells avait hurlé, tempêté, menacé. Trouvant absolument inadmissible la façon dont il avait résolu l’enquête, elle exigeait réparation. En son for intérieur, Charlie aurait donné cher pour voir la tête de Betty à 3h du matin en trouvant un Jake Owens bouteille en main dans son salon, criant sa victoire.

Mais pour l’instant, elle ne plaisantait guère. Betty avait des contacts et avait appelé elle-même le bureau pour exiger la démission de ce Owens. Encore une fois, cela prouvait qu’elle n’avait rien compris. Charlie ne pouvait virer Jake vu qu’il ne travaillait pas pour les forces de l’ordre…Mais on lui avait bien fait comprendre qu’il fallait qu’il arrête ses conneries et elle se devait de lui passer un savon…….Mouais…..elle était quoi, sa mère ? Pourquoi c’était à elle de se coltiner ce genre de chose ? Parce que c’était elle (comprendre le bureau du procureur) qui le sortait des emmerdes à chaque fois ? Ah oui.

Et donc, c’est une Charlie fatiguée et sur les nerfs qui vit, enfin, débarquer le détective dans son bureau. Elle le scruta de haut en bas et ne pu contenir un soupire fatigué. Sérieusement ? Il aurait pu faire un minimum d’effort vestimentaire !  Même si, elle devait bien l’avouer, il était bien conservé et le coup d’œil sur son torse et ses abdos étaient un délice pour les yeux.

« Monsieur Owens…..La flatterie ne vous mènera à rien. il faudrait songer à arrêter vos conneries. »

On avait prévenu, cash la Charlie. Et fatiguée aussi. Et puis, elle savait bien que face à Jake, les discours polissés qu’elle tenait habituellement ne serviraient à rien. Alors elle pouvait se permettre de dire franchement ce qu’elle pensait. Et d’un côté, c’était agréable.

« Vous êtes un brillant détective, même si ça me fait mal de l’admettre. Mais là, vous avez déconné sévère. Vous saviez pourtant que Miss Mitchells est du genre à crier au scandale pour tout et pour rien. Vous auriez pu faire un effort pour cette fois. Elle exige que vous soyez poursuivis pour effraction. Et je ne sais pas ce qui me retient d’accéder à sa demande. »

Bah ouais, s’il faisait un petit séjour en prison, son téléphone ne sonnerait plus à des heures impies pour qu’elle le sorte de situation dans lesquelles il s’était lui-même fourrés.  CQFD !

Comme toujours Jake prenait un malin plaisir à rendre la procureure hystérique. Il se savait hors de contrôle et voir que même les plus hauts gradés ne pouvaient rien contre sa petite personne lui procurait une certaine jouissance qui s’apparentait distinctement à une partie de jambe en l’air ou à une soirée arrosée. Puis ce joli minois déformé par la fatigue, la haine et le ras-le-bol, il en viendrait presque à la plaindre si elle ne lui cassait pas les bijoux de famille à chacune de leur rencontre. Et vas-y que j’t’énumère le nombre d’infractions commises, que je juge ta façon de bosser...elle était à l’université que lui était déjà sergent-major à l’armée alors s’il y avait bien quelqu’un à qui il fallait apprendre la vie dans cette pièce, c’était bien elle.  

Il avait perçu son regard porté sur ses vêtements dès son entrée. Quoi, il aurait dû mettre un costard avant de venir peut-être ? Jusqu’à preuve du contraire tant qu’il avait de quoi cacher pau-paul elle n’avait aucun droit de lui reprocher quoique ce soit de ce côté-là. « Monsieur Owens…..La flatterie ne vous mènera à rien. il faudrait songer à arrêter vos conneries. » Avait-elle rétorqué en louchant sur ses abdominaux. Mouais, pas très convaincante la demoiselle. Mais soit, comme toujours, il se contenterait de rester les fesses collées contre ce siège face au bureau à n’écouter qu’à moitié le même sermon qu’elle lui faisait subir à chaque fois. « Vous êtes un brillant détective, même si ça me fait mal de l’admettre. […] » Non sans prétention, il acquiesçait d’un mouvement de tête exagéré. Oh ça oui il était brillant, bien plus doué que tous ces charlatans qui encombrent New-York !  

— Votre compliment me touche énormément mademoiselle la procureure. Répondait-il en portant sa main contre sa poitrine.  

« Mais là, vous avez déconné sévère. Vous saviez pourtant que Miss Mitchells est du genre à crier au scandale pour tout et pour rien. Vous auriez pu faire un effort pour cette fois. Elle exige que vous soyez poursuivis pour effraction. Et je ne sais pas ce qui me retient d’accéder à sa demande. » Si la miss Mitchells s’évertuait à ne plus être cette coincée pleine aux as il aurait pu la faire crier d’une toute autre façon...comme il avait pour habitude de le faire avec beaucoup de ses clientes mais ça c’était un autre débat. Amusé, le quarantenaire levait les yeux au ciel avant d’empoigner sa flasque d’alcool jusqu’ici dissimulée dans sa poche arrière gauche.  

— Tout un tas de raisons pourraient vous retenir d’accéder à sa demande Miss Richards. Répliquait-il tandis qu’il levait ses panards pour les croiser sur le bureau de son interlocutrice sans aucune gêne. Vous êtes une femme intelligente, vous savez quand une requête est une perte de temps et quand, au contraire, elle est utile à la société. Il ouvrait sa flasque pour boire une gorgée de son contenant. Un soupir d’aise s’échappait de sa bouche tandis qu’il levait l’objet face à la procureure. Whisky pur, 30 ans d’âge...j’ai l’impression de jouir à chaque gorgée tellement l’arôme est excellent.  

Si la jeune femme était cash, Jake l’était tout autant...d’une manière moins civilisée cela va sans dire. S’il n’avait peur de rien, l’idée d’une sanction qui l’empêcherait de s’abreuver de rhum toute la nuit ne le laissait guère de marbre. Alors comme toujours il allait jouer de ses charmes, la belle lui résistait par fierté, par esprit de professionnalisme...chose qui n’allait pas durer bien longtemps.  

Accompagnant le geste à la pensée, l’alcoolique décroisait les jambes, se levait de sa chaise pour venir vers son interlocutrice d’un pas lent. De ce même rythme, il posait une fesse sur son bureau avant de coller sa main au milieu de ce dernier, dévoilant davantage sa carrure de militaire bien moins cachée par le maigre tissu qu’il portait sur lui.  

— Allons mademoiselle, on a mieux à faire que de céder aux caprices de Mitchells vous et moi...D’un regard qui se voulait séducteur, il approchait davantage son visage de celui de la jeune femme. Pourquoi accorder autant d’importance à cette demande alors que je pourrais utiliser ce temps pour coincer l’un des pires malfrats New-Yorkais ? Il lui souriait avant de prendre sa main d’un geste affectueux. Ne nous fatiguons pas pour rien ma jolie, je m’en voudrais d’être la source de vos cernes...ça gâcherait la beauté de vos yeux, je ne m’en remettrais jamais.