“ Au coeur de l'Océan

Quelques années auparavant, sur la côte ouest du pays.
Aaron était dans l'hélicoptère, avec son père et trois autres membres d'équipage. Ils avaient été appelés quelques minutes plus tôt par la centrale pour aller secourir un navire en détresse. L'engin survolait désormais l'Océan, transformé par la nuit en étendue noire et lugubre. La tempête avait été présente toute la journée mais elle s'était intensifiée dans la soirée avec des bourrasques de vent et des épisodes de chute de grêle.
Les projecteurs de lumière étaient braqués vers la surface, à la recherche de débris, de corps flottants ou d'un navire n'ayant pas encore coulé. Soudain, apparu dans le visuel d'Aaron un bâteau qui tanguait dangereusement, méchamment balloté par les vagues de l'Océan déchaîné. Il vit à son bord plusieurs hommes faire des signes des mains, montrant ainsi leur présence aux gardes-côtes.
L'hélicoptère se stabilisa tant bien que mal au dessus et Aaron se prépara à descendre, s'attachant au treuil qui allait le poser sur le pont de l'embarcation. Le jeune homme mit son masque sur ses yeux et entama sa descente. Arrivé sur le pont et alors qu'il venait de se décrocher, le bateau fut traversé par une vague de plusieurs mètres de haut; il tomba et fut projeté dans une des barrières, la moitié de son corps menaçant de tomber à l'eau. Reprenant ses esprits, il se releva, s'aggrippa à la balustrade pour ne pas perdre l'équilibre et cracha l'eau qui était rentrée dans sa bouche.
- Vous êtes combien à bord ? hurla-t-il à un membre d'équipage, faisant du mieux qu'il pouvait pour se faire entendre dans les conditions extrêmes.
Ils étaient cinq mais lui n'en voyait que trois. Les autres devaient encore se trouver dedans. Il arnacha le premier venu au treuil et fit signe à son équipage de le remonter. Il parvint également à faire monter le deuxième à bord et vint alors le tour du troisième homme. Alors qu'il s'envolait dans les airs, une autre vague s'écrasa sur le pont, frappant de plein fouet le garde-côte qui ne l'avait pas vue venir. Les vagues commençaient à s'enchaîner, faisant bouger le navire comme s'il n'était qu'une vulgaire brindille. Il avait de l'eau plein la bouche et avait beau la recracher, il en revenait toujours. La pluie et le vent lui masquaient partiellement la vue, rendant son cheminement jusqu'aux cales périlleux. Il parvint à atteindre le poste de commande alors que la proue percutait une vague de pleine face. L'eau entra sans se poser de questions, explosant au passage les vitres de la cabine et poussa Aaron dans les escaliers. Il les dévala et atterrit un étage plus bas dans une des pièces à vivre déjà partiellement inondée.
- Garde-côte de la Marine, signalez-vous ! hurla-t-il, voulant coûte que coûte trouver les deux membres manquants de l'équipage.
Il avança, marchant avec de l'eau déjà à mi-cuisse et poussant les débris présents sur son chemin. Arrivant dans une autre pièce, il repéra un corps qui flottait et le deuxième homme à côté, qui tenait l'autre dans ces bras. Il se précipita à ces côtés et comprit rien qu'en voyant la couleur du corps que cette personne la était déjà morte.
- Je suis garde-côte. Monsieur, on doit y aller, ce bateau va couler d'un instant à l'autre. Vous ne pouvez plus rien pour lui. lui dit-il en le tirant par le bras.
A sa surprise, l'homme se dégagea de son emprise et retourna auprès du mort, le prenant à nouveau contre lui.
- Je suis le capitaine ici ! Si ce bateau coule, alors je coulerai avec ! Et ce gars la, c'était un de mes gars. Hors de question que je le laisse ici. lui cria-t-il en retour.
La cale continuait à se remplir à vitesse grand V et Aaron avait désormais de l'eau jusqu'au ventre. Il devait à tout prix faire vite.
Il prit alors le corps inerte par les bras et le tira vers la sortie, se disant que cela inciterait le capitaine à le suivre. Il se trompait. L'homme le rattrapa et le força à lâcher le corps sans vie en lui mettant un coup de poing. Le jeune homme recula et bascula en arrière, surprit par la réaction du vieil homme. Il fut englouti par l'eau et dû battre de toutes ses forces des pieds pour retrouver la surface.
- Tu ne peux rien pour nous mon gars. Sauve donc ta peau tant que tu le peux encore. lui conseilla le capitaine en se laissant emporter dans les pièces reculées du navire.
Aaron ne savait que faire. Devait-il le poursuivre et tout tenter pour le sauver, quitte à y perdre la vie ? Ou devait-il saisir sa chance de rentrer vivant et faire demi-tour, en acceptant de laisser un homme mourir à cet endroit ? Le dilemne était immense.
Dans un ultime espoir, il se jeta dans l'eau, allant aussi vite qu'il pouvait pour tenter de rattraper l'homme qu'il avait presque perdu de vue.
- Je ne partirai pas sans vous Capitaine, je suis là pour vous sauver ! lui cria-t-il alors qu'il s'apprêtait à arriver à son niveau. Soudain, l'homme sortit une petite poche de sa veste et Aaron reconnut la silhouette d'un pistolet à l'intérieur. Son coeur se mit alors à battre fort dans sa poitrine. Qu'allait-il faire ? Etait-ce seulement pour le dissuader de venir ou allait-il lui tirer dessus ?
Le vieil homme sortit l'arme de son rangement et la pointa vers le jeune homme. Le garde-côte leva alors les mains en l'air et cessa d'avancer, bien qu'il était poussé en avant par l'eau qui continuait de rentrer dans le bateau.
- Sauve ta peau petit. Tu ne sauvera plus personne ici parce qu'il n'y a plus personne à sauver. lui déclara-t-il en lui faisant un petit sourire.
Aaron n'eut même pas le temps d'avancer ou de parler. Devant son regard choqué, le capitaine tourna l'arme vers sa propre tête et appuya sur la détente. Un bruit, un flash, des sifflements dans les oreilles et du sang plein les murs. Le corps du vieil homme s'était écroulé dans les bras de son ami qu'il n'avait cessé de tenir, tandis que la couleur de l'eau rougissait à mesure qu'il se vidait de son sang.
Aaron n'en revenait pas, d'ailleurs il ne bougeait pas. L'homme venait tout simplement de se faire sauter la tête à moins de deux mètres devant lui et il n'y avait désormais plus rien à faire. Reprenant ses esprits, il comprit que la seule chose à faire pour lui était de sortir et de sortir vivant de cet enfer. Le niveau était presque monté jusqu'à son cou et il allait bientôt devoir flotter pour continuer à garder la tête hors de l'eau. Le jeune homme attrapa tout les points fixes du navire qu'il trouva, s'aidant ainsi pour revenir jusqu'à l'escalier. Lorsqu'il y parvint, il n'avait plus pied et il dû nager jusqu'aux marches pour sortir. Dès qu'il fut sortit des cales, la pluie, le vent et les vagues l'assaillirent de plus belle et il perdit de nouveau l'équilibre en se dirigeant vers le treuil qui n'attendait que lui. Il devait simplement remonter dans l'engin pour se sortir de cette situation délicate.
Il arriva sur le pont et alors qu'il allait s'attacher, il vit une vague droit devant lui. C'était sans doute la plus grosse vague qu'il ai jamais vu. Elle allait non seulement engloûtir le navire mais elle allait d'abord le retourner sans problème. Aaron lâcha le câble du treuil et le renvoya sur le côté. Il ne prendrait pas le risque de mettre son équipage en danger pour sauver sa vie.
Il n'avait alors plus qu'une option et il le savait. Alors que la vague géante s'apprêtait à frapper le bateau, il se jeta par dessus bord et retint sa respiration avant de plonger la tête la première. En ouvrant les yeux, il vit que tout était noir autour de lui. Il n'arrivait pas à distinguer le haut du bas. La vague le faisait tourner sur lui-même, l'emportant sans qu'il puisse rien y faire. Il fit son maximum et tenta de nager, utilisant sa maîtrise de la natation à son maximum pour rester en vie. Il tâchait de ne pas paniquer pour ne pas aggraver son cas, sachant très bien que tout pouvait se terminer là, au milieu de l'Océan. Alors qu'il commençait à manquer d'oxygène, il atteint soudain la surface et se mit d'abord à hoqueter, recrachant toute l'eau qui s'était insérée dans sa bouche. Il commença par agiter ses bras et ses jambes afin de rester à la surface puis leva les yeux au ciel. Pas d'hélicoptère en vue. Le stress augmenta d'un coup mais il tint bon, se refusant à ceder à la panique.
L'eau était glaciale et la sensation de froid avait déjà traversé sa combinaison depuis plusieurs minutes. Il commença à grelotter et une sensation d'oppression apparu dans sa poitrine. Tout cela, ce n'était que le froid qui lui mordait la peau et son organisme qui luttait contre; il le savait parfaitement. Mais continuer à rester lucide devenait compliqué. L'Océan déchaîné continuait à déferler sur sa tête, la pluie lui supprimait toujours une partie de sa vision et il ne voyait toujours aucun signe de son équipage.
- Merde de merde. Reste concentré Aaron, allez. se dit-il à lui-même pour se motiver.
Se répétant qu'il ne mourrait pas à cet endroit, il se mit à nager, utilisant le talent qu'il avait développé pour la natation afin de braver les vagues mais sans savoir dans quelle direction aller. Enfin, alors qu'une lame s'abbatait devant lui, elle laissa apercevoir des faisceaux lumineux puis il entendit le son caractéristique des rotors de l'engin volant. Celui-ci le repéra et le survola, jusqu'à faire descendre le treuil sur sa position. Enfin, il s'attacha et sentit qu'on le remontait. A peine était-il arrivé au niveau de la porte que plusieurs mains l'aggripèrent, le faisant rentrer de force dans l'appareil.
- Bordel mais qu'est-ce qu'il s'est passé Aaron ?! Qu'est ce que t'as foutu nom de Dieu ? lui cria son père en le prenant en même temps dans ces bras. Il sentait autant la colère que l'apaisement dans ces paroles et il ne lui en voulait pas.
- Il y avait deux personnes dans la cale. J'ai tenté de les ramener et... commença le jeune homme, essouflé. Il avait pour une fois réellement froid et suspectait même son corps d'être tombé en hypothermie.
- Je m'en fiche des gens dans la cale ! C'était du suicide d'y aller, tu savais très bien que le navire allait couler rapidement. Tu as sauvé trois personnes de l'Océan aujourd'hui et je t'en félicite mais j'ai aussi envie de te mettre deux claques pour le reste. le coupa son père, furieux. Ce n'était pas la première fois que le jeune homme faisait un pari risqué sur une mission et cela ne plaisait pas à son paternel. Voyant l'état dans lequel il était, Aaron préféra ne pas parler de ce qu'il avait vu dans la cale. L'Océan emporterait cette histoire et il garderait ce secret. Il n'avait que deux choses à retenir de cette intervention, il avait sauvé trois vies et il était toujours vivant.
A peine était-il rentré à la base qu'il fut convoqué dans le bureau de l'Amiral, malgré l'heure tardive.
Il ne prit pas la peine de se changer et se pointa dans le bureau en combinaison d'intervention. Il était culotté et il le savait, cela faisait partie de son caractère. La Marine ne le renvoierait pas pour ça, parce qu'à côté de ça, il était un sauveteur du génie.
- Premier Maître Monroe, une nouvelle fois dans mon bureau. J'ai encore eu vent de vos exploits. déclara son supérieur en le regardant d'un air dépité. Aaron savait parfaitement qu'il allait le mettre en garde sans le renvoyer parce qu'il faisait partie de l'élite de son unité.
- Amiral, je ne faisais que mon travail. J'espère que les trois marins qu'on a secourus se portent bien. répondit-il en se mettant au garde à vous.
- Oui oui, ils iront bien. Grâce à vous... Mais soyez plus prudent bon sang ! Vous êtes l'un de mes meilleurs éléments mais peut-être aussi le pire ! s'emporta-t-il en secouant la tête d'un signe désespéré. Il le fatiguait et il le savait. Aaron ne répondit rien, se contentant de regarder son supérieur en attendant qu'il le laisse s'en aller. Il allait encore échapper à la potence.
- Vous pouvez disposer, Premier Maître Monroe. déclara-t-il en soupirant.
Le jeune homme sortit du bureau, le sourire aux lèvres.
La nuit se terminait bien pour lui, malgré le terrible souvenir du capitaine dans la cale qui lui resterait pour toujours en tête.

C'était son travail, il était garde-côte en Californie.






@Aaron Monroe

“ In the smoke

Chicago, dans l'Illinois.
Cela faisait désormais plus de trois ans qu'Aaron avait quitté la Californie et les responsabilités qu'il avait. Et cela faisait maintenant quatre mois qu'il était parti de la grande pomme; après y avoir obtenu son diplôme d'infirmier et celui de paramédic par la même occasion. Paramédic, c'était ce qu'il faisait dans cette nouvelle ville qu'il découvrait encore. Il travaillait dans un centre de secours, aux côtés des pompiers mais montait dans une ambulance.
Jusque là, chacun de ses choix de vie avaient été guidés par le désir professionnel, celui d'apprendre et de devenir meilleur. Il n'aspirait pas à devenir parfait, seulement à pouvoir être la meilleure version de lui-même. Il avait quitté la côte ouest, poussé par l'envie de faire autre chose que nager dans l'océan, tout en restant dans l'aide d'urgence aux personnes en détresse. Ambulancier s'était révélé être un bon compromis pour lui. Il n'avait pas envie de devenir pompier et n'enviait pas les hommes et femmes qui montaient tout les jours à l'assaut du feu, tout simplement parce que la lutte contre le feu ne l'intéressait pas. Lui était un sauveteur de l'extrême, pas un avaleur de fumée.
Pourtant, la fumée, c'est exactement ce qu'il dû apprendre à comprendre. Sans le savoir, il s'était fait remarquer de part son sang-froid dans des situations qui auraient du rimer avec panique. Il avait également un talent naturel pour le leadership, réussissant à avoir une approche claire et précise des cas et devenant capable de prendre des décisions pour le bien-être de tout le monde. Il ne voulait pas devenir pompier mais il allait y être formé, bien malgré lui. A raison de sept heures minimum par semaine, il devenait l'apprenti du lieutenant de la brigade de secours.
Les cours étaient durs et intenses, les soldats du feu ne lui donnaient que très peu de répit mais c'était là exactement ce qu'il aimait. Etre formé à la dure, cela le faisait sourire et il en redemandait.
Parfois, il pensait à New-York, à ce qu'il avait laissé là-bas. Il ne regrettait pas d'être parti, il regrettait seulement une personne. Il était tombé amoureux durant ces années de formation et avait vécu l'histoire d'amour dont il avait toujours rêvé. Il avait beau sourire en se disant qu'il allait pouvoir voyager, il ne pouvait cependant s'empêcher de penser à elle. Elle lui manquait, à vrai dire elle lui manquait même affreusement. Ils s'étaient promis de ne pas s'envoyer de messages, de ne pas se donner de nouvelles dans un premier temps pour laisser le temps faire son oeuvre et tourner la page de leur relation. Mais c'était dur, c'était même parfois atroce. L'envie le prenait des fois de vouloir jeter son portable pour ne plus subir cette tentation qui le rongeait de l'intérieur. Il ne voulait pas non plus se mettre à nouveau avec quelqu'un, sachant pertinemment que cette relation ne serait qu'un mouchoir pour tenter de mieux supporter le réel manque qui l'habitait.
Les occasions ne manquaient pas pour lui d'avoir de nouvelles relations, allant de la pompière, à l'infirmière et en comptant les femmes qui l'avaient abordé au bar. Mais sa réponse était systématiquement non. Il ne laissait jamais de place au doute, ne prenant même pas un numéro ou un nom. Il s'en fichait.
Aaron finissait toujours par sortir son portefeuille et par regarder cette photo qu'il gardait en son sein. La femme sur le cliché, c'était elle qu'il aimait. Elle et pas une autre.

Il ne devait pas se laisser distraire par ses pensées. Dans un cas réel, cela pouvait lui coûter la vie. Et il était là, à nouveau prêt à entrer dans la maison de feu, ce simulateur pour entraîner les pompiers aux situations auxquelles ils allaient devoir faire fasse.
Le lieutenant passa un papier à bulles dans son masque, lui enlevant ainsi entièrement sa visibilité; le but étant qu'il se repère et se dirige sans y voir. Il avançait, gardant une main ou un pied contre le mur afin de ne pas se perdre. Il devait aussi chercher un mannequin, laissé aléatoirement dans une des pièces de la maison. Il le trouva, étendu au milieu de ce qui semblait être une pièce à vivre. Mais alors qu'il allait le tirer pour l'évacuer, Aaron s'aperçu qu'il avait perdu le contact avec le mur. Etat-il sur sa droite ? Sur sa gauche ? Derrière lui ? Il avait beau bouger ses bras et ses jambes, il ne le sentait pas. Lorsque enfin il trouva un point d'appui, c'était un meuble et il ne se rappelait pas l'avoir touché avant. Il devait l'admettre, il était perdu.
- Tu es mort. lui déclara une voix à l'oreille. Il sentit qu'on le prenait par le bras et il suivit le mouvement. L'homme le ramena à l'extérieur et l'aida à enlever son appareil respiratoire.
- Tu sais ce qu'il s'est passé ? lui demanda cette même personne, attendant de lui qu'il lui explique ses ressentis et le comment du pourquoi il en était arrivé là.
- Je faisais ma reconnaissance, j'ai bien gardé contact avec le mur, enfin jusqu'à ce que je trouve le corps. Je sais pas comment j'ai fais pour le perdre, j'étais sûr de l'avoir juste à côté de moi. pesta-t-il en grimaçant. Il était frustrant de s'avouer vaincu et de se dire qu'en situation réelle, il aurait été incapable de sortir et serait probablement mort. Plus les entraînements passaient et s'intensifiaient, plus il se rendait compte de la complexité de la tâche qui l'attendait s'il devenait un jour soldat du feu.
Il allait y retourner, en changeant d'étage pour ne pas reconnaître les lieux. Toujours avec le papier bulle devant les yeux, il avança à nouveau. Le simulateur reproduisait les bruits de crépitement de flammes et il avait du mal à percevoir d'autres bruits tant son esprit était focalisé là-dessus. Il entendit une détonation sourde non loin de lui et sursauta. Une autre retentit, pile en face de lui et il tomba sur les fesses, surprit par ces perturbations sonores. Il ne devait pas se laisser faire et il le savait alors il se remit en route, se concentrant sur ses sens, notamment son touché, pour ne pas perdre contact avec le mur cette fois. Soudain, alors qu'il s'apprêtait à inspirer, son masque ne lui délivra pas d'air. Rien n'en sortit. Sa bouche s'ouvra dans un mouvement silencieux tandis qu'il sentait sa gorge se bloquer en l'absence d'un apport en oxygène. Il n'avait que quelques secondes pour trouve l'origine du problème, après quoi il tomberait inconscient. Son premier réflexe fut d'appuyer sur sa soupape, en priant pour qu'elle lui délivre des pulsions d'air et lui octroie quelques secondes de répit. Mais rien n'en sortit. Il appuya une seconde fois mais le résultat fut le même. Il ne devait pas céder au stress et à son envie d'enlever son appareil respiratoire. C'était là exactement ce qu'attendaient les pompiers, le voir paniquer et se déséquiper à l'intérieur d'une maison enfumée. Il savait déjà qu'on lui dirait à nouveau de sortir si c'était le cas et il aurait échoué. Par réflexe, ses mains montèrent à son masque et il était sur le point de l'arracher lorsque enfin, il pensa à une autre option qu'il n'avait pas essayée. Restant sur les genoux et fermant les yeux, il se calma et passa une main dans son dos, attrapant sa bouteille d'air.
- Bien joué gamin. pensa-t-il de lui même en sentant que sa bouteille avait été fermée. Il parvint à l'ouvrir et put enfin inspirer, reprenant ainsi à son grand soulagement une grande bouffée d'air.
- Vous êtes de belles enflures. se mit-il à penser de ses instructeurs, sachant très bien que l'un d'entre eux était à l'origine de ce test. Aaron parvint cette fois à sortir le mannequin sans problème et fut félicité par les pompiers. Il était mis à rude épreuve, sortait en général épuisé de ses séances d'entraînement mais était en même temps honoré d'être pris à part et formé par des spécialistes.

Plus le temps passait et plus il prenait goût à cela. Les exercices devinrent plus durs et il affronta par la suite des situations plus compliquées. Mais à force de travail et de répétition, il acquérissait des réflexes et parvenait dans la majorité des cas à se sortir des pièges que lui tendaient les instructeurs.

C'était là, dans un des états au nord du pays qu'Aaron venait de goûter à ses premières expériences le liant à la fumée et au feu. Sans le savoir, il venait de mettre le pied dans un univers duquel il ne sortirait pas.
Il venait de faire le premier pas dans sa future carrière de soldat du feu.

@Aaron Monroe

“ Little boy

Je n'étais qu'un petit garçon.
Et pourtant, déjà à ce moment là, je ne vivais pas les choses comme n'importe quel enfant. Pour la plupart des gosses, parler de Batman ou de Superman revient à parler de super-héros. Mais ce n'était pas mon cas. Pas que je n'aime pas les histoires de Bruce Wayne ou de n'importe quel autre personnage incroyable non, mais mes héros à moi étaient simplement différents. Ils étaient réels.
Mes héros étaient mes parents.
Mon père est et a toujours été garde-côte. Ma mère est l'une des meilleures chirurgiennes de San Francisco. Je suis né dans cet environnement, partagé entre l'urgence, l'amour des autres et l'envie d'aider, d'être la pour son prochain. C'est inscrit en moi depuis le premier jour, comme une marque de mon ADN.
Depuis tout petit, mes jouets n'avaient rien des figurines de films ou autres créatures inventées. Je jouais le plus souvent avec un hélicoptère, un petit bonhomme habillé en tenue de plongée et un bateau de secours. Quand ce n'était pas ça, je passais mon temps avec ma mère à apprendre les parties du corps humain, les organes, les os, tout ce qui compose l'Homme. On faisait ça en version "docteur maboul" histoire que ça reste amusant. Après tout, j'étais encore petit.
Je me souviens être allé voir mon père au travail, à la base de la Marine. J'adorais cet endroit et les gens qui y travaillaient. Cela m'arrivait de voir mon père monter dans cet engin volant, l'hélicoptère taille réelle et partir sauver des vies. J'avais toujours un peu peur qu'il ne revienne pas mais à côté de ça, j'éprouvais une immense fierté en me disant que c'était mon père. On le regardait décoller, les pales du rotor qui tournaient me donnaient toujours la sensation que j'allais m'envoler. Et bon Dieu que je rêvais d'être comme lui, de monter moi aussi à l'assaut de l'Océan et de plonger dans la tempête.
C'était devenu mon objectif, mon envie la plus chère.
Quand il rentrait de mission, je me jetais toujours dans ces bras, trop heureux de le revoir et rassuré de le voir rentrer en vie.
J'avais beau être tout jeune, j'ai très vite compris à quel point la vie était précieuse et fragile également. Je lui demandais alors de me raconter des histoires, ces interventions, tout ça. Il m'en racontait une partie, n'oubliant pas d'omettre les détails choquants ou les gens qu'il pouvait voir mourir. Je m'en doutais un peu mais je n'osais jamais poser la question. J'avais peur de faire des cauchemars à cause de ça à vrai dire. Mais la meilleure partie dans tout ça, c'était quand on se réunissait tous ensembles et qu'on allait marcher, faire des randonnées, ce genre de choses. On profitait d'autant plus de ces moments vu qu'on ne savait jamais si ils allaient être les derniers ou pas.
A ce moment là, évidemment, j'ignorais que j'allais devenir à mon tour, quelques années plus tard, membre de la Marine et que je serai le plus intrépide des marins.
Je ne savais pas que je deviendrai la plus grande source d'inquiétude pour mes parents. La peur d'un père, d'une mère qui n'avaient eu qu'un unique enfant. J'étais arrivé là, comme un petit miracle dans leurs vies. Alors forcément, quand ce petit miracle, ce petit bonhomme s'est mis à défier la mort les yeux fermés, ça leur a pas vraiment plu. J'étais devenu un jeune homme insouciant, un peu trop confiant aussi je dois l'avouer. Je pensais que rien ne pouvait m'atteindre alors je fonçais, je me jetais dans la gueule du loup sans réflechir. J'étais vraiment un excellent nageur c'est vrai, mais avec le recul je sais maintenant que doué en natation ou pas, contre mère nature je n'étais rien. Plusieurs fois, je me suis mis dans des situations vraiment merdiques, il faut bien le dire. Plusieurs fois, mon père m'a hurlé dessus, impuissant et inquiet devant ma manière de faire. J'ai toujours pensé qu'un petit ange veillait sur moi ou que j'avais une sacrée chance. J'aurai pu et peut-être même dû mourir plus d'une fois. L'océan aurait pu m'emporter et ne jamais me relâcher. J'ai jamais compris pourquoi à chaque fois j'arrivais à rejoindre la surface, pourquoi je finissais toujours par rentrer à la maison. Je me sentais invincible. Je l'étais pas mais j'avais cette foutue impression, celle qui me faisait me dire que je pouvais continuer à me mettre en danger mais que dans tout les cas, à la fin je sortirai vivant.
J'étais un petit garçon. Immature et ingérable au travail. La remise en question n'est pas arrivée comme ça, du jour au lendemain. A vrai dire, elle aurait pu ne jamais venir et j'aurai continué comme ça jusqu'à finir par mourir un jour.
Et BAM. Une grosse gifle, l'année de mes vingt ans. Elle venait de ma mère. Elle a pleuré avant de me la mettre et elle s'est effondrée après. Elle m'a regardé, droit dans les yeux, tandis que les larmes continuaient de couler le long de ces joues et elle m'a supplié d'arrêter. Elle était désespérée. Elle ne dormait plus, elle avait du mal à aller travailler et à me voir aller au boulot. Parce qu'elle savait comment j'étais et qu'elle était inquiète. En fait, elle était même en train de mourir d'inquiétude. Et c'est pour ça qu'un jour, après que j'ai fais une nouvelle fois l'inconscient, elle me l'a collée cette gifle.
Je la méritais, j'en souris aujourd'hui mais j'étais clairement pas fier sur le coup. J'ai ouvert les yeux sur mon comportement à ce moment là, j'ai pris conscience de ma manière d'agir, de la répercution que cela avait sur ma famille et sur mes collègues. J'ai pris conscience que d'être convoqué tout les mois dans le bureau de l'Amiral ce n'était pas la preuve que j'étais un marin d'élite. Au contraire.
C'est là que mon père m'a dit "tu sais mon fils, pour être un bon sauveteur, il faut avant tout être un sauveteur vivant."
Ma remise en question est partie de cette gifle. Ca a été compliqué c'est vrai mais j'ai réussi. Il m'a fallu le temps, du travail et encore du temps. Et suite à ça, j'ai repensé à mes souvenirs de gosse.
A toutes ces fois où mon père s'en allait justement et ou je priais pour qu'il revienne sain et sauf. Et là, j'ai compris.
J'ai présenté mes excuses à mes parents et je les ai pris dans mes bras. Je leur ai demandé pardon pour tout ce que je leur avais fais subir jusque là et je leur ai promis de ne jamais recommencer.

Je n'étais plus un petit garçon.

@Aaron Monroe

“ Lieutenant

Houston, Texas.
Aaron était arrivé quelques semaines plus tôt dans "The Lone Star State", ayant trouvé un poste de paramédic dans une des casernes de la ville. Il avait dû devenir pompier, cette fois officiellement, par obligation envers le service incendie. A sa surprise, on lui avait directement proposé d'intégrer la squad, la fameuse brigade de secours dont les postes étaient toujours convoités. Bien sûr, il avait accepté, désirant montrer de quoi il était capable à ses collègues et supérieurs.
Aaron était devenu un homme aussi responsable qu'ambitieux. Ses précédentes expériences lui avaient permis de s'assagir, de prendre du recul sur ce qu'il vivait, ce qu'il ressentait. Ainsi, il avait désormais plus de facilité à avancer, à continuer sa route sans passer son temps à se retourner et à être nostalgique de son passé. Il profitait pleinement de ses aventures, souriant à la vie et la remerciant pour chacune des bonnes choses qu'elle lui apportait.
Il travaillait dur et sans relâche, apprenant un peu plus chaque jour de ce métier complexe, de cette nouvelle passion qui était née en lui.
En quelques mois dans cette ville du sud du pays, il s'était fait des amis, quelques très bons amis même et s'était mis en couple avec une belle brune qui travaillait dans les forces de l'ordre. Elle était la première qui parvenait à percer ses défenses depuis sa relation à New-York mais malgré tout, il doutait de pouvoir l'aimer convenablement. Il avait été honnête envers elle, lui avouant la vérité en ce qui concernait la fille qu'il avait aimée, ne lui promettant pas d'être capable de tomber amoureux. Elle avait choisi de relever le défi et cela faisait désormais quelques semaines qu'ils étaient ensembles.

Sans vraiment s'en rendre compte, il la délaissa, se concentrant majoritairement sur son travail, y passant des heures folles jusqu'à passer des jours sans même la voir ou lui parler. Il fallu qu'elle le quitte pour qu'il constate son absence à ces côtés. Mais pour lui, tout cela avait une simple explication. La même depuis toujours, elle n'avait pas changé. Son coeur était déjà pris.

Il laissa alors tomber les relations amoureuses et se concentra uniquement sur son métier. Il voulait prendre du grade, il voulait prendre de l'importance parce qu'il sentait qu'il en était capable. Il se faisait souvent remarquer sur le terrain, étant un excellent sauveteur. Pourtant, il n'aimait pas les compliments. Il connaissait ses capacités, ses compétences mais ne cherchait pas à en jouer. Il ne s'attribuait que rarement son mérite, le renvoyant en général à ses premiers instructeurs, les pompiers de Chicago. Il avait gardé le contact avec eux, les informant régulièrement de l'avancement de sa carrière.
Celle-ci s'apprêtait à prendre un tournant. Son leadership naturel et ses talents de pompier le conduisirent à être envoyé à la formation de lieutenant. Il était le plus jeune du stage mais était aussi celui qui avait le plus grand dynamisme. Avec lui, les choses bougeaient et étaient réalisées dans la bonne humeur. Au delà d'apprendre, Aaron apporta une nouvelle manière de faire, une nouvelle mentalité.
En quelques mois, il s'était construit une solide réputation et était devenu l'un des hommes du feu les plus respectés de la ville. Aaron, lui, continuait de venir travailler avec le sourire et avec sa musique. Il faisait toujours les choses dans la bonne humeur et avait appris avec le temps à connaître ses collègues et amis. Il savait quelles étaient leurs faiblesses, leurs forces et les aidaient à travailler dessus tout comme lui continuait à se remettre en question pour progresser. Il était la personne qu'on pouvait appeler à n'importe quelle heure en cas de problème. On pouvait compter sur lui, même pour parler parce qu'il savait aussi écouter.

Puis, vint un jour qu'il aurait cru comme les autres. Pourtant, ce jour-là, son chef de bataillon le convoqua dans la remise et devant l'ensemble de la garde, il attacha au col de son polo deux insignes avec l'emblème de la brigade de secours. Dessus étaient gravés les mots " Squad Lieutenant".
- Si vous l'acceptez, lieutenant Monroe, vous serez désormais à la tête de la squad. lui avait déclaré le chef de la caserne en lui tendant sa main.
De part cette poignée de main et cet accord mutuel, Aaron était devenu lieutenant. Il était l'un des plus jeunes à avoir acquis cette compétence et ce grade et en avait été fier. Il savait quelles responsabilités étaient désormais siennes, se rendant bien compte qu'il allait devoir faire en sorte à chaque garde que cinq pompiers rentrent chez eux sain et sauf. C'était son devoir. A chaque intervention, des vies allaient dépendre de ses décisions, de se choix, uniquement de son jugement.
Tout comme il était de son ressort de s'assurer que ses collègues se portaient bien. Ainsi, à chaque début de garde, il demandait à ses équipiers s'ils étaient blessés, malades, tristes ou joyeux. De cette manière, il n'était pas surpris par leurs réactions sur le terrain. De même, plusieurs fois par mois, il les réunissaient autour d'un barbecue ou d'un simple repas et prenait garde à leur santé mentale, en leur demandant leurs ressentis sur les départs qu'ils avaient effectués.
Il était apprécié Aaron, il était plus que jamais reconnu comme une valeur sûre du service incendie de Houston.

Cette ville lui avait permis d'évoluer, de monter les échelons et de s'épanouir à un poste qui avait sans doute toujours été fait pour lui.
Il était dans la squad; il était Lieutenant.



@Aaron Monroe