“ Event 6- Loto

Emy & Aaron

Emy et Aaron s'éloignèrent rapidement de l'estrade et de la foule. Ils marchaient depuis quelques secondes sans direction précise; sans vraiment avoir d'idée de quoi faire non plus. A vrai dire, il n'avait pas non plus réflechi à ça en s'inscrivant.
En posant son regard sur la jeune femme, il vit qu'elle parcourait le parc des yeux, un sourire aux lèvres. Elle semblait apprécier l'endroit, peut-être y avait-elle aussi de bons souvenirs. Lui, ne le connaissait presque que de nom, étant plus habitué à aller flaner ou courir à Central Park. Il fallait aussi dire qu'il n'était pas non plus revenu sur New-York depuis si longtemps que ça. Le jeune homme se mit à sourire à son tour, se disant qu'en plus de passer la soirée en compagnie d'une jeune femme tout à fait charmante, il avait en plus découvert un bel endroit.
La jolie rousse se tourna soudain vers lui, le surprenant un peu.
- Au fait, nous n'avons pas été correctement présentés. Je m’appelle Emy. Emy Jameson. Toi c’est Aaron, c’est ça ? lui déclara-t-elle en esquissant d'abord un sourire puis une grimace. Il lui sourit en retour avant de confirmer qu'il s'appelait bien Aaron. Elle avait, à première vue, l'air d'être une belle personne; le genre avec qui il pouvait possiblement bien s'entendre.
- Donner un nom et un métier semble être la seule chose que le présentateur sache faire convenablement. Il a un humour particulièrement douteux. Si on peut appeler ça humour, d'ailleurs. poursuivi-t-elle. Elle avait dû comprendre pourquoi Aaron avait souhaité s'éloigner de la scène et de cet homme qui n'avait rien fait d'autre qu'être vulgaire, à la limite de l'irrespect envers lui.
- Je suis bien d'accord avec toi. Mais passons à autre chose. lui répondit-il. Ils avaient désormais la soirée devant eux et mieux à faire que parler des blagues douteuses d'un animateur.
- Tu semblais un peu perdue dans tes pensées il y a quelques secondes. Est-ce que tu as de bons souvenirs dans ce parc ? voulu-t-il savoir, le sourire aux lèvres. Il imaginait toutes les possibilités de bons moments qu'une personne pouvait avoir passé dans un superbe lieu comme celui-ci. Aaron était bien résolu à apprendre à mieux connaître Emy, cette femme dont il ne connaissait l'existence que depuis quelques minutes.

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Emy & Aaron

A peine lui avait-il posé la question qu'un grand sourire vint illuminer son visage. Cela faisait plaisir à voir. Même si elle n'avait pas répondu, son expression faciale à elle seule aurait suffit à lui mettre de la joie dans le coeur.
- Beaucoup ! s'écria-t-elle, plutôt enjouée.
- Ce qui est fou c’est qu’en venant ici, je n’arrivais pas à me rappeler de manière précise de la dernière fois où je suis venue ici, mais tout me revient maintenant. J’ai l’impression que ça fait une vie alors qu’il y a à peine deux ans je révisais encore sous cet arbre, là-bas. continua-t-elle, lui montrant un arbre du doigt. Cette remarque le fit sourire, tandis qu'il posait à son tour le regard sur l'arbre en question. Il tenta de l'imaginer, deux ans auparavant, assise, adossée à l'écorce et des livres dans les mains. Il se rendit compte qu'il avait plein de questions à lui poser, qu'il y avait tout un tas de choses qu'il aurait voulu savoir sur elle. Ce souvenir n'était qu'un début, un superbe début, une esquisse de sa vie étudiante.
- Je vais plus souvent à Central Park, maintenant. finit-elle par déclarer. Il posa à nouveau son regard sur elle. Elle lui donnait le sourire et il ne le cacha pas. Parler de choses positives lui faisait le plus grand bien et voir l'engouement dont elle faisait preuve était pour lui un petit morceau de bonheur.
- Et toi ? Tu es déjà venu ici auparavant ? lui demanda-t-elle en suivant.
Il leva les yeux au ciel puis balaya l'espace vert du regard. Il vivait dans Manhattan et ne connaissait pas ce lieu. Quel piètre New-Yorkais il faisait.
- Non, jamais. Je n'allais, jusqu'à aujourd'hui, qu'à Central Park. commenca-t-il à son tour. Il se prit à sourire en entendant le chant d'oiseaux au loin, dans des arbres. Il aimait la magie que donnait cette ville. Elle compensait un peu avec la folie à laquelle il assistait au travail.
- A vrai dire, je viens de Californie; San Francisco pour être précis. Ca ne fait pas si longtemps que ça que je suis de retour ici. lui dit-il alors que, sans réfléchir, il attrapait à nouveau sa main. Doucement, il l'amena vers l'arbre qu'elle lui avait montré, quelques secondes plus tôt.
- Tu m'as dis que tu révisais, il y a deux ans. Qu'est ce que tu étudiais ? lui demanda-t-il tout en continuant à lui sourire. La question était simple mais il n'avait cessé de se la poser depuis qu'elle avait commencé à parler. Se tournant vers elle, il posa son regard sur le sien.

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Emy & Aaron


- Dans ce cas, laisses-moi te servir de guide pour te montrer les endroits sympas du parc et ses alentours. Sa proposition le fit sourire, il était ravi qu'on lui fasse découvrir des lieux qu'il ne connaissait pas. Surtout avec avec elle qui semblait très bien connaître le parc et qui pourrait par la même occasion, si elle le souhaitait, lui partager d'autres de ces souvenirs.
Ils étaient de retour sous cet arbre semblant si important à ces yeux et le sourire ne l'avait pas quitté. Elle s'était montrée enjouée, quelques secondes avant, lorsqu'il lui avait déclaré venir de Californie, ce qui l'avait sur le coup amusé. Elle avait dans le même temps touché un point sensible chez lui, en le ramenant à la première raison de son retour ici. Il avait sur le coup, évité la remarque, se focalisant plus sur son parcours de vie à elle. Les soins infirmiers, il connaissait, étant lui-même passé par là pour devenir paramédic. Il avait d'ailleurs étudié ici, à New-York avant de s'en aller. Il comprenait de ce fait qu'étant donné la particularité de ces métiers là, elle avait eu raison de changer si elle ne se sentait pas à l'aise là dedans.
- Tu as toujours voulu être pompier ? lui demanda-t-elle, interrompant ainsi son flot de pensées. Cette question, on la lui posait souvent, étant donné son grade et son expérience. Mais au final, peu de gens savaient vraiment ce qui comptait pour lui.
- A vrai dire non. Du moins, c'est compliqué. Je savais que ma vie serait tournée vers l'urgence. Je ne savais juste pas exactement ce que je ferai. commença-t-il, cherchant lui même la meilleure manière d'expliquer, de résumer toutes ses années de travail et de mouvements.
- J'étais garde-côte dans la Marine. Puis je suis devenu paramédic, puis pompier... Puis les deux... Et enfin, lieutenant du FDNY. dit-il, un peu embarrassé par sa manière de décrire sa vie. Vu de l'extérieur, cela pouvait paraître compliqué de suivre tout ce qu'il avait fait. Et il n'était pas vraiment doué pour parler de lui,  étant finalement plus habitué à écouter les autres parler et à prendre soin d'eux.
- San Francisco oui... continua-t-il, un brin nostalgique en pensant à la côte ouest.
- Je suis revenu pour quelqu'un à vrai dire, enfin... C'est assez compliqué. termina-t-il de dire, baissant les yeux au sol. Il se mordit intérieurement la joue tant il s'en voulait d'être submergé par ses émotions alors qu'il se devait de profiter de la soirée présente. Emy étant en plus plutôt joyeuse et le contact ayant l'air de bien passer, il ne voulait pas casser l'atmosphère de l'instant.
- Est-ce que tu as réussi à régler tes problèmes ? se risqua-t-il à son tour à demander. Il ignorait le fond des ennuis qu'elle avait traversés mais était disposé à écouter et à en parler. Du moins bien plus qu'il ne l'était à s'ouvrir sur sa carapace sentimentale.

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La jeune femme semblait aussi contente que lui l'était de pouvoir lui faire découvrir le parc dans lequel ils se trouvaient.
Aaron était ravi de ce début de soirée, sentant que la conversation se faisait naturellement entre eux. Emy était une femme intéressante, intéressée et dont l'air enjoué le faisait sourire facilement.
Il n'y avait pas mieux comme rencontre par un tirage au sort.

Tandis qu'il tentait de lui expliquer son parcours de sauveteur, la jeune femme afficha soudain une expression de visage différente, comme si elle était impressionnée. A ses yeux, son parcours n'avait rien de fabuleux ni d'extraordinaire. Il ignorait cependant de quelle manière tout cela pouvait être perçu par une personne extérieure. Peut-être que le faciès d'Emy était la réponse à sa question.

La déclaration qui suivit le fit autant sourire qu'elle provoqua même un rire de sa part. Elle avait sans doute raison, que ce soit pour l'expérience qu'il s'était faite grâce à ses travails ou de part le fait qu'elle soit en sécurité ce soir-là, avec lui.
Une nouvelle fois, il ne put s'empêcher de lui sourire tandis qu'il croisait son regard.
Son visage se ferma ensuite un peu, lorsqu'elle aborda le pourquoi de son retour. Il pensa à celle qu'il aimait. Cela le torturait intérieurement, d'être loin d'elle. Il le cachait mais c'était trop tard. La jolie rousse avait déjà remarqué son émotion, déclarant un "Oh, je vois…" visant plus à s'excuser de sa question qu'autre chose. Il ne lui en voulait pas, elle ne pouvait pas savoir. De plus, elle était si gentille depuis le début. Après tout, peut-être se confierait-il à elle au cours de la soirée ?
- Ne t'inquiètes pas, ta question était légitime. lui dit-il, se voulant rassurant. Il lui adressa un nouveau sourire, espérant ainsi qu'elle comprendrait qu'elle n'avait rien fait de mal.
Enfin, il changea un peu de sujet, s'intéressant à elle tandis qu'elle l'incitait à la suivre vers de nouveaux recoins.
Il fut d'abord heureux pour elle, de savoir qu'elle avait pu régler la plupart des ennuis auxquels elle avait dû faire face; puis il fut surpris lorsqu'il entendit le mot "maman". Cette dernière phrase le fit particulèrement sourire. A vrai dire, c'était sans doute un des plus beaux sourires qu'il adressait à une personne depuis son retour dans la grande pomme. Emy était donc une mère. Cela le toucha et il se perdit un instant dans ses pensées, se demandant si un jour il connaîtrait lui aussi le bonheur d'être parent. Il le souhaitait de tout son coeur et à vrai dire, c'était l'un de ses rêves les plus chers.
- Tu es maman ? Wouah, je suis tellement heureux pour toi ! Est-ce que je peux en savoir un peu plus sur ton enfant ? lui demanda-t-il en souriant. Il était curieux de savoir combien de milliers d'étoiles brilleraient dans les yeux de la jeune femme tandis qu'elle lui décrirait en long, large et en travers le petit être à qui elle avait donné naissance.

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Emy & Aaron

Aux yeux d'Aaron, la soirée se passait pour le mieux. Il ne regrettait en aucun cas son inscription à l'évènement et était ravi de pouvoir passer un moment avec Emy.
Il venait tout juste d'apprendre qu'elle était maman mais rien qu'à l'idée de parler de son enfant, son visage s'était simplement transformé. C'était magnifique, il n'y avait rien de plus beau que cela. Le sourire qu'elle afficha était sans nul doute l'un des plus beaux qu'il ai eu l'occasion de voir de sa vie. En un instant, il avait déjà compris quel pouvait être le bonheur de devenir parent, juste en la regardant, les yeux remplis d'étoiles.
Sa fille était encore toute petite et avait un prénom au moins aussi mignon qu'elle, Nyah. La jeune femme lui montra alors une vidéo via son smartphone; instant capturé par la nourrice qui montrait une situation drôle mêlant la petite fille et un chien.
Ce court passage fit rire Aaron autant qu'il le fit sourire à nouveau. C'était dans ce genre de moments qu'il rêvait de fonder une famille. Récupérer celle qu'il aimait, ou laisser tomber et finir par trouver une autre âme soeur avec laquelle il pourrait avoir un ou plusieurs enfants. Si quelques années plus tôt, il avait plutôt été réticent sur le sujet, il se sentait désormais en capacité d'assumer cette fonction.
- Ils ont une belle complicité ces deux-là. déclara-t-elle, coupant à son soulagement le flot de pensées qui commençait à nouveau à l'envahir. Il était ravi et se sentait chanceux d'être en la présence d'Emy, qui non seulement lui faisait visiter les alentours mais qui lui partageait surtout certains des meilleurs moments de sa vie.
Ils arrivèrent devant un carrousel. Il ne lui était pas inconnu mais il n'en savait pas non plus des tonnes à son sujet.
- Et nous voilà devant le très célèbre carrousel de Bryant Park. Après la statut de William Bryant, c'est le seul endroit notable. Ici, les plus grands magiciens du monde viennent l'été donner des spectacles de magie. Je me souviens que ma mère m'y emmenait chaque année. J'étais fascinée. lui dit-elle. Cela le fit sourire à nouveau, il avait l'impression de suivre une visite guidée, en version améliorée. Cependant, il lui sembla que son ton avait changé sur les derniers mots, lorsqu'elle avait abordé le sujet de sa mère. Il n'osa cependant pas lui poser de question, ayant peur de lui faire plus de mal qu'autre chose.
Emy lui proposa de sortir du parc et d'aller manger un morceau à l'extérieur. Le jeune homme trouvait que c'était une bonne idée de changer un peu d'endroit. Qui savait ce qu'elle allait bien pouvoir lui faire découvrir d'autre ? Jetant un coup d'oeil en arrière, il prit quelques secondes pour réaliser le nombre d'activités que proposait ce parc à lui tout seul, sachant qu'il était loin d'être le plus grand de New-York. C'était simplement incroyable, tant de merveilles réunies dans un si petit lieu.
Une question lui piquait cependant la langue.
- Cet endroit était important pour toi, n'est-ce pas ? lui demanda-t-il, faisant surtout référence à ces paroles lorsqu'ils étaient à côté du carrousel.
- Je pense, sincèrement, que je n'aurai pas pu avoir meilleur guide que toi. déclara-t-il, l'air aussi sérieux que malicieux. Il pensait chacun de ses mots. Une visite de New-York à bord d'un bus aurait été en comparaison, bien ennuyeuse.
Ils continuèrent à marcher, sortant de l'espace vert tandis qu'il la suivait.
- Je suis certain que tu es une mère formidable Emy. lui dit-il soudain, en s'arrêtant. C'était un peu hors contexte mais il avait ressenti le besoin de lui partager ce sentiment. C'était ce qu'il ressentait lorsqu'il la voyait.

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Emy & Aaron


- Ma mère m’y emmenait pratiquement tous les week-ends pour profiter du parc. On faisait un pick nick et je faisais plusieurs tours de carrousel. Le gérant de l’époque m’offrait souvent des tours gratuits parce que selon lui, j’étais sa plus fidèle cliente. Avec le recul, je pense qu’il en pinçait pour ma mère. lui dit-elle, répondant à sa question. Elle avait eu l'air gêné lorsqu'il avait osé la question, le faisant regretter de l'avoir posée. Mais sa réponse était finalement tout ce qu'il attendait. Il semblait que quelque chose s'était passé avec sa mère; il ignorait quoi et c'était encore trop tôt pour aborder le sujet. Malgré tout, il le ressentait.
Emy dégageait de fortes émotions, qu'il arrivait à percevoir. Elle avait sans doute besoin de parler, peut-être même de pouvoir un peu lâcher prise. Et il allait tout faire pour lui permettre d'accéder à cela.

Le jeune homme ne put s'empêcher de penser à sa vie en Californie. Ses parents, dont il avait très peu de nouvelles. La manière dont il était parti, alors qu'il construisait là-bas quelque chose de sérieux. Sa famille lui manquait, c'était certain, mais il avait appris avec le temps et l'expérience à faire abstraction de ce sentiment; ou du moins à l'accepter. En y pensant, il était vrai qu'il aurait apprécié de les revoir, de partager un repas avec eux. Après tout, il avait encore la chance de les avoir tout les deux, vivants et en bonne santé.

Aaron revint au moment présent, appréciant la compagnie d'Emy en qualité de guide touristique.
- Merci ! Je suis contente que tu apprécies mes talents de guide touristique jusque là insoupçonnés ! J’y songerai pour ma reconversion ! s'exclama-t-elle, visiblement contente de sa remarque. Oh oui, elle serait sans aucun doute parfaite dans ce métier là. Il en était le témoin direct; elle était douée et d'une agréable compagnie, que ce soit en tant que guide ou en tant qu'amie. Après tout, s'il y avait bien une ville dans laquelle elle pouvait réussir, c'était ici, dans la Grande Pomme.

- C’est gentil. Ce n’est pas facile tous les jours, mais je fais de mon mieux, en tout cas. Nyah est une grande source de motivation. Et je suis sûre que lorsque le jour viendra pour toi, ta capacité d’écoute et ton empathie feront de toi un bon père. lui répondit-elle. La surprise pouvait se lire sur son visage, notamment après sa déclaration spontanée. Il avait simplement jugé bon de le lui dire, parce que c'était ce qu'il ressentait. Parfois, il fallait simplement s'avoir s'ouvrir et donner son ressenti.
Le jeune homme se doutait qu'elle avait dû passer par des moments d'inquiétude, par de l'anxiété; tout un tas de sentiments et de moments difficiles dont il n'avait même pas idée. Son expérience de pompier et de paramédic lui avait déjà montré quelques-uns des aspects les plus terrifiants et des plus tristes concernant le sujet mais cela ne l'empêchait pas de ressentir le désir de la paternité. Les mots d'Emy l'avaient profondément touché et il ne le cacha pas. Pour une fois, il se décida à laisser faire son visage, à montrer son émotion. C'était particulier, parce que c'était quelque chose dont il rêvait secrètement; c'était quelque chose que la plupart des gens ignoraient sur lui. Ses yeux brillèrent de milles feux tandis qu'il ravalait l'image qui naissait dans son imagination, le montrant portant un bébé tandis qu'il  lui déposait un baiser sur son petit front.

Ils avancèrent ensuite et tandis qu'il reprenait ses esprits, il remarqua ce qui ressemblait à un ancien bus à première vue. Transformé en food-truck, l'idée était originale mais plaisante. Cela le fit sourire, cette simplicité rendait la chose parfaite.
- Est-ce que ce food-truck a aussi un lien avec tes souvenirs ? demanda-t-il, supposant qu'elle ne l'emmenait pas ici par hasard.

- Choisis ce dont tu as envie. C'est moi qui invite. déclara-t-il en lui faisant un clin d'oeil.

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Emy & Aaron


Emy avait eu raison de l'amener à ce food-truck. Il trouvait l'endroit très bien aménagé et comme elle l'avait si bien dis, "original".
C'était tout ce qu'il aimait, plutôt du genre convivial et il se sentit instantanément à l'aise dans ce nouveau lieu qu'elle lui faisait partager.
Sa remarque quant aux Tiny-House le fit sourire. C'était plutôt de cette manière qu'il avait appris à vivre, poussé par ses parents à ne retenir que l'essentiel dans sa vie et ce, dès son plus jeune âge.
Avec le recul, c'était sans doute à cause (ou plutôt grâce) à leurs métiers qu'ils l'avaient amené à réfléchir différemment des autres enfants. Une mère chirurgienne, un père garde-côte, les deux parents ayant la frappante similitude de travailler au profit de la vie, de lutter contre la mort. C'était sans doute de là que tout cela venait. Avoir grandit avec la peur incessante de les perdre tout les deux n'avait pas non plus vraiment aidé.

- D’accord, mais seulement si c’est moi qui t’invite pour le dessert. Je suis déjà en train de préparer le prochain itinéraire. lui répondit-elle en se tapotant la tête. Sa mimique le fit aussi sourire qu'elle l'amusa. Il se demanda ce qu'elle pouvait être en train de prévoir; par quels endroits elle allait le faire passer. Décidément, pour une soirée improvisée, il n'aurait pas pu rêver mieux. En la regardant, il l'imagina pendant un instant en tant que guide, comme ils en avaient parlé plus tôt. Aaron trouvait que ce travail lui conviendrait à merveille. Elle était particulièrement douée pour faire vivre une visite guidée; aussi douée que pour partager des émotions.

Lorsqu'ils eurent passé commande, Aaron suivit Emy à l'intérieur du car, souriant au passage en voyant comment tout avait été pensé pour le côté aussi pratique que confortable.
Il avait pour sa part opté pour une salade composée; celle affichée sur le menu lui ayant ouvert l'appétit. Rôle de maman l'y obligeant, il la laissa s'assurer que tout se passait bien pour sa petite Nyah. Il ressentait tant de compassion pour elle, rien qu'en la regardant taper sur son portable. Jamais il n'aurait pu lui en vouloir pour cela, après tout il aurait sûrement fait pareil s'il avait été père.

- Je suis sûre que toi aussi tu as des souvenirs intéressants à partager sur ton enfance en Californie... lui dit-elle alors qu'elle rangeait son portable. Il n'était pas du genre à parler de lui ni à partager ses souvenirs, qu'ils aient été bons ou mauvais. Pas que s'en était dérangeant pour lui, il ne fonctionnait juste pas de cette manière. Sans doute parce qu'il s'était habitué à écouter les autres parler sans vraiment lui-même prendre le temps d'exposer son histoire.
Cependant, cette fois-là avec Emy, les choses étaient différentes. La jeune femme s'était déjà bien confiée à lui et il était temps qu'il s'ouvre aussi. Il ne pouvait pas simplement rester de marbre et laisser le silence tomber sur leur moment, tout ça parce qu'il était trop fier pour parler de lui. La fierté ne lui avait d'ailleurs jamais vraiment réussi; c'était donc l'occasion de s'en débarasser.

- Je ne suis pas doué pour parler de moi... avoua-t-il en faisant une grimace. Il prit une inspiration plus profonde, allant chercher au fond de lui certains souvenirs restés enfouis depuis déjà bien longtemps.
- J'ai grandi avec autant d'amour que de peur. Je n'ai jamais été malheureux, j'avais seulement peur tout les jours de perdre mes parents. C'est d'eux que je tiens ma passion de l'urgence. commença-t-il, la gorge un peu serrée. Les mots sortaient difficilement; pas parce qu'il n'avait pas envie de partager ces choses là avec elle, juste parce que pour lui, la peur constante de perdre sa famille l'avait profondément marqué.
- En grandissant, je suis devenu intrépide. Beaucoup trop même. C'était insupportable. J'aurai pu mourir plusieurs fois. L'océan aurait pu m'emporter en un claquement de doigt. continua-t-il, relevant la tête, son propre regard se perdant dans le vide tandis qu'il revoyait devant lui les images des flots déchaînés dans lesquels il avait plongé.
- Mes parents avaient développé une peur, une phobie de me perdre. Je me mettais dans des situations dangereuses toutes les semaines. Quand je voyais l'océan complètement déchaîné, je souriais; puis, je plongeais. lui avoua-t-il, soupirant sur cette dernière phrase en repensant à son comportement. Quel idiot il avait été de croire que ce qu'il faisait à ce moment-là était bien.
- Ensuite, ma mère m'a giflé. Mon père m'a dit qu'un bon sauveteur était d'abord un sauveteur vivant. Et puis j'ai fini par partir. termina-t-il. Drôle de manière de finir de résumer ses jeunes années mais il n'avait pas trouvé mieux. Il se passa les mains sur le visage, les souvenirs passant en boucle devant ses yeux. Venait-il de s'avouer à lui-même qu'il était parti pour fuir son tempérament et les risques qu'il prenait ?
Il ferma les yeux un instant et soupira. Une soudaine envie de pleurer lui était montée au visage et il dû crisper ses joues pour la contenir. Aaron n'avait jamais vraiment fait le deuil de tout cela, des choses qu'il avait faites, de ce qu'il avait fait endurer à ses parents.
- Je suis désolé... murmura-t-il.

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Il avait brutalement cessé de parler. Comme s'il s'était giflé lui-même. C'était dur à avouer. Comme une confession, comme un aveux qu'il aurait trop longtemps gardé en lui. La claque de réaliser qu'il était aussi bien parti pour la personne qu'il aimait que pour fuir son comportement et l'inquiétude qu'il avait fait naître chez ses parents.

La vérité lui avait explosé au visage, fendant en même temps la belle image qu'il tentait de se construire de lui-même. Quel genre de personne était-il pour fuir ses propres parents, alors qu'il les aimait au plus haut point, eux qui l'avaient tant inspiré ?
Certes, depuis le temps, il était devenu un bon lieutenant, un pompier aux sens aiguisés et capable de s'adapter à la plupart des situations mais au final, qu'est ce que cela valait réellement ? Il avait lâché sa famille, renonçant à apaiser l'inquiétude grandissante de son père et de sa mère. Maintenant qu'il le voyait, il se rendait aussi compte qu'il n'avait pris aucune nouvelle d'eux depuis son départ. Un foutu silence radio qu'il n'avait aucunement l'intention d'interrompre.

- Oh non, non… Ne le sois pas. C’est juste que… commença-t-elle avant de se raviser. Quant bien même elle aurait eu des mots déplacés, il ne lui en aurait pas tenu rigueur. Elle n'avait aucune intention de le juger ou de le blesser, il le savait. Emy était plutôt le genre de personne qu'il appréciait avoir dans sa vie, dans son entourage. S'il s'était permis de se confier à elle, c'était qu'il y avait une raison.

- Je ne devrais probablement pas formuler un avis là-dessus, mais… Tu dis avoir craint de perdre tes parents tous les jours, que c’est ce qui t’as donné envie de faire carrière dans les métiers du secourisme et pourtant aujourd’hui vous ne vous côtoyez plus. Je trouve ça tellement triste ! En tant que maman, je peux te dire que tes parents ont simplement réagi par amour et par peur de te perdre eux aussi. J’ignore ce qui t’as poussé à te mettre en danger à l’époque, mais je sens que tu as beaucoup de regrets aujourd’hui sur la manière dont tu as réagi. Dans votre intérêt à tous, tu devrais renouer avec eux. Il n'y a rien qu'un parent ne puisse pardonner. lui déclara-t-elle. Puis elle ajouta, sans doute gênée par ces propres mots: "Conseil d’orpheline... et de maman." Cette dernière réplique le fit sourire. Il n'était ni père, ni orphelin. Il ne connaissait rien à cela. Il n'avait aucun recul là-dessus, c'était vrai. Le jeune homme savait qu'il s'effondrerait le jour où l'un de ses parents décèderait. Son conseil était donc aussi bien placé qu'il était juste. Elle touchait ses points sensibles, les zones qui déclenchaient chez lui des émotions difficilement contrôlables. Telle était la probable raison pour laquelle il n'en parlait pratiquement jamais.

- Tu as raison sur toute la ligne. répondit-il en grimacant. Son regard se perdit au dehors du food-truck tandis que ses souvenirs remontaient à la surface. Mais comment pouvait-il espérer une rédemption après être parti du jour au lendemain et sans avoir donné de nouvelles depuis plusieurs semaines ?

- Je crois que mes parents t'apprécieraient. lui dit-il ensuite en la regardant à nouveau. Cette réflexion le fit sourire tandis qu'il se rendait compte qu'à une autre époque, il aurait aimé leur avoir présenté sa petite amie. Mais c'était de l'histoire ancienne et désormais, il était seul, se demandant si il la récupérerait un jour ou si le destin l'amenerait à rencontrer quelqu'un d'autre.

- Je ne sais pas si j'aurai la force de retourner en Californie leur parler. J'ai merdé du début à la fin, à croire que la vie n'était rien qu'un jeu. Heureusement que j'ai fini par changer. Il avait changé, oui. Mais ce n'était pas pour autant qu'il se voyait comme une meilleure personne vis à vis de son passé. Il ne se l'était pas pardonné. Il l'avait simplement enfoui, en partant à des milliers de kilomètres, là ou à la base, personne n'était censé lui poser de questions.

- Ca t'intéresserait de visiter la Californie ? lui demanda-t-il soudain, coupant court aux sentiments noirs qui le rongeaient. Le sourire chaleureux qu'il lui avait fait en début de soirée fit son retour sur son visage tandis qu'il plongeait son regard dans celui d'Emy.

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Emy & Aaron


Aaron était surpris d'avoir réussi à s'ouvrir sur ce sujet là. Cela faisait clairement partie des discussions qu'il n'avait jamais avec qui que ce soit. Déjà, parce qu'il s'était habitué à écouter les autres et ensuite, parce que s'ouvrir aux autres sur son intimité, sur sa vie familiale était compliqué. Pourtant, avec Emy, tout semblait différent. A croire qu'elle arrivait à passer par delà son armure, sa carapace construite au fil du temps. Et finalement, après réflexion, ce n'était pas pour lui déplaire.

Le pompier aimait la personnalité de la jeune femme. Il n'avait pas passé une aussi bonne soirée depuis très longtemps, il devait l'avouer. Rien à voir avec les bons moments qu'il lui arrivait de passer avec ses hommes et notamment avec Mike. Ce soir-là, tout était différent. Il ne la connaissait presque pas, et pourtant, il en était déjà relativement proche.

Lorsqu'il la vit secouer la tête en réponse à sa question sur son envie de visiter, il ne put retenir un nouveau sourire. Il était certain qu'elle avait l'envie de voir le monde.

- Je n’ai jamais quitté l’état de New York donc jusqu’à présent je n’ai voyagé qu’aux travers des livres ou au gré des recherches sur Internet. C’est un hobby qui me vient de ma cousine Roxanne. Elle est hôtesse de l’air. J’aime savoir où elle se rend et faire des recherches là-dessus. Au-delà des photos, j’aime aussi l’aspect historique, comme la ruée vers l’or, ou architectural. Plus simplement, j’espère pouvoir emmener ma fille à Disneyland lorsqu’elle sera plus grande. Ce sera aussi l’occasion pour moi de le visiter… Mon côté enfantin qui ressort. lui dit-elle, s'amusant presque de sa propre déclaration. Il en aurait mis sa main à couper. S'en était presque fascinant pour lui de voir une personne aussi intéressée par les choses qui l'entouraient. Aaron aurait sans doute pu rester là pendant des heures à l'écouter parler, sans problème.

- Bon appétit ! lui déclara-t-elle dans en français, langue qu'il ne connaissait que très mal. Les plats venaient d'arriver et Emy ne s'était clairement pas trompée; cela avait l'air délicieux.
Il hocha la tête en guise de réponse, sans savoir vraiment quoi lui dire, lui qui ne parlait presque que l'américain.

- Comment vois-tu la suite de la soirée ? lui demanda-t-il, voulant savoir si la jeune femme avait une ou plusieurs idées en tête. Elle semblait être pleine de surprises et il n'avait clairement pas envie que cela se termine. Il y avait des moments comme ça, avec des personnes particulières, où il aurait aimé arrêter le temps et simplement profiter. Mais tout était éphémère et d'un côté, cela ne rendait les choses que plus belles.

- Je sais déjà que je ne serai pas déçu par tes choix. Comment vas-tu me surprendre, cette fois ? continua-t-il en lui adressant un nouveau sourire.

- De toutes les personnes que j'ai croisées, et Dieu sait qu'il y en a eu beaucoup, je peux te dire que je te trouve fascinante. lui dit-il à la suite des deux questions. La spontanéité, c'était Aaron tout craché. Et avec Emy, il n'avait visiblement pas décidé de cacher ses ressentis.