J’ai rencontré Hanna le jour où j’ai poussé la porte de sa boutique de tatouage. Mon idée était de faire un tatouage pour ne pas oublier mon père. Mais ça s’arrêtait là. Aucune idée de quoi, comment, et si je pouvais sans obtenir l’aval maternel. Hanna a vite compris que je n’étais sûre de moi en rien. Ça ne s’arrête pas au choix d’un tatouage. On a discuté un peu. Je suis revenue plusieurs fois. Elle est gentille, mais aussi elle a cette flemme d’assurance féminine que j’admire.
Quelques jours après avoir revu Jahed, je suis revenue dans sa boutique, mais cette fois c’est une sorte de colère triste qui m’animait. Je voulais faire ce tatouage pour papa. Parce que lui seul m’a vraiment aimé comme je suis. Bien sûr Hanna a refusé de le faire but en blanc. Déjà parce que je ne savais toujours pas quel dessin. Ensuite parce que je n’ai pas 18 ans. Sérieux cet âge de la majorité quand je l’aurai, ça sera fiesta pendant des jours !!
Enfin parce qu’elle ne veut pas que je regrette, donc elle veut que je prenne le temps de réfléchir à ce que je veux, et vraiment pourquoi je le veux.
En creusant dans nos discussions, elle a compris que je ne me sens pas femme, même pas jeune fille. Les artifices des filles de mon âge ça ne m’a jamais vraiment intéressé. Je ne sais pas me mettre en valeur. Je suis du genre sac à patate confortable au quotidien.
Mon histoire avec Jahed — ou plutôt ma non-histoire — m’a donné envie de le contrarié. Je ne suis pas une gamine. Je voudrais améliorer ma garde-robe. Et Hanna, comme Odeline d’ailleurs, a bien compris que j’avais surtout besoin d’améliorer l’image que j’ai de moi. Même si je ne crois pas ça possible. Je suis comme je suis, non ?
J’ai appris qu’elle lançait sa propre marque de vêtements. Elle est impressionnante cette nana. Femme d’affaires intraitable aussi jeune ! Je suis admirative.
Aujourd’hui elle m’a donné rendez-vous dans une zone commerciale. On va faire du shopping. Quand j’ai demandé à mes pseudo-parents si je pouvais avoir un peu d’argent pour m’acheter de nouvelles fringues, j’ai un peu halluciné. C’est comme si c’était Noël pour eux. Ma mère était ravie que je veuille changer mes tenues, elle m’en a passé sa carte bancaire. Oui, là c’est moins qui n’en revient pas. Mon beau-père ne compte pas son argent pour me faire plaisir, c’est même trop à mon avis. Mais de là à ce que je puisse faire une journée shopping avec une amie et la carte bancaire de ma mère avec pour seule recommandation de me faire plaisir, je pense qu’ils ont vraiment un gros problème éducatif. Ça ne promet rien de bon à mon avis, s’ils élèvent les deux mioches dans cette opulence.
Je n’ai pas l’intention d’abuser, mais j’avoue que je compte me « faire plaisir » en suivant les recommandations d’Hanna. Si je peux trouver des tenues qui finissent par séduire réellement Jahed, ça serait le plaisir ultime. Mais par séduire, j’entends bien qu’il tombe amoureux. Les aventures ça ne m’intéresse pas.
Ayant rejoins Hanna, je suis un peu anxieuse parce que finalement c’est la première fois que je fais ce genre de journée. Avec ma mère, l’autre jour c’était un calvaire total. Avec Hanna, je sais qu’elle sera douce et attentionnée, mais ça m’angoisse quand même. Hanna me demande :
« Alors t’as un magasin en particulier par où tu veux commencer ou je fais ce qui me chante ?? » Je hausse les épaules, un peu dépitée.
- Je ne connais pas ce qu’il faut faire. Les bons magasins. Les trucs à faire en premier. J’ai envie de fringues pour le quotidien. Peut-être un peu de maquillage, que tu m’apprennes des trucs simples que je peux faire seule. Une ou deux tenues de soirée. Je te laisse faire comme tu le sens. Je te suis. Mon sourire est sincère. Je m’appuie réellement sur son savoir-faire. C’est elle la pro !
- Je sais que je n’ai pas un corps de mannequin. Mais peut-être que tu sauras me rendre plus jolie ? J’aimerai que Jahed me voit plus vieille. Pas beaucoup, mais un ou deux ans ça serait bien. Je n’ose pas la regarder sur mes derniers mots, parce que j’ai vraiment honte de n’être qu’une gamine malgré mes 17 ans. Et mon cœur n’arrive pas à rayer un trait définitif sur cette histoire.
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