Je suis vraiment heureuse que Ryan m’ait envoyé ce message pour qu’on se voit. Ça fait plus d’un mois que je cours sans cesse. Des journées de 15 heures parfois. Entre les journées studios pour mes nouvelles compositions, les scènes, show, télé pour continuer ma promo et celle de l’album hommage à Ella. Beaucoup de radio aussi. Ma manager dit que tant que je suis sollicitée, il faut répondre. J’avoue que c’est vraiment le côté de mon nouveau métier qui me plait le moins. Oh ! Bien sûr, j’adore faire les scènes et parler de ma musique. Mais là c’est un peu trop. Je suis fatiguée, et ça commence à se voir.

En tout cas, il a suffi d’un message de mon garde du corps préféré pour me donner un regain d’énergie phénoménal. Ça fait plus d’un an qu’on s’est rencontré à l’occasion de show privé que la maison de disque a organisé pour faire découvrir mon album. Ma manager prend soin de moi. Je suis assez anxieuse dans la foule. Et même si j’ai appris à gérer la scène et les rencontres avec mes admirateurs, j’avoue que la présence systématique d’un garde du corps est vraiment rassurante. Mais quand Ryan est là, c’est mieux que ça encore. Je suis heureuse. Même si vivre de ma musique et la partager me rend déjà heureuse, la présence de mon ami ajoute une aura de bien-être que personne d’autre ne me confère.
Oui parce qu’en un ami, Ryan est devenu l’ami le plus cher à mon cœur que j’ai. Et pour moi, c’est plus que ça. Mais il y a le boulot, ces risques de le mettre en porte-à-faux, ma nouvelle notoriété aussi. Et puis ma timidité systématique avec les mecs. Je ne veux pas gâcher ce qu’il y a entre nous.

Je suis passé au traiteur italien en rentrant chez moi. Une douche, une petite robe estivale et un peu de maquillage léger, me voilà prête. Quand il sonne, j’ouvre la porte avec angoisse et excitation à la fois. Je n’ose pas laisser parler ma joie de le revoir. Je suis sur la réserve, parce que ma peur indicible me dit que si je suis trop enthousiaste il risque de se poser des questions. Des questions auxquelles je ne suis pas sûre d’être prête à répondre.

Je lui offre un immense sourire et le laisse entrer. Mais quand il dépose une bise sur ma joue, c’est plus fort que moi. Je le suis alors qu’il pose son paquet sur la table. Dès qu’il se retourne, je lui saute au cou et le serre fort contre moi.

- Tu m’as manqué. Ce n’est pas pareil sans toi.

Vite gênée et le feu aux joues, je me détache et me dirige vers la cuisine.

- J’ai pris italien, comme promis. Tu peux ouvrir la bouteille de vin qui est sur la table, je fais tout réchauffer.

Il vaut mieux que je me tienne éloignée un moment. J’ai trop peur de faire n’importe quoi. Je sais pertinemment qu’il ne se passera jamais rien de plus qu’une belle amitié entre nous. Les rumeurs sur les personnes célèbres font fureurs et détruisent bien des vies privées. Et là ça détruirait aussi sa vie professionnelle. Je sais qu’il aime son boulot. Il est hors de questions de mettre ça en péril.
Mais est-ce que je peux empêcher mon cœur de s’emballer à chaque fois que je pense à ce beau gosse ? Et quand il est là, c’est pire que tout…
J’essaie de calmer les tourbillons qui se sont emparés de mon cœur, mon corps et mes neurones pendant que je mets les plats à réchauffer.

Je rejoins mon ami, le visage bien plus présentable et le sourire aux lèvres.

- Je suis désolée pour le silence ces derniers temps. Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour moi. Honnêtement je suis fatiguée et j’ai hâte d’être en vacances. Et toi, t’as beaucoup bossé ?

Oui, parce que quelques sms ou appels de temps en temps, ça ne m’a pas suffi quand même. Et je préfère savoir que t’étais occupé à 100 % par le boulot, plutôt qu’avec des filles.

J’avais trop envie de le sentir contre moi, son odeur, sa chaleur, sa force. C’était plus fort que moi. Mais la gêne qui s’en est suivie est palpable par nous deux. Je panique un peu. Trop peur qu’il se doute de mes véritables sentiments pour lui et me remette à ma place. D’abord une cliente. Ensuite une confidente et amie. Mais tellement plus pour moi, mais pas pour lui. Je file vite à la cuisine, comme la lâche que je suis. Mais avec le sourire aux lèvres. Je lui ai manqué ! Je lui ai BEAUCOUP manqué ! J’en sauterais de joie. Mais je me tiens. Si je deviens hystérique, il ne va pas comprendre. Ou TROP comprendre. Ne pas gâcher ce qui nous lie est vraiment ma priorité. Même si j’avais une envie terrible de déposer un baiser à la base de son cou et humer son odeur si familière et rassurante pour m’en imprégner et m’apaiser… Chasses donc ces idées de ta tête ou tu vas faire une gaffe !

J’invite Ryan à déboucher la bouteille de vin et nous servir alors que je mets les plats à réchauffer.
Je m’excuse rapidement de mon manque de temps, évoquant mon besoin de vacances. Bien trop vite ! je ne suis pas encore préparée à aborder le sujet. LE VRAI SUJET ! Celui où je lui demande s’il n’aurait pas envie de m’accompagner… Celui où je risque de me prendre une super claque parce qu’il a une vie en dehors de moi…

« Tu sais quand tu auras tes vacances ? »

Je hausse les épaules essayant de me donner un air indifférent. Je fixe mon verre, incapable d’assumer ma gêne.

- Merci d’être là en tout cas. Le boulot là je t’avoue que je fatigue vraiment. J’ai demandé à ma manager de s’arranger pour que ce soit en aout, mais rien n’est sûr. Ni le nombre de semaine. Je devrais avoir l’info ce soir ou demain. Enfin, j’espère…

Je questionne vite mon ami sur son boulot.

- Toujours à protéger les jolies filles…

J’aime bien le taquiner, parce que je le connais. Il n’y a pas plus professionnel que lui. Il n’y a qu’à voir le temps qu’il nous a fallu pour accepter de prendre un verre ensemble et se confier un peu l’un à l’autre. Je sais que son amitié m’est acquise aujourd’hui et elle m’est précieuse. Mais je sais aussi que ça l’a cogité longtemps ce lien entre nous. Et moi aussi. Parce que je ne veux surtout pas qu’il perde son boulot à cause de moi.

- Tu joues toujours à tes jeux sur ordi ?

J’avoue que je n’accroche pas. Sur un ordi, je préfère mixer mes musiques, les écouter, ou simplement les enregistrer. A l’université, beaucoup de jeunes étaient accro à leur pc et franchement j’étais bien mieux avec ma guitare. Mais si c’est le plaisir de mon ami, je respecte.

Ryan me tend un verre que je saisis en lui souriant. Nos doigts s’effleurent et je profite pleinement de ce contact qui m’envoie une vague de bien être tout le long de mon bras jusqu’à mon cœur.
Par contre ses mots me percutent de plein fouet. Notre amitié. Oui et elle m’importe plus que tout, mais je voudrais tellement plus….

- Oui tu as raison. A notre belle amitié. Il faut vraiment que j’ai plus de jours de repos, je n’ai pas envie de perdre mes amis à force de travailler. Même si j’adore ce que je fais, je crois que ça commence à se sentir sur mes compositions. C’est plus difficile parfois.

Je m’approche de lui et l’invite à s’assoir sur le canapé.

- J’ai vu que tu as travaillé pour Amaya Lewis. Il parait que tu as donné de ta personne…

Je ris sous cape avec un regard chipie. Je connais Ryan je sais qu’il ne se ferait jamais une telle réputation. Au pire, peut-être qu’il a une aventure avec elle, mais ça le regarde. C’est sa vie privée.
OUI ! OK ! Je veux savoir ! Ça me broie le cœur de l’imaginer dans les bras d’une autre. Est-ce qu’il a rencontré des femmes pendant qu’on ne s’est pas vu ?

- Pas de rencontre qui t’es fait chavirée le cœur ?

D’accord, je passe mes questions sous le joug de la taquinerie. Oui, l’air de rien, entre amis proches, on se confie nos peines de cœur… Et je sais si son cœur est pris ou s’il me reste encore un peu d’espoir.

Je bloque quand Ryan me dit : « On pourrait peut-être faire un truc ensemble à ce moment-là ? Enfin si tu souhaites bien sûr. » J’opine de la tête comme un automate, incapable de prononcer un mot. Il est vraiment sérieux. Moi qui veux lui proposer de partir une semaine avec moi… Mais je ne suis pas prête. C’est trop tôt dans la soirée. Une gorgée de vin ce n’est pas assez pour me détendre. Je suis lâche je bats en retraite et revient sur le sujet du boulot. De toute façon je n’ai pas reçu le sms de confirmation des dates que m’avait promis ma manager pour aujourd’hui.

Je souris quand Ryan se défend de ne s’occuper que de clientes féminines.

- Des sacrés caractères. Je ne suis pas la plus difficile alors ?

En vrai, je ne crois pas être chiante et difficile. Mais quand je panique de la pression de la foule de fan, je suis tétanisée et plus d’une fois Ryan m’a quasiment portée pour bouger rapidement. Lui a l’habitude. Moi ça me gêne à chaque fois d’être impotente à ce point. Mais ce n’est pas facile pour moi de changer ces réactions de stress.

Ce moment où l’on trique à notre amitié me serre le cœur. Je vois bien qu’il est aussi dans ses pensées. Je voudrais être dans sa tête pour savoir ce qui le tourmente. Mais encore une fois, je préfère ne pas m’attarder et le questionner sur ses passes temps.
Je reprends plusieurs gorgées de vin. Il faut vraiment que je me détende ou je vais finir par faire une gaffe.
Parler des dernières semaines qui m’ont épuisées ne va pas me calmer.

« Vivement que tes vacances arrivent alors. »

Encore une fois, je ne fais qu’acquiescer de la tête. Comment une simple demande entre amis peut me stresser autant.
Je ramène à nouveau la conversation sur Ryan. Bon je m’y prends comme un pied. Je voulais le taquiner sur cette rumeur qui est parue sur Amaya et lui. Mais je me suis posée aussi beaucoup de question. La jalousie c’est mauvais. Mais à petite dose, c’est aussi une preuve d’amour, non ?
Je souris à Ryan quand il me confirme qu’il ne s’est rien passée. Je le savais. Mais j’avais besoin de l’entendre de sa bouche. J’acquiesce. Oui, je le connais. Je sais qu’il ne franchit jamais la frontière pro/privé. Rien que notre amitié, ça a été long pour nous autoriser à être amis. Sauf que je ne m’attendais pas à sa question. Et je pique un fard et bafouille comme une adolescente.

- Heu… Non… Mais non… Je… Evidemment que je sais que c’est du pipeau complet cette rumeur. Je voulais juste te taquiner. C’était drôle d’imaginer ça de toi, parce que ce n’est tellement pas toi.

Je lui demande alors s’il a rencontré une fille. J’ai un art pour m’enliser quand même.
Et puis ce « non » me brise le cœur. ça implique bien qu’il ne pense pas à moi de la même façon que lui. Sauf que lui n’a pas loupé les rumeurs qui me concernent. Bien sûr elles exagèrent, mais il y a un petit fond de vérité. Et je suis encore plus gênée. Sauf que je ne veux pas lui mentir. Si un jour j’arrive à lui dire que mon cœur lui appartient depuis plusieurs mois, je ne veux pas qu’il y ait eu des non-dits ou secrets.

Je soupire et pose mon verre. Glissant mes mains sous mes cuisses, je fixe la table et essaie de lui raconter avec le plus de clarté possible.

- Il y en a qui ne savent pas se taire. Et tu sais comment sont les médias. Ils ont inventé toute une histoire qu’il n’y a pas. Mais…

J’inspire une grande goulée d’air avant de reporter mon regard sur Ryan.

- C’est vrai qu’on a passé une soirée autour d’un verre à beaucoup rire. Je l’apprécie. Mais comme un pote. Sauf que lui voyait plus. Il m’a embrassé. J’ai tout stoppé tout de suite. Mais certains nous ont vu… Tu connais la suite. Je te jure qu’il n’y a rien avec lui. Avec personne d’ailleurs.

Quelqu’un peut dire à mon cœur de se calmer ? Il bât tellement vite que je crains qu’il n’explose. Et je fais un bond, pas discret, quand mon téléphone sonne.

- Excuses-moi. Je croyais l’avoir mis en silencieux. J’attends la confirmation…

Je ne finis pas ma phrase, car j’ai enfin mes dates de vacances sous les yeux. Elle a réussi à m’assurer deux semaines. La troisième est encore incertaine. Mais c’est déjà ça. Je souris et montre le message à Ryan.

- Mes dates de vacances ! Tu sais je pense que… Enfin la seconde, j’irai dans ma famille. Je ne les ai pas vu depuis Noël. Ils me manquent. Toi… Enfin ça ne te dirait pas de m’accompagner… Tu sais, au cas où… un garde du corps c’est toujours utile... un ami encore plus.

Je dis vraiment n’importe quoi ! Mais comment je peux m’enliser ainsi ? Je me lève et inspire à fond avant de me mettre à marcher en long et en large dans le salon. L’émotion dans ma voix est palpable. Je suis une boule de nerfs. Monter sur scène, c’est du gâteau à côté de la demande que je veux faire à Ryan.

- Désolée, je ne veux pas que tu te sentes mal à l’aise. Mais…. Tu es mon meilleur ami. Je n’ai plus beaucoup d’amis de mes études. A part les deux nanas qui m’ont poussée à faire ce concours, les autres sont devenus juste des contacts qui s’intéressent à moi pour la notoriété. En fait, je crois que tu es le seul en qui j’ai entière confiance. Et j’aimerai beaucoup que tu rencontres mon passé, mes racines, ma famille… La première semaine, je voudrais partir loin, m’isoler, déconnecter. Mais toute seule ce n’est pas génial non plus… Enfin, voilà ! Si ça te tente

Je crois que je vais bientôt faire un trou dans le sol de mon salon. Picsou a de la concurrence !

C’est difficile pour moi de tenir les non-dits et sous-entendus ce soir. La fatigue se fait sentir. Mais je crois aussi que j’ai de plus en plus de mal à taire mes sentiments pour Ryan. Il me taquine autant que je le fais avec lui. Je sais très bien que c’est un mec respectueux et qu’il ne ferait rien pour mettre sa carrière en danger. Mais je ne peux pas nier que ces rumeurs me pincent le cœur. Et la fuite à propos des avances de mon bassiste ne m’a pas plus rendue heureuse. Le mec est sympa et doué, et il n’y est pour rien dans la rumeur. Mais j’avais peur que ça arrive aux oreilles de mon meilleur ami. Peur parce que je ne veux pas qu’il me croit disposer à sortir avec un mec, autre que lui. C’est compliqué notre relation. Entre ses taquineries et ses propos, Ryan s’efforce tellement de me parler amitié que je reste persuadée qu’il n’éprouve vraiment qu’une grande affection platonique. Et mon cœur s’effrite chaque fois un peu plus.

Sauf que je suis une godiche finie ! Incapable de lui parler de mes vacances et de l’inviter comme j’en crève d’envie. Je vois bien qu’il se pose des questions. Je n’ai pas su lui dire oui quand il en a parlé. Je n’ai pas su mettre les pieds dans le plat. Comment peut-on être aussi empotée ?

Parler des rumeurs à nos propos ne m’aide pas à retrouver mon calme. D’autant que Ryan me taquine en me qualifiant de jalouse… Comment m’en sortir là ? S’il s’amuse de ça, c’est bien qu’il ne nous voit que comme des amis, non ?

Finalement mon courage a un sursaut d’énergie. La confirmation de mes dates de vacances me pousse à essayer. À tâtons. Pas toutes les informations d’un coup.
Déjà j’arrive à inviter Ryan dans ma campagne natale. C’est spécial. Je ne veux pas qu’il se sente piéger et je ne suis pas sûre qu’il comprenne tout ce que ça implique de rencontrer ma famille. Il accepte d’une manière un peu spéciale, mais il accepte. Je le fixe avec inquiétude, indécise à aller plus loin dans mes explications. Je ne peux pas le laisser se jeter dans la gueule du loup…
Avant que je ne continue, il me demande de me rassoir. Je souris, même je ris sous cape.

- Désolée ! Le stress, la fatigue et la peur ne font pas bon ménage…

J’avance vers lui, mais je ne m’assois pas là où il le souhaite. Je me glisse au sol devant lui, m’asseyant sur mes genoux. Les mains sur mes genoux, le regard sur mes mains. J’essaye de me calmer mais c’est vraiment difficile.

- Ryan… T’es vraiment important pour moi… T’es mon meilleur ami en vérité. J’aimerai que ma famille te connaisse. Mais en débarquant là-bas, ils vont être inquisiteurs et ma mère est du genre à se mêler de tout. Surtout mes histoires de cœur. Pour le peu que j’ai eu. Je ne veux pas te mettre mal à l’aise. Je veux que tu saches à quoi t’attendre.

Et en même temps, je préfèrerai leur présenter en tant que petit-ami ! Mais je ne peux pas lui dire ça et tout gâcher. Je lève le regard timide vers Ryan. Son regard me noie instantanément. Je suis hypnotisée quand il me regarde ainsi.

- Mais j’aimerai te montrer ma vie d’avant. Je veux que tu vois la Cassie campagnarde.

Des fois que ça te fasse fuir…
J’enchaine sans reprendre mon souffle.

- Et puis la première semaine, je compte m’offrir une semaine au soleil et au calme. Les Maldives ou Bali, ça me tente bien, je ne sais pas encore. Ça sera peut-être même deux semaines si ma demande pour 3 semaines est acceptée. Mais voilà. J’ai besoin de calme, mais seule ce n’est pas drôle quand même. Un ami c’est mieux pour partager des vacances, non ? Enfin… Si ça te tente… Si tu peux aussi… enfin… je comprendrais si tu me dis non…

Mon souffle se libère d’un coup. Je vais finir en apoplexie !

Je crois que je perds complètement les pédales. L’angoisse de demander à Ryan de m’accompagner en vacances est en train de se cumuler à la fatigue cumulée depuis des mois. J’angoisse parce que j’ai vraiment envie de lui faire découvrir la ville de mon enfance, la campagne où j’ai grandi, ma famille qui compte beaucoup pour moi. Mais surtout parce que je voudrais que ça soit bien plus qu’en simple ami. Or il n’y a pas plus incertain en l’instant que les sentiments qu’il a pour moi. Enfin si, j’ai la certitude qu’il m’apprécie beaucoup, que mon amitié compte sincèrement pour lui. Mais pas plus.
Et ce mec va m’achever avec le yoyo émotionnel qu’il vient de me faire vivre.

D’abord le bonheur et une immense joie. Tout ça avec son air taquin bien sûr. Cet air qui me fait fondre à coup sûr. Pour le mode campagnard, il va être servi et il y a de grande chance qu’il doive faire ses preuves auprès de mon frère et mon grand-père en allant rassembler les vaches avec eux. Voir Ryan patauger la boue me fait déjà fondre. Et je crains que maman et le frangin se rendent vite compte de mes sentiments réels pour lui.

Evidemment ce n’est rien ça à côté de lui demander de m’accompagner une semaine au soleil. Des vacances en tête à tête. Et j’ai l’impression de courir un marathon. Je suis vidée de mon énergie. Quand il me répond qu’il est d’accord si son boss lui accorde des congés, je suis au bord de l’implosion. Mon cœur n’est pas loin de rater les battements. Mais je n’ai pas le temps de réagir plus que Ryan se penche vers moi. Ce regard sur moi, dans lequel je me noierai sans regret. Ce sourire qui me rend folle et ces lèvres que je crève d’envie de dévorer. Il se rapproche. Chaque millième de seconde me torture. Me fait espérer. Et c’est bien ça le pire. Parce que mon cœur et mon esprit sont de mèches et croient dur comme fer qu’il va m’embrasser, que Ryan éprouve la même chose que moi.
La chute est rude. Sa main sur mes cheveux me délivre une décharge électrique douloureuse. Ces lèvres bougent pour m’achever de mots que je ne veux pas entendre. Et il se lève, s’éloigne carrément de moi.
Un autre verre de vin ? Je tremble comme une feuille et peine à me relever. Mais je ne veux pas craquer devant lui. D’une petite voix, je lui réponds et m’échappe en evitant de le regarder.

- Oui, si tu veux. Je vais chercher notre repas…

Je n’ai aucunement faim. Je ne sais même pas si c’est chaud. Je veux juste m’échapper, essayer d’encaisser la chute vertigineuse que vient de faire mon cœur.
Et je n’y arrive pas. Une fois dans la cuisine, je m’appuie sur le plan de travail. Le souffle court, le corps tremblant, je craque. Les larmes coulent et je respire avec peine.
Je lui ai livré beaucoup de moi ce soir. Autant dans les mots que dans l’émotion que j’y ai mis. Et j’ai l’impression que tout est retombé dans un gouffre sans fond.


- Ressaisi-toi Cassie !

J’essuie mes larmes, mais je suis à bout, c’est sans efficacité. Alors je laisse mes sanglots me submerger une bonne fois que j’arrive à revenir au salon plus calme.

J’ai tellement peur de le perdre au moindre faux pas que je pourrais faire que je me mets une pression dingue. Rien que cette histoire de vacances m’a vidée de mon énergie. Mais ce geste, ce moment où j’ai cru qu’il poserait ses lèvres sur les miennes, m’a complètement achevée. Je navigue sur des montagnes russes depuis que Ryan a franchi ma porte. Plus je le vois, pire c’est. Comment puis-je espérer passer des vacances avec lui et que mon cœur y survive ? Mais à l’inverse sans sa présence, je me sens vide. C’est terrible d’aimer à ce point, sans réciprocité.

Eludant toute confrontation autant que lui, j’ai fui dans la cuisine où mes émotions me rattrapent. Je n’arrive plus à retenir mes larmes. Je craque. Il faut que je me reprenne, mais mon corps n’en peut plus, mon cœur est broyé et glacé. J’ai besoin d’évacuer un peu de tensions pour arriver à faire face, à paraitre, à rester cette amie qui est importante pour lui sans attendre la lune.

Je sursaute quand j’entends la voix de Ryan. Je ne m’attendais vraiment pas à ce qu’il vienne et me trouve dans cet état. Mais je suis dépitée quand il s’accuse de maux que je ne lui reproche même pas.
C’est en sanglots et le feu aux joues, de honte, que j’essaye de lui répondre

- Non… T’as rien fait de mal…

C’est difficile de limiter mes sanglots. Et quand Ryan s’avance devant moi et m’ouvre ses bras, je n’ai qu’un seul reflexe. Un besoin irrépressible de me jeter dans ses bras que j’assouvie sans retenue. Sentir son corps rassurant et protecteur contre le mien. Respirer son odeur si familière et apaisante. Je plonge tête baissée et l’enlace à la taille, nichant ma tête contre son torse.

- La fatigue… le stress… J’avais peur…

Laissant mes sanglots s’exprimer, je me laisse bercer par ce contact si rassurant. Rien ne vaut un câlin de l’homme qu’on aime. Même si ses sentiments sont plus platoniques, je sais qu’il me console avec son cœur. Je sais que je peux avoir confiance.

- Peur que tu refuses, peur que tu n’aies pas envie de m’accompagner…

Peu à peu, mes larmes se tarissent. Je me sens mal d’avoir craquer ainsi. Je sais bien que mon ami n’a jamais voulu me faire vivre cet ascenseur émotionnel. Mais ça fait mal quand même. Surtout la confirmation que Ryan ne m’aime pas sur le même plan de mon amour pour lui, sinon il m’aurait embrassé non ?

Une grande inspiration, j’essuie mes larmes. Je dépose un baiser sur la joue de Ryan et me détache de lui assez vite. Prenant de l’essuie tout pour nettoyer mon visage, je le regarde en souriant.

- Merci Ryan. Je suis désolée d’avoir craquée comme ça. Quand je te dis que j’ai besoin de décompresser. Des vacances c’est vraiment nécessaire après deux ans non-stop à courir le pays. Et là je cumule un retard de sommeil réparateur conséquent. Je crois que je ne suis pas très résistante au stress.

Je m’empresse de préparer les assiettes sur un plateau en évitant le regard de mon ami. J’ai trop peur d’y lire de la pitié ou de l’apitoiement. Je ne veux pas qu’il me prenne pour une fille fade qui n’a pas de caractère. Mais là je crois que je suis trop fatiguée pour me montrer forte en toute circonstance.

Les bras de Ryan sont incontestablement l’endroit où je me sens le plus en sécurité et le plus à ma place. Même si ça ne reste que par amitié qu’il me console, ses lèvres sur ma peau et ses mains m’enserrant contre lui, sont le meilleur remède pour calmer mes sanglots. J’essaie de lui expliquer pourquoi je craque ainsi. Même j’omet de mentionner le fait principal qui a fait déborder le vase. Hors de question de mettre un malaise supplémentaire entre nous !

Je souris quand il m’affirme que ma peur qu’il refuse de passer des vacances avec moi n’est pas justifiée. Mais il évoque l’idée de partir vite ce soir, pour me laisser me reposer. Et c’est comme un poignard enfoncé dans le cœur. Je ne veux pas le voir partir. Je resserre mon étreinte autour de sa taille. Prenant conscience que ce contact dure un peu trop pour des simples amis, je me détache en reprenant une respiration plus régulière. Je m’excuse encore et lui interdit de partir tôt.

- Non tu ne pars pas. Profiter de ta présence est aussi du repos, Ryan. Tu ne veux pas qu’on se regarde un film ? Au calme !

Préparant nos assiettes, je m’active pour reprendre le dessus. Ryan proposant son aide, je prend les couverts et des serviettes dans le tiroir et lui tend avec le sourire.

- Apporte ça, tu veux bien ? On s’installe dans le canapé ? Soirée plateau repas !

J’attrape un second plateau, celui que Valya utilise quand on se fait ce genre de soirée entre cousines colocataires. Je le tends à Ryan en le prévenant.

- Ne le casse pas où Valya va t’en faire voir de toutes les couleurs !

Evidemment j’exagère, mais je veux le voir sourire et que cette inquiétude dans son regard s’efface.

- Allez ! Installons-nous avant que ça ne refroidisse !

C’est dans un petit rire, que je lui donne un petit coup taquin épaule contre épaule en saisissant le plateau des assiettes. Je retourne donc dans le salon et pose le tout sur la table.

- Tu veux voir quel genre de films ? Je dois avoir beaucoup de comédies romantiques, d’animés et d’aventures comme les marvel ou xmen. Qu’est-ce qui te tente le plus ?

En vérité j’ai plus envie d’une comédie romantique en l’instant, mais ça je ne lui dis pas. Je sais qu’il n’a pas d’aversion profonde pour ces films, contrairement à une bonne partie des mecs que je connais. Mais je veux qu’il se sente à l’aise ce soir. Je veux lui faire oublier la scène passée. Oui je suis fatiguée, mais j’ai surtout besoin de lui avant tout.

Je suis soulagée que Ryan retrouve le sourire. J’ai eu peur que de me voir craquer ainsi le fasse fuir. Mais en plus je lui explique que je suis très stressée et fatiguée ce qui cause mon état. Voilà qu’il veut me laisser me reposer. Hors de question ! Mon repos je le prends près de lui. C’est de lui dont j’ai besoin, sa présence, son aura, son odeur, sa force, son sourire, son doux regard. Sauf que si je lui dis ça comme ça, il y a de grande chance qu’il me fuit comme la peste. Alors je me tais. J’arrive à le convaincre de nous installer sur le canapé pour manger en regardant un film. Je lui fais une liste rapide des genres de films que je possède en DVD. Je n’ai aucun abonnement de VOD vu que je passe très peu de temps dans ce salon.
Je m’attends à ce que Ryan m’évoque des films d’actions. C’est souvent ce que les garçons préfèrent, surtout les joueurs de jeux vidéos. Sauf qu’il me surprend complètement en m’annonçant vouloir regarder une comédie romantique. C’est LA perle rare ce mec, non ? Quand je vous dis qu’il est parfait sur tous les plans. Son seul défaut c’est de ne me voir que comme une amie.

- ça me va parfaitement , Ryan. Je préfère, c’est calme. Tout ce qu’il me faut ce soir.

Bon toi aussi, accessoirement. Mais je vais déjà me contente de ta présence. Je pose mon plateau et prend la pile de dvd du style choisi. Je la tends à Ryan.

- Choisi ! Je les connais tous par cœur de toute façon. Mais je ne me lasse pas de les revoir !

Le choix fait, je lance le film et m’installe à côté de Ryan. A vrai dire, je n’ai pas très faim. Je picore plus que je ne mange. Nous commentons le film et ça me fait du bien de rire de belles choses. Une fois que je me sens trop pleine, je repose le plateau et remonte mes jambes sous mes fesses. J’hésite parce que je ne veux pas que mon ami se sente mal à l’aise, mais j’ai besoin d’un contact avec lui. Le sentir là près de moi à quelques centimètres sans le toucher, c’est un vrai supplice. J’aimerai bien au moins me poser contre lui. J’esquisse un timide sourire et me lance quand même.

- Est-ce que je peux m’appuyer contre ton épaule ?