C’était enfin le grand jour. Tobie allait sortir de taule. Lonny n’avait pas ressenti une telle excitation depuis longtemps. Son frère était tout pour lui, surtout depuis qu’il avait coupé les ponts avec le reste de sa famille. Il n’avait que Tobie. Ils n’avaient pourtant pas grandi ensemble. Ils n’ont pas la même mère, c’est leur père qu’ils partagent. Un père qui les avait fait souffrir tous les deux. Un père qui menait une double vie, alors qu’il n’était même pas capable d’en gérer une. Alcoolique, brutal, et même violent. Il avait disparu de la vie de Lonny quand ce dernier avait 7 ou 8 ans, s’étant raccroché à sa deuxième famille. Pour autant le gamin n’avait rien gagné au change, puisqu’il avait récupéré un beau-père qui le battait, lui, son grand-frère et sa petite sœur. Il n’avait d’amour que pour leur dernière petite sœur, celle qu’il avait eu avec sa mère. C’était pour ça qu’il était parti, dès sa majorité. Coupant absolument tous les ponts qu’il avait avec eux, et regagnant New-York, pour s’y installer près de son demi-frère.

Le problème avec Tobie, c’était ses fréquentations à l’époque. Il n’avait pas que des activités très licites. Lonny tentait souvent de l’y dissuader, en vain. Il répétait toujours qu’il avait besoin de ce fric, pour Sarah. Sarah, c’était le centre de son monde. Et ça le faisait sourire le Lonny. Parce qu’ils étaient beaux tous les deux. Vraiment beaux. Jusqu’au jour où tout à basculé. Il était là aussi ce jour-là. Juste à côté de son frère, près de l’autel. Jamais il n’aurait pu imaginer que le jour qui devait être le plus beau de sa vie, pour Tobie, en devienne le pire. Incapable de pouvoir changer les choses, ni même de faire quoique ce soit, comme tous les invités présents dans cette église ce jour-là, Lonny avait vu la silhouette si belle de Sarah, dans sa robe blanche devenue rouge, s’écrouler par terre. Sarah s’était éteinte ce jour-là, mais elle n’était pas partie seule. Elle avait emporté une partie de Tobias. Il était là physiquement, mais à l’intérieur, il était mort.

Sa vengeance l’avait menée à 10 ans de prison. Et il s’en contre-fichait, Lonny l’avait bien compris. Qu’il soit derrière les barreaux ou dehors, ça ne ramenait pas Sarah. Il avait pourtant tenté de lui remonter le moral, par tous les moyens possibles. Rien n’y faisait. Son frère n’était plus le même. Pourtant, il ne l’avait jamais laissé tomber. Il le soutenait, tout le temps. Il venait le voir, toutes les semaines. Et quand Tobie le lui demandait, il apportait des fleurs sur la tombe de Sarah. Il prenait soin de Tobie, avec la plus grande attention. Il ne tenait à personne d’autre autant qu’il pouvait tenir à Tobie.

Et aujourd’hui enfin, son frère sortait de prison. Il se tenait près, pour qu’à l’heure que lui avait donné les surveillants, il puisse récupérer Tobie dès qu’il mettrait un pied dehors. Lonny ne cachait pas ses inquiétudes, à la simple idée que les gangs l’attendent aussi. Mais il serait là pour protéger Tobie. Tino et lui avaient quelques plans pour se faire de l’argent, beaucoup d’argent, alors il l’entraînait depuis quelques temps, et Lonny se sentait près à tabasser de la racaille si on touchait à son Tobie. Garé devant la prison, il attendait, il attendait... Mais pas de Tobie. Avait-il fait une connerie qui rallongeait sa peine ? Son téléphone vibrait, lui annonçant un nouveau message. Il était avec Sarah. Il était sorti plus tôt. Ho, il savait très bien où aller pour trouver son aîné.

La voiture garée sur le parking du cimetière, il entrait les mains dans les poches, les cheveux au vent. Il connaissait le chemin de sa tombe par cœur, il n’avait plus besoin de chercher dans les allées. Il s’arrêtait pourtant à quelques mètres, apercevant son frère, assis dans l’herbe, le visage immaculé de larmes, fixant la pierre tombale de Sarah. L’image lui serrait le cœur, tellement... C’était même pire que le jour de l’enterrement de la jeune femme. Pourtant, c’était il y a plus de 8 ans. Lonny prenait une grande inspiration, puis sortant ses mains de ses poches, il s’avançait jusqu’à Tobias. Il s’arrêtait à ses côtés, posant le bleu de ses yeux sur la tombe, avant de les dériver vers la silhouette inerte de son frère.

« Content de te voir, grand-frère. »

Murmurait-il, un faible petit sourire aux lèvres. Il venait alors s’asseoir à ses côtés, laissant son bras se poser sur les épaules de Tobie, pour le rassurer, et tenter de l’apaiser. Il n’osait pas dire grand-chose d’autre, il avait peur de déranger Tobias. Alors il restait silencieux, un très long moment. Les minutes défilaient, et ils restaient là, tous les deux assis face à la tombe de la trop jeune femme, fixant les mots gravés dans la pierre. Lonny en venait à se demander ce que pouvait bien devenir le reste de la famille. Ils en voulaient à Tobias, il était là pendant la plupart des tribunaux, et des accusations. Ne risquaient-ils pas de tomber nez à nez avec l’un d’eux en restant ici ? Il commençait alors à surveiller les alentours, pour finalement reposer toute son attention sur son frère.

« Tu veux peut-être... Que je vienne te chercher plus tard ? »

Avait-il fini par demander, brisant le long silence qui s’était installé sur les lieux. Tobie avait besoin de temps, il le comprenait bien. Et s’il voulait encore parler avec Sarah, alors il le laisserait tranquille. Il ne jugerait pas, de toute façon. Il savait bien qu’elle n’était jamais sortie de la tête de Tobias.

« Non, t'en fais pas ! » Son regard planté dans le sien, il étirait un petit sourire compatissant. Lonny n’était pas du genre cœur fondu, il n’avait pas les émotions faciles. Jamais il ne pleurait, sauf peut-être devant le Roi Lion, mais il faudrait être vraiment malade mentalement pour y résister. Pourtant, face à son frère, il avait le cœur serré, et les yeux légèrement humides. Il avait mal de le voir comme ça. Surtout que ça durait depuis longtemps. Il aurait tellement aimé être capable de lui remonter le moral en un claquement de doigt. S’il avait eu la potion magique pour ça, même s’il fallait la choper dans un bain de mygales, il l’aurait fait. Malheureusement, il n’y avait rien d’autre que du temps. Et le temps commençait à se faire long. 8 ans déjà. Et il pleurait toujours autant sa Sarah. C’était à se demander s’il ne la pleurait pas toute sa vie.

Et puis enfin, Tobias le prenait dans ses bras. Son sourire devenait plus franc, plus radieux, alors qu’il l’enlaçait à son tour. Qu’est-ce que ça faisait du bien de serrer son frère dans ses bras. Il ne l’avait plus fait depuis le meurtre de l’assassin de Sarah. Il le serrait alors fort contre lui, rassuré. Les problèmes avec les gangs, il espérait que tout cela était derrière Tobias, et honnêtement, il ne songeait même pas une seconde à faire partie des cibles de leur vengeance. C’est vrai pourtant, il pourrait en être. Après tout, il n’a plus vraiment d’autre famille, ni d’autre entourage que lui. Lonny, juste Lonny. « C'est moi ou t'as pris en muscles depuis la dernière fois ou je t'ai vu ! » Il échappait cette fois, un petit rire alors qu’il se reculait. Ouai, il avait peut-être pris un peu. Il faisait beaucoup de sport, le zoo était un taff physique, et puis... Il y avait Tino. Les entraînement qu’il lui imposait pour la préparation du casse de la jungle le forgeaient aussi pas mal. D’ailleurs ça, il allait falloir qu’il lui en parle.

« Tu ne rêves pas, je suis prêt à me pavaner à Miami Beach! »

Ouai, le temps qu’il ait de l’argent pour couvrir son découvert, payer son divorce, et après on reparlera de vacances à Miami.
Tobias se dirigeait vers la sortie du cimetière, alors mains dans les poches, Lonny le suivait, l’examinant de temps en temps d’un œil discret. Il voulait s’assurer de sa bonne santé, autant physique que mentale. Il était certes, issue d’une grande famille, mais le seul membre qu’il voyait encore, c’était Tobias. Il était le centre de son monde. Sa seule famille. Enfin... Non ça ce n’était plus le cas. Il levait sa main et fixait un instant l’anneau ornant son doigt. Maintenant, il y a aussi Noémie. Souriant en coin des lèvres à cette pensé, il déverrouillait sa voiture devant laquelle ils étaient arrivés, et il s’arrêtait. La main sur la poignée, il posait son regard sur son frère, au-dessus de la voiture.

« Il faut que je t'avoue quelque chose! »

Il se taisait là, et s’engouffrait côté conducteur. Il claquait la porte, s’attachait, puis faisait ronronner le moteur. Pourtant, il ne démarrait pas. Il reposait l’azure de ses yeux sur Tobias, alors que la malice, cette mauvaise malice, avait repris sa place sur les traits de son visage.

« J'me suis marié! »

Dans de mauvaises conditions, avouons-le. Mais ça, il préférait le raconter après. Il voulait voir la tronche de son frère avant. Parce que Lonny le Don Juan, il papillonne tellement que c’est sûrement le dernier homme sur terre que l’on pourrait imaginer marié. Même lui il s’était déjà imaginé en maison de retraite, célibataire, à draguer les autres mémés de son hospice. Et pourtant le voilà là, tout sourire, fier, et levant sa main portant son alliance, sous les yeux de Tobias.

« Miami, l'endroit où on a toujours voulu aller ! Faudrait se faire un road trip dès qu'on pourra ! » Ho s’il savait que le prochain road-trip que Lonny avait en tête, était tout autre... Avant de filer à Miami, il lui fallait de l’argent, et pour avoir cet argent, il avait une tête de dealer à faire tomber. Et il comptait un petit peu sur son frère pour ça aussi... Oui, c’était pas le moment, Tobie sortait tout juste de taule. Mais il savait que Tino le couvrirait à la moindre emmerde, et surtout, Tobie était l’homme qu’il leur fallait. Sans nul doute. Il est vif, costaud, réfléchi. Et puis il n’est attaché à plus personne ici, hormis Lonny. Ce serait plutôt facile de l’entraîner. Sans compter que Lonny ne se voyait pas partir tout seul, sans partager cette putain d’expérience avec l’homme de sa vie!  

Bien sûr avant d’en arriver là, il fallait qu’il lui raconte le pourquoi du comment, il avait besoin d’argent. Son mariage, son super mariage à Las Vegas. « Très marrant Lonny ! » Bon, c’était pas étonnant que le frangin ne le croit pas. Lonny avait sa réputation, et pas une très jolie... Le Don Juan, le coureur de jupon, le collectionneur. Toujours à courir après les filles, dans tous les bars. Une pour chaque nuit, toujours une différente bien évidemment. C’était même à se demander comment il n’était pas encore mort d’une MST. Pire qu’un roi au temps des lumières. « Tu l'as payée combien cette fille ? » Lonny échappait un petit rire amusé, alors qu’il posait son coude contre la portière fermée. Son frère fumait alors il préférait attendre, les fenêtres ouvertes, avant de partir et de risquer de garder l’odeur dans la caisse.  

« Le prix d’un mariage ? »

Ricanait-il, bien que la pilule fût difficile à passer, concernant l’argent qu’il avait envoyé dans les airs avec cette histoire. Mal à l’aise, il se frottait la nuque, puis posait ses yeux sur son frère, un peu nerveusement.

« J’ai un peu déconné. J’avais une convention à Las Vegas, et le soir, j’avais pas envie de dormir tout seul. Cette fille aussi était toute seule. Noémie. Elle s’appelle Noémie. »

Il marquait un petit silence, le temps de fixer l’anneau à son doigt, puis il reprenait, tout en tripotant l’argent.

« On a beaucoup bu, et on a un peu perdu les pédales. On a joué au casino, on est allé en boite, je sais même pas comment ma carte de crédit a pu continuer de dépenser autant. C’était tellement n’importe quoi qu’on a fini par se marier, et je n’ai même pas un seul souvenir de mon “oui je le veux!”. »

Il grimaçait pour lui-même avant de laisser retomber sa main sur son pantalon, et de remonter ses yeux, un peu honteusement, jusqu’à Tobias.

« Du coup j'ai une femme, et un découvert plus qu’énorme à couvrir. Bon, j’ai peut-être une solution pour le découvert. Et si ça paye comme je le pense, je pourrais même payer mon divorce! Parce que oui, j’ai même pas de quoi me payer un avocat pour divorcer! »

C’était la loose la plus totale. Heureusement que Tino était tombé sur lui comme un cheveu sur la soupe. Restait à amener la discussion sur le casse du siècle, l’air de rien, pour que Tobias s’énerve un bon coup puis finisse par le suivre les yeux fermés, comme toujours. Espérant que le blond lui en pose la question, il relevait timidement ses yeux vers lui, un peu honteusement.

« J'en reviens pas que tu aies pu être aussi con ! Je te savais immature mais à ce point non ... Fini ta belle vie de célibataire ! Quand tu voudras draguer et que les filles verront ton alliance, elles te prendront pour un gros salaud ! » Minaudant honteusement, il abaissait ses yeux vers son doigt. Oui, très certainement. Mais pour être tout à fait honnête, il avait déjà une bonne semaine de mariage derrière lui, et il n’avait même pas cherché à draguer qui que ce soit. Ni quoi que ce soit, parce qu’une fois bien bourré, même les poteaux électriques lui semblaient sexy. Non, là, il s’était concentré sur les entraînements de Tino, et il en était devenu un mari exemplaire. Tout du moins fidèle. Et c’était certainement la première fois de sa vie qu’il était fidèle à une nana. « Et cette fille, elle en pense quoi ? Enfin elle doit pas être mieux que toi pour le coup je présume ! » Tout en faisant tourner son anneau autour de son doigt, il relevait doucement le bleu de ses yeux jusqu’à son frère. Ça c’était certain qu’elle n’était pas mieux. Mais il ne la connaissait pas assez pour pouvoir la juge durement. Elle avait l’air volage, et libre. Mais draguait-elle autant que lui et ce, sans arrêt, c’était moins sûr. Après tout, que faisait-elle, là, toute de suite ?  

« Je sais... »

Il savait bien que son frère lui ferait des remontrances. En même temps, si lui ne le faisait pas, qui le ferait ? Il était bien le premier à en avoir fait de même, quand Tobias s’était fait arrêter par la police. Le jour le plus douloureux de sa vie d’ailleurs. Il venait de voir sa belle-sœur se faire assassiner, et comme si ça ne suffisait pas, on embarquait son frère pour des jours et des jours de tribunal. Et puis clac. On l’enfermait derrière les barreaux pour dix ans. C’était une longue et cruelle période de sa vie tout ça. Alors un mariage à Las Vegas à côté, c’était du pipi de chat.  

« Je sais pas... Elle était ivre aussi mais... Je crois pas qu’elle soit... Elle est cool. Elle a de l’humour.  Et je pense pas qu’elle se mette dans cet état tous les jours. Elle a merdé, comme moi, c’est tout. Tu verras, elle est mignonne. »

Bien entendu, il évitait le seul détail qui le gênait chez elle : Son métier. Escort Girl... Il n’était pas certain de supporter très longtemps de devoir partager sa femme avec des inconnus. Même si elle lui assurait ne jamais coucher avec ses clients, c’était quand même vachement déstabilisant. « Mais tu ne peux pas juste annuler le mariage à la place de divorcer ? Enfin je dis ça mais je sais pas comment ça se passe d'un état à l'autre ! » Bah non justement. Il hochait la tête avant de reposer sa nuque contre le repose tête du fauteuil. De là, il reposait toute son attention sur son aîné.

« Visiblement non, c’est un mariage reconnu dans tous les états du pays. C’était pas une de ces chapelle pourrie au mariage factice. Mais t’inquiète, je gère! »

Il se redressait, et retrouvait un sourire plus franc, face à l’incompréhension de son frère. Sa tête était plutôt drôle à voir.  

« Temps qu’on n’a pas divorcé, on se la joue bons époux. Si ça se trouve, elle va tomber folle de moi, et je serais obligé de la traîner au tribunal pour obtenir un divorce! »

Plaisantait-il, comme pour détendre l’atmosphère que Tobias avait levé tout seul. Ouai, Lonny lui, il ne se prenait pas tant la tête que ça. Faut dire qu’il ne réfléchit jamais. Les problèmes, il n’y pense que face à eux, jamais avant. Procrastiner, c’est tellement plus facile. Alors s’il ne pouvait pas divorcer, faute de fonds, pourquoi s’en stresser et en pleurer ? Ça n’arrangerait rien. Autant faire en sorte que le problème n’en soit plus un. Faire fonctionner son mariage. On ne va pas se mentir : Côté sexe, ça match bien. C’est le principal. « Comment ça t'as une solution ? Tu vas braquer une banque ? » Lisait-il dans ses pensées ? Le sourire qui se dessinait au coin de ses lèvres ne devait certainement pas rassurer le plus âgé, qui enfin, jetait son mégot dehors. Pour autant, Lonny ne démarrait pas, il préférait prendre le temps de lui expliquer la situation. Il marquait un petit temps de pause, avant d’arrêter franchement ses yeux sur ceux de Tobias.  

« C’est un peu ça. J’ai un pote à la D.E.A qui a besoin d’une équipe pour arrêter un dealer au Salvador. Y’a un bon paquet de millions de dollars à rapporter. On sera six à partir, ni vu ni connu. Mon pote descend le gars et on repart avec l’argent. Ce sera pas long, et il a un plan bêton. Il m’a assuré que c’était safe. Donc... Entre mon découvert et le mariage, j’vais le faire. »

Là, et brusquement, il détournait ses yeux vers le parking, face à lui. Il savait d'ores et déjà quelle réaction allait avoir Tobias, et il préférait l’ignorer. Il allait crier, le sermonner, lui faire la morale, lui répéter à quel point la prison c’était atroce. Et puis il finirait par vouloir le décourager. Et quand il verrait que le blond ne change pas d’avis, il demandera à l’y accompagner. Il était trop prévisible. Mais en même temps, qu’est-ce qu’il ferait sans lui. Alors prêt à tout entendre, il souriait bêtement face à l’horizon. Le mot de la fin, il l’aurait. De toute façon dans les six, Tobias y figurait déjà.  

« Allez t'en fais, on va arranger tout ça d'accord ? Et je compte bien à ce que tu me la présentes ta femme même si elle ne le restera pas ! » Une main amicale sur son épaule le rassurait quelque peu. Tobias n’allait pas lui faire la morale. Son sourire revenait doucement, alors qu’il acquiesçait d’un signe de tête. Bien sûr qu’il la lui présenterait. De toute façon, elle est d’ici elle aussi.  

« Bien sûr! Et là tu auras le droit de me dire si j’ai vraiment fait une connerie! »

Plaisantait-il. Il avait toujours trouvé très important l’avis de son frère. Dans n’importe quelle grande décision, il lui fallait toujours en discuter avec lui. Alors il avait confiance. Il savait que Tobias aurait un bon jugement. S’il ne sentait pas Noémie, il y aurait de grande chose pour qu’il se hâte de faire signer son divorce. Tobias a du flair, il le sait quand quelqu’un est louche. En revanche s’il la sentait bien, que ferait-il vraiment ? « Et pourquoi ce ne serait pas toi qui, pour une fois, tomberait amoureux ?! L'amour, dans le fond, c'est pas si mal tu sais ... » Lui, amoureux ? Hochant la tête, il détournait son regard vers la route. Non, le Lonny est un homme libre. Attaché à rien, ni personne.  

« Parce que je n’ai pas de cœur. »

Répliquait-il après un court silence, reposant le bleu de ses yeux sur le blond. Il étirait un malicieux sourire, avant d’abaisser la tête en souvenir de Sarah. Il n’effaçait pas son sourire pour autant non. Il était juste nostalgique. Parce qu’elle rendait Tobias si heureux.

« Je sais bien, que c’est beau. Je l’ai vu une fois. »

Il relevait juste le regard vers lui, espérant qu’il comprenne qu’il parlait de son couple, avec Sarah. Jamais il n’avait vu deux êtres s’aimer autant. Jamais.

« Non mais t'es devenu cinglé ma parole ! Ce jour la, tu t'es pas seulement marié, t'as du recevoir un bon coup sur la tête ! Il est hors de question de braquer qui que ce soit et encore moins un dealer de renommée mondiale ! Tu veux te faire tuer ? T'auras même pas la chance de divorcer et tu feras une veuve ! Tu ne participeras pas à ça tu entends ! » Il l’aurait parié. Que Tobias ferait une scène. Il se mordait même la lèvre pour ne pas en rire, alors qu’il vacillait à nouveau ses yeux vers la route, pour le laisser cracher son venin. « Et tout ça pour du fric en plus ! J'en ai voulu du fric et résultat Sarah est morte, tu veux réellement te foutre dans un merdier pareil ! Merde réfléchis un jour Lonny et pas avec le bas, le haut stp !   » C’était tout réfléchit depuis longtemps, puis il s’était engagé auprès de Tino, il ne pouvait plus faire marche arrière. Il soupirait donc un bon moment, avant d’oser réaffronter le regard de son aîné.

« J’vais pas me faire tuer, j’serais pas en première ligne. Je suis pas sûr que la veuve Parsons pleurera tant que ça. Sauf si elle récupère mes nettes... »

Ouai, même là, fallait qu’il plaisante.  

« Ecoute, que ça te plaise ou non, ce road tripe, j’vais le faire! J’ai jamais visité le sud du continent, c’est une aubaine! Puis je me suis engagé au près du flic, j’peux plus faire marche arrière. Il m’entraîne depuis des semaines, j’vais pas me dégonfler maintenant. »

Il démarrait son moteur pour de bon, puis commençait à avancer vers la route. Vérifiant qu’aucune voiture n’arrivait à droite et à gauche, de la sortie du parking, il reprenait, sans quitter son attention de la route.

« Y'en a pour 24h. On arrive, on prend le fric, et on repart. Ni vu, ni connu. Puis … Si t’as si peur pour moi, t’as qu’à venir. »

Il se lançait sur la route, tout en retenant le moindre sourire sur son visage. Il en avait pourtant envie, parce qu’il savait pertinemment que Tobias viendrait, juste pour le surveiller. Et qu’il allait le traiter de tous les noms si jamais ça tournait mal... Mais il n’y avait pas de raison, n’est-ce pas ?

« Le flic, il s’assurait de ta sécurité tu sais. »

« J'avoue que je suis un expert en filles ! » Lonny aussi en souriait, plus franchement. Malgré que ses yeux ne quittaient pas la route. Ho il savait bien que son frère avait juste besoin de se dérouiller un peu. Voilà plus de dix ans qu’il n’a pas dragué une fille. S’ils sortaient vivants de leur escapade au Salvador, il se jurait de l’emmener à Miamie pour draguer de jolies petits culs dans de jolis petits mini shorts! « Arrête un peu ! On sait tout les deux que c'est faux ! Tu ne veux juste pas le montrer ! »

« Donne moi le nom d’une fille avec qui j’aurais passé plus de 48h ? Amélia ne compte pas! »

Bah non, elle c’était parce qu’ils préparaient un mariage ensemble, et que forcément, ça dure plus d’une semaine. Okay, peut-être que sans la fusillade et le drame qui s’en est suivi, il y aurait pu y avoir quelque chose entre eux, mais ça, il se privait bien de le dire, et de l’avouer. Il l’avait bien kiffé la petite blonde, mais c’était gênant de l’avouer. De un parce qu’elle le déteste tous les deux aujourd’hui, et de deux parce que c’était quand même la sœur de sa belle-sœur. Ça aurait été bizarre que les deux frères sortent avec les deux sœurs, non ?

« Tu fais chier Lonny, t'entends ça, tu fais chier royalement ! Je t'assure que s'il t'arrive quelque chose je te tue une deuxième fois et je tue ce fameux mec qui t'a embarqué là-dedans et tant pis si je retourne en prison ! » Blablabla, Lonny n’entendait que ça dans sa tête parce qu’il savait que Tobias viendrait, point final. Il fixait la route, tout en souriant en coin de ses lèvres comme s’il venait de gagner au Monopoly. « Ouais ben présente le moi déjà celui-là ! »

« Ho tu vas l'adorer. »

Lançait-il ironiquement, sans perdre son sourire. Il sentait bien que la tension risquait de monter entre Tobias et Tino. Ils ont bien trop de caractère l’un comme l’autre, avec l’angoisse qui règnera dans cette mission, c’était pratiquement sûr que les ordres du Policier allaient agacer le blond. « Tu m'emmènes chez moi la ? Enfin le studio que j'ai loué ! » Ha voilà, le sermon était passé ? Il lui adressait un petit regard, avant de sourire plus franchement, totalement amusé par la situation.

« Bah ouai. Je vais venir inspecter, si y’a des rats, j’te ramène chez moi. »

Bien sûr qu’il savait qu’il n’y en n’avait pas. Il était venu vérifier de lui-même avec la fille qui louait tout ça aux taulards qui veulent s’en sortir. Et même qu’il n’avait pas couché avec cette fille, alors qu’elle était franchement à son gout. Quel plait d’être marié.

« J'suis allé visiter avec la fille de l’association, c’est pas le plus top des appart, mais c’est propre et tu as tout ce dont tu auras besoin. Puis s’il te manque quoi que ce soit, on passera au centre commercial au Salvador! »

Plaisantait-il tout en se reculant au cas où son frère ait envie de lui faire gouter le plastique du volant. Il arrivait aux pieds de l’immeuble de toute façon. Il se garait sur une place libre, puis il reposait de petits yeux plus chaleureux cette fois, sur Tobias.

« C'est là. Dis le si ça te plait pas, y’a de la place sur mon canapé tu sais. … Et... »

Il baissait un peu le regard, fixant le tableau de bord de son véhicule tout en tripotant le levier de vitesse de ses doigts.

« Je suis désolé pour le Salvador. Mais... C’est tout ce que j’ai trouvé pour me sortir de la merde. »

Il grimaçait légèrement avant d’oser relever son regard jusqu’à Tobias. Cette fois, son visage était désolé et un peu embêté, mais... Il était certain qu’ils allaient s’amuser dans le sud! C’était un bon moyen de passer du temps entre frangin.