L’administration américaine me semble aussi complexe que la française. Je suis franco-américaine, donc j’ai une carte d’identité américaine. Même si dans mon coeur la seule valable reste ma carte française. Mais vue que j’ai les deux nationalités, l’école où je me suis inscrite demande un certificat de la mairie de New York qui m’a délivré cette carte que je réside bien à New York et que j’ai bien le statut reconnu pour cette double nationalité.

Evidemment une telle demande arrive pendant que mes « nouveaux » parents sont en vacances, donc absents. Ceux sont des avocats efficaces, ils auraient réglé ça en deux temps trois mouvements. Mais ayant l’intention d’être rapidement indépendante, je décide de ne pas les appeler pour savoir comment m’y prendre. En farfouillant les papiers de mon transfert de parentalité, j’ai trouvé le nom d’un contact en mairie de New york. Je l’ai appelé et la chance était avec moi puisque cette dame n’est pas en vacances. En plus elle est très serviable. Elle m’a rassurée et affirmée que ça ne posait pas de soucis. Elle a apparemment déjà eu ce genre de demande. Les américains sont compliqués, mais ils maitrisent leur système on dirait ! En tout cas, me voilà avec un rendez-vous dans la mairie principale de New York au cœur de Manhattan.

J’ai pris un taxi pour être tranquille et surtout ne pas me trimballer mon vélo. Je rejoindrais le parc du Bronx cet après-midi de la même manière ou en métro.
La bâtisse impressionnante. Comme tous les bâtiments de New York.
J’entre et à voir la liste des services présents il y a 40 étages ! Il ne faut pas être censé pour créer un tel monstre ! En plus, c’est un peu flippant de voir que même en aout ça grouille de monde.
J’ai rendez-vous à 11h au 27ème étage. Il me reste plus de 20 minutes pour trouver le chemin. Pas bien le choix que de prendre l’ascenseur ! Et j’ai une sainte horreur de ces boites métalliques. S’enfermer de lui-même dans une boite qui bouge de haut en bas n’est pas la chose la plus censée que l’homme est inventé !
En plus, la personne de l’accueil me dit qu’il y a plus de 30 ascenseurs dans ce monstre urbain. Elle m’indique celui qui me mènera au plus près du bureau où je dois me rendre. Allez y comprendre quelque chose. Maintenant me voilà à me prendre pour Mario qui cherche son chemin dans le labyrinthe des couloirs d’une mairie américaine. Il manque les champignons up d’énergie ! Mais après 5 bonnes minutes je pense que j’ai le bon ascenseur. J’hésite et vais relire les pancartes annonçant les services accessibles sur les 3 autres ascenseurs du couloir. En vérité, cette vérification est surtout une préparation mentale pour canaliser mon angoisse avant d’entrer dans la boite.

Quand je reviens devant la porte du bon ascenseur, il est présent et déjà empli de 3 personnes et 1 chariot emplie de fleurs. Au moins j’ai la nature avec moi ! Ça me soutire un sourire et je me glisse près de ce chariot. Je ne suis pas épaisse, je passe. Mon sac à dos accroche la porte mais j’arrive finalement à me glisser sans encombre. Le regard rivé sur le chariot, j’évite de penser à l’endroit où j’entre. Les compositions sont magnifiques, c’est un sacré travail. Et les fleurs sentent si bon que c’est plus fort que moi, je les hume en fermant les yeux, m’imprégnant de leur odeur rassurante.
Je n’entends même pas la porte de l’ascenseur se refermer. Je sursaute quand il se met en branle. Et mon visage se crispe. Perdant l’équilibre, je tombe contre l’homme présent.

- Pardon, excusez-moi.

« Faites donc attention ! Ce n’est pas une cour d’école ici ! »

Le visage en feu, je m’éloigne le plus possible des gens et cale mon sac à dos dans un des coins. Ce mec mériterait que je le remette à sa place, mais mon angoisse de voir ces murs si proches et sentir le mouvement de montée est en train de prendre le pouvoir sur moi.

Mon regard parcourant l’intérieur de l’ascenseur, je vois le panneau de boutons. Mon cerveau tilte que je n’ai même pas choisi mon étage. Les numéros allumés ne correspondent pas, je choisis alors de m’adresser à la jeune femme rousse qui tient le chariot de fleurs. C’est la seule que je peux qualifier de plus avenante. L’effet fleurs surement. Si c’est elle qui a créé ces bouquets, elle a beaucoup de gout et créativité. Bref, ça me plait. Il faut bien un point qui me rassure et c’est donc sur elle que se porte mon choix.
Oui mon cerveau réfléchit à tout ça en cinq secondes pour décider à qui m’adresser…

- Excusez-moi, mademoiselle. Pourriez-vous appuyer sur le numéro 27 ? Merci.

A peine ai-je fini ma question que l’ascenseur s’arrête brutalement. Je plaque mon dos contre le mur, paume de main sur ce mur froid. Mon visage blémit.

- Quoi ? Que ? …

Mon cerveau bugue, incapable d’intégrer la réalité de ce qu’il se passe.
L’homme grogne.

« Oh ! Bordel ! Ça ne va pas recommencer ! Ça fait 3 fois cette semaine ! »

Je le fixe avec des yeux ronds.

- Co… comment ça ?

Il me fixe de cet air sévère et hautain qui ne va pas me plaire longtemps !

« Gamine, ne commence pas à paniquer. C’est l’histoire de 3 minutes et ils débloquent l’ascenseur ! »

OK ! Je déteste ce mec et 3 minutes c’est la mort assurée ! Colère et panique m’animent. Ma langue maternelle revient au galop, c’est en français que je lui réponds, peu m’importe qu’il me comprenne ou pas.

- Je ne suis pas une gamine, Ducon ! Et je panique si je veux !

Je me laisse glisser au sol, entoure mes bras autour de mes jambes et commence à me balancer. Un effet pour canaliser mes peurs. Mes écouteurs sont dans mon sac, je devrais mettre ma musique pour me calmer, mais je suis de plus en plus tétanisée et mon esprit n’arrive pas à penser aussi loin.

Et c’est là qu’il alarme retenti. Je tremble comme une feuille et me bouche les oreilles.

- Faites quelque chose, s’il vous plait ! Je veux sortir d’ici !

Peu m’importe de monter 27 étages à pied, c’est toujours moins mortel que ce qui se passe à l’instant ! J’aurai du écouter mon instinct !

Moi qui me disais que cette « formalité » semblait en bonne voie d’être vite réglé par cette dame de la mairie, je n’ai jamais envisagé que mon passage dans cet édifice se transformerait en cauchemar. Je suis capable de surmonter mon angoisse quelques minutes dans un ascenseur, si on ne me demande pas d’en prendre un, plusieurs fois tous les jours. Là je me sentais en confiance. Le fait de ne pas avoir trop le choix aidant. Mais si j’avais su, je me serais crevée à monter les 27 étages à pieds ! Ou bien j’aurais du avertir la dame que je ne peux pas prendre l’ascenseur.

Et bien sûr ce blocage aurait pu arriver un jour où de gentilles personnes se trouvaient dans la boite. Mais non il a fallu qu’un gros con soit présent. Je l’insulte en français, une façon de gérer mon angoisse autant que de rester planquée. Mais la jeune fleuriste semble du même avis que moi. Elle le remet à sa place et l’insulte autant que moi, ce qui me rassure et me tire un léger sourire malgré la panique montante.

Mais une sonnerie assourdissante vient décupler mon angoisse. Je supplie. Il n’y a que ça qui sort de ma bouche. J’entends encore le con marmonner et la fleuriste lui parler sèchement, mais la sonnerie reste le son majeur dans ma tete. Je tremble.
Mais je sens une présence proche. Je lève les yeux et vois la fleuriste accroupie moi avec un sourire qui a surement vocation de me rassurer. Sa voix est douce et me calme deux secondes. Jusqu’à ce qu’une voix de robot vienne conclure qu’on est mal barré.

« … pour une durée indéterminée…»

Je blanchie, et la fin de la phrase me fait bondir.

- Bouger de la cabine ? Parce qu’elle croit que je sais passer à travers les murs ?  On n’est pas dans X-Men !

« Oh mon dieu ! Oh mon dieu ! On va mourir ici ! » , panique à son tour la seconde femme présente dans la boite.

« Putain les femmes ! Je suis verni ! » , commente le gros con.

Je ne la vois pas avec le chariot dans mon champ de vision, mais la voix de l’autre femme vient de m’achever avec ces mots ! Je regarde la fleuriste avec supplication, cherchant une réponse. Je secoue la tête à la négative, les larmes aux yeux. J’attrape le bras de la jeune femme pour sentir un contact réel.

- On ne reste pas coincés, hein ? C’est pas réel !

Je n’ai même pas conscience que je m’exprime en français. Je suis morte de peur.

- Je ne veux pas mourir comme ça !

Les larmes coulent et je tremble.

Alors que je suis au bord du malaise en entendant le message débile de la sécurité de l’ascenseur, l’autre femme présente devient hystérique. Je suis blanche et je commence à avoir la tête qui tourne bien trop pour que ça soit bon signe. Je m’accroche à la seule personne qui me porte attention avec douceur et qui ne semble pas en panique : la fleuriste. Enfin, je suppose qu’elle est fleuriste. Peut-être qu’elle ne fait que livrer en fait… Oui bon revenons à la réalité du moment !
Je sursaute à nouveau quand j’entends la voix de la jeune femme beaucoup plus forte et sèche envers l’hystérique, qu’elle ne l’était avec moi. En même temps, si la référence de cette personne se limite aux films catastrophes, ça devrait me rassurer. Ces films ont toujours un aspect non crédible… Oui je suis une sceptique née ! Mon père était ingénieur. Tout doit être logique. Ou presque.
Je n’aime juste pas qu’on m’enferme dans une boite, ça c’est absolument tout le contraire de la rationalité !

Je me rends compte que j’ai du questionner la jeune femme en français car elle me fixe de ce regard d’incompréhension de mes paroles. Mais elle ne s’y arrête pas. Elle continue à me parler avec ce petit ton doux et chaleureux qui me rassure un peu. J’opine de la tête. Oui, on va y croire que c’est vite réparé sans dommage. Sinon je ne vais pas tenir.

Et elle continue à me prouver que j’ai raison de l’écouter, car elle ne fait plus attention aux deux personnes et ne se concentre que sur moi. Elle a réussi à capter mon attention et je m’efforce de suivre ce qu’elle me propose. J’inspire et j’expire en suivant son rythme. C’est difficile la première fois. Le souffle court, je tousse un peu. J’entends le malpoli grogner dans son coin, mais je n’y prête pas attention. L’autre femme pleure. Au pire, ça soulage de pleurer non ? Moi j’en suis incapable là.
Inspiration. Expiration.
Penser à un endroit où je me sens bien. Les deux endroits qui me viennent à l’esprit sont le zoo avec l’enclos de Rourou et Lana les pandas roux, et le parc du Bronx où je vais souvent lire en observant les skaters. Une esquisse de sourire se dessine au coin de mes lèvres. Je me détend un peu. Dans ma tête, j’ajoute Matt et Odeline à mes côtés, et mon corps arrête de trembler peu à peu. Je continue à respirer comme la fleuriste me la montrer.

- Merci !

J’espère juste que ça ne va pas durer trop longtemps.

« Le problème est un peu plus long que prévu à régler. Nous vous remercions de patienter dans le calme. Ça ne devrait pas durer plus d’une heure. »

OK ! Je revire au blanc instantanément. Les larmes aux yeux, je secoue la tête en fixant la fleuriste.

- Je ne vais pas tenir. Je veux sortir.

Et déjà l’air me manque. Haletant comme un chien, je m’accroche au bras de la jeune femme alors qu’on entend un hurlement puis plus rien.

« Oh bordel ! L’hystérique s’est évanouie. Aidez-moi donc » , eructe le gros nase en soutenant du bout des bras l’autre dame.  

Je le fixe avec stupéfaction. Comment cette femme est passée du « je tiens debout, à je pique une crise d’hystérie, puis à je tombe en syncope » ?
Mes angoisses me font la vie dure, mais je ne crois pas passer aussi facilement d’un état à un autre. Non ? Si ? Vous croyez ?

Dubitative, je regarde la demoiselle qui m’aidait.

- ça va devenir compliqué, je crois.

Huuum ! Belle et grande réflexion qui a toute son inutilité en l’instant. Mais je ne sais pas faire mieux, je suis vide d’énergie.

Je m’étais calmée, un peu. J’avais évité la crise de panique complète, grâce à Alicia surtout. Elle me plait bien. Attentionnée et calme, tout autant que directe et franche. Et puis elle remet le chieur à sa place, et ça j’aime ! Elle a du caractère. C’est comme ça que je veux devenir. Ne pas me laisser diriger.

Mais les nullos de la maintenance sont des incompétents notoires puisqu’une nouvelle annonce nous apprend qu’on est coincé là pour une bonne heure. Et moi je craque complètement cette fois. Terrorisée à l’idée de rester enfermer dans une boite de métal, j’éclate en sanglots en gémissant. J’en ai oublié la femme évanouie et le malpoli qui râle. Mais Alicia ne me lâche pas. Elle engueule l’abruti, ce qui l’air de rien me fait plaisir. La syncope de la dame, puis le ton échangé entre mes deux autres compagnons d’infortune m’interpelle. L’intérêt que je porte à ce qui se passe dans la boite de fer a le mérite de m’occuper l’esprit et de me calmer un peu. J’en viens même à parler plus posément, même si c’est pour sortir une évidence. Compliqué c’est peu dire ! Mais Alicia ne se moque pas de ma répartie débile. Au contraire, elle me sourit avec assurance. Elle me parle pour avec calme et me reconcentre sur des éléments qui vont m’éviter de penser à la situation.

Mon prénom ? Ce que je fais là ?
Je force mon esprit à focaliser sur ces idées et peu à peu je sens le sang arrêté de pulser dans mon cœur comme s’il voulait en sortir. Je respire mieux.

- Cannelle. Je m’appelle Cannelle. Je suis venue chercher un certificat de nationalité.

En y repensant ça me fout en rage de devoir faire ce genre de démarche. C’est la faute à l’administration américaine.

- Je croyais l’administration française compliquée, mais en Amérique ce n’est pas mieux ! Je suis française ET américaine. Pour une fois que ça me sert cette nationalité américaine… Les administrations sont infoutues d’en tenir compte sans des tonnes de paperasse. Je me demande bien à quoi peut bien servir une carte d’identité puisqu’elle ne suffit pas à ma nouvelle école.

J’esquisse un sourire à Alicia, ma curiosité revient avec l’apaisement de ma panique

- Et toi ? T’es fleuriste ou juste livreuse ? Parce qu’ils sont super jolis ces bouquets !

– Hey les pipelettes. Vous ne pouvez pas m’aider à la réveiller au lieu de taper la discussion ? nous coupe le malpoli avec un ton toujours aussi agréable.

Je lui aboie dessus en retour, parce qu’il n’a pas l’air de comprendre autrechose comme moyen de communication.

- Le mâle responsable n’est pas capable de gérer un malaise vagal ? C’est bien la peine de se prendre pour un gros dur !

Je me lève doucement, histoire d’éviter les vertiges suite à ma crise de panique. Ma tension ne doit pas être très élevée. Retirant mon sac à dos, j’en sors une bouteille d’eau et un mouchoir. Je les tends à Alicia.

- Mouillez le mouchoir et appliquez le sur son visage. Ça devrait la réveiller. Je vais gérer, je crois. Je vais lire… Merci Alicia

Je reste appuyée contre le mur car je ne me sens pas encore capable de faire un pas. Tenir sur mes jambes et ne plus partir en panique est déjà un grand pas. Je sais que je dois occuper mon esprit. Alors je prends mon livre et me met à lire par automatisme. Les mots ne s’impriment pas réellement dans ma tête, mais mon esprit décortique les lettres et analyse les tournures de phrases. Concentré, il ne laisse pas la panique remonter. Je reste consciente de la boite de fer, mais je l’enfouie loin de mes pensées autant que possible.

Alicia a réussi à canaliser ma panique et je lui en suis vraiment reconnaissante. Et puis une femme qui fait d’aussi jolies compositions et apprécie mon prénom doit être encore plus sympathique qu’elle n’en a l’air. Intérieurement je me dis qu’il me faudra aller visiter sa boutique pour m’acheter un petit bouquet de sa composition et surtout pour la remercier. Est-ce que ça se fait d’offrir des fleurs à une fleuriste ? Je dois les acheter chez elle ? ou c’est mieux ailleurs ? Elle m’arrache un sourire de nouveau quand elle m’explique que livrer elle-même ses fleurs est le meilleur moyen d’être satisfait. Je la comprends, surtout que c’est un matériel fragile.
Ça me fait du bien de me concentrer sur autre chose que la situation à risque dans laquelle nous sommes coincées. De plus, voir l’autre femme s’évanouir réveille en moi l’obligation de réagir et laisser mes peurs de côté. Surtout que le malpoli ne semble pas savoir gérer la situation. Je ne peux pas m’empêcher de sourire à la façon dont Alicia le remet à sa place encore une fois. C’est assez typique de ce genre de personne : ils râlent, se croient les rois du monde et paniquent au premier couac.
Je lui donne mon eau et un mouchoir et rassure Alicia sur le fait que je vais réussir à gérer mon angoisse désormais. Lire, c’est le meilleur remède à tout. Pour moi en tout cas.

Je laisse la fleuriste réanimer la femme qui revient assez vite à elle, et m’installe dans mon coin, mon livre entre les doigts. Une nouvelle annonce nous rassure enfin. Il y a un mec compétent dans ce bâtiment ! Alléluia !
Evidemment le premier à s’exprimer est le râleur. J’ai limite envie de rire de sa prévisibilité mais je suis tellement soulagée de savoir le problème technique identifié et en cours de résolution que je replonge dans mon livre.
Je ne peux pas vous certifier que mon cerveau emmagasine le sens de ce qu’il lit, mais il se concentre. Le contact rassurant des pages et la rythmique des mots est comme une berceuse pour moi. Une berceuse qui me plonge dans ma bulle de coton.

Entendant la voix d’Alicia, je relève la tête et répond à son sourire par le mien. Oui je pense que ça va se résoudre. Alicia me rejoint et nous parlons encore un peu. Elle m’interroge sur mon livre. Une édition américaine d’Alice au pays des merveilles. Ça me fait travailler mon anglais, mais surtout j’adore tellement ce livre que je voulais m’assurer quela version en anglais est bien la meme. Bon d’accord c’est le premier livre que j’ai acheté à New York et j’en suis à la cinquième lecture. C’est une drogue ce livre.

Et les portes s’ouvrent mettant fin à notre calvaire. Je soupire de soulagement. L’autre femme et le malpoli ne demandent pas leur reste pour sortir. C’est navrant, mais l’égoïsme est un fléau. Je les entends raler contre les techniciens présents. Pas un ne se préoccupe de moi ou Alicia. Un homme en bleu de travail passe la tête et nous questionne.

« Mesdemoiselles ? ça va ? Vous avez besoin qu’on appelle un secouriste ? »

Je secoue négativement la tête. Je n’ai pas envie qu’on m’ausculte sous toutes les coutures. Je me lève et sort de la boite. Les pieds sur la terre ferme et hors de la boite de conserve, je respire bien profondément. Avec un grand sourire soulagé, je réponds au technicien.

- Non, merci. Pourriez-vous m’indiquer les escaliers ?

L’homme grimace de confusion et m’indique une porte bleue un peu plus loin. Je le remercie et me tourne vers Alicia.

- Est-ce que vous auriez une carte ? Je dois me rendre à mon rendez-vous si la dame peut encore me recevoir, et j’imagine que vous avez du travail à finir. Mais j’aimerai venir à votre boutique, vous remercier surtout. Merci beaucoup de m’avoir aidé.

J’ai conscience qu’il me reste pas mal d’étages à grimper mais j’ai la forme physique pour le faire et il est bien hors de question qu’on me remette dans la boite en fer. Je descendrais par l’escalier, que ça me prenne le reste de ma journée m’importe peu. Je ne suis pas prête à remonter dans un ascenseur.