“ need to talk
Tu avais pris ta pause depuis seulement deux jours mais tu sentais cette horrible boule au ventre. Tu te sentais mal d'avoir lâché tes collègues et ton patron. Tu te sentais coupable comme tu t'es rarement sentie aussi coupable. Tu pensais que passer du temps avec ta mère t'aiderais à aller mieux, à te sentir utile, mais tu ne t'es jamais sentie aussi faible. Tu es incapable d'aider réellement. Tu as mis tout l'argent que tu avais passé des années à économiser pour partir en voyage un jour dans la nouvelle chimio de ta mère et tout ce que tu faisais, c'était espérer pour un miracle. Tu lui tenais compagnie, tu lui parlais de tout et de rien et elle répondait, agissait comme si de rien n'était. Elle faisait comme si la maladie n'était pas en train de lui ronger sa santé. Ça te rendait complètement dingue. Tu avais cette affreuse sensation qu'elle laissait tomber, qu'elle se voilait la face. Une passivité stressante pour toi qui a toujours connue une femme motivée, agitée et une battante. La voir agir comme de rien n'était t'inquiétait encore plus. Ce matin, tu as été réveillée par une violente toux qu'elle n'arrivait pas à arrêter. Immédiatement, tu as appelé tous les numéros d'urgence que tu connaissais. Une réactivité que tu ignorais avoir. Une réactivité qui a eu le don d'énerver ta mère qui disait n'avoir qu'un petit rhume qui passerait dans deux, trois jours. Tu avais tout bonnement ignoré ses dires. Tu es têtue, un brin téméraire, tu n'écoutais que très rarement ce que l'on te disait, peu importe que tu aies tort ou que tu aies raison. Tu n'écoutes que toi. Ce que tu avais raison de faire pour cette fois-ci. Contrairement à ce que disait ta mère, il s'agissait d'un effet secondaire de la chimio. De ce fait, pour éviter une autre arrivée catastrophique à l'hôpital, les équipes médicales ont décidées de garder ta mère en observation pour la nuit. Tu avais prévue de rester avec elle, dans sa chambre, toute la nuit. Ce qu'elle a catégoriquement refusé. «
Ce n'est pas parce que je suis malade que tu n'as pas le droit à une vie, Holly. » Elle avait très certainement raison, après tout. Une vie, tu n'en as jamais réellement eu une. Toujours trop occupée à travailler, à gagner de l'argent, à te droguer, à boire. Ta vie personnelle est au point mort depuis presque toujours. Tu ne sors que très peu. Il faut dire qu'à chaque fois tes boulots étaient plus crevants les uns que les autres et celui que tu as actuellement est éreintant et cela alors que tu penserais que tu pourrais penser plus pleinement à toi. Il se trouve être le plus dur des postes que tu n'as jamais occupé. Maintenant que tu fais une pause, à t'occuper de ta mère, tu es d'autant plus fatiguée. Très certainement est-ce une fatigué émotionnelle mais ça n'empêchait qu'il y avait du vrai dans ses dires. Tu devais sortir, voir d'autres personnes, éventuellement rencontrer quelqu'un parce que bon Dieu qu'être en train de tomber amoureuse de ton patron est une mauvaise idée.
De ce fait, il est près des dix-huit heures quand tu sors de l'hôpital. Ton premier réflexe est d'envoyer un message à l'une des rares personnes à qui tu fais pleinement et entièrement confiance sur cette Terre, Aliénor. Ce n'est pas pour rien que son prénom est l'un des premiers de ta liste de contacts.
Hey, belle demoiselle.
Ça te tente de sortir boire un verre avec moi et de draguer du mâle ? J'ai besoin de croiser de nouveaux testostérones. Je sens que je suis en train de craquer pour mon patron. Enfin, bref. Je te raconterai tout ça en détails autour d'une bière sans alcool.
Une fois le message envoyé, tu as presque aussitôt une réponse positive de ton amie. Une partie de toi savait très bien que le côté draguer du mâle passerait très certainement à la trappe. Le besoin de te confier était bien plus puissant que d'avoir quelqu'un dans ton lit le temps d'une nuit. D'autant plus qu'Aliénor faisait partie des rares personnes qui savait ce qui se passait dans ta vie actuellement. Tu tais très souvent l'état dans lequel se trouve ta mère tout simplement parce qu'elle l'a demandé. Tu es obligée de mentir aux autres pour ne pas aller à l'encontre de sa demande très spécifique et tu ne pouvais que la comprendre. Au fond, elle et toi n'êtes pas très différentes ; montrer un signe de faiblesse ? Jamais ! Ô grand jamais ! C'est principalement à cause de ça que tu as eu autant de mal à reconnaître que tu avais un problème avec la boisson et la drogue. Ce problème d'addiction était aussi l'une des majeures raisons pour lesquelles tu sortais si peu. Maintenant, avec toutes les pressions que tu ressentais autour de toi ajoutée à cette impression d'être amoureuse d'une personne qui ne te remarque que lorsqu'elle a besoin d'un café, tu savais qu'à une époque, il t'en a fallu beaucoup moins pour plonger la tête la première dans ce mix de mauvaises décisions et de conneries en tout genre. En passant une soirée avec Aliénor, tu savais qu'elle serait là au cas où d'un quelconque dérapage. Elle a été présente pour toi lors de ces sept mois d'internat dans ce centre de désintoxication, à venir deux à trois fois par semaine, parfois même elle venait toute la semaine. Elle a été là et elle a vue à quel point tout cela a été dur à combattre pour toi. Sans oublier cette promesse que vous vous êtes fait, celle d'être toujours là l'une pour l'autre. Même si l'autre rejette l'aide. Aliénor sait tout de toi et tu en sais pas mal sur elle. Tu n'es pas dupe, tu sais qu'elle te cache quelque chose mais tu n'as jamais insisté pour qu'elle te révèle cette chose. Le fera-t-elle certainement quand elle sera prête. Ce n'est jamais simple d'avouer quelque chose d'enfoui, que l'on considère d'honteux. Avec les AA et NA, tu as appris à parler de ton problème d'addiction mais tout le monde n'a pas cette chance d'être aussi libre dans un sujet si sensible. Tu t'en rendais parfaitement compte.
21h vient de s'afficher sur ton téléphone, tu es dans ce bar, un verre à la main, un verre de limonade, évidemment. Tu commençais à le siroter doucement en attendant l'arrivée de ton amie. Tu accordes un sourire faussement timide à un homme qui n'arrêtait de te regarder depuis ton entrée dans le bar. Il faut dire qu'habiller comme tu étais habillée, tu espérais bien attirer un peu l'attention. Une robe moulante noire qui te serrait terriblement à des endroits que tu ignorais avoir avant ce soir. En voyant que tu étais toujours seule au bout d'une dizaine de minutes, il vient à toi. Il te drague lourdement, un peu maladroitement, ce qui ne manque de te faire lâcher un petit rire à plusieurs reprises. «
Je te paye un autre verre de vodka - limonade ? » Tu hoches négativement la tête immédiatement. «
Non, non, ce n'est pas de la vodka - limonade, c'est juste de la limonade. Je ne bois pas. Je suis une ancienne alcoolique. » Un rictus sort de ses lèvres, il est gêné. Après quoi, tu essayes de lui montrer que tu n'es pas dérangée par sa proposition mais c'est trop tard, aussitôt lui avais-tu dis ça, aussitôt tu n'étais pas la bonne pour passer une bonne soirée. Tu le laisses partir sans mal. C'était un comportement habituel avec la gente masculine. A croire qu'il avait peur d'une femme sans goutte d'alcool dans le sang. Après cet échec cuisant, tu n'attends que deux minutes avant d'être rejoint par ton amie. Grâce au ciel. Tu te jettes pratiquement dans ses bras tant tu étais contente de la voir. «
Ma sauveuse ! » Tu t'éloignes d'elle pour la laisser respirer. La pauvre, à peine arrivée, voilà que tu lui forçais une accolade. «
Qu'est-ce que t'es canon ! La prochaine fois, je ne t'invite pas. » Plaisantes-tu. Après quoi, vous vous installez à une table. Elle commande son verre et tu recommandes un verre de limonade. «
Comment tu te portes ? »