Juin 2017. C’était un jour ensoleillé, Loin de l’hiver rude qu’ils avaient eu quelques mois plus tôt. Norah, de bonne humeur cette matinée-là, avait emmené sa fille à la crèche vers les alentours de 7 heures et demie. La jeune femme avait un rapport à rendre sur un événement fâcheux daté de deux jours plus tôt, une dispute d’alcoolique ayant entraîné de graves coups et blessures. La philippine n’attendait jamais trop longtemps avant d’enquêter, à vrai dire elle s’était même empressée de demander les enregistrements des caméras aux alentours le jour même de l’incident. La brune était du genre à ne jamais remettre au lendemain ce qu'elle pouvait faire aujourd’hui et sa réactivité avait de nombreuses fois fait ses preuves. Elle avait donc en possession tous les éléments qui lui permettait de clore l’affaire. Cependant rédiger un rapport pouvait être long et il fallait savoir que son supérieur était du genre strict. La belle n’avait aucun droit à l’erreur, la moindre petite faute d’inattention, qu’elle soit d’ordre orthographique, de syntaxe ou de manque d’éléments à charge, tout était bon pour la rabaisser. Alors elle faisait de son mieux, prenait le temps de tout étudier avant d’envoyer son écrit au big boss. Pour ça il lui fallait arriver tôt au travail et même si elle aurait voulu profiter d’un matin plus calme en compagnie de sa fille, Norah avait des devoirs et elle prenait toujours à cœur de les résoudre sans tarder.  

Le midi, la brune avait été informée des heures supplémentaires qu’elle devait faire et, coincée par le fait d’aller chercher sa fille à la crèche dans les temps, elle avait dû appeler sa génitrice qui elle, par sa gentillesse incommensurable, lui avait même proposé de la garder jusqu’au lendemain. Remerciant cette dernière, Norah avait passé le reste de cette journée bien moins angoissée. Ce n’est que vers 18 heures 30 qu’elle avait pu quitter le commissariat et, exténuée, avait décidé qu’elle ne cuisinerait pas ce jour-là et qu’elle se contenterait simplement d’un repas à emporter. Son restaurant préféré se trouvant à Brooklyn, la policière avait fait le chemin jusqu’ici en transport en commun, son scooter ayant rendu l’âme quelques semaines plus tôt.  

Sur le chemin, la jeune femme avait aperçu un petit établissement qu’elle connaissait bien. Un salon de tatouage dont le propriétaire avait été son sexfriend pendant quelques mois. Ce dernier n’avait jamais vu Morgane, parce que Norah mettait un point d’honneur à ne jamais présenter sa fille à ses amants. Hayden était cependant plus qu’un simple amant, c’était aussi avant tout un ami, un ami avec qui elle couchait certes, mais un ami tout de même. Sans vouloir s’en cacher, la belle avait été très attiré par lui, elle l’avait rencontré lorsqu’elle avait fait son premier tatouage quelques temps plus tôt et si elle n’était pas tombée amoureuse comme elle l’avait été avec Lonny, il avait occupé une place très importante dans son cœur. Mais voilà, il y a quelques semaines de cela Norah avait découvert l’activité illégale du brun, le trafic de drogue. Et si de prime abord, par son amour pour les lois elle doutait de son sort, maintenant elle n’avait plus aucun doute. Hayden était perdu et le dénoncer n’était pour elle pas la solution. Non, Norah voulait l’aider autrement, d’une manière plus douce sans qu’il n’ait à passer par la case prison. Mais l’homme ne donnait plus signe de vie et pour être tout à fait honnête, ça avait le don de mettre la Philippine hors d’elle. Non pas qu’elle s’énervait facilement mais son attachement pour cet homme était tel que la situation la rendait folle. D’un coup d’œil vers sa montre, la belle émit un long soupir d’exaspération, déterminée à secouer Hayden qui faisait sourde oreille. D’un pas décidé, elle se pointait là, devant la porte du salon de tatouage à quelques minutes de sa fermeture. Attrapant la poignée de la porte, elle avait ouvert cette dernière d’un geste lent, cherchant son ami du regard en même temps. Il était dos à elle et n’avait donc pas remarqué que sa potentielle cliente n’était autre qu’elle. L’homme avait donc spécifié qu’il n’allait pas tarder à fermer et qu’il ne prenait donc plus de rendez-vous aujourd’hui. Croisant les bras contre sa poitrine, le dos collé à la porte désormais fermée, la presque trentenaire avait donc répondu d’un ton calme.

— C’est bien pour ça que je viens à cette heure-là Hayden.

Le salon avait été plutôt calme aujourd'hui, ou du moins tu n'avais pas eu beaucoup de clients dont tu devais t'occuper personnellement. Tu avais donc pu rester dans ton bureau et te concentrer sur l'autre partie de ta vie, celle que tu caches aux yeux de tous. Peu de personnes, en dehors de tes boss, sont au courant de ce que tu fais une fois enfermée dans ton bureau. Mais cela avait risqué de mal finir il y a quelques semaines, ce qui t'avais poussé à être encore plus vigilant et discret, prenant toujours le temps de bien choisir tes mots et actes. L'une de tes amies, qui était plus qu'une amie une fois la nuit venue, avait découvert que tu trainais dans l'univers illégal de la drogue lorsque tu ne jouais plus avec tes encres et aiguilles. Tu ne savais toujours pas comment cela avait-il pu arriver, toi qui prends toujours soin de cacher toutes preuves de ce trafic. Peut-être que tu avais oublié de cacher ce que tu avais reçu ce jour-là mais tu en doutais grandement. Enfin, dans tous les cas il était trop tard. Lorsqu'elle l'a découvert, tu n'as même pas chercher à nier ou à lui sortir des explications farfelues qu'elle n'aurait, de toute façon, pas crue. Depuis ce jour-là, tu ne l'as pas revue et tu es sur tes gardes car, même si tu en doutes fortement, la police pourrait débarquer du jour au lendemain. Bien sûr, tu l'as caché à tes boss pour que personne ne puisse remonter à eux si tu venais à être arrêté, tu prétexterait alors être le seul à diriger ta petite affaire.

Une fois que la journée fut presque finit, tu sortis de ton bureau pour aller dire à tes employés que la journée était finie pour eux. Ces derniers, après avoir rangé leurs salles, partirent en souriant. Tu t'adossas à ton comptoir et vérifia l'agenda pour regarder les rendez-vous des jours à venir lorsque tu entendis la porte s'ouvrir. Ne te retournant pas tout de suite, tu annonças que le salon allait fermer. Mais la voix qui répondit te figeas. Tu pris quelques secondes avant de te tourner lentement vers elle avec un grand sourire.

"Norah ! Quelle surprise de te voir ici ! J'imagine que ce n'est pas pour avoir un nouveau tatouage sur ta peau vu l'heure donc que puis-je pour toi ?

Tu avais légèrement peur de ce qu'elle pourrait te dire, t'annoncer.

Norah ne donnait sa confiance qu'à de très rares personnes. La jeune femme avait en effet acquit avec expérience la capacité à faire le tri entre les gens honnêtes et ceux qui ne le sont pas. Hayden était dans la première catégorie jusqu'à il y a peu. Au début, malgré le fait qu'elle se méfiait de toute la gent masculine, la philippine avait accordé au bel homme le bénéfice du doute en entamant une relation uniquement basé sur le sexe -et l'amitié cela va de soit, les deux ne sont pas incompatibles. Cela avait duré plusieurs mois, Hayden avait été l'un des meilleurs amants qu'elle avait eu dans sa vie mais également l'uns de ses meilleurs amis. Jusqu'ici tout allait bien, ils se voyaient régulièrement chez lui quand elle n'avait pas sa fille. Mais voilà, il y a quelques temps de cela, la brune avait découvert l'activité illégale de son sexfriend et, anéantie par la nouvelle, avait mit quelques jours peser le pour et le contre. Norah était une fonceuse, le genre de femme qui ne passe pas par quatre chemins pour dire ce qu'elle a sur le cœur, loin d'éviter l'inévitable comme les hommes savaient si bien le faire. Hayden ne faisait pas exception à la règle puisqu'il n'avait pas une seule fois contacté la belle. Peut-être avait-il peur d'être jugé pour ses actes pour la simple et bonne raison que la jeune femme était dans la police mais évidemment, Norah y voyait là une belle excuse puisqu'il le savait bien, elle préférait dialoguer avant d'agir, surtout dans le cas où l'un de ses proches était impliqué.

Alors elle avait attendu des jours puis des semaines, pas un signe de vie, pas un simple message. Au-delà de la gravité de sa deuxième activité, le fait de ne pas avoir de nouvelles de lui l'inquiétait énormément. Eux qui, il n'y a pas si longtemps que ça, se voyait toutes les semaines, s'échangeait des tas de sms quand ils en avaient l'occasion. Il lui manquait. C'est ainsi donc qu'elle s'était trouvée là, les pieds bien ancrés au sol du petit salon de tatouages. La belle le considérait, même de dos elle le reconnaitrait entre mille. Il avait une carrure bien spécifique, un teint particulièrement bronzé tout comme elle, des cheveux ébènes comme les siens, au fond, ils se ressemblaient beaucoup tout les deux. C'était peut-être aussi pour cette raison que Norah ne l'avait pas dénoncé, parce qu'elle voulait avant tout avoir son point de vue sur la situation, elle voulait essayer de comprendre ce qui l'avait poussé à l'illégalité.  « Norah ! Quelle surprise de te voir ici ! J'imagine que ce n'est pas pour avoir un nouveau tatouage sur ta peau vu l'heure donc que puis-je pour toi ? » La mine pantoise, la brune était stupéfaite de voir à quel point son interlocuteur gardait son calme. D'un rictus, elle s'était approché d'Hayden, le contemplant au passage, constatant qu'il n'avait pas changé si ce n'est ce sourire forcé qu'il arborait.

— J'aurais bien aimé que ce soit pour un nouveau tatouage mais que veux-tu, mon tatoueur fait la sourde oreille depuis quelques semaines. avait-elle lâché. Je t'ai envoyé un sms y a un moment déjà, tu comptais me donner des nouvelles quand exactement ? continuait-elle, affichant alors son air bougon.

D'un soupir Norah s'était posée sur l'un des sièges du salon comme si ce dernier lui appartenait. Qu'il veuille se reposer chez lui ne l'importait guère, là elle voulait avant tout régler les choses une bonne fois pour toutes. Jetant un œil vers son interlocuteur, elle s'étonnait encore du calme dont il avait pu faire preuve quelques secondes plus tôt, à croire qu'il savait qu'elle n'entamerait aucune démarche judiciaire contre lui. Alors pourquoi ne l'avait-il pas contacté ? en constatant qu'elle n'avait rien dit, il aurait très bien pu lui parler, dialoguer comme deux adultes responsables le ferait! Mais voilà, à croire qu'il n'était pas très causette cet homme-là.

— Je crois qu'il faut qu'on parle, tu penses pas ? avait-elle dit d'un ton plus calme.

Tu compris rapidement que cela allait mal se passer lorsqu'elle s'approcha de toi. Tu t'attendais même presque à recevoir une gifle mais elle ne le fit pas, se contentant de prendre la parole pour attaquer ton silence qui lui a paru être long. Et, même toi, tu le considère ainsi mais c'est pour vous protéger et protéger les autres que tu avais pris la décision de t'éloigner et de ne pas lui répondre. Mais tu en avais aussi profiter pour dissimuler le plus de preuves possible qui auraient pu entrainer les autres dans ta chute si les forces de l'ordre étaient venues t'arrêter. Mais elles ne sont jamais venues. Tu lui fais une petite moue désolée, ayant peur de l'avoir blessée en disparaissant ainsi de sa vie.

"Il faudrait peut-être lui payer des soins à ton tatoueur si il devient sourd ? Cela pourrait être un bon cadeau, qu'en penses-tu ?"

Tu lui fis un petit sourire amusé avant de reprendre une mine un peut plus sérieuse. Les explications n'allaient pas tarder à avoir jour et tu le sentais venir petit à petit.

"Je suis désolé de ne pas avoir répondu mais j'avais des choses à régler avant de reprendre contact avec toi et je ne voulais pas t'impliquer là-dedans. Je ne t'ai pas ignoré volontairement, alors ne m'en veux pas s'il te plait..."

Malgré toi, sa petite moue t'amusa et tu l'observa s'asseoir, prenant possession des lieux comme si elle était chez elle ou qu'ils lui appartenaient. Mais ça ne te dérangeait pas, tu es habitué à ce que les personnes venant ici agissent de la même façon et ça t'arranges car tu n'aimerais pas te retrouver avec des clients trop stressés ou rigide car cela pourrait être dangereux lorsque tu travailles sur leurs corps. T'appuyant contre le comptoir, tu hoches lentement la tête avant de soupirer et de venir prendre place sur un fauteuil à ses côtés.

"Avant tout, je veux que tu saches que je n'ai jamais été impliqué dans des actes qui auraient provoqués de la douleur chez quelqu'un. Alors, que veux-tu savoir ?"

Et, par automatisme, tu attrapa ton briquet se trouvant dans la poche de ton pantalon et tu joua avec, repoussant ton envie de fumer vu que tu as interdit à quiconque de fumer dans ce salon car tu veux en conserver l'aspect propre et serein qu'on lui connait. Et tu la regarde, cherchant dans ses yeux ce qu'elle ressent pour savoir si tu te trouves en position de danger ou non.