La mi-temps

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Cries and blood

Nadir & Meg & Lou

Entre ses doigts, se trouvait une lampe de poche qu’il faisait passer sur une peau bleutée. Les cotes visibles, la jeune femme qu’il auscultait semblait déshydratée en plus d’être rouée de coups. Le jeune homme lança un regard furtif vers son mari et manqua de justesse un soupir, malheureusement pour lui la patiente ne parlait pas un mot d’anglais. Si un air inquiet se lisait facilement sur son visage, le masque blanc couvrait la petite colère qu’il ressentait envers l’homme. Cela faisait quelques mois que Nadir travaillait ici en tant que médecin sans frontières. Un petit village en Somalie, loin des hôpitaux et des ressources nécessaires pour vivre correctement. De plus, c’était une zone à risques. Assauts, attentats, vols et kidnappings étaient monnaie courante ici. Certaines personnes parlaient de guerre civile en approche et le britannique espérait sincèrement que cela n’arriverait pas.

Parfois, il se demandait s’il avait fait le bon choix de venir ici. En tant que médecin et personne possédant des sentiments « humains », il désirait faire le bien et sauver les gens, où qu’ils puissent être. Mais d’un côté, la peur le rongeait. Qui pouvait rester indéfiniment brave dans une telle situation ? Nadir ne pouvait s’empêcher de ressentir une profonde tristesse en voyant toutes ces personnes blessées, maigres… et le pire restait encore les enfants. Des nouveaux nés qui ne survivaient pas bien longtemps.

Pourtant, l’ONU faisait tout son possible et il avait l’impression que rien ne s’arrangeait. Le pessimisme n’était pas une émotion habituelle chez le jeune médecin, il trouvait toujours un moyen de voir le bon côté des choses. Il finit par soupirer, se disant que ça ne servait à rien de ruminer. Il donna un paquet de bouteilles d’eau au couple et il vint s’asseoir contre un lit sous la tente des médecins sans frontières.

Nadir abaissa le masque blanc pour respirer un peu l’air « frais » et son regard s’abattit sur deux personnes. Si elles semblaient éloignées, elles paraissaient faire le même travail. Des reporters. Nadir les trouvait bien courageuses de venir sur ce pays hostile, il fallait plus de journalistes braves pour montrer la situation urgente. La Somalie n’était pas une contrée jugée « importante » aux yeux des occidentaux. Comme la Syrie qui tombait peu à peu dans l’oubli, alors que des personnes mourraient tous les jours. C’est sûrement ça qui avait poussé le neurologue à vouloir aider autrui. Nadir remarqua qu’aucune bouteille d’eau se trouvait dans les parages et vint en chercher deux. Il les tendit aux deux reporters qui semblaient être en pause, légèrement souriant.

– J’ai vu que vous n’aviez pas d’eau, alors je me suis dit que c’était mieux que je vous en rapporte.

Il ajouta, curieux :

– Vous travaillez ensemble ou c’est un reportage séparé ? Je m’appelle Nadir, au fait. Je suis neurologue.

Il espérait ne pas passer pour une fouine, mais il était sincèrement intéressé de ce qu’elles faisaient. Et puis, parler à des inconnus pouvait être enrichissant.

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Nadir & Lou

Deux ans que Megumi était reporter, spécialisée dans les reportages sur le braconnage et le trafic d’animaux. Bien différent de ce pour quoi elle est ici, en Somalie, dans un village paumé dont l’instabilité ne fait que croître depuis ces dernières années. Aucun trafic d’animaux en vue. Elle était là pour un reportage bien plus politique, une première du genre pour elle, encore un de ces changements capricieux pour une jeune femme incapable de tenir en place. C’est probablement ce que ses supérieurs doivent penser. Alors que la vérité est toute autre. Pour une fois, elle n’a pas agit sous un simple coup de tête, ou par simple envie de changement. Au fil du temps, elle avait juste finit par réaliser que peu importe à quel point elle se démène pour attirer l’attention sur le sort des animaux, les gens… n’en ont rien à faire. Il y aura toujours des trafic d’animaux, du braconnage. L’impression de perdre son temps et son énergie l’avait frappé, en réalisant à quel point ce combat était vain. Elle avait donc décider d’explorer d’autres champs, et c’est comme ça qu’elle se retrouvait ici, pour le genre de reportage dont personne ne voulait car ils comportaient une part de risque trop important au goût de la plupart des journalistes. Pff, ils se sont trompés de vocation dans ce cas !

Megumi avait passé la première matinée en voiture, parce que évidemment l’aéroport le plus proche était à deux bonnes heures du village, et c’était sans compter sur les routes mal entretenues et boueuses qui rendaient le chemin davantage difficile. Il y avait aussi une autre reporter avec elle, en plus de leurs cameraman respectifs, une certaine Lou, habituée de ce genre de reportages elle. Quand ils furent enfin arrivés, elle avait sauté du van pour s’étirer, commençant déjà à préparer son micro pour commencer le reportage. Le déjeuner attendrait, elle avait besoin de faire quelque chose là ! Son cameraman l’avait suivi en râlant, mais clairement pas surpris, il était habitué depuis le temps qu’il travaillait avec elle. Megumi avait vaguement dit qu’ils n’auraient qu’à se retrouver dans une ou deux heures près du van, et juste comme ça, elle avait filé. Filmant d’abord l’état des maisons, elle avait commencé à interroger quelques peu les civils, avant de vite arrêté en constatant les barrières de la langue. Son cameraman ne pouvait pas servir de traducteur, et leur traducteur était resté avec les autres, cet estomac sur pattes ! Jetée aux oubliettes la partie la plus intéressante où ils interagissent avec les civils, elle s’est chargée de poser le contexte face à la caméra, tout en décrivant les conditions insalubres des habitations et posant les bases concernant la politique instable dans cette région.

Elle et Thomas étaient finalement revenus au van beaucoup plus tôt que prévu, attrapant de quoi grignoter pendant que leur traducteur mais aussi expert sur la situation de la Somalie leur expliquait où ils iraient après s’être rassasiés. Il lui avait jeté un regard noir d’ailleurs, n’ayant visiblement pas apprécié qu’elle ne respecte pas son programme en se cassant à peine arrivée, et en « dérangeant les locaux sans aucun moyen pour communiquer avec eux, ce qui pourrait conduire à des difficultés pour tout le monde concernant la suite du reportage ». Ouais, ça allait être long avec quelqu’un d’aussi chiant. Dans tous les cas, les tensions étaient déjà là, alors peu importe la manière de faire le reportage, y’aurait des risques dans tous les cas. Puis après des heures dans ce van, elle avait besoin de bouger ! Une fois le sermon passé, et que tout le monde fût rassasié, leur « superviseur » entreprit enfin de les faire débuter le reportage, officiellement du moins, vu que Megumi n’avait pas attendu son feu vert pour ça. Le premier lieu auquel ils allaient se rendre n’était autre qu’un campement de l’ONU, qui servait de substitut d’hôpital à la population.

Une fois arrivés, Megumi prit le temps d’observer un peu les personnes présentes et l’environnement rudimentaire en terme de matériel, était-ce un manque dû au temps ou par manque de moyens déployés ? Une petite file patientait pour être soignée chacun leur tour, semblant tous souffrir de déshydratation et de carences en alimentation à en juger par leurs silhouettes. Leur traducteur s’était dirigé vers un soldat somalien, probablement là pour défendre le campement en cas d’assaut et faire en sorte qu’il n’y ait pas d’émeute, et lui parlait dans une langue dont Megumi ne pipait pas le moindre mot. Il devait sûrement lui expliquer qui ils étaient, et pourquoi ils étaient là. Les cameraman étaient allés installer leur matériel un peu plus loin, donc Lou et elle se retrouvaient plus ou moins sans rien faire en attendant que tout se mette en place.

- Alors… c’est la première fois que tu bosses avec ce type ou tu le supportes depuis longtemps ?

Elles n’ont pas le temps de bavarder bien longtemps, qu’un homme s’approche d’elles, deux bouteilles d’eau à la main. Il les leur tendit avant de s’exprimer en anglais. Il avait l’air d’un médecin à en juger par son accoutrement.

- On est dans la même équipe sur ce coup-ci, mais l’expérimentée en reportage dans ce genre d’endroits c’est Lou. Ah, et moi c’est Megumi.

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Le regard dans le vide, je fixe l’horizon. Il n’y a pas grand chose à voir ici, étendue de sable et petits villages perdues où toute la misère du monde semble s’être donné rendez vous, je sors mon téléphone portable de ma poche, avant de me souvenir que le réseau ce n’était pas ce qui était le plus étendue par ici. Je soupire avant de re-glisser mon téléphone dans la poche de mon jean. J’étais rentrée pour deux petits jours, j’en avais profité pour aller voir mon petit ami, en coup de vent, car le lendemain, mes valises devaient de nouveau être refaites pour repartir vers d’autres contrée lointaines. Mon caméraman me sort de mes pensées en me filant un coup dans les côté, je le fusille du regard, alors qu’il pointe son doigt vers la fille qui nous accompagne. D’après ce que j’avais retenu, elle s’appelait Megumi, et c’était la première fois qu’elle faisait ce genre de reportage. Elle semble bien agitée, voir même peut être un peu trop pour moi. Les différents décalages horaires me causaient des insomnies digne de ce nom. Je posai ma tête contre l’épaule de Ben, fermant rapidement les yeux, juste un peu de repos pour le chemin, le trajet avait duré deux heures. Deux heures où j’avais pu récupérer un petit peu de ces nombreuses heures manquantes.

Une fois arrivée la japonaise avait bondit du van, comme habité d’une énergie que j’aurais aimé avoir et dont je manquai cruellement. Suivit de près par son cameraman. Ben m’avait lancé un regard de travers, et il m’avait finalement aider à sortir du même van, mettant mes lunettes sur ma tête, observant le paysage autour de nous. Le traducteur nous suivait de près ainsi que la personne qui était en charge de nous et qui nous expliquait tout ce qui se passait. La jeune femme avait fini par disparaître dans le camp, sous le regard plutôt énervé par l’autre jeune femme. Je finis pas m’asseoir dans un petit camp de fortune créér pour l’occasion. Pour qu’on déjeune avant d’attaquer les choses sérieuses. Ben s’asseoit a côté de moi, faisant des blagues aux militaires qui nous accompagne il semble ne pas faire grand succès avec eux. Il se tourne toutes les quarante-cinq secondes pour me faire des grimaces. M’arrachant des sourires, me changeant les idées, j’avais quitté mon copain depuis moins de 12 heures et il me manquait déjà. La japonaise avait finit par rebrousser chemin, le superviseur de la mission lui avait jeté des regards assassins, avant d’expliquer le déroulé de ce reportage. On commencerait par le camp qui servait d’hôpital de fortune. Cette situation me faisait grimacer, et me touchait plus que ce que je ne voulais montrer. Les enfants, les femmes qui étaient ici, j’aurais aimé les emmener tous avec moi. Et leur éviter ce genre de choses, j’en avais vu tellement que maintenant je remettais en doute mon travail, j’avais l’impression de ne pouvoir rien pour eux.

« Alors… c’est la première fois que tu bosses avec ce type ou tu le supportes depuis longtemps ? » demanda alors que l’homme qui dirigea le tout semblait exciter comme un pou. j’avais bossé deux fois avec ce type, et a chaque fois il semblait tendu. En même temps au vu de la situation politique de ce pays. Et les conflits qu’ils pouvaient y avoir, on ne pouvait pas se sentir en sécurité. Avant que ne puisse en placer une, un homme s’approchait de nous. Deux bouteilles d’eau en main.« J’ai vu que vous n’aviez pas d’eau, alors je me suis dit que c’était mieux que je vous en rapporte. » Deux bouteilles d’eau en main, il finit par nous les tendre, j’attrape celle qui est dans ma direction, avant de lui adresser un grand sourire. J’ouvre le bouteille d’eau, avant d’en boire rapidement une gorgée. « Vous travaillez ensemble ou c’est un reportage séparé ? Je m’appelle Nadir, au fait. Je suis neurologue. » Avait-il demander en nous regardant tour à tour. Il semblait bien curieux, je souris à nouveau. Refermant le bouchon de la bouteille, pour la déposer au sol juste a côté de nos affaires. « On est dans la même équipe sur ce coup-ci, mais l’expérimentée en reportage dans ce genre d’endroits, c’est Lou. Ah, et moi c’est Megumi. » Essuyant rapidement mes mains sur mon jean. Je replaçais mes lunettes de soleil sur mon nez. « ça fait combien de temps que vous êtes là ? » demandai je en tournant à nouveau la tête vers l’homme en face de nous. « Expérimentée, ne serait pas le mot habituée surtout » tournant la tête vers la brune à côté de moi, je lui adressais un petit sourire.

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L’air qu’il y avait était quelque peu pesant. Le terrain était surveillé par des soldats, armés jusqu’aux dents et le visage dur. Leur regard scrutait l’horizon, farfouillait tous les recoins : s’il y avait une quelconque altercation, ils étaient prêts à réagir. Deux casques bleus assistaient l’armée et Nadir ne savait pas si ça le rassurait. D’un côté, il savait le peuple protégé, d’un autre c’était un signe que la situation politique était au plus mal. Deux reporters discutaient ensemble. Une brune dont les lunettes de soleil reposaient sur son nez et la deuxième, une rouquine asiatique. Le médecin se rapprocha, deux bouteilles d’eau à la main. S’il y en avait, autant en distribuer aux gens qu’il croisait. Son confrère s’occupa du reste de la file, chacun étant dans la même situation : déshydratation, carences, et la liste était longue. Une fois près d’elles (enfin, du caméraman et du soldat qui se trouvait près d’eux), il leur tendit les bouteilles en leur posant des questions. Il venait de couper leur conversation et espérait ne pas être en trop, mais elles ne paraissaient pas dérangées par sa présence. La brune était donc Lou et la rouquine, Megumi. La première qui semblait américaine, au vu de l’accent – cependant, ce n’était qu’un détail, lui demanda depuis combien de temps il était là.

– Ça fera bientôt un an, répondit Nadir, légèrement souriant. Je suis stationné ici pour l’instant, mais je travaille normalement dans l’hôpital de la ville. Et vous, ça fait combien de temps que vous faites ça ? demanda-t-il aux deux jeunes femmes, curieux.

Si elle disait être habituée, c’est que ça faisait un bout de temps que la dénommée Lou travaillait pour ce genre de reportages. C’était assez intéressant, Nadir voulait toujours en savoir plus sur la vie des gens – même si certains se disaient banals, pour lui personne ne l’était. D’après ce que ses faibles notions d’arabe lui apprirent, le soldat demandait au caméraman de se dépêcher de faire leur travail. Nadir fronça un peu les sourcils, trouvant ça un peu étrange. Il se tourna vers les deux reporters.

– Vous pouvez rester ici combien de temps ? Le soldat qui est avec vous n’est pas très à l’aise, fit remarquer Nadir.

Les casques bleus discutaient avec l’armée, mais vu comme ça rien ne semblait être… « anormal ». Pour l’instant.

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A l’entendre, on pourrait presque croire qu’un reportage est une première pour Megumi, mais la réalité est toute autre. Ce n’est pas la première fois qu’elle risque sa vie, et le fait de travailler sur le braconnage et le trafic d’animaux ne la fait pas tellement passer du coq à l’âne. Il suffit de se rappeler ce qu’il s’était passé lorsqu’elle avait infiltré un groupe de trafiquants d’animaux. Elle avait eu autant de chance de se prendre une balle qu’elle n’en a aujourd’hui en venant dans cette zone à risques. Ce n’est pas comme si elle avait besoin d’une excuse professionnelle pour mettre sa vie en danger de toute manière, ou même de désir de justice. Ce n’était pas ce dernier qui l’avait amené ici. Juste l’envie d’adrénaline, et de tenter autre chose. Comme s’il s’agissait d’une simple activité sans danger. Elle se demande bien ce qu’il en est pour Lou, est-ce qu’elle fait partie des petits justiciers du quotidien, ou a-t-elle juste envie d’adrénaline ? Elle disait être plus habituée qu’expérimentée, probablement qu’ils diraient tous la même chose. On n’est jamais réellement assez préparé pour faire face à n’importe quel imprévu. On s’habitue juste à manquer de mourir, et à se mettre en danger. Megumi ne prête même plus attention à ce qui n’est désormais plus qu’un simple détail à ses yeux. N’ayant jamais reçu de réelles conséquences, elle fonctionne purement à l’instinct en face d’imprévus. Un léger sourire en réponse à Lou, sa réplique suivante est teintée de son orgueil habituel.

« Ce serait dommage de ne pas l’être alors que tu le fais depuis quelques temps. Personnellement, je peux me sortir de n’importe quelle situation, alors ça compense. »

Son regard se pose de nouveau sur le neurologue, bientôt un an qu’il était ici. Certains ont du courage, Megumi ne s’imaginait pas passer autant de temps dans un autre pays pour le travail. Elle craquerait sans possibilité de se teindre les cheveux, une véritable obsession chez la jeune femme. Oh, il venait de la ville où ils sont arrivés en avion ? Cette information n’avait pas particulièrement d’intérêt pour le moment, mais elle la nota dans un coin de sa tête. Il leur demanda alors depuis quand elles faisaient cela, arrachant un sourire en coin à l’asiatique. Elle sait très bien ce qu’il veut dire, mais l’envie de jouer sur les mots est plus forte.

« Risquer ma vie ? Fouiner dans un endroit dangereux ? Ça remonte à trop loin pour que je m’en souvienne. »

Bah quoi ? Vaut mieux en rire qu’en pleurer, ça permet de dédramatiser un peu les choses. Et puis, c’est pas comme si Megumi prenait réellement ça au sérieux. Mais même pour quelqu’un d’aussi égocentrique, elle remarque vite l’ombre qui passe sur le visage de Nadir. Elle jeta un coup d’œil curieux au soldat en question, près de Thomas.

« On a deux jours. Pourquoi, qu’est-ce qu’il a dit ? »

Il ne voulait tout de même pas raccourcir le temps qu’ils avaient pour faire leur reportage ?!

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« Ce serait dommage de ne pas l’être alors que tu le fais depuis quelques temps. Personnellement, je peux me sortir de n’importe quelle situation, alors ça compense. » je finis par hausser les épaules, elle a raison, mais elle semble plus débrouillarde que moi. « C’est ton premier reportage comme ça non ? » demandai-je curieuse à mon tour, elle semblait parer à toutes les éventualités. J’étais moins en confiance qu’elle, je me méfiais toujours de ce genre d’endroits, il promettait tout un tas de mauvaise surprises, ou du moins ce que je n’espérais pour l’heure pas.

On se laisse prendre au jeu des questions « Ça fera bientôt un an. Je suis stationné ici pour l’instant, mais je travaille normalement dans l’hôpital de la ville. Et vous, ça fait combien de temps que vous faites ça ? » un an ? C’était impressionnant et surtout courageux. Cette zone n’était pas la plus calme qu’il puisse être donner d’être. « Risquer ma vie ? Fouiner dans un endroit dangereux ? Ça remonte à trop loin pour que je m’en souvienne. » un petit sourire se dessinant sur mon visage, cette fille semblait n’avoir peur de rien. J’aimais l’adrénaline mais je me mettais surement bien moins en danger que cette dernière à mon avis, enfin tout dépendait de la zone de conflit où nous étions stationnés. Rien que d’y penser j’avais les poils qui se hérissaient. Nous avions déjà du nous extirper de situations plutôt délicates. Mais cette région me restait étrangère. Ben était encore agglutiné avec les casques bleus, il discutait avec eux, d'après ce que je pouvais voir il avait arrêter de faire des blagues et son visage avait prit un ton plus sérieux. Ce qui m'étonnait toujours, et ça m'inquiétait toujours un petit peu.. Je reportai mon attention, mon esprit vagabondait bien trop rapidement ces derniers temps. Depuis combien de temps je faisais ça au juste ? Refléchissant j’hésitais un instant, les années passaient beaucoup trop vite pour que je n’ai pas l’impression « ça fait deux ans et demi que je fais ça, j’bosse pour la NBC. Mais plus souvent envoyé dans d'autres pays le proche orient. C’est la deuxième fois que je viens dans cette région de la Somalie.. »

« Vous pouvez rester ici combien de temps ? Le soldat qui est avec vous n’est pas très à l’aise » La japonaise à côté de moi finit par prendre la parole. « On a deux jours. Pourquoi, qu’est-ce qu’il a dit ? » je fronçai les sourcils à cette remarque que ce soit de la part de la jeune homme ou bien de la brune qui se trouvait juste à côté de moi. Croisant les bras sur ma poitrine, je prenais un grande inspiration, faites juste que tout se passe bien pendant ces deux jours, je n’avais pas l’habitude de me retrouver dans cette partie de l’Afrique, me retrouvant plus souvent dans des zones où j’avais l’habitude d’aller, et je me sentais bizarrement moins confiante ici. Ces soldats ne m’inspiraient pas vraiment confiances, je jetai rapidement un coup d'œil, puis me penchai à nouveau vers la bouteille d’eau que Nadir m’avait précédemment donné. « vous parlez arabe ? » lui demandai-je à mon tour, s’il parlait arabe, ça nous éviterait peut-être à ce que les gens soient moins effrayés par notre traducteur, qui semblait tout droit sorti d’une prison secrète. « Il est peut-être l’heure de se mettre au travail.. » suggérai-je en faisant un signe à Ben, ce dernier me fixa un instant, bien trop occupé a discuter avec les casque bleus. Me demandant de l’attendre, faut croire que maintenant c’était les caméramans qui se comportaient comme des divas. Il levai un pouce en l'air à mon intention, comme s'il essayait de me passer un message, sauf que j'ai toujours été très nulle pour les deviner..

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La conversation semblait se dérouler dans une ambiance assez agréable. Ça lui faisait énormément du bien de discuter avec des personnes qui n’étaient ni malades, ni des soldats à l’air renfermé. C’était son métier de soigner et de réconforter, mais à voir défiler des pauvres personnes aux visages creux, ça commençait à doucement le déprimer. Nadir expliqua que ça faisait un an qu’il était en Somalie, suscitant la surprise de la dénommée Lou. Megumi, elle, semblait habituée à ce genre de situations – selon ce qu’elle venait de dire. C’était tout de même dangereux, non ? C’était sûrement quelqu’un qui aimait bien trop l’adrénaline.

– Je ne compte pas rester plus longtemps, dit-il avec un petit rire. C’est généralement déconseillé aux médecins de faire plus de six mois, leur état mental peut en être affecté.

Lou répondit à son tour. Deux ans et demi, dans la NBC. Ce fut à Nadir d’avoir l’air étonné. Les deux paraissaient assez jeunes, il les imaginait nouvelles dans le domaine.

– Ça doit être intéressant de faire ce métier. Dangereux, mais intéressant.

Il avait dit ça sur un ton admiratif, oubliant le fait qu’il avait passé un an en Somalie en tant que médecin sans frontières. Cette tendance à se sous-estimer lui était revenu sans qu’il ne se rende compte. Son regard s’arrêta sur un caméraman qui discutaient fiévreusement avec un soldat. Celui-ci paraissait un peu mal à l’aise, touchant de temps en temps l’oreillette qui se trouvait dans son oreille. Étrange. Nadir en fit une remarque, demandant aux reporters combien de temps elles comptaient rester ici. Deux jours, avait répondu Megumi.

– J’ai quelques notions d’arabe classique, répondit-il à Lou, souriant. Puis il se tourna vers l’asiatique : Je pense que le soldat dit à votre cameraman de se dépêcher, mais je ne suis pas sûr. On dirait qu’il y a quelques tensions de l’autre côté du quartier.

Il y eut un moment de silence, durant lequel le caméraman semblait vouloir communiquer avec Lou. Il leva son pouce en l’air, sans que Nadir en comprenne la signification. Tout allait bien ? Il fallait partir ? Il fronça les sourcils et au moment où il voulut leur dire qu’il allait voir ce qui se passait, un bruit sourd le fit sursauter. Ses yeux écarquillés, Nadir se retourna brusquement vers la source. On aurait dit une grenade, au loin. Des gens, toujours du même côté d’où venait le son, accouraient. Il y avait de la fumée et des soldats, criant et hurlant des ordres l’un à l’autre, se dépêchèrent d’aller voir ce qui se passait.

Nadir, le cœur battant à tout rompre, se retourna vers les deux jeunes femmes :

– On devrait peut-être-

Un autre bruit sourd. Une autre détonation de grenade. Cette fois, c’était plus proche et par réflexe, Nadir attrapa le bras des deux reporters pour les asseoir à terre, pour éviter les fragmants.

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« Ouais, j’ai eu envie d’étendre un peu mes horizons. »

Elle avait surtout perdu espoir que ses reportages sur les trafics animaliers puissent un jour faire bouger les choses. Alors elle s’occupait l’esprit autrement en attendant. C’était toujours mieux que de ne rien faire, ou de continuer à dépenser de l’énergie pour une cause sans espoir. Elle secoua doucement la tête pour cacher ses pensées, affichant un sourire confiant. Elle ignorait comme le reportage se déroulerait mais elle n’était pas effrayée le moins du monde. Lou semblait plus préoccupée qu’elle, mais en même temps, ce n’était pas si difficile. Nadir les renseigna alors sur son emploi ici, il était là depuis un an. Ça faisait pas mal de temps en tant que médecin sans frontières, il devait être bien passionné. Ou être un super-héros du quotidien. Ceux dont on ne croit pas à l’existence avant d’en croiser un. Il les interrogea ensuite sur leur expérience dans ce domaine, et depuis combien de temps elles travaillaient dedans. Lou travaillait depuis à peine plus d’un an qu’elle dans le milieu finalement. Moins que ce que Megumi aurait cru. Elle était plus habituée au Moyen-Orient, un milieu où la japonaise n’avait pas vraiment mis les pieds jusqu’à présent. Elle se demandait quels genres d’animaux on pouvait y trouver. Il faudrait qu’elle se renseigne tiens.

« C’est toujours plus intéressant quand c’est dangereux. »

Elle offrit un sourire malicieux à ses comparses, puis la conversation prit une tournure plus sérieuse quand Nadir leur fit soudain remarquer que le soldat avec qui discutait Ben n’était pas très à l’aise. Ils n’allaient tout de même pas devoir partir plus tôt que prévu ?! Megumi n’avait pas fait tout ce trajet pour rien ! Lou semblait également méfiante après ces paroles, et lui demanda s’il parlait arabe. Ce serait bien, pour qu’elles puissent avoir un traducteur qui les informe de la conversation apparemment tendue qui se déroulait à côté et dont elle ne pipait pas le moindre mot. Elle fronça les sourcils face aux explications de Nadir, ils venaient d’arriver, pourquoi devaient-ils déjà se dépêcher ?! Ils devraient peut-être aller faire un tour de l’autre côté du quartier, c’était peut-être plus dangereux, mais ils obtiendraient à coup sûr de bonnes images. Et ce serait plus productif que Ben qui continue de parler avec le soldat, au lieu de se mettre en place. Elle hocha la tête à la remarque de Lou, qui pensait elle aussi qu’il fallait se mettre au travail, et tenta de faire signe à Ben, qui lui répondit en levant le pouce au ciel. Il ne comprenait pas qu’il était temps qu’ils commencent à filmer ? Les cameraman de nos jours. Megumi lâcha un soupir en roulant des yeux.

« Sérieusement, qu’est-ce qu’il- ?! »

Un bruit sourd la coupa dans son élan, les faisant tous sursauter et tourner la tête dans la direction du bruit. Des gens commençaient à accourir dans leur direction au loin. Une grenade avait explosé ?! Les soldats présents s’organisaient pour aller voir ce qu’il se passait, bien que Megumi ne pouvait pas comprendre ce qu’ils se disaient. C’était une zone instable, la guerre civile n’était pas loin, c’était bien pour ça qu’ils étaient venus faire un reportage ici. Sauf qu’à présent, cela concernait une guerre civile qui commençait maintenant. Ça ou quoi que ce soit qui ait provoqué que deux grenades soient lancées. Ramenée au sol par Nadir, Megumi réfléchit à toute allure en observant autour d’elle. Les casques bleus s’étaient séparés, certains restant pour protéger les civils présents sous la tente, tentant de calmer les personnes paniquées et de prendre en charge les nouveaux arrivants.

« On devrait trouver quelque chose de plus solide derrière lequel s’abriter !»

Ou s’enfuir dans leur van. Mais la fuite ce n’était pas vraiment ce qu’elle préférait. La dernière bombe avait explosé plus près de l’endroit où ils étaient, les personnes derrière ça se rapprochaient, ou était-ce juste bien organisé ? Elle chercha Ben du regard, lui faisant signe pour attirer son attention.

« Ben qu’est-ce que tu fous ?! Prends ta caméra bon sang ! »

Il pensait être payé à rien faire celui-là ou quoi ?!

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Cries and blood [Meg&Lou][2016]