La mi-temps

Since : 25/10/2019

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Sasha & Momo

Sasha sort du Starbucks café en râlant sur la lenteur de la serveuse qu’elle a pourtant remercié d’un gracieux sourire. Elle n’apprécie pas spécialement d’attendre cinq minutes pour un malheureux caramel macchiato froid. Mais une fois la première gorgée avalée, elle lâche un soupire de soulagement et s’arrête au milieu de la rue, observant devant elle la structure rougeoyante de son lieu de travail pour les trois prochains jours. Le Moulin Rouge. Depuis qu’elle connait l’établissement, plus de dix ans, elle rêve d’y danser. Et voilà que régulièrement, elle se produit sur cette scène légendaire sans plus repenser à ce rêve qu’elle réalise. Alors, aujourd’hui, tandis qu’elle marche tranquillement vers son lieu de résidence, passant à côté du bottier qui répare les talons des danseuses de cancans, elle se laisse enfin le temps de se rendre compte de sa chance. Au moins une chose pour laquelle elle a eu de la chance, se dit-elle, en patientant au passage piéton. Contrairement à tout le reste. Sur scène, au moins, elle ne se sent pas seule. Elle regarde les voitures et les camions qui passent. Parfois, il lui fait envie de faire le pas de trop. Un pas en avant.

C’est un homme qui la bouscule qui la tire de ses pensées. Le feu est passé au vert. Elle se met à marcher avec la foule et atteint enfin le trottoir du Moulin Rouge. Alors qu’elle approche, une silhouette penchée en avant, le visage contre la vitre de l’entrée l’interpelle. Son visage pourtant si froid se fend alors d’un sourire qui semblerait presque heureux. Elle connait bien cette silhouette. Celle d’un homme qui lui tape tellement sur les nerfs qu’on se demanderait bien pourquoi elle a l’air si contente de le voir, ce jour-là. Lui, par contre, il ne l’a pas encore vue. Elle en profite donc pour s’approcher de lui par derrière. Pour une fois, c’est elle qui va le surprendre et non l’inverse. Avalant une énième gorgée de café, elle finit par lâcher la paille des lèvres et se penche par-dessus son épaule avec un petit sourire diabolique.

Avoue, c’est moi que tu cherches, darling. C'est d'une voix basse et suave qu'elle murmure à l'oreille du sale gamin qui prend toujours un malin plaisir à la traiter comme un mec, comme son pote.

@Mohamed Sayah

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Sasha & Momo

Insomnie tumultueuse. Une nuit dans le brouhaha ambiant de Paris. Une embrouille avec les colocataires, l'envie de retourner à l'appartement est loin d'être jouissante. Après une soirée chargée au Dépôt, s'oubliant sous les basses assourdissante, ce n'est que tout naturellement qu'il s'était dirigé vers les abords du Moulin Rouge. Une heure de marche après s'être mis une mine, sans vraiment comprendre pourquoi, c'était Sasha qu'il venait voir.

Sasha avait le don de le rassurer. Bien que Momo passait son temps à se tromper sur son genre - dans un premier temps pour le taquiner, et désormais pour habitude qu'il ne changera jamais, il trouvait un certain réconfort à traîner avec cette hurluberlue descendu tout droit d'une autre planète. Sasha n'avait rien à voir avec sa clique et ses connaissances. C'était un spécimen rare, et de ce fait, elle acceptait les différences de Mohamed, sans chercher à être intrusive. Chacun a son background, sa part d'ombre.

L'odeur de tabac froid qui ne le quitte pas, il ne tremblote même pas sous le froid et la fatigue. Il faut dire que ces mois passés à la rue n'ont fait que le forger et l'ont habitué à supporter tout type de climat. Cependant, même si Mohamed ne subit pas les effets indésirable de son état extrême lié à la fatigue, son cerveau est loin de parvenir à connecter ses neurones correctement.

La clope qui pend au bout de ses lèvres n'est même pas allumée et cela fait peut-être dix minutes qu'il est penché sur la vitre de l'entrée principale pour tenter de capter du regard un membre du staff... Ou dans l'idéal... Sasha. Avoue, c’est moi que tu cherches, darling. Il ricane, manque de s'étouffer parce qu'au début, il croit s'imaginer entendre la lady lui susurrer ces mots à son oreille... C'est clair que Sasha dirait un truc comme ça pour le surprendre. Il ne bouge pas, continuant son espionnage suspect devant les passants. Au bout de quelques secondes, lassé de son dos douloureux, il commence à se redresser un petit peu et aperçoit le reflet d'une personne, d'un fantôme (?) derrière lui...
Si bien que le sursaut l'oblige à se retourner brusquement, manquant de mettre un coup de boule monumental à la dragqueen. Putain, mec, t'es sérieux ? Son cri de surprise laisse place à un soulagement. Mohamed s'esclaffe et rattrape cette cigarette qui se détache au vol. Sacré réflexe. Attends, j'ai pas rêvé, tu viens de me murmurer quelque chose à l'oreille ? Ce n'est qu'après s'être calmé qu'il constate les dégâts. La boisson de Sasha est au sol. Oups.

@Sasha De Lorenzi

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Sasha & Momo

Elle attend. Une réaction, peut-être de surprise ou de peur. Mais rien ne se passe. Comme si son ami ne l’avait pas entendue. Pourtant, elle l’a bien entendu ricaner. Et puis, elle comprend en sentant enfin l’odeur qui entoure le petit gars. L’alcool. Il pue l’alcool et la clope froide. Il a passé la nuit dehors. Il faut peu à Sasha pour le comprendre. Un petit pincement au coeur accompagne cette pensées. Elle n’a jamais cherché à savoir ce que cachait le passé de Mohamed, tout comme il ne l’a jamais forcée à parler du sien, pour son plus grand soulagement, mais parfois, elle se sent curieuse. Questions sur le bord des lèvres. Questions qu’elle ne pose pas et se contente de ravaler en se disant que s’il souhaite lui parler, il le fera en temps voulu.

Alors, quand enfin il réagit, elle voit son regard s’écarquiller dans le reflet de la vitre du Moulin Rouge. Même elle, qui a orchestré ce coup monté, est surprise. Elle n’a pas le temps de s’écarter que Momo a reculé contre elle, bousculant sa main tenant le verre de café. Le couvercle s’ouvre et la boisson froide se déverse partout. Dans le dos de Momo, sur le T-shirt blanc de Sasha, sur leurs pantalons, sur le trottoir. Partout. Elle laisse échapper un petit cri de surprise également car non seulement le liquide est bien froid mais elle ne s’attendait pas non plus à ce genre de geste. Non mais toi aussi ! Cette fois, elle ne relève même pas le « mec » dont il la qualifie car il y a plus important. Mais oui, c’est moi. Qui d’autre !? Elle lève les yeux au ciel. Hors de question qu’elle se montre ainsi aux répétitions dans un endroit aussi chic que ce cabaret. Un long soupire lui échappe tandis qu’elle tente de se calmer pour ne pas blâmer le jeune homme qui, clairement, n’est pas complètement maître de ses faits et gestes.

Il a de la chance que Sasha l’adore et qu’elle ne puisse pas lui résister. Ou presque. Après l’avoir dévisagé des pieds à la tête, son regard se porte par-dessus son épaule car elle y perçoit un mouvement. Deux danseuses de cancans sortent du Moulin. Son coeur rate un battement. Sasha attrape son jeune ami par le col et l’entraîne plus loin afin que les filles ne les voient pas. T’as pas dormi et tu pues l’alcool. Un autre soupire. Appelle un Uber. J’ai besoin de me changer et toi aussi… et de dormir. Son ton est doux mais sans appel, de même que la manière dont elle observe son ami.

@Mohamed Sayah

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Sasha & Momo

Sasha, c'est le genre de phénomène qui perturbe Momo. Un homme devenu femme, ou un homme ayant toujours été femme ? C'est le genre de truc bien trop compliqué pour lui, si bien qu'il a préféré resté sur le pronom initial, quitte à agacer la dite concerné. Il est clair qu'elle a du charme. Sa réflexion se perd, tandis qu'il range sa cigarette derrière son oreille. Il pourrait presque tomber pour elle, ou lui, mais quand il y réfléchi, Sasha est d'une, trop bonne pour mériter quelqu'un de paumé comme lui, de deux, il a bien trop d'affection pour elle. Risquer de perdre une amitié pour une histoire de cul, trop peu pour lui. En plus. du coup. Parfois il se pose la question. Est-ce qu'elle a fait de la chirurgie? Est-ce qu'elle utilise les toilettes pour femmes ou pour hommes ? Le soir, quand il s'endort, ou du moins qu'il essaye de sombrer dans les bras de Morphée, Mohamed se surprend à réfléchir à ce genre de questions existentielles. Penser à son pote avant de dormir. Voilà un drôle de rituel... Mais à ce jour, certaines questions persistent à rester sans réponses.

Il se laisse entraîner, persuadé de se prendre un savon. Elle a du caractère, la Sasha. Mais, pas de bol pour la diva, Mohamed est un as dans l'art du "j'en ai rien à foutre". A l'écart du moulin, il l'observe silencieusement. C'est si grillé que ça qu'il n'a pas dormi ? Il sourit bêtement, comme pris sur le vif. Quoi, je te fais honte ? Lâche t-il avant de vouloir la chatouiller pour la titiller. Un jour, il aura tout gagné : une gifle mémorable en guise de représailles pour toutes ces provocations dont il est l'auteur. Finalement, lorsqu'elle lui demander d'appeler un Uber, le bras de Mohamed retombe le long de son corps. Il ne dit rien, les yeux perdu dans le vague, puis, après ce *presque* long silence, il attrape la cigarette calée derrière son oreille. Bah. c'est pas que je veux pas.... Commence t-il en cherchant son briquet au fin fond de la poste de son sweat. En deux trois mouvement, le voilà à tirer sa première bouffée de nicotine. ... Mais j'ai passé la soirée dehors, on a bien décarré, et pour être honnête, ma carte passe pas. Donc j'pourrais pas payer la course.En plus... Il marque une pause, cale sa cigarette au coin des lèvres pour libérer ses mains, rangeant le feu pour finalement attraper cette fois son téléphone. Attends, j'crois j'ai plus de batterie. Il tente de l'allumer, mais l'écran reste noir. Figé. Ah ouais. Plus de batterie. Tu vois. Il lève l'écran pour lui montrer, a quelques centimètres de son nez. Tout pour l'agacer, mais gentiment. Ce n'est qu'amical. S'il ne rigole pas ouvertement, on peut clairement voir la malice dans ses yeux rieurs. Vas-y viens prend le métro, j'ai peut-être de la monnaie pour te payer un ticket ? L'arrêt est juste là en plus. elle va le taper, c'est certains.

@Sasha De Lorenzi

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Sasha & Momo

Oui, tu me fais honte. T’as vu ta tête ? Cette fois, hors de question de se laisser faire. Elle lui jette un regard goguenard. Son sourire amusé en dit long sur le ton de la conversation. Tirant son haut hors de son pantalon, elle l’évente un peu. La sensation collante sur son ventre est absolument répugnante. Un long soupire lui échappe. Vraiment, ce n’est pas son jour. Hier soir en se couchant, elle s’est dit que ces répétitions étaient de trop, qu’elle ne se sentait pas de les faire – et qu’accessoirement elle n’en avait pas besoin – mais pour une fois, ce n’était pas sa place d’en décider. Pour une fois, elle n’avait qu’à se contenter de se pointer à l’heure demandée, de répéter la revue avec les autres danseuses et repartir. Et puis, il a fallu que Momo arrive. Momo, c’est un évènement à lui tout seul, comme le passage de la comète Haley près de la Terre. Quand elle l’approche et qu’il ne l’a pas encore vue, il lui arrive de se dire que non, vraiment, pas aujourd’hui, puis il suffit qu’il ouvre la bouche pour qu’elle se sente mieux.

Elle le laisse déblatérer sans vraiment l’écouter mais la mention du métro la fait écarquiller les yeux. De quoi le métro ? lâche-t-elle, soudainement attentive. De sa vie de parisienne, Sasha n’a jamais pris le métro. Trop sombre, sale, puant. Et il est hors de question qu’elle commence maintenant. Elle se retient de faire un commentaire sur le fait que, selon elle, le métro est le moyen de transport des pauvres car elle sait que son ami n’a pas oublié que malgré son désir d’être plutôt vu comme une femme, elle reste quand même un homme et que lui mettre une droite bien placée ne serait pas spécialement mal vue par la société hétéronormative. Révoltée à l’idée de s’assoir dans une rame de métro, elle fixe obstinément Mohamed en priant pour qu’il ricane comme il le fait habituellement et lui dise que c’est une blague, mais il ne le fait pas. Il est sérieux. Ce con est sérieux. Même pas en rêve tu me mets dans le métro. Sur ces mots, elle sort son téléphone qui, lui, fonctionne et fait les démarches pour commander un Uber. Mais ses yeux s’écarquillent quand, juste avant de valider sa commande, elle s’aperçoit qu’il y a plus d’une demi-heure d’attente. Déconfite, c’est le mot pour la qualifier, cette fois. Mais c’est quoi cette merde ? Elle laisse Momo se pencher sur l’écran pour qu’il constate comme elle le retard du taxi. Alors, elle hésite. Attendre une demi-heure et arriver chez elle sans avoir manquer de mourir ou prendre le métro et y risquer sa vie – drama queen en plus d’être drag queen. Inconsciemment, elle s’appuie contre l’épaule de son ami et l’observe avec une moue boudeuse.

Aller, c’est bon. On va le prendre ton métro à la con.

Il est très clair à son ton que d’ici à ce qu’elle soit dans le transport, elle sera déjà en train de râler et de le supplier pour la faire sortir de là. Mais pour l’instant, tout ce qu’elle veut, c’est se débarrasser de cette substance collante sur son torse (pas que ça la dérange, d’ordinaire, mais pas dans ce contexte) et ne pas être plus en retard à la répétition qu'elle ne le sera déjà. D’un geste rageur, elle range le téléphone dans sa pochette Lanvin – oui, rien que ça – et se tourne vers la bouche de métro que Momo désignait un instant plus tôt. On dirait l’entrée des enfers. Au top. La descente des escaliers noirs ne fait que la conforter dans cette idée et, bientôt, plantée au milieu des passants pressés, elle ne sait pas où se diriger. Il faut prendre un ticket, parfait. Mais où ? Perdue, elle se tourne vers Momo. C’est ton idée, j’attends maintenant.

@Mohamed Sayah

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Sasha & Momo

Qu'est ce qu'il peut être rabat joie parfois. Parfois, Mohamed s'imagine penser une chose comme ça de Sasha. Mais en fait, il n'y arrive même pas. Il supporte ses remarques, commentaires et tout ce qui la caractérise car sans tout ça, Sasha ne serait pas Sasha. Mister Princesse a peur du métro. Pourquoi ? Depuis qu'ils se connaissent, Mohamed sait pertinemment qu'ils ne vivent pas dans le même monde. Ils n'ont pas la même culture, pas la même éducation... Et pourtant, ça colle. Allez savoir pourquoi...

Alors, tandis que le visage de Sasha se décompose à l'idée de prendre le métro, le jeune adulte attend, patiemment, manquant de sourire à cause de la fatigue omniprésente. S'il pouvait jeter ce petit sourire charmeur, elle n'en ferait pas tout un foin... Mais Momo l'observe essayer de trouver une solution alternative pour ne pas prendre le métro. Il sait pertinemment qu'elle cédera tôt ou tard... Et c'est le jackpot. Pour une raison obscure, Sasha venait de saisir son téléphone. C'est quoi cette merde ? T'es sérieux, t'as ton téléphone et tu voulais le miens pour commander un Uber ? Lâche t-il malgré lui. Non mais c'est le monde à l'envers. Elle roule sur l'or et c'est lui qui doit payer. Escroc. Dit-il simplement pour conclure sa réflexion avant d'enfoncer sa tête dans sa veste, se lovant dans le tissus, cherchant une quelconque source de chaleur... Source de chaleur qui vient à lui, lorsque Sasha s'appuie contre lui.

Mort de rire. T'es pas prêt. Dit-il avant de passer son bras autour de son épaule pour l'embarqué malgré lui dans les souterrains. Une fois en bas, le garçon la lâche pour pouvoir fouiller dans ses poches, cherchant le peu de monnaie qu'il lui reste. Niet. Nada. La seule chose qu'il a sous le coude, c'est son pass navigo... C’est ton idée, j’attends maintenant. Trop difficile à cette heure de réfléchir, alors il sort son passe, le tend à Sasha. Tiens. Passe là bas. Je suis juste derrière toi. Mains dans les poches, il invite d'un mouvement de tête Sasha à se rapprocher d'une barrière. Un coup d’œil aux alentours, rien à signaler. Bien. Ça va, tu vas savoir l'utiliser ? Dit-il sans arrière pensée, sans même se rendre compte qu'il aura un retour de flamme plus tard pour cette réflexion... Plus tard, car il ne lui laisse même pas le temps de répondre. Il attrape la main de Sasha avec le passe, badge et la pousse à travers ce fichu tourniquet qu'il enjambe naturellement après son amie, juste avant que la porte ne se referme. Tu vois. Facile. Lâche t-il calmement pieds à terre, de l'autre côté... Et hors la loi.

@Sasha De Lorenzi

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Sasha & @Mohamed Sayah

Escroc ? Elle l’observe d’un air presque outré. Il dit ça si naturellement, comme s’il n’avait pas renversé tout le café qu’elle venait de s’acheter sur son t-shirt tout ça parce qu’il a eu peur du reflet dans la vitre du Moulin. Comme s’il ne savait pas pertinemment qu’elle aurait payé pour le Uber au final et l’aurait jeté dehors s’il avait tenté de payer – pas par pitié mais plutôt car elle ne veut pas qu’il ait à débourser un centime à cause de ses goûts de luxe, comme quoi parfois, elle s’en rend compte. Lovée dans ses bras, l’expression de Sasha change. Comment ça, elle n’est pas prête ? Prête à quoi ? demande-t-elle du tac au tac, portée par une soudaine petite angoisse, omettant encore l’emploi du masculin qui d’ordinaire la répugne. Là, en l’occurrence, c’est le métro qui la répugne. Tu veux dire quoi ? Je suis pas prête à quoi ? Mais bien évidemment, elle n’obtient aucune réponse car il semblerait que Momo aime bien la faire tourner en bourrique et garde le mystère. Elle suspecte qu’il veut la voir paniquer au pied du mur et que ça le fera bien rigoler.

En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, elle se retrouve en bas des escaliers, devant les tourniquets d’entrée, à suivre les directives de Mohamed qui lui tend son pass. Elle ne lui demande pas comment il va faire pour passer car elle n’en a pas le temps. Il l’a poussée vers les machines et fort heureusement, il n’assume pas qu’elle saura passer le badge qu’il lui a donné car elle était partie pour se tromper. Geste passé complètement inaperçu car il lui a déjà pris la main pour la guider. Elle se laisse faire avec une innocence qui n’est pas digne d’elle et pourtant. Quand il la presse pour passer le tourniquet, elle commence à se douter de ce qu’il va faire mais ne bronche pas. Elle ne va pas non plus s’en plaindre, il est bien assez grand pour être responsable de ses actes. Moui, facile. Y a des caméras partout, Momo, tu vas te faire choper. Puis elle d’hausser les épaules d’un air désinvolte. Mais bon, tu fais ce que tu veux. Compte pas sur moi pour payer ton amende, sale gosse.

Perdue devant les panneaux directionnels où sont listées les différents arrêts de chaque ligne de métro, Sasha est perdue et se rend compte qu’elle n’a pas intérêt à perdre son ami sous peine d’être bloquée seule dans le métro sans savoir où aller – comme si elle n’avait pas de GPS sur son téléphone ou ne pouvait pas télécharger d’application spécialisée. Elle le voit s’éloigner nonchalamment du coin de l’œil, comme si de rien n’était, et a vite fait de se détourner du panneau pour le suivre, lui attrapant même le bras de peur d’être séparée de lui pendant cette heure de pointe. Tu sais vraiment où tu vas ? demande-t-elle au bout d’un moment, désorientée par tous ces couloirs interminables et ces tournants à en faire perdre la tête. Attends, t’as même pas regardé si on était sur le bon chemin. Et là, au loin, deux policiers qui contrôlent les titres de transport…

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Sasha & Momo

Attends, t’as même pas regardé si on était sur le bon chemin.

Mohamed s'arrête en pleine marche, non pas surpris par la reflexion de Sasha, mais simplement agacé par ce qu'il aperçoit un peu plus loin. Quelle était la probabilité pour que, ce matin, à une heure pareil, les contrôleurs de la RATP décident de se pointer ? Le gamin pourrait hurler de rage et se jeter sur les passants s'il n'était pas aussi ... lui-même. Il cligne des yeux, deux, trois fois à la suite, histoire de vérifier que ce n'est pas une hallucination. Cela ne prend que quelques secondes pour reflechir. Plutôt que de faire stresser Sasha et de la mettre dans une situation délicate (car c'est techniquement elle qui est sans titre de transport mh.), il opte pour une seconde solution. Mhhhh. Tu as raison. Je me suis trompé. Sans s'attarder sur les contrôleur pour ne pas parraître suspect, il pivote immédiatement, fait semblant de regarder le plan de la ligne de métro. Ouais. C'est dans l'autre sens. Habituellement, Mohamed est mauvais menteur, mais avec la fatigue et sa sale gueule d'after, il prie le saint dieu - si jamais il existe - pour que Sasha ne remarque rien et se retient de l'attraper par le bras pour le tirer vers lui. Loin de ces agents du mal.

Puis, alors qu'ils repartaient dans l'autre sens, après deux trois pas il s'arrête à nouveau. a nouveau, il regarde les agents de la RATP. Normalement, ils contrôlent les types qui sortent de la rame, non ? Ses sourcils se froncent. Bon. Ne tentons pas le diable, pense t-il en son fort intérieur. Il ralenti le pas, attendant la Queen qui l'accompagne, et lorsqu'ils sont enfin sur le quai, il repère au loin quelque chose de discret. Sasha en alerte ne l'a probablement pas vu. Moins d'une minute d'attente. Il se penche d'avant en arrière, les mains dans les poches. Tu aimes quoi comme musique ? Dit-il simplement en tournant la tête lorsque le bruit du métro l'averti de son arrivée à quai. Il invite Sasha à le suivre, se plaçant derrière lui comme pour le protéger, refermant la marche. Que croit-il protéger dans cet état ? Probablement l'intégrité de son ami.

Ils n'en ont que pour une station, avant de sortir pour changer de quai et repartir dans l'autre sens avec la même ligne... Pourtant, lorsqu'il le voit, ce type, pas trop loin, un petit sourire vient habiller ses lèvres. C'est un baptême du feu pour Sasha... Et pour le baptiser, voilà qu'un énième musicien, celui qu'il avait repéré plus tôt, vient se poster devant la porte, à un mètre deux; Guitare en main, voilà qu'il commence à jouer Ai Se Eu Te Pego. Ça promet d'être intéressant. Lâche t-il a deux doigts d'exploser de rire sous la fatigue. Du coin de l’œil, Mohamed observe Sasha, s'attendant à la voir exploser de rage devant une scène pareil.

@Sasha De Lorenzi

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Sasha & @Mohamed Sayah

Inutile de préciser que, lorsque Momo s’arrête soudainement, Sasha met une demi-seconde de plus à comprendre qu’elle doit s’arrêter aussi mais ne lâche pas le bras du jeune homme. Penchant la tête sur le côté un instant, ne sachant pas vraiment ce qui lui a pris de s’arrêter au milieu du couloir, elle s’écarte un peu du chemin des passants et se poste face à son ami. De tout ce qu’il admet, elle n’entend que le « tu as raison » qui semble tellement étrange provenant de la bouche de ce petit blédard. Elle hausse un sourcil tandis qu’un sourire commence à apparaître au coin de ses lèvres, mais elle n’a pas le temps de faire la moindre remarque qu’il s’est déjà retourné et repart dans le sens inverse, entrainant Sasha qui est toujours accrochée à son bras. Alors qu’elle marmonne que tu vois, je te l’avais dit, tu fais jamais attention, il s’arrête à nouveau et, cette fois, elle ne fait qu’un pas de plus avant de s’interrompre également. Okay, qu’est-ce que t’as ? J’te rappelle qu’il faut que je me change. On a pas le temps. Aller, bouge. Son ton n’est pas spécialement froid ni autoritaire, en réalité, c’est simplement un ton d’incompréhension la plus totale.

Cependant, elle le suit sans rechigner jusqu’à devoir entrer dans la rame de métro. Sa question la laisse encore plus surprise qu’avant. Depuis le temps qu’ils se connaissent, Sasha aurait cru qu’il connaissait bien ses goûts, surtout ses goûts musicaux. La réponse se perd dans sa gorge car trop de nouvelles choses s’enchaînent. Et surtout, la rame de métro. Refusant catégoriquement de se tenir à la barre de métal, elle s’agrippe à nouveau au pauvre Mohamed qui a probablement envie qu’elle le lâche — elle compte sur sa fatigue pour qu’il ne la repousse pas. Euh je sais pas, tu sais bien que j’aime un peu de tout, là… Elle soupire puis regarde autour d’elle. Contrairement à lui qui a l’habitude de ce monde nouveau, elle n’a pas repéré le musicien à la guitare. Ce n’est que quand il se met à chanter dans son oreille qu’elle réalise puis l’observe de la tête aux pieds. Rien ne va et surtout pas la chanson. Le barde — probablement pas aussi démuni mais tout aussi chiant — ne sait pas chanter, se dit-elle alors qu’elle n’a pas le moindre talent pour le chant non plus. Ses yeux se tournent alors lentement vers Momo, comme si sa prochaine action allait être de lui décocher une droite et de lui rentrer toutes ses gencives dans sa tête.

Et puis d’un coup, un petit rire lui échappe. Mais t’es vraiment une pute, chuchote-t-elle. Le musicien est franchement mauvais en chant, mais il est attachant. Au point où elle en est, il n’y a plus qu’à rire de la situation. Bien qu’un peu tendue, elle n’a soudainement plus rien à faire d’être dans un endroit absolument répugnant, entourée d’un monde qu’elle ne côtoie habituellement pas, car c’est trop tard. Impossible de faire demi-tour. Elle est dedans jusqu’au menton. Alors il n’y a plus rien d’autre à faire que de rire. Et Sasha rit jusqu’à devoir sortir de la rame. Là, ce n’est plus la même. Elle ne fait pas la fière quand elle doit contourner le pauvre musicien qu’elle a passé deux bonnes minutes à regarder. Et pour quoi ? Pour sortir du métro sans même une petite pièce toujours sans lâcher le blédard qui l’a mise dans cette situation plus qu’incongrue. Ce n’est qu’une fois de retour sur le quai qu’elle lâche un profond soupire. On est encore loin ? Je commence à en avoir marre d’être sous terre… Elle ne le lui dit pas mais il est à présent hors de question qu’elle se présente à la répétition aujourd’hui. Trop de péripéties pour une seule journée. Sasha se retourne et tombe nez à nez avec le nom de la station affiché sur le mur du quai en grande lettres bleues.

La Fourche. Il faut quelques secondes à la grande dame pour se resituer à Paris. Ils ne sont pas du tout dans la bonne direction. La Fourche, c’est encore plus au nord que le Moulin Rouge. Pas du tout dans la direction des bords de Seine, où elle vit dans un luxueux duplex au dernier étage d’un immeuble bourgeois. Lentement, Sasha se retourne vers Momo en désignant le nom de la station du doigt. Tu te fous de ma gueule ou quoi ? demande-t-elle, trop à bout de nerfs pour réellement s’énerver.

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Sasha & Momo

Les rires s’entremêlent tandis que la musique infernale continue de résonner dans la rame. Si Sasha est probablement au bout de sa vie, malgré ce petit rire, Mohamed quant à lui n’hésite pas à danser ouvertement, remuant les épaules. Les yeux à moitié ouverts, le sourire étiré d’une oreille à l’autre, le jeune adulte a oublié son stratagème pour éviter les contrôleurs. Il se retient même de la faire tourner sur elle-même pour la décoincer, préférant la laisser prier un dieu de ses croyances pour que le musicien cesse de chantonner dans la rame.

Cela dit, lorsque le métro ralenti à la prochaine station, Momo est de nouveau frappé par la réalité. Il n’a pas vraiment cherché un stratagème pour berner Sasha. Il se dit que, finalement, s’il arrive à l’attirer à gauche et à droite sans réelle explication, elle ne cherchera pas vraiment à comprendre ce qui lui arrive. Mohamed espère même qu’elle le maudira lui et tous les autres usagers plutôt que de prêter attention à certains détails pouvant trahir le garçon… Alors, lorsque les portes s’ouvrent, il se jette à moitié dehors pour mener à nouveau la marche. Pas longtemps cela dit, car il est contraint de marquer une pause pour chercher dans quel sens aller. Pas longtemps, mais assez longtemps pour que Sasha réfléchisse d’elle-même. Et commence à réaliser que quelque chose cloche.

Tu te fous de ma gueule ou quoi ? Ses yeux d’agneaux se posent lentement sur Sasha. Il la fixe quelques secondes, les lèvres scellées. On pourrait croire que le temps s’est figé, mais les clignements d’yeux de Mohamed trahissent l’instant. Fatigue hurlante, il met du temps à percuter la raison de sa question… Jusqu’à ce qu’il suive des yeux le prolongement du bras de la Grande Dame, pointant le nom de la station. Quoi ? La voix est partie un peu plus dans les aiguës que prévu. Même s’il voit le nom de la station, le jeune homme ne comprend pas que Sasha a fait le rapprochement… Parce qu’il est persuadé qu’elle ne s’est jamais réellement intéressée au métro, ni même aux stations environnantes.

Malgré tout, il ne peut s’empêcher de se sentir nerveux de par ce retournement de situation qu’il ne comprend absolument quoi… Alors, le seul réconfort qu’il trouve, c’est de se passer une main sur le visage en tirant ses yeux, cherchant à se réveiller un tant soit peu. On va te changer non ? Tu dois retourner à ta répétition après non ? Aller, viens. Dit-il en se rapprochant d'elle pour l'attraper par la main et l'emmener avec lui le long du quai, avec le même plan : traverser la station et prendre la rame dans l'autre sens en prétextant s'être trompé une fois devant la "sortie". Il se fera probablement décapité, surtout qu'en attrapant la main, le Momo n'a pas pu s'empêcher de balancer l'air de rien : Je connais le chemin, t'inquiète. Oui. Connaître le chemin et se tromper; de quoi perdre en crédibilité en l'espace d'un instant.

@Sasha De Lorenzi

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Sasha & @Mohamed Sayah

A ce moment-là, malgré la fatigue qui les accable tous les deux, Sasha est persuadée qu’il se fout royalement de sa gueule. Si elle n’est pas au fait du nom des stations de métro, elle sait très bien que La Fourche, c’est au nord du Moulin, surtout depuis qu’elle y a fait une fête quelques années auparavant et qu’il a fallu partir de la salle de cabaret et remonter quelques minutes l’avenue Clichy. Parfois, Sasha a le don pour se souvenir de choses totalement inutiles et qui lui servent exclusivement à faire chier les gens, tels que Momo, actuellement. Il a eu le malheur de vouloir la berner en la prenant pour une simple bourge des beaux quartiers qui n’y verra que du feu dès lors qu’on la fait un peu tourner en rond dans le métro mais il aurait dû se méfier, se souvenir qu’il la connait mieux que ça. Et qu’en plus, ses grands yeux de biche n’y feront rien. Sasha n’a pas de pitié. Elle n’aurait pas de pitié en tout cas, si Momo ne s’était pas emparé de sa main comme d’un animal sauvage qu’on tente de dresser et ça fonctionne parfaitement car Sasha le suit sans faire d’histoires. Du moins, pour le moment. Du coin de l’œil, alors qu’ils quittent la rame, elle aperçoit sans s’en rendre compte une femme portant un beau manteau rouge écarlate.

Elle se laisse entrainer dans un nouveau dédale de couloirs glauques, sombres et puants de cette station de métro et ne proteste pas, à court d’arguments pour le faire changer d’avis. Ils sont extrêmement différents sur quasiment tous les points qui les caractérisent, sauf sur celui-ci. Sasha et Momo sont affreusement têtus et bornés. Ils n’en font qu’à leur tête et, quand ils sont ensemble, c’est une cohue sans nom. Je sais que tu me prends pour une conne, Momo ! s’exclame-t-elle sans la moindre retenue, se fichant éperdument des regards effarés qui se tournent vers eux. La vision peu commune d’un petit blédard l’air épuisé d’une nuit sans sommeil qui traine un autre gars beaucoup plus grand et clairement plus efféminé qui l’insulte copieusement ne doit pas être habituelle pour les autres usagers du métro. Pourtant ni l’un ni l’autre se gêne réellement. Ils s’engueulent comme un vieux couple.

Lorsqu’ils arrivent sur le quai suivant, Sasha ne peut s’empêcher de scruter les environs. En un rien de temps, elle a repéré la femme au manteau rouge qu’ils ont croisé quelques secondes plus tôt. Lentement, le regard de la grande dame dérive vers son ami qui feint l’innocence. Pourtant, il est loin de pouvoir faire patte blanche. On fait demi-tour, là. Cette fois, plus de questionnement dans sa voix. Elle est sûre de ce qu’elle affirme. Momo, tu te fous de moi ? On était sur l’autre quai juste avant, on a juste fait demi-tour ! La grande dame lâche un soupire à la fois exténué et exaspéré. Marcher dans le métro est plus fatiguant pour les nerfs qu’il n’y paraît, surtout pour quelqu’un qui n’en a pas l’habitude. Au moins, c’est décidé, elle prendra au moins un Uber pour retourner aux répétitions.

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Sasha & Momo

Comment réagir lorsqu'on est pris au dépourvu ? C'est là qu'il faut faire preuve de malice, lorsqu'il est facile d'en disposer. Ce matin, utiliser sa tête pour se sauver d'une situation comme celle-ci est compliqué. Compliqué, parce que, le garçon n'est encore qu'un grand adolescent, coincé entre deux mondes. La maturité lui fait à nouveau défaut. Cette capuche ne le cache pas, comme il semble vouloir le croire. Mohamed est loin de se faire petit, avec Sasha qu'il traîne à travers les couloirs de la station. Sasha a le droit d'être en colère, mais ça, Mohamed ne le comprend pas, alors il ne dit rien quand elle l'accuse ouvertement de le prendre pour "une conne" devant les usagers qui ont le malheur de se trouver sur leurs chemin.

L'adulescent n'est pas non plus objectif dans son jugement ; loin d'être embarrassé, il se demande cependant s'il est vraiment nécessaire d'en faire tout un foin. Habitué depuis petit à ne pas se faire remarquer, ce matin, à la station de La Fourche, après une nuit de folie et après une de ses multiples insomnies, le garçon semble perdre son sang froid. Au bord du quai, il a libéré son emprise pour ne pas alerter la sécurité - manquerait plus qu'on le prenne pour un tortionnaire ou autre type ingrat qu'il se refuse d'être. On fait demi tour là. Elle sait maintenant. Pourquoi a t-elle besoin de le souligner de cette manière ? Il a beau aimer Sasha de tout son cœur, le ton qu'elle emploi ne lui plait pas... Pourtant, elle n'a rien changé en ses habitudes. Pieds au mur, voilà que le garçon se met, sans vraiment réaliser, sur la défensive. Contre toute attente, il hausse les épaules en réponse à sa réflexion.

S'il avait les idées claires, Mohamed n'aurait probablement jamais fait ça. Cette désinvolture lui coûtera cher, car ce n'est pas le type de comportement que Sasha cautionne. Il reste calme, en fixant la fille au manteau rouge en face sans dire un mot pendant un petit moment. ah, ces foutus contrôleurs. Ce stress lui avait donné envie de fumer, et il ne lui était pas possible d'allumer une cigarette ici. Les yeux au ciel, il reporte enfin son attention à la grande dame après l'avoir entendu souffler.

Wesh, c'est la fin du monde ou quoi là ? Il pèse à moitié ses mots sur l'instant et soupire à son tour. Il pourrait en dire plus, mais se mord fort la langue pour retenir la majorité des paroles qu'il regrettera plus tard. C'est pas non plus la mort le métro. Pourquoi elle ne lui fait pas confiance ? A t-elle vraiment besoin d'en faire des tonnes ? Changement d'ambiance trahissant le poids de la fatigue qu'il porte. C'est toi aussi ! Il l'accuse à son tour. C'est toi qui m'a mis le doute alors que j'allais dans la bonne directi.... La rame le coupe dans son élan, s'arrêtant alors, comme par magie devant lui. Lorsque les portes s'ouvrent, il constate à son grand désarroi que celle-ci est assez remplie. Mohamed grimace. Aller viens. Dit-il alors que les gens sortent en premier, avec une douceur contrastant son haussement de voix précédent. Il souffle à nouveau, tente de reprendre son calme comme son psychologue le lui a apprit. La main tendue vers Sasha pour l'inviter à le rejoindre, il reprend. Ecoute. J'suis désolé. Mea culpa. Viens j'te ramène à la maison pour de bon cette fois. conclut-il en laissant bien vite tomber cette casquette invisible qui avait laissé transparaître, l'espace d'un instant, l'origine du garçon ; la cité.

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Sasha & @Mohamed Sayah

En entendant soudain le ton changé de Mohamed, Sasha se tourne lentement vers lui, l’observant avec de grands yeux, à la fois éberluée et outrée. C’est bien la première fois qu’il hausse le ton avec elle et ose lui parler comme ça. En soi, elle n’aurait même pas à penser ce genre de choses. Malgré des différences évidentes, lui et elle ont toujours été sur un pied d’égalité. Pourtant, d’ordinaire, c’est elle qui s’énerve et lui qui reste de marbre avec un petit sourire taquin au coin des lèvres. Elle n’était pas prête à ce retournement de situation mais ne se laisse pas faire pour autant. Toisant Momo sans gêne, elle manque de lui faire une remarque sur sa manière de parler mais se rend compte, une fois les mots sortis de sa bouche, qu’elle n’est pas mieux que lui. D’où tu me parles comme ça, toi ? Elle lève les yeux au ciel mais se force à se reprendre. Mohamed est clairement épuisé et ne pense pas un mot de ce qu’il dit. Et elle ne veut pas s’énerver contre lui. Son amitié est trop chère à ses yeux. Parfois, elle se surprend même à se dire qu’il est son seul vrai ami ici, à Paris, ou en tout cas celui dont elle est le plus proche alors qu’elle connaît peu de choses de son histoire.

C’est ça, t’as raison. C’est ma faute, mainten— Le bruit assourdissant de la rame de métro qui arrive masque sa voix et le reste se perd dans le brouhaha. De toute façon, tout ça importe peu. Ce n’est pas comme s’ils pouvaient remonter le temps et comme Momo le dit, ce n’est pas si dramatique.

Cependant, Sasha continue de faire la moue jusqu’à ce que les portes du métro s’ouvrent et que Momo se retourne vers elle pour lui tendre la main. Elle mordille l’intérieur de ses joues en considérant ce geste étonnant pour le jeune homme qui, d’ordinaire, est très peu démonstratif en public à moins d’être complètement torché de sa soirée. N’hésitant pas plus de quelques secondes, elle attrape sa main et entrelace leurs doigts sans la moindre gêne avant de le suivre dans la rame de métro. Ils ne s’assoient pas, restant accrochés à la barre métallique devant les portes. Sasha reste aussi proche de Momo que possible. Elle sourit en l’entendant dire qu’il la ramenait à la maison. Pas chez elle, pas dans son appartement. A la maison. C’est pas grave. T’en fais pas pour ça… murmure-t-elle d’une voix douce uniquement destinée à Mohamed. La grande dame reste silencieuse, cette fois. Elle n’ose plus se plaindre de la chaleur, de l’odeur de transpiration, du monde. Elle se contente de s’agripper à lui lorsque le métro freine et le suivre sur le quai une fois qu’ils arrivent à destination. Et même une fois dans les couloirs du métro, elle ne lâche pas sa main. Il faut admettre, ils ont parcouru une distance impressionnante dans Paris sans dépenser un rond — principalement car Momo a refusé de payer pour un ticket même si elle se doute aisément qu’il ne doit pas coûter plus de deux euros.

Une fois arrivée à son quartier, c’est Sasha qui mène la danse et le guide dans les dédales de rues du huitième arrondissement. C’est là, face au Pont de l’Alma, entre le Crazy Horse et le musée Yves Saint Laurent qu’elle vit, dans un immense duplex avec une vue imprenable sur la Tour Eiffel. Alors qu’ils montent dans l’ascenseur, Sasha tient ses clés prêtes dans sa main. Eh, dis, Momo. Une pause. Ça se passe bien, la coloc avec tes potes ? demande-t-elle l’air de rien. Elle ne veut pas mettre les pieds dans le plat mais cette idée — l’idée d’inviter son ami à emménager avec elle — lui tourne dans la tête depuis déjà des mois.

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Sasha & Momo

Quelle drôle d’idée de prendre le métro de si bonne heure en compagnie de Sasha. Jamais, Ô grand jamais il n’aurait eu l’idée d’emmener la Drag Queen dans une escapade matinale de la sorte. La grande dame semble s’apaiser après son méa culpa. Peut-être est-ce parce qu’il a cet air de chien battu constamment, si bien qu’on ne peut lui en vouloir bien longtemps ? De toute façon, ce n’est pas comme s’ils pouvaient se disputer ; et si un jour ça arrivait pour de vrai, quel pourrait réellement être le sujet de leur discorde ? Ils se font bien assez confiance pour en arriver à couper tous les ponts. Impossible, ça, Mohamed en est certain. Lorsqu’ils quittent la rame de métro, le gamin reste néanmoins un minimum déçu. Lui qui se voyait dépuceler Sasha en termes de première fois dans le métro parisien, voilà que peu de phénomènes se sont produits. Ils n’ont croisé ni rat, ni fou, ni mendiant unijambiste prêt à s’accrocher à ses petites jambes dans le but de lui soudoyer de l’argent. Comment c’est triste. Pense-t-il alors qu’il les guide vers la lumière du jour, sans croiser le moindre contrôleur.

8e arrondissement ; un univers qui ne le lui ressemble pas, pourtant, il y traine parfois, le Momo. Bien qu’il sache où Sasha habite, le gamin la laisse prendre le lead pour l’emmener chez elle, main dans la main. A nouveau, son petit sourire s’étire sur ces lèvres pleines de malice. L’insomniaque se marre, intérieurement, profitant que Sasha soit concentrée sur la route plutôt que sur lui et sa désinvolture habituelle. Si ce n’était pas son meilleur ami qui l’emmenait tout de suite maintenant vers son appartement pour se changer, Mohamed n’y verrait aucun inconvénient pour qu’un simple inconnu l’embarque d’un pas autant décidé. Partager et défaire les draps d’un lit fraichement tiré, après avoir fumé quelque chose, histoire d’oublier ces tracas qui le rendent parfois un peu trop farouche. Mais Sasha est spécial. Il représente cette lumière dans son néant quotidien et jamais, même si l’idée lui a effleuré l’esprit une fois ou deux, jamais il n’interviendra d’une quelconque autre façon que maintenant dans la vie de son « bro ». Si Mohamed doute constamment d’un quelconque avenir le concernant, il pense différent de Sasha ; Sasha a un avenir, un rêve, un futur… Et il est hors de question de souiller cette personne qu’il idéalise depuis leur première rencontre, cette personne qui lui ressemble en tout point et pourtant, qui a pris un chemin de vie qui lui est propre.

A bien y réfléchir, ils avaient bel et bien croisé un rat dans ce métro ce matin. Alors qu’il lève les yeux vers ce ciel bleu dans lequel aucun nuage se profile à l’horizon, tandis que Sasha déverrouille la porte de son immeuble, Mohamed ne peut s’empêcher d’étirer ce sourire au creux de ces lèvres. C’était lui, le rat du métro parisien. Et bien qu’il ne fût pas en plein parcours acrobatique pour atteindre une poubelle en quête d’un met plus ou moins exquis selon ses préférences, Momo était tout aussi résistant que ces petits bêtes qui vous font froid dans le dos quand vous les croisez… Et la comparaison était loin de le contrarier, n’en déplaise à certains.

Son pas emboîte celui de Sasha naturellement, puis il vient caler son dos contre la barre de l’ascenseur. Ce n’est que maintenant qu’il se permet de lever cette capuche pour la faire retomber, dévoilant pleinement ce visage amaigri et creusé de fatigue sous les spots blanc de la cage dans laquelle ils se sont enfermés. Ma coloc' ? Il est quelque peut surpris mais ne cesse de fixer les chiffres sur l’écran numérique qui indiquent qu’ils montent. Bien trop fatigué pour chercher un moyen quelconque de détourner le sujet pour ne pas inquiéter la Drag Queen, ses épaules se lèvent un court instant avant de retomber lourdement. J’avoue c’est un peu chaud en ce moment. Ses mains se replacent dans ses moches, tirant la veste qu’il affectionne vers le bas, signe de sa nervosité. J’paye rien, hébergement gracieux, j’ai franchement pas à me plaindre. Mais bon j’ai l’impression d’être un migrant sans papier qu’on cache de l’Etat Français pour pas qu’il soit renvoyé dans son Pays. Il s’interrompt dans sa comparaison lorsque le petit tintement de l’ascenseur indique qu’ils sont arrivé à l’étage de Sasha. Une de ses menotte vient alors inviter délicatement la Drag Queen à passer devant pour ouvrir la marche, comme un gentleman.

Je rêve ou c'est la toute première fois que je vais voir ta cave ? J'suis le premier mec que tu ramène à la maison j'espère. Il plaisante sur la taille de l'appartement, bien qu'il ait déjà une toute petite idée approximative de ce que cela doit être en vrai. T'aurais un chargeur à me dépanner après ? Dit-il en s'adossant au mur à côté de la porte devant laquelle Sasha s'est positionnée afin d'ouvrir les différents cadenas, attendant patiemment qu'elle ouvre la caverne d'ali-baba devant lui.

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Sasha & @Mohamed Sayah

Dans l’ascenseur, Sasha observe silencieusement Mohamed qui semble s’obstiner à ne pas vouloir croiser son regard, comme gêné par sa question. Elle a apparemment touché un point sensible, mais ce n’est pas comme si c’était vraiment difficile à deviner. Pour que son petit blédard sorte aussi souvent, c’est qu’il ne doit pas vouloir passer du temps là où il habite. Et s’il ne veut pas y passer plus de temps que le stricte nécessaire, c’est que quelque chose ne va pas, ce qui a le don d’attiser la curiosité de la concierge présente avec lui dans l’ascenseur. Evidemment, elle n’avait pas pu s’empêcher de poser la question, l’air de rien, et si Mohamed lui posait la question, elle dirait qu’il ne lui en a pas parlé depuis un moment et qu’elle voulait juste prendre de ses nouvelles, mais secrètement, et peut-être aussi inconsciemment, elle a une idée derrière la tête. Mmh. Ouais, j’vois. Ne surtout pas avoir l’air trop heureuse de la situation. Il pourrait croire qu’elle se réjouit de l’entendre dire que ça ne se passe pas au mieux mais elle ne peut pas non plus nier que ça ne l’arrange pas un peu. Alors pour le moment, elle ne commente pas plus que ça et se contente juste d’un hochement de tête entendu. Si les gens qui hébergent Mohamed réussissent à le faire se sentir tel un fugitif que l’on cache de l’Etat, peut-être ne méritent-ils pas le jeune garçon, se dit-elle avec une pointe d’égoïsme.

Ses insinuations la font rire dans sa barbe. Ouais, t’es le premier. J’suis clairement la Vierge Marie. Clairement pas. Elle ne compte même plus le nombre d’hommes qu’elle a ramené dans cet appartement, à tel point qu’elle ne se sente même plus réellement chez elle. Et ses parents. Que diraient-ils s’ils savaient qu’elle ramène un nombre incalculable d’inconnus chez eux ? Car après tout, cet appartement est toujours à eux. Elle n’en est pas officiellement propriétaire bien qu’elle y réside à l’année. Cette pensée la perturbe tellement qu’elle en vient à tourner la clé dans le mauvais sens et à s’étonner que la porte ne s’ouvre pas. Bah merde. La grande dame marque une pause pour reconsidérer ses actions puis grogne lorsqu’elle se rend compte qu’elle tentait de mettre un troisième coup de clé à la porte. Prétendant être distraite par la question de Mohamed, elle lui jette un rapide regard en coin. Il doit être dans le salon. Elle n’a pas besoin de réellement lui confirmer qu’il peut lui emprunter un chargeur. Quel genre de question est-ce, de toute façon ? Il sait très bien qu’elle ne lui dira jamais non. Elle ne sait pas lui refuser quoi que ce soit. Bonne poire ? Loin de là. Sasha est d’ordinaire plutôt exigeante et fermée envers les autres, faisant tout pour leur faire croire qu’elle se dévoile, s’ouvre à eux, alors qu’en réalité, elle effleure à peine la surface. Jamais elle ne laissera qui que ce soit profiter d’elle.

Enfin, la porte cède lorsque Sasha tourne la clé dans le bon sens. Comme quoi, il en faut parfois peu pour obtenir ce que l’on veut, se dit-elle pensivement, tout en poussant la porte. Aller. Bienvenue dans la caverne d’Ali Baba. Avec un petit sourire amusé et joueur, elle laisse le jeune homme passer et découvrir sa cave, comme il le dit si bien. Une cave qui a plus l’allure du château de Versailles, en soi. Pourtant, elle n’ose pas lui faire visiter son antre, de peur qu’il pense qu’elle s’en vante. Elle préfère nettement lui laisser le choix de pouvoir y flâner à sa guise s’il en a envie. Une fois la porte fermée derrière eux, elle le laisse avancer jusqu’au salon entourée de portes-fenêtres à la française donnant toutes sur le balcon courant le long de l’appartement. Tu peux faire un tour si tu veux. Je vais me changer, j’arrive. Étonnamment gênée de recevoir son meilleur ami, Sasha s’éclipse dans sa chambre. Que va-t-il penser de tout ça ? Quelque chose lui dit que Mohamed se sent plus à l’aise dans les endroits plus petits et moins luxueux bien qu’ils n’en aient jamais parlé, alors la dernière chose qu’elle souhaite, c’est que le garçon se sente dévalorisé et mal à l’aise ici. Au moins, elle a la chance que l’appartement soit très lumineux, donnant l’impression d’un endroit plutôt paisible et cozy. Eh, Momo, appelle-t-elle une fois le haut propre enfilé. Mais, se disant qu’il risquerait de ne pas la trouver, elle décide de sortir de la chambre pour le retrouver dans le salon.

Il a l’air complètement perdu dans la grandeur du salon mais ça n’empêche pas la drag queen de continuer sur sa lancée, persuadée que l’occasion de lui faire sa proposition ne se représentera plus de si tôt. Et si tu venais vivre ici ? Elle hésite soudain. C’est peut-être un peu trop brusque, dit comme ça. Perdue et gênée, elle s’approche et s’assoit sur le canapé gris. Tu sais, comme je voyage pas mal, l’appartement est souvent vide mais ça me rassure pas vraiment de devoir le laisser vide comme ça pendant des semaines. Faut bien qu’elle trouve une excuse plausible à sa demande, incapable d’admettre qu’en réalité, l’idée de pouvoir vivre, quelques mois par an, H24 avec son meilleur ami lui semble être là un parfait futur. Si tu restais là, tu pourrais garder l’appart et… c’est grand. Tu serais tranquille. Elle hausse les épaules, fait comme si de rien n’était, mais ses yeux n’osent pas le regarder. Tu pourrais même nous prendre un animal de compagnie, si tu veux. Un chat, un chien, un poisson… Non ? Un sourire apparait sur ses lèvres tandis qu’enfin, leurs regards se croisent. Ce n’est qu’alors qu’elle réalise qu’elle lui met peut-être une pression d’enfer sans même le vouloir. Enfin, t’es pas obligé de me donner une réponse tout de suite, rien ne presse.

Je vais pas disparaître.

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