La mi-temps

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One more sip for a tortured soul

@Mohamed Sayah, @Terrence Esposito, @Sasha De Lorenzi & Julian Miller

I’m already here.

Les yeux de Julian sont écarquillés et son visage dans l’incompréhension totale des derniers messages envoyés par Mohamed. C’était plus fort que lui. Alors que tout lui hurlait de refuser — leur dispute dans les coulisses de The Artist, les messages échangés emplis de déni —, il n’a pas pu s’empêcher d’accepter d’accueillir le petit français pour la nuit. Pour une nuit, se dit-il, ça ne peut pas lui faire de mal. Ce n’est rien, c’est innocent. Alors pourquoi son cœur ne peut-il s’empêcher de s’emballer ? Pourquoi tente-t-il de briser la prison de sa cage thoracique pour s’enfuir, abandonnant son propriétaire à des sentiments auxquels il refuse de réfléchir ? Les baisers qu’ils échangent sans cesse quand ils se trouvent non loin l’un de l’autre ne sont-ils que des promesses dans le vent, emportées au loin par une brise froide ? Des lapins blancs qu’un magicien fait disparaître dans son chapeau magique ? Car c’est ce que Mohamed semble être. Un putain de magicien. Il l’attire, il le repousse, apparaît dans sa vie, disparaît, revient. Sans vergogne. Il joue avec son cœur sans relâche, comme il a joué avec ses cigarettes sur scène.

Et maintenant, il l’attend devant la porte. Pourquoi n’a-t-il pas sonné ? Il pleut des cordes dehors. Alors, le danseur se jette hors de son lit et se presse vers la porte d’entrée. Tout cela ne lui prend que quelques secondes en soit mais lorsqu’il ouvre la porte, Mohamed est trempé. L’eau dégouline de ses joues. Il grelotte.

Wha… You’re drenched! Come in. Le faire entrer semble être une priorité. Il pourra poser ses questions après. Peu lui importe qu’il inonde le parquet, pour l’instant. Julian ferme la porte derrière Mohamed, ne manquant pas de verrouiller avec la chaînette de sécurité, cette fois. A cet instant, il ne pense plus à rien, il ne réfléchit plus, il se contente de se hâter jusqu’à la salle de bain pour y récupérer des serviettes. Il lui en déplie une et la pose sur sa tête et laisse les autres à portée de main sur la table. Ce n’est qu’en remarquant la flaque qui est en train de se former aux pieds de Mohamed qu’il agit enfin, l’entraînant vers la salle de bain. I’ll fetch you some of my clothes so you can change, ajoute-t-il dans un souffle. Tournant les talons, il s’approche alors de son armoire, à l’autre bout de son minuscule studio. Tous deux sont à peu près de la même stature. Mohamed n’aura aucun mal à entrer dans les vêtements de Julian. Alors, il lui récupère un ensemble de jogging assez doux et confortable pour qu’il puisse se changer et être à l’aise. Serrant les vêtements pliés contre lui, il s’approche de la porte entrouverte de la salle de bain et frappe doucement quelques coups à celle-ci. Can I come in? I’ve got clothes for you, appelle-t-il avant d’ouvrir la porte lentement.

Le jeune homme a déjà quitté l’inconfort de ses vêtements trempés qu’il a abandonné dans la baignoire et est resté en sous-vêtements. La vue de son corps nu ne lui fait plus le même effet car trop de questions se bouscule dans son esprit. A nouveau, il peut observer un instant les quelques cicatrices qu’il avait déjà remarquées auparavant. Que lui est-il arrivé ce soir, pour qu’il se décide à le contacter après tout ce qui s’était passé entre eux durant l’émission ? Qu’est-ce qui lui avait fait changé d’avis aussi soudainement ? Ce n’était pas n’importe quel service qu’il lui demandait. Rester une nuit. Ça paraissait innocent mais pour le danseur, c’était tout autre.

Il lui tend alors les vêtements et se permet d’entrer — après tout, il est chez lui — pour s’asseoir sur le couvercle fermé de la cuvette des toilettes. Il lui faut quelques secondes à se mordre les lèvres d’hésitation pour arriver à formuler sa question. Did something happen? demande-t-il sans préambule. Inutile pour l’instant de s’enquérir sur pourquoi il l’a appelé lui et pas quelqu’un d’autre. C’est le cadet de ses soucis. L’important, à présent, c’est qu’il est là et que malgré tout, il fait battre son cœur comme personne avant lui.

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One more sip for a tortured soul

Mohamed Sayah, @Terrence Esposito, @Sasha De Lorenzi & @Julian Miller

Mohamed n’arrive pas à finir son Tacos. Ses doigts tremblent de rage lorsqu’il pianote sur son téléphone comme un fou furieux. Sasha. Comment Sasha peut-elle encore le prendre pour un enfant ? Lui qui ne voulait que partager un moment de joie auprès de son meilleur s’était pris une soufflante à laquelle il n’était pas prêt une seule seconde. Ce n’était pas un hasard s’il se trouvait dans le quartier ; une simple course à régler pour Moussa, en déplacement à Washington. L’appétit coupé dès les premiers messages, il quitte le Tacos Bell dans lequel il avait trouvé refuge à Brooklyn le temps que la pluie cesse. Plus rien ne compte, ni MADSt., ni son travail, ni même de finir tremper de la tête aux pieds quitte à choper une pneumonie.

Vagabondant dans les rues, le chagrin s’empare petit à petit de son cœur. C’est maintenant elle qui l’abandonne. Son désespoir agit comme une arme blanche, qu’il plante un peu plus profondément dans le cœur de Sasha, cherchant à venger ce sentiment détresse et d’angoisse qu’il ne supporte pas. Va savoir si ce sont les gouttes de pluies lui inondent ses joues ou des larmes de colère qui ont réussi à percer la barrière qu’il avait érigé. Est-ce que c’est lui qui a merdé ? Encore ? Son psychiatre lui avait dit qu’il devait réfléchir, mais plus il repasse la scène dans sa tête, et moins il comprend la réaction de son meilleur ami. Pourquoi ? Lorsqu’il s’arrête à un arrêt de bus quelques instant pour reprendre sa respiration, Mohamed prend le temps de réfléchir. La seule explication qu’il trouve, c’est qu’elle a désormais bien trop à faire avec son homme limace qui lui fait les yeux doux. A nouveau, ses yeux se chargent de larmes salées qu’il tente de ravaler en essuyant ses yeux d’un revers de main. Le peu de passants qu’il croise en reprenant la route le prennent probablement pour un idiot, ou un fou. Oui. Fou. Mohamed est clairement fou de chagrin pour le moment.

Trouver une solution pour ce soir, pour dormir et aller chercher ses affaires, c’est ce qui le taraude. Il se refuse de demander de l’aide à ses deux compères, sachant pertinemment qu’ils se feront un sang d’encre. Il ne veut pas avoir à se justifier, ni qu’ils se lancent en guérilla contre Sasha en tentant de préserver le petit Français. Ce n’est pas la première fois qu’il est à la rue, il trouvera bien une solution, non ? Lui qui a longtemps été personne regrette amèrement avoir été quelqu’un pendant un temps.

Alors qu’il s’engouffre dans une rue, le gamin reconnait un bâtiment à l’angle de la rue. Mohamed a le pressentiment qu’il est déjà passé ici, mais n’arrive pas à se rappeler de quand. Il se fie alors à son instinct, n’ayant plus rien à perdre pour le moment. Il n’est qu’à quelques mètres de l’appartement de Julian quand son nom pop brutalement dans son esprit. Julian. Automatiquement, il lui envoie un SOS et se pose devant un lampadaire juste devant le logement du garçon. La lumière est allumée, il est là. Il pourrait simplement frapper, lui demander refuge pour la nuit et partir le lendemain. Ses yeux se baissent sur la réponse quasi immédiate du bouclé, et le cœur de Mohamed se serre un peu plus dans sa poitrine. Comment peut-il être enclin à échanger avec lui après ces histoires ? Le gamin se résigne à prendre cette main pendant quelques instants, tournant les talons pour trouver un hôtel quelconque dans le coin. Mais Julian est quelqu’un de bien, comparé à lui… Il hésite, deux trois secondes avant d’accepter cette main. Cette fois, c’est la dernière fois qu’il profite de lui.

Derrière la porte, il peut entendre Julian se précipiter pour lui ouvrir. Mohamed ne dit mot, se laisse entraîner à l’intérieur sans résister une seule seconde. Voir le visage du danseur fait naître à nouveau un sentiment de profonde tristesse liée au regret. Il voudrait s’excuser d’être un idiot, mais garde ses lèvres scellées. Son corps est tellement gelé qu’il ne ressent même plus les effets du froid à proprement parler ; ses muscles en revanche, comme sa mâchoire, sont particulièrement tendu. Incapable de le regarder en face pour le moment, il baisse la tête, soulagé de pouvoir cacher son visage sous cette serviette que le garçon vient de déposer sur sa tête. Le soulagement est d’autant plus grand dans la salle de bain quand Julian disparaît quelques instants, laissant le temps à Mohamed d’essuyer son visage, espérant ainsi enlever toute trace de ces larmes qui avaient réussi à s’échapper.

En deux trois mouvements, il a balancé ses vêtements dans la baignoire. Il reste en caleçon, nu comme un vers et se retrouvé étrangement gêné d’être aussi misérable lorsque Julian le rejoint dans la pièce. La machine se remet en route petit à petit. Tandis que Julian s’assoit à côté de lui, les bras de Mohamed se lève lentement pour venir essuyer ses cheveux avec la serviette. Sa tête est encore à l’abri lorsque la voix de son sauveur retentit dans la salle de bain.Did something happen?

Momo se fige. Son cœur est toujours aussi lourd dans sa poitrine. Incapable de répondre, il hausse dans un premier temps les épaules avant de continuer à essuyer ses cheveux. Un soupire s’échappe lorsque le garçon laisse retomber la serviette sur son dos. Ses mains viennent s’appuyer sur le lavabo devant lequel il se tient tandis qu’il ferme les yeux, cherchant à rassembler ses pensées quelques instants.

He kicked me out.

Il ne laisse transparaître aucune douleur, aucune tristesse, contrôlant au maximum la manière dont il s’exprime… Pourtant, c’est bel et bien la première fois que Mohamed s’exprime aussi sérieusement. A nouveau, le français soupire puis fait volte-face, ouvrant ses yeux pour fixer Julian qui semble complètement perdu au vu de la situation. Il ne peut pas lui en vouloir. Incapable d’esquisser un quelconque sourire pour le rassurer, comme lui dicterait son attitude habituel, Mohamed passe une main sur son visage calmement. I’m probably the last person you wana see, but I just… I couldn't think about anyone else but you. Il laisse retomber son bras contre son corps, avant que cette même main ne se pose fébrilement sur l’intérieur de son coude. Ses doigts touchent nerveusement la cicatrice ancrée alors qu’il réfléchi un instant avant de reprendre. I promise you won’t hear about me after tomorrow. I’ll disapear from your life so I won't be more trouble to you but… Il inspire profondément tout en se mordant nerveusement la lèvre avant de croiser le regard de Julian.

… Can you help me just for tonight, one last time ?

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@Mohamed Sayah, @Terrence Esposito, @Sasha De Lorenzi & Julian Miller

En un instant, tous les doutes, toutes les peurs que Julian avait tenté de repousser pour le moment, jugeant la situation très peu appropriée pour être jaloux, se déversent sur lui. Qui est ce « il » dont parle Mohamed et qui l’a mis à la porte ? He kicked me out. Sa voix est franche et stable, elle ne tremble pas, n’exprime rien d’autre que l’absence totale de sentiments mais Julian n’est pas dupe, pour la simple et bonne raison que son esprit utilise exactement la même technique pour lui éviter l’effondrement. S’il montre sa peine, c’est terminé. Le danseur s'est relevé de son siège sur les toilettes pour se planter dans l’encadrement de la porte, ne sachant que faire de ses bras qu’il finit par croiser sur sa poitrine avant de s’appuyer contre le bois. Ses yeux se sont baissés. Il sait combien il est oppressant d’être fixé dans des moments pareils, alors qu’on aimerait juste disparaître. Il s’en veut d’être jaloux à ce moment-là. Pourtant, il ne peut s’empêcher d’imaginer Mohamed dans les bras d’un autre, d’une figure floue sur laquelle il est incapable de placer un visage, et cette vision lui fait un mal de chien. S’il avait un homme, pourquoi était-il venu se réfugier dans ses bras à lui, cette nuit-là ? Pourquoi avait-il toujours répondu à ses avances, même de manière encore plus exubérante ? Ce type avait-il découvert que Mohamed l’avait trompé ? Soudain, une nouvelle peur lui tord les entrailles, la peur que son mec — son ex visiblement — ait suivi Mohamed et sache exactement où il vit, la peur de le voir débarquer ici. Julian n’a jamais été un grand bagarreur. En fait, il était très souvent celui qui se faisait casser le nez.

Mais le français semblait avoir besoin d’être soutenu et rassuré ce soir et c’était un rôle que Julian endossait beaucoup plus facilement, même si ça le faisait parfois passer pour le mec trop bon trop con de l’histoire. Un peu trop souvent d’ailleurs. Cette fois encore, il ne rechigne pas à mettre tous ces sentiments négatifs de côté en voyant l’état lamentable du jeune garçon. L’américain reste silencieux un long moment, tandis que l’autre semble lentement reprendre ses esprits, ou du moins essayer. L’entendre lui dire qu’il n’a pensé à personne d’autre qu’à lui pour l’aider devrait être une pensée réconfortante, preuve que même inconsciemment, il compte pour Mohamed, qu’il a réussi à poser sa pierre à l’édifice du jeune homme mais lui aussi est incapable de sourire. Il est tenté de s’approcher pour le prendre dans ses bras mais ses jambes ne répondent pas aux ordres de son cerveau. Alors il se résigne à rester planter là comme un gardon. It’s not like that, Mohamed. You seemed to need help so… Il est partagé. Mohamed n’a pas tort, en un sens. Il en a assez d’être pris pour un imbécile, assez qu’on joue avec ses sentiments. Pour le garçon, il a l’impression de n’être qu’un jouet, qu’il prend quand il en a envie et jette au moment où il se lasse. Lors de cette nuit folle qu’ils ont passé ensemble, et même le lendemain, il avait l’impression d’exister à ses yeux, d’être un être humain avec des sentiments, mais rapidement, il n’est redevenu qu’un jouet laissé de côté quand l’enfant trouve de nouvelles occupations. Puis, à nouveau, dans les coulisses de l’émission, l’enfant a retrouvé un bref intérêt pour son jouet avant de le délaisser de nouveau dans un coin de sa chambre. Stop that. Stop putting yourself down. Malgré tout, le jouet ne peut s’empêcher de tendre l’autre joue.

Leurs regards se croisent enfin et Julian a l’impression de reprendre forme humaine. Il se décolle enfin de l’encadrement de la porte et délie ses bras avant de se décaler pour laisser la sortie libre. Yeah, of course I’ll help you. But you gotta explain what’s happening first. Il n’a même pas tenté de résister ou de faire le malin en demandant à l’âme en peine pourquoi il l’aiderait alors que Mohamed n’a fait que le rejeter pour l’attirer à nouveau à lui ensuite et le repousser ensuite. Il ne cherche même plus à comprendre la nature humaine. Come on. Make yourself at home. I’ll get some tea ready. It’ll warm you up. Bien que n’ayant jamais été anglais et n’ayant jamais prétendu l’être, s’il y a bien une chose qu’il aime dans leur culture, c’est le thé. Il pourrait en boire des litres par jour si ça ne l’empêchait pas de dormir. Ce soir-là, ce n’est pas un drame. Ils ne dormiront pas de si tôt, se dit-il, car Mohamed semble avoir besoin de parler. Regagnant sa cuisine, il met l’eau à chauffer dans la théière et plonge la main dans le placard au-dessus de l’évier pour en sortir sa boite à thé où des dizaines de sortes de thés sont entreposés et attendent bien sagement d’être bus.

Néanmoins, une question lui trotte dans la tête tandis qu’il tente de la formuler pour ne pas avoir l’air d’un simple homme jaloux sans raison. Il ne veut pas non plus braquer le garçon. Tandis que celui-ci s’installe où bon lui semble, Julian garde le dos tourné. Who kicked you out? demande-t-il alors sans préambule, se disant que de toute façon, Mohamed devait se douter qu’il allait poser la question, ne serait-ce que pour comprendre la situation. Et alors qu’il pose la question, une autre évidence s’impose à son esprit et il comprend enfin ce que Mohamed sous-entend lorsqu’il lui a demandé son aide, une dernière fois. Aller récupérer ses affaires chez son ex. Alors qu’un air révolté s’affiche sur son visage, il fixe obstinément le mur quelques instants et prend une grande inspiration le temps de reprendre ses esprits. Malgré toute la colère que lui inspire cette pensée, il ne pourra refuser si c’est réellement ce que le français compte lui demander. Il baisse alors les yeux vers la bouilloire qui s’est éteinte et l’empoigne. L’eau s’écoule dans les tasses et forme des tourbillons de plus en plus ambrés qui l’absorbent suffisamment pour le calmer lorsqu’il se concentre dessus.

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♫ NF - Paralyzed || Ruelle - Madness

Il peut entendre son cœur faire vibrer ses tympans, tellement la colère qui gronde au fond de lui commence à consumer le peu de raison qu’il lui reste. Mohamed rêve de disparaître de ce pays qui n’apporte que déception après déception. Bien sûr qu’il extrapole pour le moment. Son arrivée à New York est avant tout un cadeau de dieu. Retrouver Sasha, représenter la marque de Moussa aux côtés de Dianeba, savoir que Red va probablement le rejoindre… Et puis rencontrer Julian. S’il n’était pas dans un état second, Mohamed pourrait relativiser, mais son esprit est empli d’une rage qu’il tente d’analyser afin de ne pas commettre l’irréparable.

Il ne dit mot à la tentative de Julian pour essayer de prendre sa défense. Il ne veut pas se battre contre lui, parce qu’il ne serait qu’une victime collatérale de cette colère. Le blesser n’a jamais été son intention. Mohamed pensait beaucoup au danseur. Beaucoup trop pour que cette relation ne soit quelque chose de sain. De par cette attitude auto destructrice, Momo sait que le mal sera cent fois pire s’il tente de se lier davantage à lui… Il lui est arrivé de vouloir le préserver, jusqu’à ce que sa raison soit emportée par ces pulsions qui le caractérisaient tant. Ce soir en est un bon exemple. Pourquoi diable s’était-il tourné vers lui et pas quelqu’un d’autre ? Peut-être essayait-il de se persuader qu’en ce bas monde, il aura toujours une place auprès d’une âme chaleureuse.

Mais devoir rendre des comptes à Julian ne l’enchante pas. Il se refuse toujours à se livrer entièrement auprès du garçon. Sentant l’hostilité croître au fond de son cœur à défaut d’avoir un bouclier pour se protéger, Mohamed laisse retomber son bras. Il saisit ensuite la serviette entre ses doigts pour prétendre finir d’essuyer son corps encore humide. Une chance pour lui que l’Américain quitte la pièce pour aller préparer du thé, lui permettant de laisser tomber le morceau de tissus au sol. Pensif pendant quelques longues secondes, le garçon finira par enfiler silencieusement les vêtements de Julian.

Désormais debout dans l’encadrement de la porte, ses bras se sont naturellement croisés le long de son corps tandis que ses yeux se posent doucement sur le dos de Julian. Il croit s’attendrir quelques instants en l’observant préparer le thé. Make yourself at home. C’est probablement pour ça qu’il est ici, parce qu’il s’y sent en sécurité… Que l’ambiance chaleureuse, que Julian lui donne la force d’affronter la suite. Si seulement Mohamed était capable de le remercier comme il se doit. Tel un fantôme, il fait un pas en avant, glisse dans l’espace discrètement. Sale habitude qui ne le quitte plus depuis petit.

Who kicked you out? Son cœur se serre dans sa poitrine alors qu’il n’est qu’à quelques centimètres de Julian, dans son dos. Non. Il ne veut pas parler de ça, ni même devoir répondre à un interrogatoire. Pas maintenant. A bien y réfléchir, ce n’est jamais le moment pour Mohamed. Lèvres entre les dents, il ne répond pas tout de suite, cherchant un moyen de retenir une quelconque réplique qu’il regrettera. Lorsque la douleur se fait ressentir, signe qu’il a pincé bien trop fort, c’est bien trop tôt encore pour qu’il ait eu le temps de mesurer le ton employé. Le bras qu’il tendait vers Julian afin de poser une main sur son épaule retombe contre son corps.

Stop. Don’t.

Première fois qu'il s'exprime aussi sèchement avec son amant. Il baisse la tête en soupirant. C’est trop tard pour lui. S’il en était capable, il attraperait Julian pour lui dire de ne pas lui poser de question… Mais Mohamed, désormais prit au piège dans cette boucle infernale, ne peut qu’attaquer. S’il n’est pas totalement en colère pour le moment, Julian peut clairement entendre l’agacement lorsqu’il ouvre à nouveau la bouche. You don’t know me. You don’t know anything about me. Intérieurement, son cœur lui crie de s’arrêter, mais il ne peut pas. Mohamed a besoin d’un punchingball et, malgré qu’il tente d’éviter plus de dégâts, les mots se déversent avec impertinence. Stop worrying about me, you’re making things more difficult for me. Ses mains se portent à son visage qu’il frotte nerveusement en levant les yeux au ciel. I don’t need you worrying about me. I’m fine ! En tout cas, c’est ce qu’il aimerait croire.

Ses talons pivotent afin qu’il puisse abandonner la cuisine et s’éloigner de Julian pour éviter d’autres pots cassés. Sur la route qui le mène au canapé, il ne peut s’empêcher de souffler simplement. I’ll find a solution for tommorrow. Don’t worry. Le silence laisse l’opportunité à Julian d’entendre ces mots douloureux. Une fois devant la table basse, Mohamed s’assoit sur le sofa le visage fermé, sourcils froncés. Ses yeux se perdent sur le bordel posé devant lui tandis qu’il accoude ses bras sur ses genoux pour tenir son front entre ses paumes encore froide. I just need your help to go get my stuff back tonight. That’s all I need. Son cœur va venir fracasser sa cage thoracique s’il ne se calme pas. Soupire n'apaise en rien son état...

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♫ Ruelle — Until We Go Down

What? Julian se retourne à ce moment-là pour se rendre compte que ce qu’il ressentait de si étrangement apaisant, c’était la présence de Mohamed bien plus proche de lui qu’il le pensait. Il semblait même sur le point de faire un geste mais le danseur n’arrive pas à le décrypter. Tout ce qu’il voit, c’est un français dépité qui a un mouvement de recul face à lui et lui crache une amertume tirée d’il ne sait où au visage, prétendant qu’ils ne se connaissent pas, comme si la question de Julian l’avait offensé, comme si elle avait été beaucoup trop entreprenante alors que c’était bel et bien lui qui lui avait dit s’être fait jeté à la porte. N’était-il pas en droit de demander ce qu’il s’était passé, compte tenu que Mohamed lui avait demandé à passer la nuit chez lui ? Apparemment pas. Oh, really, I don’t know you now? Is that what it all came down to? Même s’il se contente de murmurer en se frottant le visage à l’aide de ses deux mains, Julian se raisonne. Il pourrait aussi choisir de ne pas lui poser de questions du tout. Mohamed est, finalement, parfaitement en droit de refuser d’y répondre. Well, sorry. You’re fine. I get it. Il ne l’aide pas vraiment, le Momo. Le cœur au bord des lèvres, Julian aimerait lui dire de cesser d’insister, de cesser de le repousser le plus loin possible comme s’il n’était qu’un petit parasite dérangeant.

Néanmoins, lorsque son amant se détourne de lui pour se diriger vers le canapé, Julian ne peut s’empêcher de le suivre du regard. C’est fou cet effet d’attraction qu’il a sur lui, ce gamin, l’air de rien. Un peu plus et il le suivait jusqu’au salon, abandonnant son thé en train d’infuser. Cependant, il ne fait pas un geste pour le rejoindre pour le moment et reste sur ses positions dans la cuisine — comme si cela les séparait d’une distance suffisante. You don’t need me worrying about you but you need my help… Okay. Il lève les yeux au ciel cette fois, incapable de s’en empêcher. Si, dans un tout autre contexte, il pourrait admirer l’insolence et la témérité de Mohamed, ce n’est pas le cas actuellement et le jeune homme fait tout ce qui est en son pouvoir pour rester le plus calme possible, même s’il ne peut empêcher les petites piques amères qui s’échappent sans qu’il fasse quoi que ce soit pour les retenir. Mais Julian est incapable d’être égoïste. Il sait que quoi qu’il advienne, il aidera Mohamed. Et il sait très bien que le lendemain matin, il lui dira de rester jusqu’à ce qu’il se trouve un appartement digne de ce nom. Bien que son studio soit petit, ils sont suffisamment à l’aise l’un avec l’autre pour dormir dans le même lit — et même faire tout autre chose que dormir — et ne se soucient ainsi pas de se marcher dessus.

Enfin, après quelques secondes de flottement, Julian tourne brièvement le torse vers le comptoir de sa cuisine pour attraper la hanse du mug brûlant. Le thé a bien infusé et s’en dégage alors une odeur chaude et enivrante. Here, drink it, lui intime-t-il alors qu’il dépose la tasse devant Mohamed, sur la table basse. Il ne le regarde pas et retourne chercher sa propre tasse à la cuisine avant de parcourir le salon à nouveau et s’asseoir sur son fauteuil rouge. Mais au lieu de s’asseoir comme tout le monde, il pose ses deux pieds nus sur le fauteuil et s’assoit enfin, les genoux contre le torse, comme une palissade de derrière laquelle il pense pouvoir observer le garçon sans danger. We’ll go once you’re feeling warmer. Where is it we’re going to fetch your stuff? À peine a-t-il posé sa question qu’il se doute que Mohamed n’y répondra pas. Il trouvera probablement ça intrusif et prétextera que Julian s’inquiète pour lui pour ne pas y répondre. Pourtant, à la grande surprise de l’américain, Mohamed lui répond sans rechigner. L’Upper East Side. C’est vague, mais c’est mieux que rien, se dit le danseur qui vient à peine de comprendre que s’il refusait de lui dire où ils allaient, ils ne risquaient pas d’y arriver. Alright. Un soupire lui échappe.

Durant les minutes qui suivent, Julian reste silencieux et a baissé les yeux sur sa tasse de thé fumant entre ses mains. Il boit petit à petit, se souciant peu de s’il aura ou non terminé avant qu’ils doivent partir. Toutes ses pensées sont focalisées sur Mohamed. Lorsqu’il est entré dans la salle de bain et l’a vu presque nu, la première chose qu’il a fait a été de s’assurer qu’il n’avait aucun bleu suspect sur le corps. Alors à présent, il lui jette de brefs coups d’œil de temps à autre pour s’assurer qu’il n’a besoin de rien, et patiente. Il patiente jusqu’à ce que le bruit que fait la tasse qui se repose sur la table basse soit un bruit de céramique vide puis se lève de son fauteuil. Il délaisse son propre mug de thé sur la table et s’achemine vers son armoire d’où il tire deux vestes suffisamment chaudes pour la saison. L’hiver est rude à New York, encore plus en pleine nuit quand il pleut. Il s’habille d’abord puis revient vers le canapé avec l’autre veste à la main et la jette sur Mohamed. Put this on, ordonne-t-il d’une voix un peu plus froide que la normale. Ce n’est qu’une fois l’ordre donné qu’il se rend compte qu’il n’a pas à être aussi dur avec le jeune garçon, sans vouloir comprendre qu’il n’a fait qu’attiser sa mauvaise humeur, et s’éclaircit la gorge. Come on. Let’s get this over with. En un rien de temps, Julian a passé ses chaussures et attrapé tout ce dont il aurait besoin. Ses clés de la maison, ses clés de voiture et son téléphone, rien de plus. Passant une main dans les boucles de ses cheveux, il attend Mohamed près de la porte d’entrée mais n’est toujours pas décidé à affronter son regard.

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Mohamed Sayah, @Terrence Esposito, @Sasha De Lorenzi & @Julian Miller

♫ DEAN – Howlin’404

Mohamed s’oblige à garder les yeux rivés sur le National Geographics devant ses yeux, refusant d’avoir à affronter le regard de Julian. Il n’a pas besoin de lever la tête pour sentir ses deux pupilles fixées sur lui. Ses mains n’attrapent pas tout de suite la tasse posée sur la petite table. Bien que l’odeur qui en émane soit agréable, le garçon s’attends à aller vomir s’il tente d’avaler quoique ce soit. Son Tacos n’est pas passé, il le sent encore coincé au milieu de sa gorge. Profitant du silence pour rassembler ses pensées et faire le point et privilégie avant tout l’inventaire de ses affaires. Il n’y en a pas des masses, mais il se refuse à laisser ne serait-ce qu’une chaussette orpheline. Plongé dans sa réflexion, ses mains glissent sur son visage pour se porter à sa bouche. Ses dents mordent nerveusement ses cuticules avant qu’il ne finisse par coincer l’ongle de son pouce entre ses canines. Après de longues minutes semblables à l’éternité, Mohamed se risque à attraper le mug devant lui de sa main libre. Il tente, courageusement, de boire une serait-ce qu’une gorgée, mais n’y parvient pas. Le liquide passe difficilement, c’est pourquoi la tasse retourne rapidement à sa place d’origine. I’ll finish this later. This won’t take long anyway. Sa voix est rauque, encore pensive. Julian démarre au quart de tour et se lève du fauteuil dans lequel il s’était réfugié le temps de boire son thé. Momo se permet néanmoins de lever la tête, pour accompagner ce dernier du regard, espérant croiser ses yeux maintenant qu’il s’est un peu apaisé. Mais non. Julian prend soin de bien l’éviter, lui et son air de chien battu. Il est en colère et a toutes les raisons de l’être. Inspirant profondément, Mohamed a le temps de voir le sweat voler en sa direction et le réceptionne.

Mer -- Put this on --ci. Sa voix s’évanoui juste à temps, avant de se briser, en entendant le ton employé par Julian. Ça lui fait mal, pas autant que Sasha, mais la douleur est indescriptible. Mohamed ne peut s’empêcher de fixer le danseur. Le pincement au cœur manque de faire rugir la bête au fond de lui. Putain, mais s’il ne veut pas l’aider, il n’a qu’à pas le faire ! Alors pourquoi est-ce qu’il s’acharne autant sur lui ? C’est de sa faute à Momo ? Peut-être que c’est lui le problème au final, et pas les autres. Préférant abandonner cette vision qu’il a de Julian, en colère contre lui, il vient de nouveau regarder ce foutu magazine qu’il a bien envie de feuilleter. A nouveau, le gamin respire longuement et se lève, frottant ses yeux brûlant d’une frustration qu’il tente de camoufler.

Il s’exécute, comme un petit soldat le Momo. Une fois le pull enfilé, il se dirige automatiquement vers la salle de bain pour récupérer les clés de l’appartement, son paquet de cigarette et son portefeuille dans l’une des poches de sa veste. Après s’être assuré que ses chaussures n’étaient pas inondées, le gamin les enfile en un éclair et emboîte le pas de Julian en silence. Affrontant temporairement la pluie pour rejoindre le véhicule, Mohamed sort son téléphone portable pour lancer son GPS et indiquer l’adresse exacte afin de simplifier la tâche au danseur. Ni musique, ni échange de paroles, le voyage n’est pas des plus festif. Les yeux rivés vers l’extérieur, le français n’a cessé de lutter contre l’angoisse grandissante sur le chemin.

We’re here. Souffle-t-il en reconnaissant le building un peu plus loin. Here where ? Mohamed plante ses dents sur sa lèvre supérieure en entendant le ton employé par Julian. Il lui faut beaucoup de sang-froid pour ne pas tout envoyer valser à cet instant, mais il parvient malgré tout à ne pas relever. Just here. You can park here… I guess. Il tend la main pour pointer l’immeuble.

La voiture désormais stationnée, Momo n’a pas hâte de sortir, et pourtant, malgré ses doigts tremblants, il parvient à s’extirper du véhicule. Bien déterminé à en finir avec cette histoire et cette pétasse, Mohamed prend la tête rapidement pour ouvrir la première porte du hall. Il tient du bout des doigts cette dernière jusqu’à ce que Julian se décide enfin à le rejoindre, puis tout deux s’avancent vers l’ascenseur dans un silence de mort. Dans la cabine, le français appuie sur le bouton du dernier étage d’un doigt toujours aussi tremblant que dans la voiture. Lorsque les portes se referment sur eux, il s’adosse sur le mur du fond et baisse la tête. Ses yeux se posent sur l’une des mains de Julian qu’il regarde avec tristesse, incapable de la saisir pour se rassurer… Mohamed décide alors de se rabattre sur une cigarette qu’il allume sans scrupule.

Clope au bec, les portes s’ouvrent devant eux et Mohamed passe devant Julian pour le guider. Il n’a pas un long chemin à faire, le couloir n’étant pas particulièrement long. Une fois devant la porte de Sasha, il cherche ses clés, coinçant sa cigarette entre ses lèvres. Pas besoin de préciser au bouclé qu’ils sont arrivés, Mohamed est déjà en train d’essayer de mettre la clé dans la serrure pour ouvrir. En tout cas, essayer. Malgré toute sa bonne volonté, son esprit l’empêche de viser juste. Ses mains n’aident vraiment pas, à croire que les tremblements se sont intensifiés en arrivant devant la porte.

Il ne tient que quelques secondes, à lutter pour ouvrir la porte, manquant de faire tomber les clés à deux reprises. Nerveusement, il parvient à attraper sa cigarette avant qu’elle ne tombe lorsqu’il jure en français. Putain de merde nique ta mère la pute ! Perdant définitivement le peu de patience qui lui restait, Mohamed ne peut s’empêcher de mettre un coup de pied de frustration dans cet obstacle qui lui semble insurmontable. Épuisé, son front vient s’appuyer contre la porte. I can’t. Murmure t-il en laissant retomber contre son corps le bras qui tient ces fichues clés. I fucking can’t open that fucking door.

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Le voyage se fait en silence. Ni Julian, ni Mohamed n’a réellement envie de parler. La pluie tombe en rideaux torrentiels et les essuie-glaces de sa voiture ont presque du mal à suivre la cadence pour leur dégager la vue. Malgré la tension à couper au couteau, Julian ne peut s’empêcher de glisser doucement une main sur le genou de Mohamed et d’y donner une douce pression pour lui montrer qu’il est là, que quoi qu’il arrive, il ne le laissera pas tomber. Comme si accepter le jeune homme chez lui en pleine nuit et le reconduire dans son ancien chez lui n’était pas une preuve suffisante. Here where ? demande-t-il dans un aboiement car le français l’a brusquement extirpé de ses pensées, lui faisant réaliser qu’ils longent enfin Central Park. Aucune autre indication jusqu’à ce qu’il se décide enfin de lui indiquer approximativement où se garer. Aucune coopération quand il est en colère, ce gamin. Ainsi, Julian se gare sans beaucoup d’effort au coin de la rue qu’il lui a indiqué, à moitié sur le trottoir. Mais à peine a-t-il coupé le moteur de la voiture, très peu étonné que Mohamed ne lui fasse aucun commentaire sur la manière dont il est garé, que le français s’est rué dehors. Hey! Obligé de se précipiter à sa suite, il verrouille sa voiture et le suit jusque sous le porche en quatrième vitesse, toujours sans savoir où il les a amenés. I know you’re in a hurry but does he even know you’re coming back? demande-t-il sans même se douter de qui il peut bien parler. Apparemment oui, lui assure le français. Il se contente d’un grognement en réponse qui ponctue le silence qui les entoure dans l’ascenseur.

Il baisse les yeux, observant le sol puis la main de Mohamed si proche de la sienne, suffisamment peut-être pour qu’il puisse tendre le bras et la tenir. Quelque chose le retient, il ne sait pas quoi. Il ne comprend pas. Il réfléchit trop, cherche trop à comprendre et à analyser au lieu d’intimer à son cerveau de se taire et de le laisser prendre les commandes. Lorsqu’il y parvient enfin, c’est trop tard. Mohamed a déjà retiré sa main pour s’allumer une cigarette, annihilant ainsi toute possibilité de lui prendre la main. Il ne fait pas de commentaire sur le petit cylindre qu’il a allumé contre toute règle et toute attente. Peu lui importe. Il n’est pas chez lui. Et Mohamed ne semble pas d’humeur à recevoir le moindre commentaire de la sorte. Le danseur se contente de s’appuyer contre le miroir de l’ascenseur et lève la tête jusqu’à voir les chiffres qui indiquent les étages. Ils montent jusqu’au sixième et s’arrêtent. Le dernier étage. Le pallier est aussi luxueux que le hall d’entrée et que l’ascenseur. Dans les yeux de Julian, s’il les regardait à ce moment-là, Mohamed pourrait y lire de l’incompréhension totale. Alors il vit là, l’ex de Mohamed ? se dit-il avec une pointe de jalousie tandis qu’il le suit d’un pas un peu trainant jusqu’à la porte. Jusque-là, il ne sait pas trop quoi en penser. Il reste un peu en retrait, mains dans les poches tandis que le jeune garçon se débat avec ses clés. La porte est une lourde double porte en bois, probablement blindée en plus de ça, la rendant complètement infranchissable à quiconque n’ayant pas un exemplaire des clés. Putain de merde nique ta mère la pute ! Julian se rapproche et pose une main dans le dos de Mohamed. Ssh, hey. Sa main remonte jusqu’à sa nuque. Il profite d’avoir les doigts gelés par le froid de New York pour les coller sur sa peau, sachant pertinemment que le froid a tendance à apaiser les gens qui s’énervent. I fucking can’t open that fucking door. Un petit sourire triste étire ses lèvres. Il prend doucement le français par les épaules pour l’écarter de la porte. Let me do it. Lui qui s’attendait à devoir batailler pour ouvrir la porte – qui sait, peut-être que le verrou était un peu rouillé et que c’était ce qui l’empêchait d’ouvrir – mais non. La serrure cède facilement. La porte s’ouvre.

Julian se retourne vers Mohamed et lui rend les clés. There. Il ne fait pas le moindre commentaire. Pas le moindre jugement dans ses yeux. Il sait que le jeune garçon a les mains qui tremblent, probablement d’énervement, de nervosité et de tristesse. Peu importe les blagues qui pourraient lui venir, elles n’aideraient en rien la situation. Il se contente de le laisser entrer, trainant un peu à sa suite, comme si le destin le retenait d’entrer trop vite. Son regard divague, lentement mais sûrement, vers le parpaing de la réalité qui s’approche tel un train à grande vitesse, et croise le nom inscrit sous la sonnette de l’appartement. Sasha De Lorenzi. Il lui faut quelques secondes pour que l’information monte réellement au cerveau et qu’il assimile ce nom à la grande drag queen aux jambes interminables pour qui il a chorégraphié tout un spectacle. Ses yeux s’écarquillent. Il prend une grande inspiration tandis que la panique croît en lui. God fucking dammit. Une partie de lui est néanmoins soulagée. Il n’est pas chez l’ex de Mohamed qui s’est depuis longtemps engouffré dans l’appartement sans que Julian le remarque. Ils sont chez Ivy. Et puis, il s’imagine la colère de la grande dame si elle les découvre chez eux. Son cœur rate un battement. Wait a… C’est à ce moment-là qu’il comprend que son amant est déjà loin, perdu à l’intérieur. Mohamed! Wait! s’exclame-t-il en courant à sa suite, fermant la porte derrière eux.

Il n’a pas de mal à retrouver le jeune homme. Il n’y a qu’à suivre la lumière. Débarquant dans le salon comme un dératé, il ne manque pas de remarquer que ses affaires sont éparpillées un peu partout dans cette pièce. Why are we at Sasha’s!? demande-t-il. Is that where you lived? Il n’arrive pas à en croire ses yeux. Se tenant dans l’encadrement de la porte entre le salon et le hall, il lui faut quelques secondes pour entrer et aider le garçon à rassembler tous ses biens. Il n’y en a pas beaucoup, constate-t-il intérieurement avec un brin de tristesse. C’est un bruit étrange qui lui fait lever la tête. Le bruit de clés qui tournent et bute dans une serrure déjà ouverte. Fuck.

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♫ DEAN – Howlin’404

Lorsque la porte s’ouvre, c’est comme si le passage de la caverne d’Ali Baba s’ouvrait devant Mohamed. Incapable d’adresser un regard à Julian pour le remercier d’avoir pris les devants pour l’aider à affronter son angoisse, il coince à nouveau sa cigarette entre ses lèvres pour prendre sa bouffée de nicotine salvatrice. Après avoir recraché la fumée âpre, Mohamed fonce automatiquement vers le salon. Il n’a qu’une idée en tête ; attraper le peu de vêtements qu’il a, son ordinateur portable et toute autre babiole qu’il a pu emmener ici au fur et à mesure. Peu importe si Edouard, le chat de Sasha, s’enfuit, peu importe s’il met de la cendre par terre. Le plus vite ce sera fait, mieux ce sera pour son esprit tourmenté.

Déjà occupé à attraper son sac de sport, il entend Julian s’animer derrière lui sans pour autant relever. Pas le temps. Sasha n’est pas là, c’est une aubaine pour lui. La majorité de ses affaires sont dans le salon, préférant vivre au cœur même de l’appartement. Les chambres isolées, ça n’a jamais été sa tasse de thé. Sur le canapé qui lui sert de lit, Momo met la main sur des t-shirt qu’il met en boule dans son sac. Quand Julian le rejoint dans la pièce, il relève néanmoins la tête pour l’observer, lui et sa tête d’ahuri. What ? Mohamed se redresse, écrasant sa cigarette dans le cendrier posé sur la table basse. Yes. Dit-il simplement, pressé d’en finir. Si Sasha n’est pas là, elle peut rentrer à tout moment. Mohamed n’a pas le temps de regarder Julian. Il est trop concentré à garder son sang-froid pour regrouper ses affaires le plus vite possible. Ses mains tremblantes n’aident pas vraiment à rester calme – au contraire, perdre ses moyens l’agace au plus haut point. Tandis qu’il attrape son ordinateur qu’il met à l’arrache au fond du sac, par-dessus les affaires qu’il a récupérées, un bruit au fond du couloir lui fait lever la tête, en même temps que Julian.

Fuck. Automatiquement, il pose une main sa tête sous le désespoir. Son cœur va lui arracher la poitrine. Sa respiration s’accélère. Elle n’est pas encore rentrée qu’il fait quelques pas à gauche et à droite, comme un lion en cage. D’un rapide coup d’œil, Mohamed regarde les alentours. Il y a encore quelques-unes de ses affaires, mais il ne veut pas rester là.

Julian. Les regards se croisent. Il ne peut plus cacher son inquiétude à ce pauvre garçon, et pourtant, si sa voix tremblante l’a appelé un peu trop brutalement à l’instant, Mohamed sait qu’il ne pourra pas lui en vouloir pour cette fois. Il lève la main pour pointer quelque chose derrière le danseur. Give me my jacket, we are leaving. Right now. Un ordre soufflé d'une voix étranglée, comme si une bombe allait exploser d’ici quelques minutes. Ses mots sont appuyés par le bruit de la fermeture éclair qui vient fermer le sac brutalement. Il n’entend pas la porte s’ouvrir. Empoignant ce dernier fermement,

Mohamed fait quelque pas rapide pour rejoindre Julian, cherchant un moyen de rejoindre rapidement la seule présence rassurante dans cet environnement désormais hostile. Néanmoins, le français s’arrête en chemin lorsqu’il aperçoit la silhouette de Sasha dans le couloir. Aussitôt, ses sourcils se froncent et ses doigts se resserrent sur son sac à défaut de pouvoir tenir la main du danseur. Merde. Murmure-t-il assez bas pour que seul Julian puisse entendre. Il n’est clairement pas prêt à l’affronter et sens déjà ses nerfs exploser à la simple vision de son meilleur ami – ou plutôt, ex meilleur ami.

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♫ INTO THE SHADOWS – Maybe I'm the Monster

Comme pour égaler l’humeur de la grande dame, il pleut averse. Des pluies torrentielles qui se déversent sur New York, la faisant se sentir encore plus oppressée et plus fautive encore qu’avant. Recroquevillée sur le siège passage de la voiture de son amant, elle triture nerveusement le téléphone entre ses mains. Elle gonfle sa poitrine d’air – on dit souvent qu’en cas d’angoisse, la meilleure solution est de respirer profondément et d’expirer toutes les angoisses – puis expire longuement et attend. Comme d’habitude, ça ne fonctionne pas. Alors elle laisse s’échapper un soupire tremblottant. I shouldn’t have reacted like that. It’s all my fault, Terrence. A tout bien y réfléchir, il n’y a pas de doute. Tout est de sa faute. Ebranlée par tous les évènements récents, la situation avec Terrence qui, bien que positive, change un quotidien de célibataire auquel elle s’est habituée toute sa vie, l’émission The Artist qui ne lui a pas apporté que de bons retours, les rumeurs sur elle et Sofia, Mohamed et Terrence. La dispute avec son meilleur ami, la goutte qui a fait déborder le vase. De nervosité, elle fait craquer ses phalanges, incapable de comprendre pourquoi elle est si bouleversée de devoir retourner chez elle mais bien vite, l’explication s’impose à son esprit. Parce qu’elle craint d’y revoir les affaires de Mohamed et de s’effondrer à l’idée de ne plus le revoir, ce qu’elle a réussi à éviter pour l’instant.

Mais dans un élan de colère retrouvée, elle doit se retenir de donner un coup de genou dans la boite à gants. I couldn’t stand to see this bitch criticize him and just wanted to defend him. Why couldn’t I just act happy for him when he showed me this stupid picture? grogne-t-elle amèrement. And why did he have to be such a fucking asshole about it anyway!? Like sure, go make friends with the enemy, right. Go make friends with that one bitch who said you had no talent. Seven billion people on the planet and he chooses to befriend her? Fuck off. Y a-t-il une pointe de jalousie dans la voix de Sasha ? Est-ce la peur d’être remplacée dans le cœur de Mohamed, d’être détrônée de son rang de meilleure amie pour une petite pétasse ? Probablement, mais c’est quelque chose que la grande dame doit encore s’avouer à elle-même et qu’elle n’est pas prête à admettre à qui que ce soit. After all we’ve been through together! He’s lived with me for almost one fucking year! After all of that, do you know what he dared tell me? Elle s’est tournée vers Terrence comme s’il connaissait la réponse à sa question rhétorique. Lorsqu’elle est arrivée chez lui, elle n’a pas pris le temps de lui montrer les messages échangés avec son meilleur ami et est simplement tombée dans ses bras rassurants avant qu’il lui propose de rester quelques jours ici pour ne pas avoir à rester seule dans ce grand appartement vide. Mais elle ne pouvait pas simplement déserter sans récupérer son chat et ils s’étaient mis en route. Ainsi, Terrence n’avait pas connaissance des vraies paroles qui avaient été échangées entre Mohamed et elle. That I’ll have forgotten him in… what did he say? Five years? Forgotten! Can you believe this!? A nouveau prise d’un excès de rage, elle serre les poings mais ne bouge pas. Rien à frapper, rien à casser ici. Alors, la seule chose qu’elle peut faire, c’est hausser le ton et rugir : I fucking hate this!

Ce n’est qu’avec ce cri qui lui tout à coup semblé ne pas lui appartenir qu’elle se reprend, ouvrant de gransd yeux exorbités. Sorry, amore… murmure-t-elle, enfouissant un bref instant son visage dans ses mains brûlantes dans l’espoir de se calmer. Dans son cœur, pas vraiment d’inquiétude. Il sait aussi bien qu’elle qu’il n’y est pour rien et que ce n’est pas réellement contre lui qu’elle est aussi furieuse. I just want all of this to stop, marmonne-t-elle d’une voix étouffée. Ses mains relâchent enfin son visage et l’une d’elle va timidement chercher celle de Terrence, qu’il repose sur le levier automatique de la voiture. Leurs doigts s’entrelacent lentement et elle pose la main précieuse qu’elle tient alors sur sa cuisse pour l’envelopper de l’autre et prévenir ainsi une nouvelle éruption de fureur. Elle change de position sur le siège pour se tourner un peu plus vers l’homme assis à ses côtés. Le reste du trajet se passe en silence et il est long, le voyage entre le centre du Queens et l’Upper East Side de Manhattan, laissant largement le temps à la grande dame de se rendre compte à quel point les mondes dont ils viennent tous les deux sont différents, mais ce n’est pas pour lui déplaire. Même si elle gardera probablement toujours son côté bourgeois, digne de la reine des glaces, un petit dépaysement ne la dérange pas. Tant qu’il est à ses côtés. Tentant de se distraire, elle tend une main, celle qui couvrait celle du garçon, pour caresser sa joue brièvement alors qu’ils sont arrêtés à un feu rouge. Elle tente par tous les moyens de se calmer avant d’arriver chez elle. Lorsqu’ils arrivent devant chez elle, elle lui indique un trottoir où se garer rapidement.

Sasha ne sait plus vraiment si elle lui a demandé de monter avec elle ou s’il a pris cette décision tout seul. Tout ce qu’elle sait, c’est que sa présence est un élément rassurant dans son monde chaotique et qu’elle en a terriblement besoin, surtout en ce moment. La montée dans l’ascenseur lui parait interminable si bien qu’elle se retrouve automatiquement accrochée à la main apaisante de Terrence. S’il n’a pas nécessairement les mains rugueuses, Sasha trouve malgré tout un certain confort à sentir les quelques callosités sur ses paumes, comme si ça le rendait plus réel – sans parler de sa force de sportif qu’elle ne manque pas de sentir lorsqu’il a ses mains posées sur elle. Son esprit qui vagabonde calme un instant son anxiété jusqu’à ce que le « ding » de l’ascenseur arrivant à son étage retentisse et envoie un sursaut secouer tout son corps. Son angoisse est grandissante et, à présent, elle n’y trouve plus d’explications. Devant le palier de sa porte, elle est obligée de lâcher la main de Terrence pour chercher ses clés dans les poches de son long trenchcoat et déverrouiller la porte. Elle insère la clé dans la serrure, la tourne, et fronce les sourcils en entendant le loquet buter si vite contre la résistance. … Did I forget to lock the door? marmonne-t-elle pour elle-même. Avant même de pousser la porte, elle se tourne vers Terrence pour lui adresser un petit sourire nerveux. Thank God we came back. Elle n’ose même pas imaginer le désastre si quelqu’un était entré chez elle. Son pauvre Edouard. Et toute sa garde-robe et ses milliers de dollars de valeur ! Rien que d’y penser, elle en aurait presque des vertiges.

Ed— what the fuck? Figée dans l’entrée, elle fixe d’un regard interdit la porte du salon grande ouverte et de la lumière émanant de celui-ci. Son cœur rate un battement et lorsqu’il reprend, bat la chamade. Elle a encore la main sur la porte mais Terrence a pu s’avancer également dans l’entrée si bien que lorsqu’elle fait un pas en arrière, c’est contre lui qu’elle se cogne. Terrence, there’s someone in here... chuchote-t-elle. Malgré sa stature plutôt fine, la grande dame n’a jamais eu peur de devoir encaisser les coups et les mettre ainsi, elle n’hésite pas une seule seconde à foncer jusqu’au salon, traversant le couloir à grandes enjambées. Elle passe sans crainte la porte ouverte et se fige, glacée jusqu’au sang, de la vision qu’elle y trouve. Mohamed et Julian plantée au milieu du salon. Julian tient la veste de Mohamed dans ses mains et la regarde comme un animal pris au piège. Quant à Mohamed, il a un sac dans les mains mais d’autres de ses affaires trainent encore sur le sol et sur le canapé du salon. What th— qu’est-ce que tu fous ici ? La rage et la haine sont revenues au galop. La grande dame voit rouge. Elle se tient devant leur seule issue de secours, tremblante de colère à l’encontre de son meilleur ami. Qu’est-ce que t’as pas compris quand je t’ai dit que je voulais plus voir ta gueule ? Les mots sortent sans qu’elle réussisse ou qu’elle cherche à les retenir. Trop tard pour faire machine arrière, le train est lancé à toute vitesse. Rends-moi les clés et casse-toi. Casse-toi de chez moi. Pars pas. Reste. Insiste.

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♫ Iron - Woodkids

Terrence n’aime pas les histoires, qu’elles soient de près ou de loin liées à lui. Pire encore, il déteste les dramas. Lorsqu’il a lu les messages de Sasha, il ne s’est pas posé de question… Mais maintenant, dans sa voiture en route pour l’appartement de la Drag Queen, il a largement le temps de réfléchir… Pour finalement réaliser qu’encore une fois, la Grande Dame bouscule sa routine quotidienne. Ce n’est pas que cela lui déplaît. Les soirées sont souvent longues et bourrées d’ennuie lorsqu’il est seul à la maison, sortir sous une pluie torrentielle ne le dérangerait pas en temps normal…

Si seulement il n’avait pas ce mauvais pressentiment depuis qu’ils avaient quitté l’appart.

S’il roulait difficilement à travers l’averse, c’est uniquement dans le but de sauver chat. Si on avait raconté ça au grand Terrenzio il y a quelques mois, jamais il n’y aurait cru, et pourtant… Il était là, assis au volant de sa bagnole, silencieux. Il n’a pas grand nombre de mots à dire. Ses sourcils soucieux trahissent son inquiétude, mais il ne vient pas chercher à contredire Sasha. Tandis qu’elle déverse toute cette frustration liée à cette histoire (qui le dépasse littéralement), il se permet par moment de tendre son bras pour poser sa main dans la nuque de Sasha, caressant doucement du bout des doigts sa peau afin d’apaiser sa colère. Par expérience, Terrence sait qu’il n’est pas question d’essayer d’argumenter lorsque Sasha est en colère. I just want all of this to stop. It will be over soon. I promise you, cara. We’ll be here in a minute. You can fix things between the two of you later.

La route, la pluie, les phares, les buildings, et toujours ce foutu pressentiment. Voiture garée sur le côté, il n’a pas l’intention de laisser Sasha s’occuper de ses affaires toute seule. En deux-deux, Terrenzio quitte sa voiture et rejoint rapidement sa moitié sous le porche. Leurs mains se trouvent rapidement dans la cage d’ascenseur sans qu’une seule voix ne vienne briser ce silence. Sasha semble rassembler ses esprits, tandis que Terrence, lui, se décompose petit à petit. L’odeur qui empli l’air, il la reconnait très bien. Il n’y a pas énormément de personne qui fume des Malboro dans son entourage, et surtout, il se souvient particulièrement de l’odeur de Mohamed depuis l’émission. L’odeur de tabac froid est encore assez forte pour que Terrence ne doute une seule seconde. Soit il est passé, soit il est encore là.

Il n’a pas la patience de réfléchir pour trouver une solution. Sasha ne voudra pas venir à un autre moment. Vu sa réaction dans la voiture, elle doit être encore en colère après son meilleur ami et, vu ce dont il se souvient – ce regard désespéré quand Julian l’avait embarqué de force – elle va le détruire. L’exploser. Le manger tout cru. Lorsque leurs mains se quittent, la sienne vient se poser nerveusement sur sa barbe… Et le jugement tombe. Mohamed est là.

Did I forget to lock the door? Il n’arrive pas à lui rendre son sourire. Même en faisant de son mieux, son inquiétude pèse tellement lourd … La porte grande ouverte, Sasha est entrée. Automatiquement, il emboite le pas, remarquant à son tour la lumière du salon allumée. I know. I will g— Sasha ! Wait ! Il tend son bras pour la rattraper, mais c’est trop tard. Elle est déjà dans la salle. Terrence ne l’a pas encore rejoint qu’il l’entend déjà aboyer des choses incompréhensibles en français. Les yeux au ciel, comme pour implorer l’aide du seigneur, l’italien est sur ses pas. Sa voix résonne à travers le couloir jusqu’à ce qu’il vienne se poser à côté d’elle, bloquant définitivement l’accès à la sortie. Sasha, calm down, this won’t fix anything.

Une main qui se veut rassurante se pose sur l’épaule de la Grande Dame. Les yeux de Terrence ne regarde qu’elle, rien qu’elle, mais Sasha, elle, ne voit que ce pauvre Mohamed en plein milieu de la salle. Il ne comprend pas les mots qu’elle peut cracher au visage du garçon, mais son visage déformé par la rage le pousse à observer les alentours. What are you two doing here ? Il insiste sur « two », en croisant enfin le regard de Julian, tétanisé devant la colère de Sasha. Il pourrait lever les yeux au ciel, n’y comprenant plus rien à leurs histoires d’adolescents, mais s’abstient de tout commentaire. Les doigts de Terrence vont pour se resserrer sur l’épaule de la Drag Queen, quand il perçoit un mouvement, aussi infime soit-il du coin de l’œil. Sa tête se tourne immédiatement pour fusiller du regard ledit concerné. Mohamed what are you thinking ?

Sasha ne l’aura probablement pas vu, aveuglée par sa colère, mais Terrence lui ne peut ignorer un mouvement aussi hostile. Automatiquement, cherchant à protéger la grande dame, il fait un pas en avant et fronce les sourcils. Ce mouvement de sac n’était pas anodin. Lui aussi a voulu balancer des trucs à la gueule de son père plus jeune, sauf que là, ce n’était pas son paternel la cible, mais bel et bien Sasha. Don’t even try man, I’m warning ya. Un doigt accusateur en direction du gamin. A bien le regarder, Terrenzio est particulièrement surpris de lire autant de rage et de confusion sur le visage de ce fanfaron. Sa réputation le précédant, jamais il n’aurait imaginé le voir manifester une telle rage. Est-ce les propos tenu par Ivy en français qui l’ont mis dans cet état ? Terrence doute et se souvient de ce putain de pressentiment qui ne l’avait pas quitté. Lorsque les yeux du garçon quittent enfin Sasha pour le dévisager lui, tout prend son sens. Ce n’était pas pour Mohamed qu’il s’inquiétait, mais bel et bien pour Sasha.

Il déteste ce regard que Mohamed pose sur lui, ce dégoût et cette haine tirée d’on ne sait où. Qu’en est-il des petites blagues idiotes et de son surnom lié aux escargots ? Sur ses gardes, il suit du regard le « petit » Momo qui vient se poster à côté de Julian sans pour autant décolérer. Il a l’air d’un lion en cage, un prédateur qui attend que sa proie montre le moindre signe de faiblesse pour bondir… Et toutes les faiblesses de Sasha sont regroupé dans cette pièce. Hey Julian, keep ya lil’ boyfriend on leash would ya. Lâche-t-il en désignant d’un mouvement de tête le français. Conscient que son commentaire ne plait pas au gamin, il ajoute toujours aussi agacé. Just look at ya ! Ya look like a fuckin' enraged wild animal. Chill out man !

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Tout va un peu trop vite pour que Julian, qui a été entrainé dans cette situation bien contre son gré, comprenne réellement ce qui arrive. Alors qu’ils étaient en train de rassembler les affaires du jeunes français, la porte de l’appartement de Sasha s’était rouverte – et il était bien sûr que ce n’était pas juste un courant d’air car, en voyant un chat au fond du couloir, il avait vite fait de claquer la porte pour que la bestiole ne s’échappe pas, et puis quel courant d’air tournerait des clés de toute façon ? -, lui arrachant un Mohamed, what’s happening? et une furie blonde avait déboulé dans le salon, les prenant tous les deux à partie, mais en particulier Mohamed. Julian, lui, s’était figé. Ses yeux vont de son amant à Sasha puis se posent sur Terrence qu’il reconnait de l’émission. Décidément. Il observe celui-ci d’un air perdu, comme le suppliant de lui expliquer ce qu’il se passe, parcouru par la nette impression qu’il est le seul à ne pas être au courant de la situation. Peut-être aurait-il dû insister auprès de Mohamed en venant pour savoir exactement ce qu’il s’était passé mais il avait bien trop peur d’envenimer la situation entre eux pour tenter sa chance. Une fois Sasha terminée avec ses vociférations dans ce qu’il a reconnu être du français, il remarque un mouvement à côté de la drag queen n’étant autre que Terrence qui fait un pas en avant.

C’est probablement pour la protéger, le jeune danseur s’en rendra compte plus tard, mais pour le moment, il le voit comme une agression et, inconsciemment, fait également un pas en avant pour se positionner devant Mohamed. Comme s’il faisait le poids face à Terrence. Une seule gifle de sa part et il partirait faire un aller-simple sur Mars. Woah there. Malgré tout, il est prêt à faire face à la bête, au cas où. Ses yeux ne décrochent pas de l’italien. Il n’aime pas le ton employé par celui-ci, le trouvant un peu trop provocateur et agressif. Try what? He wasn’t doing anything wrong. Julian n’a pas vu le début de mouvement de Mohamed et quand bien même il l’aurait vu, il aurait néanmoins essayé de le défendre, pensant toujours le jeune garçon incapable de toute violence, confiant, peut-être aveugle. Alors que le lion en cage vient se poster à côté de lui, par réflexe, Julian tend une main discrètement et attrape son poignet de manière un peu fébrile avant de laisser glisser ses doigts jusqu’à la main tremblante du français. Il lui jette un bref coup d’œil qui lui suffit amplement à comprendre qu’il se trompait sur toute la ligne.

A la moindre parole de travers de la part de Sasha ou Terrence, il était prêt à bondir et leur sauter à la gorge. Calm down. Ces mots ne s’adressent pas à Mohamed, bien que Julian ait toujours la tête tournée vers lui, mais bien à l’attention de Terrence qui a continué sur sa lancée provocatrice. Lentement, Julian tourne la tête vers lui. Pour qui se prend-t-il, ce grand gaillard, soudainement entré dans la vie de Mohamed et Sasha ? Il ne les connait pas, au même titre que lui, et se permet d’insulter Mohamed comme s’il le connaissait depuis dix ans. Shut the fuck up! Don’t talk about him like that. What the fuck does that make you anyway? Ses mots lui hérissent le poil de colère. Que Sasha et Mohamed se disputent, se hurlent dessus, peu lui importe. Cette embrouille ne regarde qu’eux. Ce qui l’insupporte le plus, c’est de voir Terrence s’en mêler, se conduisant en sauveur pour protéger Sasha qui n’a clairement pas besoin qu’on le protège. Ayant toujours eu le réflexe de fuir le conflit à tout prix, Julian voit ses habitudes changer avec la présence de Mohamed.

Mais cette fois, ils sont clairement en désavantage. Il n’est pas sûr de pouvoir protéger son compagnon contre la fureur du coach sportif. Ni de Sasha qui, mine de rien, pourrait les envoyer non pas sur Mars, mais au moins sur la Lune. Come on. D’un ton un peu plus froid, il s’exprime à l’attention de Mohamed et tire un coup sec sur sa main pour l’enjoindre à le suivre. Il compte bien passer à travers cette muraille, infranchissable ou non, qui leur barre l’issue de secours. We’re going. Ces mots à l’attention de Terrence ont pour but de lui sommer d’arrêter de provoquer Mohamed, de fermer sa gueule et de les laisser sortir. Mohamed, we’re fucking going.

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♫ Le boléro de Ravel

Peut-être espérait-il que Sasha ne lui en voudrait plus ? Qu’elle s’excuserait et que tout irait mieux entre eux. De tous les scénarios que Mohamed avait pu analyser entre l’appartement de Julian et celui de son meilleur ami, la scène qui se produit devant lui est probablement celle pour laquelle il était le plus préparé, mais sans pour autant l’être assez.

Le gamin est fou de rage d’entendre Sasha vociférer des paroles abjectes qui lui sont destinées. Chaque mot, chaque phrase a l’effet d’un couteau qu’elle enfonce un peu plus dans son dos, passant un peu plus au rouleau compresseur son cœur encore fragilisé. Il ne dit mot, le Mohamed, même lorsque c’est l’homme escargot qui apparaît à sa suite, cherchant à raisonner l’hystérique, mais cela rallume un peu plus la colère qui gronde au fond de Mohamed. Ce n’est pas de la jalousie à proprement parler, juste de la déception de se sentir jeté comme une vieille chaussette maintenant que ce mec a pris une place dans la vie de Sasha… cela dit, il ne lui porte aucune attention, ne semblant entendre que les paroles de la grande dame qui lui bloque l’accès vers la sortie avec son chien de garde. Rends-moi les clés et casse-toi. Casse-toi de chez moi. Les deux se regardent en chien de faïence, mais aucun des deux ne semble vouloir prendre l’initiative de franchir ce point de non-retour. Momo et Sasha sont probablement terrifié à l’idée de ne plus s’adresser la parole. Il s’abstient de lâcher un mot, ce mot de trop, qu’il pourra regretter. Ce qui le fait alors réagir, c’est Terrence, qui le ramène à la réalité. Julian. What are you two doing here ?

Julian est là, entraîner dans cette histoire, entraîner dans ce chaos qui entoure Mohamed. Si Sasha est capable de l’abandonner pour ce type, alors il n’aura pas de regrets à tirer Julian de cette situation. Il n’a rien demandé. Hors de question qu’il subisse davantage.

Un vague mouvement. Il bouge l’épaule, car le sac le gène, si bien qu’il le soulève un peu brutalement dans l’idée de sortir les clés de sa poche. Mohamed what are you thinking ? Le gamin fronce les sourcils. De quoi il parle ce mec sur ce ton ? Momo a le temps de voir Terrence faire un pas vers lui, menaçant… Mais surtout, il voit Julian. Il voit Julian, en première ligne, prêt à faire face à ce gros malabar. Terrence fera de la purée de Brocoli du danseur. Mohamed lui hurle intérieurement de se reculer, de ne pas s’en mêler, mais la peur et l’inquiétude se mêle alors à cette rage. Ses doigts se délient, laissant tomber le sac au sol, sans se soucier de casser son matériel.

Why do you care, slug-boy ? Les mots s’échappent tandis que le Momo se redresse, défiant le Coach du regard. Il se met le doigt dans l’œil s’il pense pouvoir intimider le français. Personne dans cette pièce, pas même Sasha, n’a une seule idée de la violence dont il peut faire preuve dans ses excès de rage. Il suffit d’une étincelle pour que tout explose ce soir. Si Julian tente de calmer le jeu en prenant sa défense, Mohamed lui repart aussitôt au front. Tremblant un peu plus chaque seconde qui passe, les doigts de son amant ne le calme pas pour autant. Au contraire, Mohamed s’avance, dépasse Julian sans pour autant rompre ce lien qui semble le canaliser pour le moment. Il n’a que faire d’abandonner ses affaires au sol dans le seul but de défier ce type sorti de nulle part. Watcha gonna do big boy ? You think you scare me ? Et il continue à déverser ses mots et son mépris alors qu’il ne sait rien de cette histoire. Plus les mots de déversent et plus son visage se déforme. L’incendie de la cathédrale de Notre Dame ? Ce n’est rien comparé à la catastrophe qui va arriver.

Qu’est-ce que t’as dit là ?! Shut the fuck up! Don’t talk about him like that. What the fuck does that make you anyway? Sa voix s’entremêle à celle du bouclé. Who the fuck do you think you are ? Le ton monte en crescendo, il se retient d’avancer davantage de peur que Julian soit contraint de rentrer dans le tas avec lui. Il pourra rien faire avec sa carrure de moustique. Mais la limite est franchie. Qu’on le compare à un chien ou un animal sauvage, c’est la meilleure des blagues de l’année si bien qu’il n’arrive même pas à en rire.

Come on. Don’t lecture me, you’re just a little toy for that son of a bitch ! Ses pieds restent encrés. Il n’entend pas Julian lui dire de partir la première fois, aveuglé par cette vision qu’il a de ces deux personnes face à lui. C’est seulement lorsque le garçon le tire vers la sortie qu’il comprend sa démarche et parvient à bouger de quelques centimètres. Tant pis pour son sac au sol. Tant pis pour son PC et ses affaires. Tant pis pour tout ça. Le plus important, c’est de rendre à Sasha la monnaie de sa pièce.

Après l’avoir ignoré depuis qu’ils s’étaient retrouvés, il se permet de planter ses yeux sur elle, comme deux poignards qu’il souhaite planter en plein dans son cœur. Les poings serrés, il ralenti néanmoins lorsqu’ils arrivent au niveau de son meilleur ami, obligeant presque Julian à se stopper net. Il la toise quelques secondes et avec un profond mépris lui crache ces paroles acerbes qui brûlaient ses lèvres depuis tout a l'heure. J’veux plus jamais voir vos sales races à toi et ton gigolo, vous pouvez bien aller vous faire foutre.

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♫ WOODKID – Run Boy Run

Contrairement à Terrence, Sasha connaît Mohamed sur le bout des doigts et c’est exactement pour cette raison qu’elle ne réagit pas quand il a un mouvement un peu brutal pour réajuster son sac sur le dos et sortir les clés qu’elle lui a demandées. Au contraire, elle est même soulagée qu’il obéisse aussi facilement. Elle s’attendait à des éclats de voix, des cris, mais rien de tout cela apparemment. Naïve.

Terrence lui passe devant, se postant devant elle tel un garde du corps et lève un doigt menaçant vers le petit. Une partie d’elle sait qu’elle pourra se sentir en sécurité avec Terrence, qu’il la défendra. Elle pourrait s’en sentir flattée si la situation le permettait. Mais pour le moment, tout ce qu’elle veut, c’est empêcher que la dispute en vienne aux poings. Julian tente désespérément de tirer Mohamed vers la sortie et c’est tout ce qu’elle voit. Il y a encore un espoir que tout se termine seulement par quelques éclats de voix. Elle s’approche de Terrence et pose une main sur son épaule pour l’empêcher d’avancer plus. Terrence, it’s fi- Avant qu’elle ait pu en dire plus, Mohamed renchérit. Son cœur dégringole dans sa poitrine. C’est la première fois qu’elle le voit ainsi, dans une telle colère et il lui fait peur. Elle a peur qu’il l’abandonne, que même si elle prend le temps de se calmer avant de revenir vers lui, il ne lui pardonnera jamais et rien ne sera plus comme avant. Pour l’instant, elle tente de garder son calme de peur de le perdre et de dire quelque chose qu’elle regretterait par la suite. Malheureusement pour Terrence et Julian, les deux se parlent beaucoup plus en français qu’en anglais, ainsi, même sa moitié ne sera pas capable de l’empêcher de cracher son venin.

Lorsqu’à nouveau Mohamed s’en prend à Terrence, elle fronce les sourcils, lui lançant un regard furieux sans comprendre. Pourquoi s’en prendre à lui ? Il ne lui a rien fait. C’était elle, rien qu’elle. What the fuck!? Elle ne sait même plus quoi lui répondre, choquée par la véhémence dont il fait preuve alors qu’elle n’en a pas vu le quart. Mohamed, qui est toujours souriant et prêt à déconner, est complètement transformé. Elle ne l’a jamais vu comme ça et aurait voulu de ne jamais le voir. Tandis que Julian se démène pour désamorcer la situation, elle ne sait plus quoi faire, dépassée par tout ce qu’il se passe. Stop it! All of you! Sa tentative de les faire taire échoue lamentablement car tout le monde parle en même temps. Elle tient toujours fermement la main de Terrence dans la sienne et se rapproche de lui. Tout ce qu’elle entend, ce sont les vociférations de Mohamed qui font comme des coups de couteau, non pas dans son dos mais dans son cœur. Il s’en prend à Terrence comme s’il était responsable de leurs différends alors qu’il devrait être en train de se défouler sur elle pour passer sa colère. Elle aurait toléré tout. Tout sauf qu’il s’en prenne à un innocent. Just take him away, Julian. Take him away before we all do something we regret, souffle-t-elle à l’attention du danseur avec un regard implorant. Pitié, arrête-le. Son cœur bat la chamade dans sa poitrine.

Elle les regarde s’avancer vers Terrence et elle dans le but de les contourner pour partir avec un soulagement qu’elle n’arrive pas à cacher. La situation est encore rattrapable. Elle ne craint pas d’être capable de revenir vers Mohamed plus tard, quand les esprits se seront apaisés. Le voir partir, après avoir vécu un an avec lui, est douloureux mais pour l’instant il vaut mieux pour tous les deux qu’ils passent du temps séparément. Sa respiration cesse lentement alors qu’elle la retient lorsque le français, son meilleur ami, s’arrête pour lui faire face pour prononcer les mots les plus blessants qu’il aurait pu lui dire en partant. Sasha voit rouge. La grande dame, de toute sa hauteur, sort de ses gonds. Elle s’échappe de l’emprise de Terrence qui aurait pu vouloir la rattraper et, en quelques pas, elle est face à son adversaire. Les deux mains sur la poitrine, elle le pousse en arrière. Ça fait un an que je t’héberge ! Une putain d’année que je me fais du souci pour toi constamment et c’est comme ça que tu me remercies !? Elle a explosé, la Grande Dame, et ne contrôle plus ce qu’elle lui dit. Ou plutôt ce qu’elle lui rugit. Fuck you! I’m done!

Du coin de l’œil, elle remarque la carrure imposante de Terrence qui apparait dans son champ de vision. Cette fois, il est face à elle, visiblement non pas pour la retenir mais pour la calmer. Cependant, il est trop tard pour cela. Il a continué à s’attaquer à un innocent, il a poussé sa patience dans les recoins les plus sombres et elle n’a eu d’autre choix que se rebeller. Maintenant, tu peux aller dormir sous un pont, je m’en fous ! Elle voit très clairement le visage de Mohamed se déformer de rage. Elle en est consciente. Un mot de plus et tout sera fini. Terrence l’observe avec ce regard, le même que tout à l’heure, qui la supplie d’arrêter avant de regretter ses paroles sans pouvoir les retenir. Il se tourne vers Mohamed mais reste devant elle, toujours protecteur, formant une barrière humaine face à elle qui ne laissera passer personne. Elle sait qu’il ne laissera plus personne lui faire du mal. Jamais. Et c’est peut-être cette prise de conscience qui lui donne une confiance dès lors extrêmement mal placée. Elle se redresse de toute sa hauteur, prenant ainsi son meilleur ami de haut, physiquement et métaphoriquement. Sasha ne s’est jamais comportée ainsi avec lui. Elle ne l’a jamais dénigré, jamais sérieusement. Un sourcil haussé, le visage fermé, elle semble s’être calmée. Va crever, putain de SDF. Elle ne crie plus. Sa voix est calme, froide, sans émotion lorsqu’elle lui parle. Tout ça pour une putain de photo. Tout ça pour une petite conne que Mohamed ne reverra sans doute jamais.

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♫ Ruelle - Hold your breath

Il ne dit rien le Terrence, parce que Sasha lui fait comprendre que ça ira. Il a peut-être l’air d’un malabar à côté de la Drag Queen, mais la comparaison ne le dérange pas pour le moins du monde. Ce n’est pas de sa faute s’il ne peut s’empêcher de voler au secours de Sasha. C’est comme une vocation qui le pousse à veiller sur elle, et ce depuis qu’ils se sont rencontrés un beau matin à sa salle. Intérieurement, Terrenzio se dit qu’il faudra probablement qu’il s’excuse plus tard d’avoir été aussi virulent, auprès des deux garçons mais également auprès de Sasha elle-même… L’ambiance ici est tellement électrique, qu’une fois additionné à ce pressentiment de désastre en approche, le Coach ne peut que s’inquiéter de la suite.

Ce n’est pas comme la dispute avec Sasha. Il n’a pas besoin de rester trop longtemps en colère en voyant le gamin totalement désorienté face à lui. Quelque chose lui dit que Julian est là pour le canaliser, le retenir, tout comme lui est là pour éviter à Sasha de commettre quelque chose d’irréparable… Il la connait, la Sasha en colère et quoi qu’elle dise ou fasse, Terrenzio sait que la colère manifestée dans la voiture plus tôt n’était qu’un avant-goût de ce qu’elle pouvait manifester… Et ce, même à l’égard de son meilleur ami.

Stop it! All of you! S’il est le jouet de Sasha, alors qu’il en soit ainsi. Si Sasha lui demande de ne pas continuer, il s’exécute. La mâchoire du sportif se crispe d’une légère frustration à l’idée de laisser cet insolent insulter ouvertement sa moitié. Ce n’est pas déclarer forfait pour l’Italien, mais bel et bien faire preuve de maturité en sachant rester sa place comme l’adulte qu’il est. Après tout, n’est-il pas le plus âgé dans cet appartement ? Qui plus est, cette histoire ne le concerne en rien, en tous cas, pas directement.

Quelque peu soulagé de voir les deux garçons décidés à partir, Terrence pose alors les yeux sur le sac du gamin. Il s’imagine probablement que Mohamed ne tentera pas le diable. Qu’il part la queue entre les jambes en oubliant ses affaires. Terrenzio se dit même que ce sac sera un prétexte à donner à Sasha pour qu’ils parlent à cœur ouvert plus tard. Grossière erreur. En baissant sa garde, il n’a pas assez tendu l’oreille pour anticiper l’orage. Il ne comprend pas un seul mot de français et donc ne comprend que trop tard que Mohamed venait de réveiller la furie qui grondait au fond de Sasha. Son cœur qui s’était calmé fait un bon en sentant les doigts de la Drag Queen lui échapper.

Il voudrait la retenir, mais c’est trop tard. Elle le pousse, avec force, repoussant son meilleur ami qui titube. Ses mots se déversent avec une telle puissance qui prend aux tripes le jeune Français. Afin de retenir la grande dame, il vient se placer en face d’elle, cherchant à capter son attention sans la quitter des yeux… Mais Sasha voit rouge. Sasha ne voit que Mohamed. Sasha ne répond pas aux signaux qu’il tente de lui envoyer, elle préfère envoyer tout valser maintenant qu’elle est poussée dans ses retranchements. Elle parle vite, trop vite, il comprend deux mots en français, un peu d’anglais sorti de nulle part. Et Mohamed ne dit mot. Aucun mot ne sort de sa bouche, si bien que ce silence inquiète bien plus le Coach, qui pivote immédiatement pour regarder le gamin acculé.

Terrence ne sait pas ce qu’elle a pût dire, mais connaissant l’oiseau (et par expérience) il sait qu’elle a tapé dans le mille. Il va craquer. Il est a deux doigts de lui sauter à la gorge, mais il y a encore une once de raison qui semble le retenir. Automatiquement, Terrence a glissé un peu plus devant Sasha, guettant la moindre réaction du gamin. L’italien est calme et a laissé sa frustration de côté, car ce qu’il voit, c’est surtout un gamin prêt à bondir quitte à se blesser.

Va crever, putain de SDF.

Et il bondit. Il saute, remonté sur des ressorts, prêt à arracher les yeux à sa moitié. Si Julian semble vouloir retenir le français par les bras, Terrence lui est contraint de le retenir avec son bras, bloquant son cou. L’explosion de rage est tellement forte que même le sportif peine à le retenir. Stop -- Dit-il, cherchant à le ramener à la raison. Cette fois, sa voix est plus douce, ne lui ordonne rien qui puisse le contrarier davantage. Mais il n’entend rien. A défaut de trouver une quelconque solution dans l’immédiat, l’italien parvient à passer dans le dos du gamin.

Enough Mohamed ! S’écrit-il en redoublant d’effort pour l’éloigner de Sasha avant de le repousser vers le canapé. Se faire jeter de la sorte semble le refroidir quelques instants. S’il est inquiet pour le gamin, il l’est autant plus pour Sasha qui doit probablement être choqué de cette réaction. Rien ne prévoyait qu’il réagirait au quart de tour… Les yeux écarquillés, il se tourne rapidement vers le bouclé. Sa voix est beaucoup moins hostile que plus tôt. Julian, please try to reason him before he – Il sursaute lorsqu’il entend un bruit qui l’oblige à tourner la tête pour regarder le garçon qui n’était plus debout devant le canapé, mais devant l’écran plat dans lequel il vient de mettre un coup de pied. A défaut de pouvoir rouer de coups Sasha, le garçon semble bien décidé à saccager l’appartement pour faire passer ses nerfs en hurlant des choses incompréhensibles en français.

Ce n’est pas son combat. Il lâche pour l’instant l’affaire avec le Momo et vient reprendre place près de Sasha. Pour l’instant, il ne la prend pas dans ses bras, préférant rester sur ses gardes si jamais le gosse décide de lui foncer à nouveau dessus, mais une main se pose sur son épaule. Ses doigts se veulent rassurant, tandis que leurs yeux se trouvent. Sasha ... cosa stavi pensando? Loin d’être une reproche, ces paroles soufflées avec douceur laissent éclater l’inquiétude de Terrence envers sa bienaimée. Elle le regrettera tôt ou tard, mais ça, il ne sait pas encore quand.

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Lorsqu’il sent une résistance dans la main qui tient le jeune homme, Julian s’arrête et se retourne. Mohamed s’est arrêté pour faire face à Sasha. Il ne lui faut pas bien longtemps pour comprendre que ce n’était pas l’idée du siècle. Il tente de lancer des regards désolés à l’attention de Sasha et Terrence mais ça ne changera rien à ce que disait le français. Il ne comprend rien, d’ailleurs. Pas un seul mot à part gigolo et, sachant très bien à qui ce mot s’adresse, il sait déjà que ça n’augure rien de bon. Alors il insiste encore une fois, d’une voix forte et décidée mais c’était sous-estimé à quel point Mohamed pouvait se montrer borné et sourd quand ça l’arrangeait. Au même titre que l’autre danseur, il est trop lent à retenir Sasha qui a déjà poussé son ami – ancien ami à priori, vu l’ampleur de la dispute – en arrière avec une telle force que Mohamed recule suffisamment pour que leurs mains se séparent. Sasha vide son sac. Ils ressemblent à deux animaux blessés et terrifiés qui ne savent qu’utiliser la violence pour se protéger. Terrence et lui tentent de la raisonner mais rien n’y fait. Ils se sont tous les deux retrouvés au milieu d’un combat qui n’est pas le leur et sont à présent forcés d’y prendre parti.

Quelques pas vers Mohamed lui permettent de rattraper sa main pour l’aider à se stabiliser. Il le fixe lui mais le français ne regarde que Sasha. Hey, come on, let’s go. Posant sa main sur l’autre bras du garçon, il tente de le tirer vers la porte, en vain. Mohamed est comme ancré au sol. Il ne bouge pas. C’est le calme avant la tempête. D’ailleurs, il peut sentir tout le corps du jeune homme se tendre et ses doigts se resserrer lentement sur sa main.

Va crever, putain de SDF.

Comme d’un même élan, Julian et Terrence se ruent sur Mohamed pour le retenir car, comme un prédateur, il a bondi en avant, prêt à rouer Sasha de coups. Derrière lui, le danseur a passé ses bras sous ses aisselles et le retient comme un catcheur. Néanmoins, il n’a pas autant de force que son collègue danseur sans qui il n’aurait jamais pu retenir la bête sauvage. Calm down! s’écrie-t-il en essayant de le tirer en arrière. Il a bien compris que si Sasha ne pourrait pas physiquement blesser Mohamed, ses petits coups n’étant que de piètres démonstrations de force, ce n’était pas le cas de ce dernier. Lui, il en serait parfaitement capable. S’ils l’avaient relâché à ce moment-là, ils auraient probablement dû appeler une ambulance pour la drag queen. Avec l’aide de Terrence, ils arrivent à le repousser vers le canapé, d’un même mouvement. L’éloigner de Sasha le plus possible, c’est leur première mission. Mohamed, just calm down! Listen to me! Il s’est posté devant le garçon mais est distrait par Terrence qui, ayant perdu toute son agressivité d’un peu plus tôt, le supplie de faire quelque chose. Mais faire quoi ? Comment le calmer quand il est dans cet état ? C’est à ce moment-là que Julian se rend compte qu’il ne connait pas si bien Mohamed – pas encore, il l’espère – et qu’il est incapable de savoir exactement comment le calmer. A cet instant précis, personne ne le sait. Même Sasha, qui le connait depuis bien plus longtemps, ne le sait pas car elle ne l’a jamais vu dans un état pareil. Néanmoins, il hoche la tête avec très peu de confiance apparente.

C’est un bruit derrière lui qui lui fait faire volte-face. En voyant Mohamed qui s’écarte de l’écran plat qu’il a défoncé d’un coup de pied et qui tombe lamentablement au sol, Julian se précipite sur lui. Wait, no, no, no, no! Il rattrape de justesse la carcasse de la télévision pour la reposer sur le meuble puis se tourne vers Mohamed, qu’il attrape par les épaules. Mohamed, listen to me! Hey, listen! Une de ses mains se détache du bras qu’elle tenait et saisit son menton pour le forcer à lever les yeux et croiser son regard. Look at me. You need to calm down. It’s not worth it! One of you is going to get hurt and you’ll both regret it. Malheureusement, une petite voix lui hurle qu’il se trompe, qu’à ce moment-là, Mohamed ne regrettera pas de blesser Sasha et sautera littéralement sur l’occasion. S’il pouvait lui arracher les yeux, Julian sait qu’il le ferait sans la moindre hésitation. Néanmoins, il continue à le retenir prisonnier pour l’empêcher de provoquer plus de dégâts. Il lui a fallu du temps pour capter le regard du français car celui-ci se montrait fuyant, comme si une part de lui refusait de le regarder, ayant trop peur de voir l’inquiétude dans les yeux de l’américain et d’avoir à assumer ses conneries. Do me a favor. Fetch your bag and let’s go. Okay? L’emprise qu’il avait sur son menton s’est doucement relâchée mais sa main reste où elle est, tentant par la douceur de ses caresses, de ramener Mohamed à la raison. We’re going home, okay? We’re going home. Il ne sait pas pourquoi il insiste tant sur le fait de le ramener à la maison mais quelque chose d’inconscient en lui le guide et lui dit que, pour le moment, c’est ce que le garçon aimerait entendre.

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♫ Say Something - A great big world

Elle franchi la ligne sous la fureur, la Sasha. Elle franchi cette ligne avec les deux pieds dans le plat, sans même vraiment mesurer l’ampleur de ses mots. C’est lui la cause de ses tourments donc ? Les mots qu’elle lui lance, avec un culot démesuré, n’ont aucun sens pour le français. Au début, il est abasourdi, incapable de comprendre le problème dans l’idée de l’avoir hébergé. Après tout, c’est elle qui le lui avait proposé, alors pourquoi diable Sasha en fait une scène désormais ? Plus elle s’exprime, plus il comprend… Et ce qu’il traduit le rend fou de rage. De la pitié. C’était donc par pitié qu’elle lui avait proposé d’emménager ce matin-là ? Elle croyait faire quoi ? Endosser le rôle de Saint Maritain ? Chaque fois qu’elle le repousse, les doigts du gamin broient un peu plus ceux de Julian, cherchant un moyen de ne pas perdre face à elle. La grimace de dégoût qu’affiche son visage se déforme au fur et à mesure. C’est comme un automate pour lequel on remonte les rouages petit à petit…

Difficilement, Mohamed tente de garder la tête haute, sans la quitter des yeux. Il se refuse de lui donner satisfaction, pas ce soir. D’habitude, il s’excuse, fait son mea culpa, mais là, Sasha va trop loin. Beaucoup trop loin… Et il est le seul à remarquer ce changement d’attitude. Celui qui fait sauter les fusibles. Ce dédain dont elle fait preuve à son égard. Cette attitude qui le débecte et qui lui fait perdre les pédales. Sasha a beau être Sasha, la seule envie qu’il a, c’est de lui faire ravaler cette confiance qu’elle a en elle pour oser le toiser de la sorte.

Va crever, putain de SDF.

Et il se jette sur elle. Ou du moins, il essaie. Si seulement il pouvait lui coller une gifle afin qu’elle redescende sur terre celle-là ! Ses doigts la frôlent, atteignant de peu son nez. Mais impossible de l’atteindre. Pas avec Terrence qui a anticipé ses mouvements une nouvelle fois. Pas avec Julian qui tente de l’empêcher de commettre l’irréparable. Pas avec ce mouvement de recul que Sasha a, lui évitant d’être assommée par la violence dont il fait preuve. Les bras entravés, il se débat comme la bête sauvage à laquelle on l’avait comparé plus tôt. Plus rien ne compte. Ce qu’il souhaite, plus que tout, c’est de donner une correction à cette impertinente. Mais personne ne le laisse faire. Enragé, Mohamed n’est même plus en capacité de formuler une quelconque phrase pour leur ordonner de le lâcher.

Petit à petit, on l’éloigne de sa cible. Il grogne de frustration, jusqu’à ce que Terrence le jette sur le côté, le ramenant automatiquement au point de départ : le canapé. Sachant pertinemment que le Coach sera l’obstacle entre Sasha et lui, Mohamed fait volte-face et les plante. Il n’a qu’une envie ; déverser sa rage d’une quelconque manière. Ses yeux se posent sur l’écran de Sasha qui vaut une petite fortune. Il est essoufflé Mohamed. La rage le prend aux tripes. Incapable de rester en place, il se rapproche de l’objet d’un pas déterminé. Et ça tu t’en fou pas j’imagine ! Hurle-t-il avant de foutre un coup de pied tellement violent dans ce dernier qu’il fissure littéralement. Ce n’est pas suffisant. Il a besoin de plus. La voix de Julian ne l’atteint pas. Ce qu’il entend en boucle, c’est les paroles de Sasha. Jamais il ne lui pardonnera d’avoir osé remettre en cause son existence de la sorte. De tout envoyer valser maintenant qu’elle a un mec avec qui elle vie le parfait amour. Jamais il ne le lui pardonnera.

Alors que ses yeux cherchent autre chose à défoncer, Julian parvient enfin à le ramener. Pourquoi est-il encore là, à tenter de le raisonner ? Pourquoi ne se range-t-il pas du côté de Sasha ? Pourquoi est-ce que Julian, ce petit mec rencontré par hasard un soir, parvient à l’apaiser ? Do you have any idea of what he just… Julian, you don’t … understand. Tente-t-il de commencer avant de se raviser, contraint de parler à voix basse à cause de l’émotion qui brise ses cordes vocales. Mohamed voudrait pouvoir lui expliquer qu’il est déjà brisé, depuis bien des années, mais ce serait trop long a expliqué. Ce serait trop long et trop difficile à encaisser pour le danseur. La vie du français n’a toujours été que chaos et désordre, si bien qu’il ne peut se résigner à embarquer Julian avec lui. Pas Julian. Lorsqu’il parvient enfin à lever les yeux vers ce bout d’homme qui lui fait un bien fou, Mohamed ne parvient à cacher cette profonde tristesse. Ils devaient simplement récupérer ses affaires. Il n’avait pas à subir cette scène. ‘kay. Parvient-il a formuler pour répondre à la demande de Julian. Partir, chercher son sac. C’est pourtant simple non ? Toujours aussi tendu, le français pivote, faisant enfin face à Terrence et Sasha. A cet instant, il sait pertinemment qu’il ne doit pas les regarder, parce que le simple fait de sentir leurs yeux sur lui suffit à l’agacer. S’il s’assure que Sasha le regarde, il sait qu’il va exploser à nouveau… Mais Julian n’a pas besoin de ça. Alors qu’il veut tourner la tête pour regarder ce garçon, ses yeux sont attirés envers et contre tout par ceux de la Drag Queen.

Une seconde suffit. Et les plombs sautent à nouveau. La fureur se dégage à nouveau face à cette expression plus que méprisante, si bien que Mohamed tape dans la table basse cette fois. Vasy-y, fais moi la hagra ! J’t’ai jamais demandé de t’apitoyer sur mon sort ! Je t’ai même jamais rien demandé ! C’est toi qui m’a proposé de vivre chez toi j’te rappel, parce que t’étais SEUL ! Tu veux juste me jeter sale hypocrite de merde ! Plus ses mots se déversent, et plus il s’emporte. Ses genoux fléchissent afin qu’il puisse saisir la table basse qu’il renverse finalement sous la colère. S’il ne crie pas, Mohamed reste très virulent dans sa manière de s’exprimer ; une première pour Sasha, qui ne l’a jamais vu ainsi. Tu veux que je crève ? Mec, te fou pas d’ma gueule. Sur la tombe de mon père, t’as pas idée des choses que j’ai pu vivre, c’est pas être à la rue qui va m’achever. Sale pute va !

Alors qu’il vide son sac, il a fait quelques pas en avant, se rapprochant de Sasha sans pour autant la quitter des yeux. A son tour de la toiser, de lui manifester ce mépris bien mérité. En voyant Terrence faire un léger mouvement, il se contente de foutre un coup de pied dans un vase près du canapé.Derrière Ivy, y’a R, t’es sec, t’es vide. Y’a personne. Tu ferais mieux de descendre de ta scène pour observer un peu ce bas monde que tu méprises. Tu sais quoi ? Tu crèveras tout seul. Sa mâchoire se serre, s’obligeant à contrôler ces paroles et son débit pour ne pas finir par simplement l’insulter. Ce qu’il lui faut, c’est des mots aussi percutants que ses poings. Tu fais le bonhomme mais arrête de faire crari, si t’avais pas ton bodybuilder j’t’aurais éclaté la gueule. Immobile dans ce salon tout à coup silencieux, Mohamed se redresse à son tour, imitant la posture de Sasha. Sa voix reste modérée et pourtant, il marque bien ses mots cette fois afin qu’elle puisse bien comprendre à quel point il la déçoit, a quel point il est dégoûté, voir presque dégoûté d’avoir croisé un jour sa route. You’re like the rest of them. Dit-il avec dédain avant de cracher par terre. Comme les autres. Comme son oncle. Comme ces types qui pensent pouvoir abuser de sa bonne volonté. Comme tous ces salopards qui ont eu la malchance de croiser sa route. Ces gens qu’il méprise au plus haut point qu’il a classé dans une catégorie spécifique… Il vient d’ouvrir le placard pour y ranger Sasha.

Il croise les bras, tourne enfin à nouveau la tête vers Julian. A défaut de vouloir passer pour une bête enragée à ses yeux, pris à la gorge Mohamed se sent alors presque obligé de justifier la situation auprès de ce garçon qui ne parle pas français. Il se rapproche du bouclé calmement, bouillant de rage intérieurement. He gives and takes back as he pleases. He’s just throwing me away now that he has a better toy. Dit-il en tournant la tête vers Terrence qu’il désigne d’un mouvement de tête, sourire mauvais au bout des lèvres. Maybe he can’t see who Sasha truly is yet, but don’t worry, he will definitely see him as I see him now.

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♫ WOODKID – Run Boy Run

Au moment où les mots passent la barrière qu’elle croyait infranchissable de ses lèvres, Sasha regrette ses paroles. Non, elle ne s’en fout pas. Elle ne veut pas qu’il crève. Jamais. Elle n’a pas besoin de voir Mohamed tenter de se jeter sur elle pour la passer à tabac, elle n’a pas besoin de croiser le regard de Terrence ou de sentir sa main rassurante sur son épaule, ou même de l’entendre lui demander à quoi elle pensait. Elle n’a pas besoin de tout ça, elle sait déjà qu’elle vient de tirer un trait sur leur relation, mais d’un autre côté, ils ne se connaissaient pas si bien que ça. Alors peut-être leur amitié était-elle vouée à l’échec après tout. Lorsqu’il balance un coup de pied monumental dans l’écran plat, elle ne bronche pas, le regard dans le vide. Ce n’est que lorsqu’elle croise le regard empli d’inquiétude de Terrence qu’elle semble redescendre sur Terre. Elle cligne des yeux, les cils mouillés. I don’t know… murmure-t-elle, incapable de faire le moindre geste. Elle aimerait qu’il la prenne dans ses bras, la fasse sortir d’ici, l’emmène loin de tout ça, mais elle n’est pourtant même pas capable de faire le moindre geste. Respirer est devenu difficile, marcher et bouger, de véritables fardeaux, ainsi, elle serait simplement incapable de le lui demander.

Tout ce qu’elle peut faire, c’est regarder Mohamed donner d’abord un coup de pied dans la table basse sans avoir la moindre réaction. Elle ne réagit pas non plus quand il renverse la table et tout ce qu’elle avait laissé poser dessus. Ce qui fait mal, c’est de s’entendre dire qu’elle est seule. Certes, elle était seule. Avant de faire la connaissance de Terrence, elle se sentait désespérément seule mais ça n’avait rien à voir avec sa décision de le faire emménager chez eux par deux fois, même s’il est vrai qu’elle était bien soulagée d’avoir pris Mohamed avec elle, depuis Paris. Avec son meilleur ami, elle n’avait plus l’impression d’être seule et il pouvait dormir avec un toit sur la tête. Non, j’veux pas que tu- Momo, écoute-moi- Comment en sont-ils arrivés au point où Mohamed croit réellement qu’elle souhaite sa mort ? Au point où il est capable de la croire hypocrite et l’insulter de pute, de lui dire qu’elle est seule, qu’elle est vide ? Elle a mal au cœur, la grande dame, mais elle a aussi ce côté autodestructeur qui l’empêche de se retirer de la dispute, de prendre de la distance comme Terrence l’avait fait et comme il le faisait actuellement en ne prenant pas partie.

Le bruit du vase qui se brise, beaucoup plus proche, la fait sursauter et faire un pas en arrière tandis que l’italien s’est rapproché d’elle pour, à nouveau, se poster devant elle telle une forteresse. Sa main cherche celle de sa moitié avec l’énergie du désespoir et, lorsqu’elle la trouve, elle s’y accroche. Elle ne veut pas qu’il la défende. Hors de question qu’il prenne pour elle. Entendre Mohamed s’en prendre encore à lui la révolte. A nouveau, le feu gronde dangereusement en elle. Poussée dans ses retranchements, elle refuse de le laisser avoir le dernier mot. Il ne peut pas remporter la victoire pour une dispute dans laquelle elle ne comprend même pas ses torts. Laisse-le en dehors de ça, tu sais bien qu’il n’a rien fait. Viens me casser la gueule, si ça te fait tant envie. Mais dès lors qu’elle le voit se tourner vers Julian, elle sait d’avance qu’il ne le fera pas. Alors, elle-même se tourne vers Terrence, son visage se décomposant en une expression de tristesse infinie. Elle se rapproche de lui et tente de se blottir dans ses bras. Can we just take the cat and go? murmure-t-elle d’une voix basse. C’était sans compter son ouïe surdéveloppée quand il fallait entendre les choses qui lui feraient du mal. La voix de Mohamed est toujours forte, comme s’il voulait que Terrence et Sasha l’entendent.

A nouveau furieuse et révoltée, elle a quitté l’étreinte réconfortante de l’italien pour se tourner vers Mohamed, incapable de croire ce qu’elle a entendu de lui. That’s not true and you know it! You’re my best friend and I just wanted to protect you! You’ve never been a toy for me but you’re acting like a fucking asshole all the fucking time and now, you’re mad at me for kicking you out!? Comme s’il s’agissait d’un mécanisme de defense, elle a haussé le ton sans même s’en rendre compte, poings serrés de colère. Alors, encore une fois, elle crache sans hésitation sur la frontière avec les choses à ne pas dire. When I put you up in Paris, you were partying all the time or you were out God knows where, you only came home whenever you wanted to, no matter how worried I was for you! And don’t you dare tell me you didn’t ask me to worry about you! Don’t you fucking dare because that’s what friends are for! But all you cared about was partying or getting wasted and high with whatever you called your friends! Avant de quitter Paris, elle avait arrêté de compter les fois où Mohamed n’était pas rentré de la nuit et où, quand elle l’appelait, morte d’inquiétude, il lui disait simplement qu’il avait passé la nuit chez un inconnu. A chaque fois, elle sentait la colère et l’angoisse remonter en elle mais avait toujours tout fait pour ravaler ces sentiments. Il fallait bien que tout ressorte un jour où l’autre. Elle n’est plus qu’un volcan en éruption. And that time you were at Julian’s and you called me because you needed someone to get you out of here!? Did you forget about that time too!? Because I fucking remember driving down there for absolutely nothing only to drive back home because all of a sudden, you wanted to stay! A nouveau, elle a haussé la voix, se foutant royalement du voisin – qu’il aille au diable, celui-là. Elle aimerait se jeter sur Mohamed et lui coller des gifles pour lui faire réaliser à quel point elle tient à lui, que si elle se comportait ainsi avec lui, ce n’était pas par égoïsme, mais elle ne peut que crier : And you’re the toy, now!? Fuck you! You’re selfish, Mohamed! Fucking selfish!

Encore une fois, sa rage sembel s’apaiser alors qu’elle se redresse, lui faisant face. Elle a dépassé Terrence et il n’y a alors plus rien qui les sépare. And guess what, asshole? Terrence is not a toy or a bodyguard or whatever you want to call him. He’s my boyfriend and he's already been more supportive than you'll ever be.

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♫ Shurik'n - Samouraï

Parfois, acculé par les émotions, l’homme agit de manière particulièrement irréfléchie. Les âmes se trouvent rarement par hasardeux. Il ne peut nier que Mohamed et Sasha se sont rencontré parce qu’ils avaient tous deux étés brisés et que les deux retrouvaient en l’autre cette fragilité et force qui les caractérisait tant. Il sait pertinemment que sa moitié n’a aucune idée du pourquoi elle a pété les plombs – c’est une réaction naturelle, un mécanisme d’auto défense. Lo so… non ti preoccupare, sono qui per te… Non lascerò che ti faccia del male, okay ? Il tente d’esquisser un sourire pour la rassurer et vient se placer à coter d’elle. A défaut de pouvoir prendre Sasha dans ses bras pour le moment, Terrence passe doucement une main chaleureuse dans le bas de son dos. Il préfère rester face à l’adversaire que Julian tente de raisonner.

Et il y parvient. C’est un franc succès. Terrenzio est presque soulagé de voir les garçons s’apprêter à partir, jusqu’à ce que Mohamed se retourne. Il est nonchalant, si bien que l’italien sait très bien que cette satisfaction n’est que de courte durée. Il explose à nouveau en regardant simplement Sasha, parce que, même si leurs yeux se sont croisés, c’est bel et bien la Drag Queen qui lui fait sauter les plombs. Sourcils froncés, l’italien ne quitte pas Mohamed des yeux tandis qu’il vide à son tour son sac. Sa mâchoire se crispe de frustration de ne pas comprendre un traître mot de ce qu’il dit. La seule chose qu’il est en capacité d’assimiler, c’est que s’il n’était pas là, Sasha aurait été massacrée devant cet excès de violence. Sasha a beau essayer de le raisonner maintenant, c’est trop tard. Elle l’a perdu pour l’instant.

La table, puis le vase. A nouveau, le sportif fait un pas en avant pour le dissuader d’aller plus loin. Le dissuader de s’en prendre à la seule personne qui le connait réellement dans cette pièce. A défaut de pouvoir analyser ses paroles, Terrence se contente donc d’analyser ses gestes… Jusqu’à ce que Mohamed s’exprime en anglais. Bien qu’il reconnaisse ici une imitation grossière de l’attitude d’Ivy, Terrenzio ne peut s’empêcher d’arquer un sourcil en le voyant cracher au sol. De la colère, du dégoût. Bien. Cherchant à relativiser, il se dit que ça pourrait être pire. Voir le verre à moitié plein, drôle de philosophie de vie dans cette situation. Mais la tristesse qu’affiche Sasha lui fait mal au cœur. Il tente de refermer ses bras sur elle pour la rassurer, mais malheureusement, Terrence n’est pas encore prêt de partir. Devi recuperare le chiavi, Sasha…

Ses mains ont à peine le temps de passer dans son dos qu’elle lui échappe une nouvelle fois. Désespéré, il ne peut s’empêcher de lever les yeux au ciel, l’italien. Pourquoi diable cède-t-elle à toute ses provocations ? Il est tenté un instant de laisser les deux garçons se foutre sur la gueule, plutôt que de se cracher des injures. Dieu qu’il déteste ce genre de disputes incessantes. L’avantage, cette fois, c’est que Sasha s’exprime en anglais, si bien qu’il n’a pas de mal à comprendre le sujet de l’engueulade cette fois. A tour de rôle, il pose ses yeux sur Sasha, Mohamed et Julian, sur qui il ne manque pas de s’attarder un peu plus longtemps en constatant qu’il est aussi paumé que lui.

Terrence rêve d’attraper Sasha par le bras pour lui implorer de se taire. La ligne est déjà franchie depuis longtemps, il se font du mal simplement parce qu’aucun des deux n’accepte de se coucher devant l’autre. Critiquer son mode de vie, remettre en question sa relation avec Julian – et ce devant le principal intéressé… Tout ça ne plait pas à Mohamed, ça, l’italien peut clairement le voir sur le visage du gamin. Nerveusement, il porte l’une de ses mains sur son menton, plissant ses lèvres, cherchant l’issue à cette histoire.

Il n’empêche pas Sasha de s’avancer cette fois. Terrenzio reste en retrait pour le moment, toujours très attentif à la scène. Si jamais Mohamed veut sauter sur Sasha, il aura au moins l’occasion de la tirer derrière lui, sachant qu’elle n’est qu’à une distance de bras de lui.

And guess what, asshole? Terrence is not a toy or a bodyguard or whatever you want to call him. He’s my boyfriend and he's already been more supportive than you'll ever be.

Dans ce silence qui venait de s’installer, c’est un ricanement étouffé qui vient alors attirer l’attention sur le Coach. Surpris de ne pas avoir réussi à réprimer ce rire, sa main remonte sur son visage pour frotter ses yeux. Sorry. My bad. The bodyguard shit… That was really stupid from him. Did he really call me that when he was speaking french? Sa voix est basse, mais parfaitement audible pour les trois autres personnes dans la salle. Sa réflexion amusée a mis un froid à cet instant, interrompant la scène dramatique. Lorsque ses doigts libèrent enfin ses paupières, il secoue la tête avant de lever les yeux vers Mohamed. Une nouvelle fois, il ne peut s’empêcher de rire nerveusement quelques secondes avant de reprendre la parole. Of course, I’m her bodyguard, bro. If I cannot protect her, what is the point on building a relationship with her? Le retour du Terrence bienveillant et calme. Il en aura fallu du temps pour le calmer lui et ses nerfs – en tous cas, c’est l’impression qu’il donne. Il est figé sur l’instant, Mohamed. Bien. Au moins, Terrence est satisfait d’avoir cassé cette boucle de reproches sans fin. La main toujours présente sur ses joues vient alors glisser derrière son cou, manifestant un ennui particulier face à cette dispute. Oui, ça l’ennuie. Il ne comprend plus rien, ça ne le regarde pas et c’est complètement débile… Mais bon. Terrenzio soupire alors, pose ses yeux sur Julian puis Mohamed. Isn’t it what you were trying to do with Julian earlier? I can tell you were trying to be his shield a few minutes ago when you two were facing me. If not to protect, then why did ya step between us? Cette fois il s’avance, pose une main sur l’épaule de Sasha au passage. I got this. Il n’est pas très loin de Mohamed et Julian qu’il reprend alors tout aussi calmement, cherchant à être le moins agressif possible pour ne pas que le gamin reparte en vrille… Car, compte tenu de ce qu’il vient d’entendre, Mohamed est loin d’être quelqu’un de stable pour des raisons plus qu’obscures... Il est grand temps que quelqu'un agisse comme un adulte dans cette cours de récréation. Just give us the keys dude. This argument is total nonsenses …

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♫ bishop briggs - river

Julian n’aime pas les disputes. Personne ne les aime réellement, mais lui en particulier. Il n’aime pas s’énerver, pas se disputer, plutôt du genre à penser que parler est le meilleur moyen de résoudre les malentendus. Entendre Mohamed accuser Sasha de le laisser tomber comme une vieille chaussette le fait froncer les sourcils et poser une main rassurante sur le bras de son amant. Don’t say that, I’m sure it’s not about… murmure-t-il, comme s’il avait peur de donner son opinion à voix haute. Il veut soutenir Mohamed, vraiment, mais au point où ils en sont, tous deux vont trop loin. Terrence et lui semblent être les deux seules personnes encore douée d’un minimum de logique et d’humanité dans cette pièce, les deux seuls à tenter – vainement, certes, mais ce qui compte, c’est d’essayer – de raisonner les autres fous furieux. Jetant un coup d’œil entendu à Terrence, Julian se rapproche de Mohamed. Listen, I don’t think it’s a good idea to- Cette fois, à son plus grand désespoir, c’est Sasha qui l’interrompt alors qu’il commence sincèrement à se demander si quelqu’un le laissera finir une phrase sans le couper ou s’il va devoir s’énerver pour se faire entendre.

Heureusement – en quelque sorte – elle parle en anglais, cette fois, ce qui facilite la compréhension de tout le monde, en particulier des non-francophones. L’autre semble s’ennuyer comme un rat mort, d’ailleurs. Lorsqu’elle mentionne la première matinée que Julian et Mohamed ont passé ensemble, le premier ne réagit pas, ou à peine. Momo lui avait déjà tout expliqué de toute façon et ça ne l’avait pas gêné. Au contraire, il avait avoué faire pareil de toute façon. Ils ne s’attendaient pas à être destinés à être plus que de simples coups d’un soir l’un pour l’autre. Néanmoins, il capte le regard à la fois inquiet et honteux de son compagnon. Don’t worry, it’s fine. You told me about it anyway. Sa voix, bien que murmurant seulement ces mots, se veut aussi rassurante que possible.

Il voit bien la tentative de Terrence de désamorcer la situation en ricanant, en parlant plus calmement et en l’incluant dans son raisonnement. Il est vrai qu’un peu plus tôt, il lui avait semblé que le français était venu se poster devant lui dans un geste de protection. Il ne l’avait pas réalisé avant, trop confus par la situation générale mais à présent que l’italien le mentionne, il ressent une étrange sensation de bonheur qui ne convient pas du tout à la tournure des évènements. Pourtant, il ne se laisse pas distraire par ces pensées plus qu’agréables. Ce n’est pas le moment pour ça, se dit-il. Give them the keys and take your bag. It’s useless. De sa main qui tenait déjà celle de Mohamed, il donne une petite impulsion comme pour l’enjoindre à enfin récupérer ses affaires. Tout ce qu’il demande, c’est de partir, de quitter la dispute, pour pouvoir calmer le français à son aise et l’aider à y voir plus clair, d’une manière ou d’une autre. We’ll be better at home, come on. A nouveau, il tire sur sa main, mais Mohamed ne réagit pas. Il semble pourtant l’entendre mais ne l’écoute pas. Un soupire quitte longuement les lèvres du danseur qui ne sait plus comment faire pour retrouver l’attention du jeune garçon.

Et puis, c’est encore l’éruption, cette fois provoquée par Mohamed qui se déchaîne, acculé. Julian n’a pas le temps de réagir lorsqu’il repousse un peu brusquement Terrence mais la montagne de muscles ne bronche pas trop. Rien d’inquiétant. Plusieurs fois, il tentera de prendre la parole au milieu des cris de Mohamed, mais il est à chaque fois coupé dans son élan par le jeune homme qui renchérit toujours plus. Il finit par afficher la même expression ennuyée que Terrence mais, en plus, il commence lui aussi à fulminer. Il n’en peut plus de les entendre crier. A chaque fois que l’un met l’autre à terre, le second se relève et repousse le premier, comme deux armées qui se battent pour une frontière. Sauf qu’eux, ils sont ridicules. Il regarde d’un œil mécontent Mohamed qui sort son téléphone et comprend bien vite qu’il lit ou qu’il traduit des messages que Sasha lui avait envoyés, peut-être à propos de Terrence, qui sait. Julian n’en sait rien et, au point où il en est, il n’en a plus rien à foutre. Dans un excès de colère et tremblante de rage, alors que Mohamed vient à peine de finir de lire, Sasha s’empare du téléphone avec une force et une rapidité dont il ne la croyait pas capable pour le balancer entre les jambes de Mohamed, fracassant l’objet au passage. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase de la patience du danseur, le surprenant lui-même. Stop it! Both of you! This argument is nonsense! And it’s so useless because you’re not listening to each other! You’re just throwing stuff at each other’s faces! Stuff that should stay in the past!

Lâchant brièvement la main de Mohamed, il tourne sur ses talons pour aller récupérer le sac que le français avait abandonné par terre après l’avoir plus ou moins rempli. Il est assez lourd, suffisamment pour que le jeune homme comprenne qu’il doit y avoir un ordinateur portable à l’intérieur. You guys are acting like children arguing at the playground, wanting- no needing to have the last word! It has to stop! One of you needs to be the bigger person, but in the meantime, you’ll talk more about this when you’re both calmer! Sans que sa voix vacille, il continue de râler puis balance le sac sur son épaule, se disant également que si Terrence réagit avec la même véhémence qu’il l’avait fait quand Mohamed avait voulu récupérer les clés dans sa poche, il perdrait probablement son calme légendaire avec lui également. Une fois le sac à dos chargé, il revient vers Mohamed, dévisageant tout le monde d’un œil noir. Give them the fucking keys. We’re going. Now. Sans demander l’avis de quiconque, il s’empare du poignet de son amant puis tourne vers lui un regard qui se veut à la fois catégorique et rassurant en même temps. Ils doivent impérativement se sortir d’ici car outre le risque qu’un voisin appelle la police à les entendre se hurler dessus, ils se font beaucoup plus de mal que nécessaire.

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♫ Rachel Flatten - Fight Song

Il n’en peut plus Mohamed. Il est acculé de tous les côtés. Il pensait avoir réussi à la faire taire, lui avoir fait comprendre qu’il était suffisamment en colère pour ne pas s’excuser cette fois – s’excuser pour il ne sait quoi, qui plus est. Pas de Mea Culpa ce soir, pas de retour en arrière, hors de question que ce soit lui qui fasse carpette une fois de plus pour sauver leur amitié. Lorsqu’il a tourné le dos à Sasha pour se tourner vers Julian, le français était persuadé que tout cela était terminé. Qu’elle serait assez sonnée pour ne pas le provoquer à nouveau. Qu’ils pourraient partir avec ce garçon qui s’est engagé dans une mission suicide pour le sauver et le tirer des ténèbres.

Il n’a pas le temps de poser les mains sur les hanches et de souffler. Un nouvel éclat de voix, elle hurle la Drag Queen, elle lui crache ce dédain à nouveau, coupant à nouveau ce pauvre Julian qui n’arrive pas à en placer une. Meilleur ami ? Non. Il a l’impression d’être qu’un animal de compagnie, au même niveau qu’Edouard son chat qu’il voit du coin de l’œil. Pas le temps de redescendre en pression, pas le temps de souffler. Juste le temps suffisant pour tenter de crier par-dessus ces paroles qu’il pourrait apprécier s’il n’était pas fou de rage. HOW COULD SOMEONE LIKE YOU EVER PROTECT ME ?!!Peste-t-il en se tournant pour lui faire face, sans pour autant s’éloigner de Julian. Mohamed cherche à la faire taire, qu’elle cesse de creuser ce trou dans lequel il s’apprête à l’enterrer définitivement. Perdre Sasha l’avait toujours terrifié jusqu’à aujourd’hui. Ce soir, elle franchi des lignes qu’il croyait inaccessibles entre eux. Son cœur se serre dans sa poitrine en l’entendant mentionner Paris et son mode de vie qu’elle continue éperdument de discuter.Halit fommi ! Il n’y croit pas ses oreilles, souffle en arabe, levant les yeux au ciel, complètement abasourdi. Alors c’est ça le problème ? De la jalousie ? Ce qu’il entend, Momo, c’est que Sasha lui reproche de passer trop de temps avec ses amis et connaissances. Elle ne sait pas ce qu’il faisait réellement, parce qu’il n’en parle pas… Il se mord la lèvre, Mohamed, entre l’envie d’aller lui décoller une droite et celle de claquer la porte définitivement. Faut-il encore sauver cette amitié ? L’hésitation a remplacé le doute.

Et vient la goutte qui fait déborder le vase. La panique. La panique qu’elle implique Julian. La panique que lui aussi décide de lui tourner le dos après qu’elle mente effrontément devant eux. Il n’a plus les mots, seule la terreur le prend aux tripes et l’empêche de dire un seul mot. Immédiatement, ses yeux ont trouvé Julian, l’implorant de ne pas croire un traître mot de Sasha. Et Il le rassure, ce garçon, tel un ange tombé du ciel ; il s’en souvient de leurs rencontres, de ce charme fou qu’il lui avait trouvé, du comment il était tombé si facilement dans ses bras. Le bouclé a le don de parvenir à le sortir de cet état second quelques instants…. … He’s my boyfriend and he's already been more supportive than you'll ever be. Mais Sasha est aussi froide que la glace. A nouveau, elle le poignarde, sans état d’âme. Mohamed serre la mâchoire et s’apprête à répliquer lorsque Terrence attire son attention. Il est audacieux, le coach. Il cherche à raisonner le français, en lui faisant prendre conscience de choses qui se trouvent sous son nez… Mais il n’est pas dupe, Mohamed. Il refuse de se laisser embobiner et ne cesse de dévisager Terrence jusqu’à ce qu’il vienne se placer devant lui pour récupérer les clés. Oui. Non. Peut-être. Il hésite, face à cette main tendue, en entendant l’énième tentative de le raisonner de la part de Julian. C’est lorsqu’il sent Julian tenter de le tirer pour l’inviter à se rendre qu’il explose à nouveau.

Les deux mains contre le torse de Terrence, il le pousse brutalement. Shut the fuck up ! Mohamed s’avance vers lui, continuant de le toiser, sans pour autant le repousser une seconde fois. Look at that, of course he is supportive ! He fucks you !!! Donc ferme bien ta grande gueule, je suis pas ta petite pute personnelle Sasha ! Il est furieux. Furieux de sentir qu’on lui dise d’abandonner le seul combat qu’il veut gagner face à la Drag Queen. Le combat de la dignité qu’elle piétine depuis qu’il est entré ici en le traitant comme un moins que rien. Les poings serrés, il sent le corps de Terrence se rapprocher de lui dans une optique de servir de punching-ball. Il lui obstrue la vue, avec sa carrure de bodybuilder, alors, alors qu’il croise le regard du petit ami de son ex meilleur ami, il ne peut s’empêcher de le provoquer une énième fois. Listen to her speaking about my friends in Paris, pretending she knew them ! Sasha, yaktheb hata youssadeque kathbateh ! Il tente de se rapprocher de Sasha mais se heurte au torse de Terrence qui ne cesse de se mettre entre lui et la Drag Queen. Ça l’agace, ça l’énerve, il voudrait lui mettre un coup de tête mais, étrangement, il accepte que son aîné pose ses mains sur son torse pour le tenir à distance. Well, guess what jackass ? At least I had friends ! You took them from me the moment I landed here ! You know, those friends I used to chill with ? They are the same friends I left to come HERE in New York just to join YOU, at the end of the fucking world in the middle of fucking nowhere where I am NOBODY ! Il n’a d’yeux que pour cette petite pétasse prétentieuse qui l’affiche devant son gars, le décrédibilise depuis tout à l’heure. Elle n’est pas loin, Sasha, il peut la voir par-dessus l’épaule de Terrence, tout en sachant pertinemment qu’il ne pourra pas s’approcher davantage. Il crache sa colère, Mohamed, trouvant un certain réconfort dans la manière qu’à Terrence à le retenir… Il a l’impression qu’on l’autorise à vider son sac à condition de ne pas toucher à un seul cheveu de la Drag Queen, alors il se lâche. Terrence ne lui fera pas de mal, il en est certain, qui plus est, Momo n’a rien contre lui pour le moment. Stop pretending being a Hero I never asked for you help at any moment, even that morning when I just sent you that “code red”. Ejmel mé irach hedbtou !! I never said “ Come and get me ” because I deal with my own problems.

Sa main vient chercher son téléphone dans sa poche, sans pour autant s’arrêter de déverser sa colère. Le combiné est la seule preuve tangible qu’il a sous la main pour contredire les mensonges de Sasha. Il galère à le tirer de sa poche car il est incapable de détourner les yeux de la Grande Dame. Une fois ce dernier enfin entre ses doigts, il le lève en sa direction, sans pouvoir s’empêcher de la fusiller du regard à chaque fois qu’il accentue certains mots pour appuyer sur ces derniers. Et ça depuis que j’ai 6 ans! J’ai pas attendu que tu viennes me border le cul pour me sortir de la merde dans laquelle j’étais, donc ferme ta putain de gueule. C’est moi l’hypocrite ? Tu mens effrontément à tout le monde dans cette pièce.

Enfin, il s’écarte de Terrence. Il prend appuie sur ses pieds, fait un pas en arrière et baisse alors la tête sur son téléphone. Momo sait ce qu’il cherche, si bien qu’il ne lui faut que quelques secondes pour retrouver la conversation en question. Instinctivement, il a retrouvé Julian et sa main rassurante. “I like him, but he doesn’t know I do drag and if he knew, i’m scared he won’t accept it because he is narrow minded. I don’t know what to do, I am so unhappy. He is a macho” and “ he didn’t even recognize me at my own show “ Alors qu’il traduit en direct les messages de Sasha devant Terrence, il relève la tête en terminant sa dernière phrase pour imiter l’attitude de la Grande Dame ; cette attitude qui, d’habitude le fait rire lorsqu’elle constate la bêtise humaine, a pour seul but de retranscrire le mépris qu’elle semble manifester avec « ce bas monde » qu’il citait plus tôt. Elle s’approche, Sasha, telle une furie. Alors qu’elle tente de saisir son téléphone pour le faire taire, Mohamed parvient à l’esquiver une première fois pour continuer. “He is SO SURE to be straight, you should see the way he looks. Look at the picture, he is gay as fuck. “ Elle parvient enfin à lui prendre son seul moyen de contact avec sa famille pour le jeter entre ses jambes. Vu la violence du geste, Mohamed n’a pas de mal à s’imaginer l’écran fissuré. Son propre pied écrase de frustration son appareil, l’achevant probablement, avant qu’il ne se redresse de toute sa grandeur prête à l’affronter. Terrence est loin, il n’y a plus qu’eux, ces deux bêtes sauvages qui se toisent. L’espace d’un instant, il jubile à l’idée de l’avoir fait sortir de ses gonds, qu’elle ait craqué pour venir se confronter directement à lui… Le temps d’un quart de seconde, il envisage même de lui rendre la violence subit avec ses poings, Mohamed. Ce sourire narquois qu’il affiche ce quart de seconde est suffisant à Sasha pour comprendre ce qui peut traverser l’esprit du Français.

Mais Julian s’énerve. Il lâche sa main, le laisse s’enfoncer seul dans ces ténèbres. Il cri, le plante pour aller chercher ses affaires, sans pour autant s’arrêter de râler. Stupéfaction. Pas une seule fois il avait imaginé le danseur crier de la sorte ; et c’est lui qu’on surnomme Grumpy ? A fleur de peau, Mohamed a envie de rire devant la scène qui se déroule devant lui. Give them the fucking keys. We’re going. Now. S’il n’était pas autant en colère, si Sasha n’était pas planté devant lui, le Français n’aurait pas hésité à exploser face à cette réaction, mais son cœur qui bat à tout rompre est encore susceptible. Enfin, Mohamed cède à Julian, malgré la distance qui le sépare de Sasha. Il cède, en croisant ce regard et Mohamed semble alors comprendre. Peu importe si Sasha l’abandonne ; il reste encore des personnes sur terre, des personnes comme Julian qui continueront à lui tendre la main. Exténué, il ne peut réprimer ce soupir avant d’abandonner les pupilles de Julian pour dévisager Sasha une dernière fois. Le regard du français s’est adoucit, sans pour autant montrer une once d’affection à l’égard de son meilleur ami. La froideur de ces yeux ténébreux laisse un suspens planer jusqu’à ce que Mohamed hausse les épaules, condescendant. You’re right. He’s not worth it anyway. S’il sourit à cet instant, ce n’est pas pour Sasha. C’est pour Julian qui vient une nouvelle fois de gagner son cœur de glace. Sans ajouter un seul mot, Mohamed sort les clés de sa poche et laisse tomber à côté de son téléphone qu’il abandonne sans grand regret sur le sol. Une fois les mains libres, le gamin vient saisir celle de Julian qui le tien, abandonnant Sasha de son plein gré. C'est la seule fois de la soirée qu'il relâche ses épaules pour montrer son dos vulnérable à la Drag Queen. Let’s go. Dit-il simplement en récupérant son sac pour que le garçon n’ait pas à le porter. Assez de fardeaux pour ce soir.

Emmène-moi, loin, très loin, encore une fois.

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♫ ruelle – hold your breath
♫ isak danielson – broken

Terrence est d’une douceur et d’un calme bouleversant pour la Grande Dame. Il a le don de l’ancrer, de la ramener à la réalité. Elle pourrait même rire avec lui mais se contente de grommeler une vague confirmation lorsqu’il lui demande si Mohamed l’a bel et bien qualifié de garde du corps un peu plus tôt, en parlant français. Son visage dur se détend légèrement lorsqu’il reprend la parole. Il a raison sur toute la ligne. Elle le lit dans son expression, malgré son sourire bienveillant. Il s’ennuie et il a bien raison. Cette dispute n’a pas lieu d’être. Sasha le sait également et elle est à deux doigts de rendre les armes. La main de Terrence sur son épaule l’apaise. Sa moitié sait l’apaiser. Il semble vouloir prendre les rennes de cette discussion et Sasha se range. Elle reste sagement derrière lui et ne pipe plus un mot. Tant qu’elle récupère ses clés et que Mohamed ne montre plus son visage ici, le reste lui importe peu. Cependant, cela ne semble pas être l’avis de tout le monde car, en un battement de cil, la situation dégénère à nouveau. Elle n’a pas le temps d’anticiper les mouvements de son ex-meilleur ami et, lorsqu’elle veut s’avancer, bouscule Terrence qui s’est fait pousser par le petit français. Elle a tout de même le temps de passer ses bras autour de la taille de l’italien qui reste néanmoins très peu perturbé par la provocation.

De ses yeux noirs, elle dévisage Mohamed comme si elle allait le fusiller sur place. How fucking dare you!? rugit-elle, montant de nouveau dans les tours. L’entendre cracher sur sa relation avec Terrence la fait physiquement vibrer de haine. Qu’il s’en prenne à elle, peu lui importe, mais qu’il ne touche pas à Terrence ou à leur relation. Cette relation, c’est son Saint Graal, l’élément intouchable qui rend Sasha folle quand on tente de l’attaquer, son petit bout de paradis sur Terre. L’italien, inébranlable, s’est replacé devant elle. Involontairement, il leur permet de vider leur sac sans avoir à en venir aux mains. De toute façon, malgré sa grande taille, Mohamed aurait tôt fait d’envoyer Sasha à l’hôpital. Malgré tout, les mots de Mohamed font mal, beaucoup plus mal que les poings. Elle aurait mille fois préféré être tabassée jusqu’au sang plutôt que d’entendre ça. A Paris, elle n’avait aucun ami, aucune connaissance à l’exception du jeune garçon. Elle dépendait complètement de lui moralement. No one forced you to come here! NO ONE! Not even me! I didn’t ask you to come! Stop being such a fucking liar! YOU surprised me for Halloween and you know how shocked I was that you were in New York! Stop fucking lying to make yourself feel better! Sasha sent tout son corps se révolter d’indignation. Il n’a pas idée des mensonges qu’il déblatère. Ou peut-être que si. Et peut-être veut-il juste la faire passer pour une folle aux yeux de Terrence.

Mais il continue, ce putain d’arabe. Il continue à mentir comme il respire, prétendant qu’il n’avait jamais voulu de son aide. La grande dame sait que si Terrence n’avait pas été là pour s’interposer à ce moment précis, elle aurait probablement assommé Mohamed avec le premier objet lui passant sous la main. A la place, serrant les poings jusqu’à ce que ses jointures deviennent blanches, elle se contente de répondre à ses attaques. You never said no to ANYTHING!! So what does that make you, in the end? A friend or a fucking parasite!? Ce dernier mot presque craché avec tout le dédain dont elle est capable. Il lui faut du temps pour comprendre ce que fait le français car elle est trop concentrée à écouter la suite de ses élucubrations pour vraiment faire attention à ses gestes. Ce n’est que lorsqu’il baisse la tête vers l’écran qu’elle comprend le coup de pute, le coup plus bas que terre qu’il s’apprête à lui faire pour se venger d’avoir été affiché devant Julian. Oh, don’t you dare… marmonne-t-elle alors qu’il termine de traduire une première partie de leur conversation. Elle s’avance, cette fois sans faire attention à Terrence, et tend une main comme une serre qui tente de s’emparer du téléphone. La première fois, elle rate sa cible car il ne la laisse pas faire. Don’t you fucking- Cette fois, sa main réussit à se refermer sur le téléphone. Elle n’attend pas pour le lui arracher des mains. D’un geste qui traduit de toute la violence qu’elle a en elle, elle fracasse le téléphone entre les pieds de Mohamed.

A ce grand fracas, un autre ouragan les balaye. Cet ouragan inattendu, c’est Julian qui n’en peut finalement plus de cette situation dans laquelle il a été entraîné de force. Pourtant, Sasha ne l’écoute quasiment pas. Elle s’est tournée vers l’objet de toutes ses attentions avec un regard implorant. Pour elle, tout est à nouveau gâché entre eux. Tout ce qu’ils ont pu se reprocher va revenir au galop alors qu’ils avaient laissé tout ça dans le passé, et les frapper de plein fouet. Son regard est embué de larmes mais elle ne s’en rend même pas compte. It’s not what you think. We had just met and we didn’t even know each other. Don’t listen to him, amore. Tout ce qui la terrifie à présent qu’elle a baissé les bras sur son amitié avec Mohamed, c’est que Terrence aussi change d’avis sur elle et la quitte. Et sans lui, c’est son monde qui s’écroule. Encore une fois, elle a besoin de sa bienveillance, de son amour. Encore une fois, elle a besoin qu’il la pardonne. I'm not going to change my mind, Sasha. We fixed this, remember? I'm not even listening to his bullshit anymore. A nouveau, une vague de soulagement l’engloutit et elle se laisse faire avec beaucoup plus de calme. Elle ne sait même plus pourquoi elle a osé douter de lui. Quant à écouter Mohamed déblatérer ses conneries, il a raison. Elle-même ne devrait plus l’écouter. Mais c’est trop tard. Tout est terminé. La tension de Sasha est redescendue d’un coup, apaisée par les mots rassurants de son amant.

Cela n’empêche pas son cœur de terminer de se briser lorsqu’elle entend les derniers mots de Mohamed. Cette fois, elle n’a plus la foi de le retenir. A quoi bon, de toute façon ? Let’s go. Sasha entend un soupire s’échapper de ses propres lèvres, un soupire tremblant de douleur qu’elle n’arrive pas à retenir. Celui qu’elle aimait à appeler son petit Momo ne veut pas se battre non plus. Epuisée, elle rejoint Terrence et se tourne vers lui pour ne pas avoir à faire face au départ de son meilleur ami. Terrence est un roc qu’elle aspire également à être pour lui. Mais pas tout de suite, pas ce soir. Ce soir, c’est tout un monde qu’elle avait construit qui s’effondre, détruit par le poids d’un passé jamais partagé. Elle ne veut pas voir Mohamed partir mais son égo surdimensionné l’empêche de le retenir. Alors, pour ne pas avoir à affronter une vérité qui ferait trop mal, elle se tourne lâchement pour poser son regard sur sa seule ancre dans un océan déchaîné. Au loin, comme si elle se trouvait à des milliers de kilomètres de sa porte d’entrée, elle entend la porte claquer et sait que c’est la porte de son appartement. Submergée par une déferlante de rage, elle se retourne pour balancer un coup de pied dans le tabouret juste derrière elle. Le vase, qui s’était contenté de tomber sur le plateau quand Mohamed y avait mis un coup de pied, se fracasse en mille morceaux par terre. En quelque sorte, voir tous ces morceaux de céramique éparpillés par terre la soulage brièvement mais bien vite, la peine reprend le dessus et elle se remet à trembler de la tête aux pieds. Passant les deux mains sur son visage puis dans ses cheveux, elle se retourne vers Terrence, le souffle court. We need to go. I can’t be here. We need to- Sa voix se brise si bien qu’elle n’est pas capable de finir sa requête désespérée. A nouveau, elle passe les mains sur son visage mais cette fois, une fois qu’il est entièrement recouvert, un sanglot presque hystérique lui échappe contre son gré. Cependant, Sasha se force à prendre une grande inspiration pour se calmer, ravaler les émotions et les larmes, comme elle l’a toujours fait. Elle n’a toujours pas le réflexe de penser qu’avec Terrence, elle peut se permettre de laisser libre court à ce qu’elle ressent. Les vieux réflexes sont toujours difficiles à enterrer.

Take me away, please… Les yeux dans le vague, elle n’arrive même plus à relever la tête pour croiser le regard de sa moitié et encore moins de bouger. Sa conscience sait qu’elle doit encore récupérer son chat avant de partir mais son cerveau refuse de faire avancer ses jambes.

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Il décolle à peine lorsque Mohamed le bouscule. Il a beau y mettre de la force, le coach s’était, lui, préparé à cette éventualité. La paix. La paix n’est pas près de s’imposer dans ce navire à la dérive. Le scénario « simple » ou Mohamed rend les clés était loin d’être gagné ; il se débat dans les sables mouvants dans lesquels Sasha et lui-même se sont embarqués. Terrence pense clairement que c’est une erreur de maladresse de la part de sa moitié. On ne peut pas comparer le soutien entre amis et amants… C’est pourquoi, il n’arrive pas à remonter en pression face à l’agression du français. What is wrong with you? C’est un murmure que seul Mohamed peut entendre, mais il semble vouloir l’ignorer. Quoi qu’il puisse dire à Sasha en français, Terrence est clairement capable de comprendre des insultes, car c’est bel et bien la première chose que l’Italien apprend en général. Il croit même entendre "Et c’est reparti comme 40". Lassé de devoir dissuader Mohamed se s’approcher, Terrence lâche l’affaire et se place tout simplement entre le gamin et Sasha. Il encaisse sans bouger une seule seconde de là ou il a décidé d’encrer ses pieds. Tout ça n’a plus aucun sens à ses yeux ; les deux principaux concernés ont perdu la raison.

Quand enfin Mohamed semble prendre du recul pour se rapprocher de son mec, Terrence se détend légèrement et croise les bras. Avoir fait le mur devant le gamin lui rappelle ses années de lycée et d’université quand les garçons de l’équipe se disputaient entre deux matchs. Incapable de suivre le changement de langue, Terrenzio a fini par abandonner l’idée de comprendre un traître de mot de ce que le gamin peut dire… Si bien qu’il ne réagit aussitôt lorsque Mohamed se venge ouvertement en lisant les messages de Sasha. Étouffant un soupire d’exaspération, comme Julian qui semble bouillir derrière le garçon, il ne bouge pas d’un poil lorsque Sasha apparaît devant lui pour récupérer le combiner. « Gay as fuck ». Si la situation lui permettait, l’italien aurait probablement plaisanter là-dessus… Mais rien ici ne lui permet de railler sur cette prétendue homosexualité qu’on lui soupçonne depuis qu’il fréquente Sasha. La seule chose qu’il voit et surtout, qui l’interpelle, ce sont les larmes qui menacent de prendre d’assaut les yeux de celle qui obsède ses pensées. I'm not going to change my mind, Sasha. We fixed this, remember ? I'm not even listening to his bullshit anymore. Doucement, il lui tend sa main, l’invitant à le rejoindre, à se placer à ses côtés. Ne reste pas là, il n’a pas besoin de toi pour le moment. Arrête de te débattre. Tout ça doit cesser. Maintenant. Et dieu merci, enfin, le gamin hyperactif semble s’être décidé à lâcher l’affaire – pour le moment en tous cas. Malgré l’ennui d’une telle situation, Terrence ne peut cacher la tristesse qu’il ressent une fois que le calme s’installe. Avec une attention particulière, il tire Sasha vers lui. L’ambiance est lourde, étouffante. Les derniers mots de Mohamed font écho en lui et Terrence. Not worth it. Énième soupire, dernier coup d’œil à l’attention de Julian. A cet instant, il ne sait pas vraiment, l’italien, s’il doit le remercier ou lui souhaiter bon courage.

La porte claque. C’est fini. Cette histoire va laisser des séquelles, mais au moins, ils peuvent souffler tous les deux. D’un coup de pied, elle envoi valser le vase qui se brise au sol, obligeant alors Terrence à la rejoindre pour l’attirer contre lui une nouvelle fois. Ses bras l’enveloppe, telle une armure, la protège de ce monde extérieur hostile. Hey… We’re leaving in a minute. Don’t worry. Déposant un baiser furtif sur le haut de son crâne, il maintient cette position un instant afin d’offrir un peu de réconfort à sa moitié. Son étreinte se resserre en entendant ce qui ressemble à un sanglot. Relax. We will as soon as I’m sure they are gone. La main de Terrence remonte pour passer sous le menton de Sasha, l’obligeant à relever la tête vers lui. Il ne veut pas la brusquer, mais en y réfléchissant, question timing, les deux garçons devraient être dans la rue maintenant. Un sourire qui se veut rassurant, l’italien embrasse à nouveau son front avant de planter ses lèvres sur ses joues rouges. Enfin, il relâche Sasha, pour s’avancer vers la fenêtre à l’autre bout de l’appartement.

Il marche sur les débris sans vraiment s’en soucier, se hâtant de tirer discrètement le rideau pour regarder en bas de la rue. Curieux comme la vieille commère de quartiers, Terrence est tenté d’ouvrir la fenêtre pour passer la tête à l’extérieur, mais se raisonne et s’abstient. Meanwhile, just drag your cat… No, brag… Shit ! I mean, Sasha, grab the fucking cat. Il se perd dans ses mots à l’instant où il pense reconnaître les silhouettes des deux garçons en bas de la rue. Tout comme Julian plus tôt, il commence à grommeler dans sa moustache. Drag, nor brag, just grab. For Christ sakes, finally. And don’t you dare say anything about this! Il semble faire les gros yeux à Sasha, mais tout cela fait bel et bien référence à une réplique de la Grande Dame lors de leur premier rendez-vous. Après quelques secondes où monsieur décide d’avoir l’attitude d’un nain grincheux, il sourit à nouveau et remet le tissu en place devant la fenêtre. En deux grandes enjambées, il revient au milieu du salon, constatant les dégâts, mains sur les hanches. Tandis qu’il réprime un soupire devant le désastre, Terrence s’exprime un peu plus fort pour que Sasha puisse l’entendre de sa chambre. Il suppose que le chat est là-bas, car il l’entend miauler. ‘kay… I’ll come tomorrow to clean this mess. Don’t try to argue, I’m doing it myself, whatever you might say anyway… L’italien s’interrompt quelques seconds le temps de se baisser pour ramasser le téléphone et les clés au sol, qu’il met au fond de sa poche. And don’t worry about your clothes, mine can suit you to chill for now if you don’t take enough, alright? Il se rapproche doucement de l’encadrement de la porte de son jardin secret sans pour autant mettre un pied dedans. Bras croisés, il l’observe attentivement sans ajouter un mot jusqu’à ce que Sasha semble prête à partir. Alright hun… Let’s go. Et à nouveau, sa main l'invite doucement à le rejoindre.

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♫ mokadelic - doomed to live

Julian a du mal à en croire ses yeux. Il ne comprend pas la scène qui se déroule sous ses yeux telle une pellicule de film sur laquelle il ne peut pas avoir d’influence. Il est spectateur impuissant face à la colère des deux français qui semblent avoir plus de choses à se dire qu’ils ne pensaient. Il ne peut que les regarder s’effondrer sans réellement les aider. Tout ce qu’il peut faire, c’est imposer à Mohamed de partir, d’un regard noir, lui laissant une dernière chance pour se décider. Il y a une petite menace dans ses yeux, menace que s’il ne le suit pas, Julian pourrait partir seul et le laisser tout seul – chose qu’il ne fera jamais mais qu’il tente de lui faire croire pour le convaincre. Et la technique semble fonctionner car le français change complètement d’attitude et se contente enfin d’un haussement d’épaules dédaigneux. You’re right. He’s not worth it anyway. Ne s’arrêtera-t-il jamais ? Sasha est comme un ennemi déjà à terre et Mohamed celui qui continue de le frapper et de lui mettre des coups. Il lui laisse porter le sac et resserre sa poigne autour de la main du garçon. Yes, let’s just go. Il insiste sur ses mots pour l’enjoindre à ne plus raviver le feu de la dispute. Tout ce que désire l’américain, c’est les séparer, emmener son amant loin de tout ça, lui laisser le temps de soigner les blessures. Alors qu’ils passent devant Terrence et Sasha, il ne peut s’empêcher de leur lancer un regard d’excuse. Il aimerait pouvoir leur dire quelque chose mais pour le moment, rien ne pourrait améliorer la situation et il en a bien conscience alors qu’ils quittent l’appartement.

Il ne lâche pas la main de Mohamed avant d’avoir pu le pousser dans l’ascenseur. De même qu’il reste silencieux jusqu’à ce que les portes se referment sur eux. Là, il commence enfin à se détendre, à voir le bout du tunnel. Ses épaules s’affaissent légèrement. Il laisse échapper un long soupire tout en s’adossant à la cage d’ascenseur puis passe une main dans ses boucles châtaines. Il est rare que Julian monte autant en pression ou s’énerve. Le jeune homme est en général le facteur de calme d’une dispute, celui qui, quoi qu’il arrive, ne haussera jamais la voix. Ce soir, il s’est lui-même surpris à sortir de ses gonds. Ses mains légèrement fébriles passent sur son visage et appuient un instant sur ses paupières closes jusqu’à ce qu’il y voie des étoiles. You know you’re hot when you get angry? Cette voix sortie de nulle part le ferait presque sursauter s’il ne savait pas d’où elle provenait. Lentement, ses mains glissent et retombent contre ses flancs. Une fois que toutes les étoiles ont disparu de la voute de ses paupières, il entrouvre les yeux, l’air beaucoup plus fatigué qu’auparavant, et observe Mohamed d’un regard entendu, comme pour lui faire comprendre qu’à n’importe quel autre moment, il aurait pu rire de sa remarque. A n’importe quel autre moment, mais pas maintenant. Un nouveau soupire lui échappe.

Sans attendre, Julian retrouve avec une aisance et une facilité déconcertante la main du jeune garçon. Il entrelace leurs doigts tandis que son pouce caresse doucement le dos de la main de l’autre. Nothing of what happened tonight was hot, Mohamed. Sa voix est basse lorsqu’il s’adresse à lui, presque inaudible dans le bruit que fait l’ascenseur. Il ne le regarde pas pour le moment, les yeux dans le vide posés sur l’interstice entre les deux portes tremblotantes du monte-charge. Il est comme hypnotisé par leur mouvement régulier et lent. Sachant pertinemment que Mohamed tentait simplement de détendre l’atmosphère, il tente de se prêter au jeu, de se détendre et prendre du recul. But thanks. You’re not too bad yourself. Il hausse les épaules, esquisse un petit sourire en coin qui a du mal à percer. Enfin, comme une délivrance, les portes de l’ascenseur s’ouvrent. Julian voit le bout du tunnel avec sa lumière blanche tout au fond. Mohamed à sa suite, il marche dans le calme jusqu’à la voiture, toujours garée à l’arrache sur le coin du trottoir, à moitié sur un passage piéton. L’américain s’interroge. Combien de temps sont-ils restés là-haut ? Cette dispute lui ayant semblé durer une éternité n’a probablement duré que quelques minutes en réalité mais il en sort épuisé.

Une fois à l’intérieur de l’habitacle rassurant de sa voiture, il prend quelques secondes pour souffler. Au moment où ils ont claqué les portières, c’est comme si tout n’était réellement terminé qu’à ce moment précis. Une fois que Mohamed a casé son sac sur la banquette arrière, Julian tourne le contact et la voiture démarre dans un doux ronronnement. A cette heure-ci, le quartier étant presque exclusivement résidentiel, il n’y a déjà plus personne dans la rue. Ils pourraient se croire dans un autre monde. Lentement mais sûrement, le danseur fait alors demi-tour, dans la direction de Brooklyn. Alors qu’ils conduisent en silence depuis quelques minutes, il trouve enfin le courage de prendre la parole. Listen, don’t start worrying about what you’re gonna do tomorrow. You can stay as long as you want. Just take your time to, you know… Find the right place for you, alright? Tout ce à quoi il aspire à présent, c’est rentrer chez lui et dormir. Pour le reste, ils verront plus tard. Plus rien ne presse à présent. L’air de rien, il tend une main en direction de Mohamed et la pose doucement sur son genou. Du coin de l’œil, il ne peut s’empêcher de le regarder avec un sourire rassurant aux lèvres.

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♫ ocean eyes – billie eillish

La porte claque. Le silence du couloir, leurs pas qui résonnent. Pas un mot, ni même un souffle jusqu’à ce que les deux entrent dans la cage d’ascenseur. Tout est parti vite. Trop vite… Et Mohamed le sait, à l’instant où il s’adosse contre la paroi face aux portes… Il ne reviendra pas. Par fierté, probablement, considérant qu’il n’a plus sa place ici. Une nouvelle page se tourne, avec ou sans Sasha, mais cette fois, dans ce chapitre 2, il y inclus Julian. Julian, ce danseur, cette rencontre fortuite, amant d’une nuit, celui qui tente vainement à se raccrocher à son fantôme. Jusqu’à il y a encore quelques instants, leurs doigts étaient entremêlés. Ce simple contact lui donnait une force tirée d’on ne sait où… Alors, même si son cœur est en mille morceaux et que le doute plane encore au-dessus de sa tête quant à son potentiel avenir, le simple fait de tourner la tête vers le bouclé le soulage d’un poids que Julian ne peut vraiment imaginer à cet instant.

Calant le sac entre ses pieds, l’esprit torturé du français ne quitte pas cette porte qui glisse et se referme devant eux. Si Sasha ne l’avait pas tant mis en colère, peut-être se sentirait-il triste, mais la fatigue l’emporte et pour l’instant, la seule chose que ressent Mohamed, c’est le vide total. Vide d’émotion, vide de pensée, il n’arrive pas vraiment à rassembler ses idées sur une seule chose, hormis Julian qui se tient debout, près de lui. Il est tendu, tellement que le français commencer à regretter de le voir dans cet état à cause d’eux. A cause de lui. You know you’re hot when you get angry ? Il tente de le détendre, cherche à sourire d’une manière anodine comme pour faire entendre que la colère est passée. Bien que Julian lui lance un regard qui en dit long sur sa façon de penser, le gamin ne se dérobe pas et continue d’afficher cette attitude légère. Encore ce soir, il est incapable de s’excuser ; cette fois pour l’avoir attiré dans ces histoires qui ne le regardent pas… Plus tard, pense-t-il. Il s’excusera plus tard, le Momo, mais ce soir, il se permet encore de se reposer sur Julian, un peu plus. Sans ajouter de mot à sa réflexion, le français vient alors fixer le sol devant lui, pensif et ce, jusqu’à ce que les portes leurs ouvrent la voie vers l’inconnu.

Pas un seul regard en arrière dans cette rue. Il espère, le gamin, que Sasha est là-haut et qu’elle le regarde partir. Cette idée le fait un peu jubiler, par simple rancune, mais à défaut de vouloir éprouver une once de remords à ce qui s’est dit ce soir, il prend soin à ne pas lever les yeux. En deux trois mouvements, son sac a rejoint la banquette arrière et lui le siège passager à l’avant. Il s’accoude sur la portière, les yeux rivés sur le paysage qui défile, comme un peu plus tôt lorsqu’ils étaient en route pour venir. Mohamed cherche ses mots, tout comme il cherche un moyen de justifier son attitude de ce soir.

Mh… Les mots de Julian et sa main l’ont tiré de ses songes, si bien qu’il ne parvient qu’a grogner un semblant de réponse. Rester chez lui ? Lentement, ses yeux se posent sur les doigts du garçon présents sur sa jambe. Encore une chose qu’il n’arrive pas à se permettre. En constante lutte contre lui-même, Mohamed lâche un soupire avant de reporter son attention à l’extérieur. I’ve been living on the street for several months when I was in Paris. It doesn’t really matter to me, so I’m not really worried to be honest. Sa tête se dépose lentement contre la vitre, cherchant une once de fraîcheur pour rafraîchir ses joues et son front brûlants. La pluie a diminué, et le son des gouttes d’eau contre la fenêtre le bercent légèrement. Actually, I always felt… More safe outside.Il déglutit difficilement, marquant une légère pause tandis que ses paupières se referment lentement. Until I met Sasha and start living with him. Sa voix à moitié étranglé n’est qu’un murmure. Incapable de continuer, il se laisse bercer par l’ambiance. Petit a petit la pression redescend. Mohamed n’a aucune idée du temps qui passe, ni même de la distance parcourue.

Bercé par sa respiration sur laquelle il se concentre pour chasser de potentielles pensées parasites, le français ne se rend pas compte qu’ils sont à quelques mètres de l’appartement de Julian. Listen… Oh.. Il s’interrompt brusquement. Les yeux désormais ouverts, il reconnait l’immeuble devant lequel le garçon effectue la manœuvre. Combien de temps a-t-il gardé le silence ? S’est-il endormi ? Un peu confus, Mohamed tourne la tête vers Julian, remarquant au passage que sa main gauche était posée sur celle du danseur. L’air de rien il pose ses yeux sur lui quelques instants, patientant qu’il finisse de stationner la voiture. Une fois que Julian peut lui prêter attention, Mohamed inspire profondément avant d’ouvrir à nouveau la bouche. I know you want to help me and I don’t really understand why you still do after everything I’ve done or said to you. Nerveusement, il se redresse dans son siège. Son bras passe naturellement derrière le dossier du siège conducteur, rapprochant légèrement Mohamed de son sauveur. But… This will only drag you into more trouble… Because that’s who I am. The trouble kid that mess up everything that noone can handle. Yup, that’s me. Ses doigts viennent alors attraper une mèche bouclée de Julian, détournant son attention et son regard. Ses traits semblent s’adoucir tandis qu’il joue avec ces cheveux, comme il l’avait déjà fait auparavant. Suis-moi, je te fuis, fuis-moi je te suis. Les mots qu’il s’apprête à dire lui brisent peu à peu son cœur encore fragile, mais Mohamed est bel et bien résigné à mener à bien cette relation pour le moment. It’s best for you to stay away from me, Goldilocks. You don’t need Chaos in your life right now. Mohamed sait qu’il finira par le blesser, même sans le vouloir, si bien qu’il ne veut pas accepter un nouvel échec, ni même l’anticiper… Et surtout, il ne veut pas se raccrocher à Julian uniquement parce que Sasha est partie.

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Since : 25/10/2019

One more sip for a tortured soul

@Mohamed Sayah, @Terrence Esposito, Sasha De Lorenzi & @Julian Miller

Bouleversée par les évènements, incapable de formuler deux pensées cohérentes à la suite, Sasha se laisse bercer par les bras réconfortants de son homme, la tête posée sur son épaule. Il lui faut quelques secondes pour réussir à passer elle aussi ses bras autour de lui mais accomplir ce geste la soulage quelque peu, lui prouvant sans qu’elle en ait encore conscience qu’elle est capable de fonctionner sans son meilleur ami dans sa vie. Ce dont elle est consciente, c’est que sans la présence de Terrence à ses côtés, elle ne serait pas dans cet état mais plutôt à ramasser à la petite cuillère. Sa voix douce chuchotant à son oreille lui permet de garder la tête à la surface. Il est là pour veiller sur elle, pour la protéger d’un monde extérieur qui, elle est sûre de l’avoir compris, ne lui fera jamais que du mal. Mais tant que sa moitié est à ses côtés, tout ira toujours bien. Même quand il la relâche et s’écarte d’elle, elle continue de s’apaiser. Ses nerfs se délient bien que, de temps à autre, de petits sanglots nerveux lui échappent. La Grande Dame fait quelques pas en arrière et s’appuie sur l’accoudoir de son canapé. Elle a l’impression d’avoir la chaire à vif. Tout son corps lui fait mal alors qu’aucun coup n’a été porté. Les mots ont fait beaucoup plus mal.

Avant qu’elle puisse se laisser emporter par les souvenirs qui lui auraient fait ressasser tout ce qu’ils se sont crachés au visage, la voix de Terrence la sort à nouveau de sa torpeur. Il parle trop vite pour son esprit épuisé, si bien qu’elle le fixe un instant en silence. I mean, Sasha, grab the fucking cat. Lèvres entrouvertes, elle penche la tête sur le côté. What? Ce n’est qu’un instant plus tard que son lapsus la fait lâcher un rire à la fois nerveux et amusé, au bord du sanglot. Quel guignol. Elle pourrait presque croire qu’il a fait exprès de mal prononcer juste pour la faire rire et la distraire en lui rappelant son propre lapsus quelques jours plus tôt, au restaurant. Impossible de l’oublier, celui-là. Elle avait pensé se ridiculiser devant lui mais à voir où ça les avait menés, ça n’était pas plus mal. La grande dame s’exécute alors après un hochement de tête en direction de Terrence qui ne l’a pas quittée des yeux. Croiser son regard lui donne les forces suffisantes pour se redresser et se détourner de l’homme de sa vie.

C’est presque automatiquement qu’elle se dirige d’abord vers sa salle de bain, préférant d’abord devoir nettoyer et récupérer la litière de son chat avant de s’occuper de tout ce qui traîne dans sa chambre. Ce n’est qu’à ce moment-là, en rassemblant tout ce dont il pourrait avoir besoin pour les prochains jours, qu’elle s’aperçoit que non seulement son chat est un vrai petit prince – avec ses croquettes de luxe achetées chez le vétérinaire pour être sûr qu’elles sont bonnes pour lui, ses jouets en pagaille, le doudou avec lequel il dort tout le temps et tous les soins dont il pourrait avoir besoin – mais qu’en plus, elle préfère charger son petit sac de voyage d’affaires pour Edouard plutôt que pour elle. Au final, elle n’a plus la place que de caser quelques vêtements pour elle dans ce sac. Tout le reste attendra ici qu’elle ait le courage de revenir y vivre seule. Ses pensées s’attardent sur sa moitié qui l’attend dans le salon. Et si c’était le moment… Et s’il disait oui… Sasha secoue brusquement la tête. Non, hors de question de lui proposer de vivre avec elle. Pas aussi vite. Ils ont tous les deux étés très clairs sur ce point. Ils veulent prendre leur temps. Bien que tous deux sachent pertinemment ce qu’ils veulent et ne soient plus des adolescents indécis, ils préfèrent être sûrs d’eux.

La voix de Terrence, même lointaine, provenant du salon, la fait sursauter. Sasha lève la tête de son sac dans la confection duquel elle s’était plongée. No it’s fine. Malgré son interdiction de le contredire, elle n’obéit pas. Pouvoir argumenter et lui parler de choses plus terre-à-terre est beaucoup plus apaisant que le silence. No one will be here anymore anyway so… Elle n’aurait pas dû dire ça, penser à ça. Plus personne dans un si grand appartement. Elle n’entendra plus Mohamed lui sortir des conneries vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle ne le verra plus sur ce foutu canapé alors qu’il a une chambre à lui. Elle ne le verra plus. Les yeux dans le vide, elle doit réprimer un nouveau sanglot nerveux en plongeant son visage dans ses mains, toujours agenouillée devant son sac qu’elle a posé aux pieds du lit. It can wait. And I’m gonna need you tomorrow… Sa voix étouffée par ses mains, elle n’est pas sûre que Terrence ait réellement pu l’entendre de là où il se trouve. Sachant que le pire pour elle reste à venir, car pour l’instant, elle est encore maintenue par l’adrénaline de la dispute, elle se force à se reprendre seule. Ce n’est que demain que l’italien devra probablement la ramasser à la petite cuillère. Prenant une grande inspiration, elle finit par fermer son sac au moment même où la voix de Terrence se fait tellement plus proche qu’il ne peut plus être que dans l’encadrement de la porte de sa chambre. We’re already sharing clothes, hm? I like that. La grande dame a tenté un trait d’humour. C’est ce qu’elle a toujours rêvé de faire, partager des vêtements avec sa moitié, mais pas dans ces circonstances, juste par plaisir.

Edouard, qu’elle avait trouvé sous le lit où il s’était probablement réfugié en entendant les voix crier, est sorti de sa cachette depuis longtemps et s’est roulé en boule à ses côtés. Elle plie le petit plaid sur lequel il a l’habitude de dormir sur le lit et l’arrange dans sa cage avant d’y déposer le chaton qui se laisse faire docilement. Sasha n’a plus qu’à charger le sac sur son épaule, prendre la cage du même côté et rejoindre Terrence. Elle attrape cette main tendue comme une bouée jetée à la mer. Alors qu’il s’écarte de la porte pour la laisser passer, elle vient néanmoins se coller à lui pour lui voler un baiser qui s’attarde, innocent, un baiser qui lui redonne à nouveau une dose de courage pour laquelle elle le remercie contre ses lèvres.

Il leur faut peu de temps pour quitter l’appartement. Sur le palier, elle ressent déjà un certain soulagement de se dire que, ce soir et pour les soirs à venir, elle pourra dormir aux creux des bras de sa moitié. A cet instant, elle se dit qu’avec lui, elle ne passera peut-être pas son temps à pleurer la perte de son meilleur ami qu’elle est convaincue de ne jamais plus revoir. Ils pourront peut-être explorer d’autres facettes de leur couple. Vivre ensemble, par exemple, se dit-elle. Son cœur s’emballe, dans l’ascenseur, mais elle a tôt fait de le calmer. Prendre les choses pas à pas. Depuis ce fameux dîner, Sasha s’est rapidement rendue compte qu’elle avait tendance à s’emballer un peu trop, à construire des châteaux en Espagne alors que la meilleure chose à faire, ce qui consoliderait leur relation et qui leur assurerait un avenir ensemble, c’était de prendre son temps, de ne pas se presser, ne pas trop réfléchir. Ses yeux se sont perdus dans l’observation de son bel italien. Leurs regards se croisent. Elle lui sourit mais le cœur n’y est pas.

L’air frais de l’extérieur lui fait du bien mais ils n’y restent pas assez longtemps pour qu’elle puisse réellement en profiter. Heureusement, la voiture s’est aussi refroidie. Le sac est relégué sur la banquette arrière tandis qu’elle pose Edouard dans sa cage qui ne comprend pas trop où il va sur ses genoux. Le chat miaule, si fort qu’on pourrait le croire possédé, et la Grande Dame doit passer les quelques premières minutes du voyage à le rassurer. Lorsqu’enfin le silence s’installe, Sasha lâche un soupire de soulagement avant de lentement tourner la tête vers le jeune homme. Terrenzio… Bien qu’il ne la regarde pas, trop concentré sur la route, elle sait qu’il l’écoute à la manière dont son expression a imperceptiblement changé. Sei sicuro che posso stare con te? Cioè, non voglio impormi… con il gatto e les mie cose… Sasha est automatiquement passée à l’italien, avec lui. C’est comme un mécanisme de défense et de protection. L’italien, c’est leur langue, leur bulle de confort qui leur permet de ne pas être compris du monde extérieur. Eux, ils se comprennent et c’est l’essentiel. S’il n’était pas là, elle ne sait pas vraiment ce qu’elle deviendrait. Passer quelques semaines sans nouvelles de lui avait déjà été le martyr. A présent, c’est tout simplement inconcevable.

Grazie… Sa voix perce une nouvelle fois le silence. Per essere qui. Per essere nella mia vita. Sa voix n’est qu’un souffle beaucoup plus calme qu’un peu plus tôt, même si elle se sent aussi par la même bien plus faible, autant physiquement que mentalement. Non so cosa farei senza te. Et cette fois, le sourire qui apparait sur ses lèvres et creuse ses joues est bel et bien là, visible, honnête. Sasha lève une main vers l’italien. Celle-ci se dépose alors sur sa joue pour la caresser délicatement pendant qu’il conduit.

Ti adoro tanto.

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