La mi-temps

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Chi c*zzo sei ?

Voilà deux jours que Terrence avait planté Matthew sur place, alors qu’ils échangeaient autour d’une bière. Deux jours qu’il consultait Instagram et bouillonnait un peu plus chaque seconde qui le rapprochait de la leçon de ce soir. Deux jours qu’il avait découvert la vérité et qu’il ne comprenait pas ce sentiment qui pesait sur son cœur au point de le rendre infecte avec ses élèves à la salle. Elèves qui s’inquiétaient de le voir réagir si brutalement à la moindre provocation ou raillerie. Deux jours où il n’avait plus goût à la plaisanterie. Celle-ci avait assez durée, et ce soir, il allait faire tomber ce rideau devant lequel le principal acteur se cachait.

Une Drag Queen. Ça encore, ça l’avait fait rire au début. Voilà trois semaines qu’il hésitait à envoyer un message à cette Ivy Love, rencontrée lors du Meet & Greet. Thank God I didn't do it. , avait-il seulement grogné à Matthew qui s’amusait à le titiller, pensant connaître les standards de son ami. Mais il ne pouvait prévoir la suite. Il ne pouvait pas s’imaginer qu’en montrant le visage qui se cachait derrière ce maquillage, Terrence deviendrait blanc comme un linge. You gotta be kidding me. Il n’y croyait pas. I swear this is a guy. Look at this ! A t-il dit en lui tendant le téléphone.

Le technicien était loin du compte. Ce n'est pas le talent de Drag qui le perturbait tant. Non. C’était le visage de Sasha, en gros plan, qui lui fit voir rouge. Cette photo de Sasha, puis une autre. Ce n’était pas une coïncidence. Plus il descendait dans le fil d’actualité, plus la vérité lui sautait aux yeux. Terrence n’entendait plus rien. Il ne voyait que ces yeux, ces tatouages, tout ce qui pourtant était une évidence aux yeux de tous. Sauf aux siens. Matthew le ramena à la réalité en posant une main sur son épaule. Fucking faggot ! Avait-il à moitié hurlé en repoussant sa chaise pour se barrer. Fuir. Loin de la vérité.

Non. C’était juste impossible. Quel idiot il avait été. Ces deux jours étaient probablement les pires jours de sa vie. Il enchaînait les heures, faisait souffrir les élèves sans scrupules pour se changer les idées avec des exercices parfois un peu trop poussé. Terrence avait même tenté de sortir en boite la veille, mais s’était contenté de repousser les avances des demoiselles, ne pouvant s’enlever cette vision d’horreur qui le hantait. Il revivait la scène sans cesse, sans pouvoir mettre pause à la lecture... Et, bien qu'il se persuadait du contraire, Terrence n'était pas prêt à confronter Sasha ce soir.

Il avait tout de même envoyé un message à Sasha avant de commencer son dernier cours officiel, sans vraiment comprendre pourquoi. "Don't be late tonight. "... Comme si Sasha était du genre à arriver en retard. Il ne savait même pas pourquoi il avait envoyé ce message... Si bien qu'il regretta aussitôt, alors, lors d'une pause dans l'exercice il compléta " nvm. whatever. ". Il s'en arrachait presque les cheveux, si bien qu'il tortura un peu plus sa cliente au point de la faire craquer plus tôt que prévu. Tant mieux. Car à l'instant ou elle partait, après s'être changée, le plus grand comédien de tout les temps fit son apparition à la porte de la salle. Terrence était incapable de voir le coup d’œil n'annonçant rien de bon jeté par la cliente. Peut-être avait-elle souhaité bonne chance au garçon. Peu importe.

Le Coach, lui, est là, immobile en plein milieu de la salle, en sueur, les bras croisés. You there. Good. Go get changed. Lâche t-il en tentant de contrôler sa voix pour ne pas qu'elle tremble devant l'angoisse qui prend possession de son corps. Tout dans son attitude le montre bien plus froid que d'ordinaire, plus distant. Il n'est même pas capable de le regarder, si bien qu'il lui tourne le dos pour regarder le tableau des précédents résultats. On dirait un gardien de prison tellement il a l'air coincé contrairement à d'habitude... Mais en réalité, Terrence se persuade qu'il ne faut pas faire une clé de bras à Sasha si ce dernier se montre tactile.

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Don’t be late tonight.

when was I ever late for our classes?

nvm
Whatever.

Sasha fronce les sourcils en relisant cette brève conversation que Terrence et elle ont eu quelques heures plus tôt. Alors que le jeune homme était censé ne rester qu’un simple coach, il était devenu, sans que l’un ou l’autre le voie venir, un ami très précieux aux yeux de la grande dame — un ami qui fait battre son cœur beaucoup plus vite à chaque fois qu’ils se voient. Il va s’en dire qu’elle a commencé à bien le connaître et il ne lui a jamais envoyé ce genre de messages auparavant. Des messages froids, courts et concis, comme ceux que l’on envoie par énervement ou stress et que l’on regrette dix secondes après, des messages qui l’ont un peu bouleversée dès lors où elle les a lus. Leur rencontre fortuite lors d’un show d’Ivy date de presque un mois et Terrence ne lui en a jamais reparlé et n’a pas semblé faire la liaison entre Ivy et Sasha. Elle en a alors déduit qu’elle était plus ou moins sûre qu’il ne le ferait jamais. Il ne saurait jamais et ça n’était pas plus mal. Ils n’avaient jamais plus reparlé de sexualité entre eux et il était probable que tout ça mette Terrence mal à l’aise. Si d’ordinaire Sasha essaye toujours d’ouvrir l’esprit des personnes qu’elle rencontre à ce sujet, Terrence est différent.

A bien y réfléchir, la seule différence qu’elle avait noté était qu’il avait arrêté de l’appeler « mec » quand il l’interpelait. Elle était Sasha. Pas juste un mec lambda, Sasha. Comme si elle était spéciale pour lui.

Ce soir, cependant, en arrivant à la salle, Sasha avait senti qu’elle allait être spécialement maltraitée. Le regard jeté par la cliente quittant le centre ne présageait rien de bon. Le cœur serré par l’anticipation, elle s’approche en tentant d’être aussi naturelle que possible. Ea, Terrenzio ! Elle le salut en italien, comme d’habitude, mais cette fois, il ne se retourne pas vers elle, ne se montre pas aussi enjoué et déconneur que d’habitude. Il lui est déjà arrivé d’être de mauvaise humeur, mais c’est bien la première fois qu’il est aussi glacial, si bien que Sasha sent un frisson lui parcourir tout le corps lorsque Terrence s’adresse à elle. Pour autant, elle n’insiste pas. I'm coming…

Ce n’est qu’une fois enfermée dans le vestiaire qu’elle sent ses sourcils se froncer d’ennui et d’agacement. A quoi peut-il bien jouer ? La réalité s’impose à elle en quelques secondes et la fige dans ses gestes. Il n’y a qu’une seule possibilité. Il a compris. Il a tout compris et tout est foutu. Avec des mains tremblantes, elle s’empare de son téléphone à la hâte et ouvre Instagram, incapable de se souvenir si elle avait posté une photo d’elle hors drag depuis le show. Lorsque l’application s’ouvre, son cœur rate un battement. Évidemment qu’elle en a posté une. Trois jours plus tôt, même. Jesus fucking Christ, souffle-t-elle à elle-même. Elle qui s’était promis d’éviter pendant un certain temps de poster des photos d’elle ainsi a failli à sa promesse. Il lui faut quelques minutes de plus que d’habitude pour se changer, car elle prend le temps de se détendre. Peut-être est-elle un peu parano. Peut-être n’a-t-il encore rien découvert. C’est ainsi qu’elle se convainc de faire comme si de rien n’était.

La grande dame rejoint alors Terrence, semblant plus en forme que jamais. Elle lui balance même une petite claque dans le dos en s’approchant de lui. Is everything okay? You look tense. C’est le moins que l’on puisse dire. Elle a même l’impression que le coach se dérobe sous sa main, comme s’il ne voulait pas qu’elle le touche, mais elle n’en est même pas sûre. C’est peut-être son esprit qui lui joue des tours, se dit-elle alors pour se rassurer. Elle voudrait le secouer et lui demander ce qui ne va pas. Étonnant comme, même pour la grande dame d’ordinaire si imperturbable, un tout petit changement d’attitude chez un être aimé peut être source de tant de bouleversement. Cependant, elle refuse de céder à la panique aussi facilement et, espérant ainsi détendre l’atmosphère, dépose ses mains sur les épaules de Terrence, se tenant derrière lui. Do you need a little massage? demande-t-elle alors pour le taquiner, ne se doutant pas qu’une seconde plus tard, il allait encore s’esquiver et la laisser pantoise devant tant d’indifférence.

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Les scénarios se bousculent et se multiplient au moins de donner un mal de crâne à Terrence. A l’instant où Sasha ouvre la bouche pour le saluer, il serre les dents, retenant toute remarque désobligeante ou tout nom d’oiseau qui menace de franchir ces lèvres. A l’heure actuelle, il ne se sent tout simplement pas capable de confronter Sasha… Alors, quand ce petit s’exécute et va se changer sans trop poser de question, Terrence acquiesce, soulagé. Ce n’est qu’un court moment de répit durant lequel il en profite pour fermer la porte de la salle a clé et éteindre les lumières de l’accueil afin de fermer officiellement. Probablement que Sasha s’est changé particulièrement vite – ou bien lui a-t-il été très lent, perdu dans ses pensées. Le coach a à peine le temps de rejoindre le tableau devant lequel il se tenait quelques instants auparavant que la Drag Queen fait de nouveau son entrée en scène. Terrence se fige instantanément en l’entendant sortir et le rejoindre.

Il lui faut une échappatoire. Vite. Trop tard. Il n’a pas pu s’empêcher de sursauter à la claque dans le dos. Tout va bien ? T’as l’air tendu. Fuir. Non ? Lui faire une clé de bras ? Ce n’est pas la solution. Non. En l’espace d’un instant, le coach trouve une alternative pour ne pas lui casser la gueule tout de suite. Il n’attend pas et s’avance vers le tableau pour effacer les chiffres de la cliente précédente. Shitty day. Dit-il simplement en attrapant le chiffon pour effacer énergiquement les chiffres.

Si ce n’était que la journée, ça irait encore. Bien entendu, Terrence se retient bien de lui avouer qu’il sait tout. Qu’il s’est disputé avec Matthew par sa faute. Il s’abstient même de lui dire qu’il rêve de lui foutre son poing dans la figure. Aucun mot ne franchi ses lèvres, pourtant, c’est bel et bien la colère qui le fait se dérober à nouveau sous les tentatives de contact de Sasha. Un quart de seconde. Il ne croise son regard qu’un quart de seconde en se détournant. Peut-être que la Grande Dame – pas si grande que ça en réalité, l’a remarqué. Il se mord la lèvre en s’avançant cette fois vers les altères qu’il prend entre ses mains, prétextant tester le poids. Un massage. Et puis quoi encore. I need to unwind. Il marque une pause, inspire profondément, sachant pertinemment qu’il ne pourra pas fuir son élève du regard pendant l’heure qui va suivre. A nouveau, en un fragment de seconde, il trouve une solution. I had a fight with my bro, Matthew. Lâche-t-il en pivotant les talons. Ses yeux évaluent ce qu’il tient entre les mains une dernière fois. And I have to admit that my client's gossips are getting on my nerves right now. Especially with ladies.

Terrence fait enfin face à Sasha. Son cœur va probablement rompre sa cage thoracique, mais pourtant, il garde autant qu’il peut son sang-froid. Il n’a pas menti. Tout n’est que la vérité, mais avec une grosse partie incomplète ; ça, Sasha n’est pas supposée le deviner selon lui. Le Coach ne sait pas à quel point elle peut être attentive envers lui. Non. Il ne sait pas car il ne veut pas le voir. Ne voulait pas le voir. Qu’importe. Là, tout de suite maintenant, il est face à cette personne. Qui es-tu ? Il voudrait le lui demander, pourtant, il parvient tant bien que mal à le regarder avec ces yeux tombants qui trahissent la tension qui l’habite. Alexa. Play « Not Over Til We Say So » Rabbit Junk Remix from Blue Stahli. La musique commence tranquillement. Terrence pose les poids à ses pieds, s’étire les bras en les tirant contre son torse. C’est la première fois qu’il met un remix de ce type, mais cette chanson lui permet d’éviter de penser. Shall we ? Lâche-t-il quelque secondes avant que la guitare ne vienne résonner à travers les enceintes de la salle, changeant aussitôt l’ambiance. Ses sourcils ne défroncent pas.... Même quand il ferme les yeux pour craquer son cou de gauche à droite.

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Shitty day.

Sasha entend à peine ses mots car elle ne peut s’empêcher de remarquer que Terrence vient encore de tenter de s’éloigner d’elle. Il n’a pas pu se dérober à sa main car elle l’a pris par surprise, mais il n’a pas encore daigné lever les yeux vers elle. Ce n’est pas la première fois qu’il a de mauvaises journées mais il n’a jamais agi ainsi envers elle. Il a toujours une petite attention spéciale pour elle. C’est ainsi qu’elle commence de plus en plus à redouter la révélation de la vraie raison de la mauvaise humeur de Terrence car un espèce de mauvais pressentiment s’insinue lentement en elle. Peu lui importe les sentiments qu’elle pourrait ressentir envers lui — elle n’arrive même pas à mettre un doigt dessus pour leur donner un nom —, c’est leur amitié qui compte plus que tout. Elle ne peut même pas retenir le soupire qui franchit ses lèvres à ce moment-là. Encore une fois, lorsqu’elle tente une approche en proposant un massage, il s’échappe alors que d’ordinaire, il aurait probablement ri voire même accepté.

Cependant, elle se refuse à montrer son angoisse et se contente de hausser les épaules avec une indifférence exagérée. Okay, you do you, boo. Du coin de l’œil, elle observe les altères qu’il soulève et lui jette un regard entendu. Lorsqu’il mentionne Matthew, tout son corps se tend. Est-ce que, par le plus grand des hasards, ce petit con lui aurait parlé d’Ivy ? Il ne sait pas que Sasha et Terrence se connaissent mais serait bien du genre à vouloir mettre son grain de sel pour regarder le drama se dérouler sous ses yeux. Elle n’ose pas le mentionner mais n’en a pas non plus le temps car Terrence enchaîne immédiatement. Oh, I thought you liked your ladies’ gossips. You always tell me about them.

Quand enfin il se tourne vers elle pour lui faire face, Sasha sent son cœur rater un battement puis couler dans sa poitrine, tel une pierre jetée dans un lac. Il met du temps à lever les yeux vers elle mais lorsqu’enfin il en trouve la force — le courage ? —, c’est pour la dévisager froidement, comme s’il ne la reconnaissait pas. Même la musique qu’il lance ne lui ressemble pas. Pas pendant leurs sessions de coaching en tout cas. Mais elle n’ose rien dire. Tout dans les faits et geste de Terrence pourrait laisser à penser qu’il a découvert la vérité sur elle, mais rien de ce qu’il dit ne concorde. Après un hochement de tête, Sasha obéit sans rechigner. Elle qui a l’habitude de faire ses échauffements sur une musique en rythme s’en trouve complètement démunie mais se contente de dévisager Terrence tandis que l’énervement commence à poindre en elle. Au final, pense-t-elle, peu lui importe qu’il soit de mauvaise humeur mais elle ne veut pas subir cette agressivité dont il semble faire preuve et qui se reflète dans le métal assourdissant qui a empli la salle. Si elle a pris son mal en patience jusque-là et lui a plusieurs fois demandé, en vain, de baisser le son — il ne l’entendait peut-être pas, elle voulait bien lui laisser le bénéfice du doute —, la piste semble interminable. Soufflant d’énervement, Sasha finit par abandonner l’entrainement et se redresse, passant une main sur son front pour essuyer les gouttes de sueur qui y perlent. Alexa? Turn off the music.

Enfin, la musique s’interrompt et la grande dame a l’impression de retrouver l’ouïe. Okay, what the fuck is wrong with you tonight? Sasha parle non seulement de son choix de musique mais aussi et surtout de son attitude. Le voir ainsi la chamboule complètement car elle n’a jamais connu qu’un Terrence doux et souriant. Mais au moment où il s’apprête à répondre, elle lève une main vers lui, secouant la tête. You know what? I don’t want to know and I don’t care. I’m not here for that. Elle commence à faire un pas en arrière, puis deux, puis trois, pour s’éloigner de ce type qu’elle ne reconnaît pas. Ils sont tous deux face à des inconnus, se toisent de haut en bas. Just call me when you’re in the mood to be professional.

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Ne pas s'écouter penser. C'est l'avantage d'une musique comme celle-ci. Elle vide l'esprit et l'aide à se concentre sur son travail. Le rythme ne laisse pas le temps à la réflexion ni même à l’inquiétude. La sueur évacue le stress et l’angoisse. Il se donne à fond, enchaînant sur une minute de jumping jacks et une seconde minute de burpees sans pause. Terrence sait qu’il ne dira rien. Il n’en est pas capable. Le coach n’a pas le courage de confronter Sasha, même s’il essaie de se persuader qu’il n’est qu’un client. Un simple client hm. Un client qui savait pertinemment que Terrence était en plein crush sur ce personnage inventé, Ivy Love…. Et merde. Il a réfléchi. Alors, quand la série de burpees commence, Terrence accélère la cadence sans même s’en rendre compte.

Oublie, bordel. Il est aveuglé par cette colère qui reprend contrôle et, lorsque la musique s’arrête brutalement contre sa volonté, le retour à la réalité est bien trop difficile. Il venait à peine de se relever, prêt à retourner sur ses mains, position pompes. What the fuck you think you're doing ? Tente-t-il de s’écrier encore essouffler, chose qui lui ressemble difficilement. Son état second est d’autant plus flagrant maintenant. Il ne prend même pas la peine d’essuyer son front avec son t-shirt comme d’habitude ; au contraire, il vient encrer ses mains sur ses côtes d’un air inquisiteur. Okay, what the fuck is wrong with you tonight? Why do you c- Elle l’interrompt. Quelle erreur. Cette envie de lui coller son poing dans la gueule s’intensifie. Ce n'est pas comme ça qu'on calme un Italien en rogne... Cela a le don de mettre le feu aux poudres. Comment peut-elle agir comme une reine ? N’a-t-elle donc aucun remords, aucun scrupule ? N’étaient-ils pas amis ? Il fronce les sourcils, manifestant ouvertement son désaccord avec ce ton qu’elle emploi. Pour qui elle se prend ? A-t-elle seulement idée de ce qu’elle a fait ? De ce qu’elle est en train de faire ? I am being professionnal by staying calm and doing my fucking job by training you. Terrence n’apprécie pas ce recul qu’elle prend, il voit là encore un moyen de fuir l’adversité, fuir le conflit. Elle n’assume donc pas et ose remettre en doute son professionnalisme… A lui ?!

Petit à petit, le feu qu’il tente d’étouffer grandit. Il serre les dents à nouveau, baisse la tête pour fixer ses pieds, s’accordant le temps de la réflexion. Ce n’est pourtant qu’une façade. Il n’est plus en état de réfléchir. You don't like my music ? Fine. Sa voix est calme, on sent celle-ci trembler légèrement avec cette colère qu’il contient encore, toujours. Go on. Put your goddamn gay music. Il relève la tête, toisant de plus belle Sasha comme s’il contemplait le mépris en lui-même. Terrence s’est même rapproché d’elle. Il n’est pas plus grand que Sasha, c’est probablement pour ça qu’il a cette impression qu’elle le prend de haut, là, maintenant. Tout détail même anodin est propice à attiser la flamme de la colère. You’re acting like those pussies I had earlier, trying to find an excuse to avoid the exercices. Il n’est plus qu’a quelques centimètres de Sasha, réduisant involontairement cet espace et détruisant cette zone de confort par cette attitude menaçante.

Pourtant, cette menace ne dure qu’un fragment de secondes. A cette distance, en plongeant ses yeux dans ceux de Sasha, il l’a reconnue. Elle est là, Ivy, au fond de lui. C’est difficile à admettre, encore plus maintenant, mais Sasha est bel et bien Ivy… Le poignard s’enfonce un peu plus dans son cœur. Sa colère explose, la tristesse entre en scène avec la déception. Drôle de flot de sentiments qui se bouscule. Quelques secondes. Il lui a fallut quelques secondes pour vérifier que tout était vrai. A nouveau, il tombe de haut. Au fond, Terrence espérait que ce n’était qu’un hasard. Qu’ils se connaissaient. Que c’était deux personnes distinctes. Non. La seule lueur d’espoir qu’il avait vient juste de voler en éclat.

Quelques secondes seulement. Il fait volte-face, s’écartant à son tour de Sasha en murmurant ces paroles acerbes sans vraiment se soucier des conséquences. If you don't want to workout, ma vaffanculo, vai…

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Why do you care? Si Sasha ne l’a pas laissé finir sa phrase, elle n’est pas moins consciente de ce que Terrence a tenté de dire et s’en trouve presque offensé alors qu’elle le conforte dans ses pensées en paroles quelques secondes plus tard. Pourtant, elle n’arrive pas à croire qu’elle doute de sa sincérité. Si elle n’en avait rien à faire de lui, elle n’aurait pas réagi de manière si véhémente, comme si son attitude de gamin colérique la rendait folle. Et c’est bien ce qu’il est en train de faire. La rendre folle, presque comme s’il le faisait sciemment en y prenant un malin plaisir. Ils sont tous deux des bombes à retardement qui pourraient exploser à tout moment. Terrence tremble de colère. Sasha voit ses poings serrés tressaillir. Les jointures de ses doigts sont blanches de rage. None of that is being professional. Whatever your reason for being mad is, you cannot be acting like that towards anybody. It doesn’t matter if it’s a client or a friend. La grande dame se veut donneuse de leçons, mais elle sent, au plus profond de ses entrailles, un ouragan qui arrive, probablement déclenché par une minuscule erreur telle le battement d’une aile de papillon de l’autre côté de la planète, ou, comme elle le dirait si bien en français, le parpaing de la réalité qui va lui tomber sur le coin de la gueule.

Lâchant un râle d’énervement, elle veut lui dire que ce n’est pas sa musique de sauvage, le vrai problème, que c’est son attitude, sa froideur et la façade d’indifférence qui s’est écroulée pour laisser place à la colère. What the fuck!? Elle croit rêver. Il y a des manières des parler des homosexuels, de les traiter de tapettes. Parfois, quand l’humour est présent, elle acquiesce et en rit. Mais la manière dont les mots sont sortis de la bouche de Terrence, c’est comme un coup de couteau planté en plein cœur. Lui qui l’a toujours acceptée comme elle était — même s’il n’a jamais compris le concept de non-binaire et qu’elle a depuis bien longtemps renoncé à lui expliquer — retournerait d’un coup sa veste ? Elle a du mal à y croire. What did you fucking call me!? Alors quand il s’approche, elle ne bronche pas. On pourrait croire qu’il l’impressionnerait, ce type tout de muscles bâti, mais c’est tout le contraire. Elle est convaincue qu’il ne lui fera aucun mal. Il n’osera jamais lever la main sur elle. Il ne peut pas. Elle la voit, cette faille, au fond de son regard. Derrière ce mur de rage, de colère et de déception, c’est la tristesse et le désespoir qu’elle décèle.

Elle a baissé les yeux sur lui mais son regard s’est adouci le temps d’une seconde. Okay, listen, I— Mais elle n’a pas le temps d’en dire plus, de faire le moindre geste pour le calmer qu’il s’est déjà détourné d’elle. Cette fois, il lui faut quelques secondes pour reprendre pied et assimiler ce qu’elle a vu tourbillonner dans les yeux de son ami. Si l’explosion de colère de celui-ci est intérieure, celle de Sasha s’entend clairement. Terrenzio, basta!

En quelques enjambées, elle l’a dépassé et se poste face à lui, poings serrés sur ses hanches. Si elle a l’instinct de fuite, Terrence la bat à plate couture mais à présent, tout ce qu’elle veut, c’est crever l’abcès, qu’il lui avoue pourquoi il est tant en colère, pourquoi il veut absolument la fuir. You’re running away from me and I’m the pussy!? You’re a joke. You're a fucking joke. Sasha sait qu’elle risque gros en s’emportant sur lui, en lui renvoyant ses critiques mais en faisant cela, elle prie, au fond d’elle, pour qu’il lâche sa bombe, pour ne plus avoir à se cacher. Après tout, elle n’avait rien à se reprocher avant qu’il vienne la voir à Manhattan. Rien du tout. Elle n’avait pas eu d’autre choix que lui mentir une fois la rencontre au Hammerstein Ballroom. Il lui était impossible d'envisager de soudainement enlever sa perruque et lui balancer un « hi, Terrence, it’s me, recognize me? ». Il n’aurait pas supporté non plus. En réalité, ça n’aurait pas pu bien se passer. I know you’re mad at me so quit fucking around and just tell me! I don’t want to hear any goddam excuses anymore!

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C'est le clash. Il n'a pas pu l'empêcher plus longtemps. C'est impossible. Terrence est connu pour ce tempérament de feu, c'est d'ailleurs pour ça qu'il n'a jamais pu faire ses preuves en national malgré son niveau. Avec le temps, il s'est assagit. Il a réussi a encaisser un peu plus, plus longtemps. Pourtant, il y a des sujets avec lesquels cela reste difficile de jouer avec lui ; ce genre de sujet tabou qui peut le remettre en question. Sasha est, malgré elle, l'un de ces sujets.

Alors oui. Il est furieux. Incapable de gérer ses émotions. La seule chose qu'il a envie de faire; c'est taper dans ce mur, car le sac de frappe est trop loin pour l'instant. Taper ce mur, évacuer cette rage qui le possède. Frapper ce mur pour ne pas avoir à se retenir et de voir partir un coup partir bêtement. Sasha est frêle et fragile. Même s'il ne peut que remarquer ses progrès et son talent pour les numéros acrobatique (maintenant il comprend que ce n'est pas du cirque soit dit en passant), elle ne pourra pas supporter le poids de la colère de Terrence s'il vient à libérer cette dernière. Malgré cette trahison, l'italien en vient encore à vouloir la préserver et la protéger. Il ne veut pas être comme ces types qui la harcelaient le premier jour. Il n'est pas comme ça. C'est un Coach, un mec respectable... Lorsque ça l'arrange.

Elle peut s'offusquer devant ses réflexions. Cela ne l'affecte pas. Pour lui, c'est comme lui rendre la monnaie de sa pièce. A quoi s'attendait-elle réellement en lui mentant ouvertement ? Qu'il en rigole, alors qu'il avait été sincère malgré son manque de discernement ? Sasha peut le confronter en bloquant sa route, l'empêchant d'aller décharger sa haine contre quelque chose de solide. Fuir. Lui ? Am I a joke to you, Sasha ? Sa voix est de nouveau tremblante, mais beaucoup moins agressive qu'auparavant. Son visage est fermé, tentant toujours de ravaler ces mots qu'il pèse minutieusement en les employant. Ses yeux se sont à nouveau accroché aux siens, la défiant de lui donner une mauvaise réponse... Mais la patience n'est pas son fort maintenant. Pas pour le moment... Alors quand Sasha laisse sous entendre qu'elle a compris la raison de sa colère, il s'avance à nouveau vers elle, à nouveau menaçant. Pourquoi ce serait à lui de trouver des excuses ? Why does everything always have to be about you ? C'est vrai. Le problème, ce n'est pas seulement que Sasha. C'est lui aussi. Ce sentiment d'impureté, de se dire qui a pu avoir une attirance pour un garçon. Ce sentiment que quelque chose ne va pas, qu'il est probablement devenu fou. Ce putain de sentiment qui le retient de lui éclater la gueule, là, tout de suite, maintenant. Tell me. What could you possibly do wrong ? Il n'est plus essoufflé, mais pourtant sa respiration est loin d'être des plus discrète. Dans ces excès de colère, on l'a toujours comparé à un taureau près à charger lorsqu'il voit rouge... Et là, la cible n'a pas intérêt à bouger, car il ne va pas la rater à cette distance.

A nouveau, il perd patience. You know what ? Malgré la perte de sang froid, son attitude change radicalement. Nevermind. Une autre cible fait son apparition, bien qu'elle soit directement liée à celle qui se tient devant lui. Nerveusement, il passe sa langue sur ses lèvres. I really do need to get laid to chill out. Il fait un pas en arrièr epour s'essuyer le visage avec son t-shirt, comme s'il était un peu plus détendu. Ce n'est que du vent. La tempête est bien là et Sasha est toujours dans sa ligne de mire. A nouveau, il la plante, déterminé à aller chercher son téléphone posé sur le banc à côté du tableau. Finally I think I'm gonna text that hoe to hang out. Il peine à déverrouiller son cellulaire tant l'énervement le fait trembler. Cela lui prend légèrement plus de temps, mais il parvient à faire le schéma. Il marque une pause dans sa mise en scène, lève la tête pour regarder Sasha. C'est maintenant ou jamais. You know me and we both know I won't let her keep that dress on for too long. What do you think I should do ? Sa voix se dérobe au fur et à mesure qu'il avoue avoir découvert la vérité... Et sans vraiment attendre de réponse, il explose à nouveau, balançant son pauvre téléphone contre le mur, lui qui n'avait pourtant rien demandé. Should I ask her out ?

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Chi c*zzo sei ?

@Terrence Esposito & Sasha De Lorenzi

Am I a joke to you, Sasha?

En entendant ces mots prononcés par son coach adoré, Sasha sent son souffle se couper. Bien qu’ils soient sortis de sa propre bouche quelques instants plus tôt. Elle aimerait pouvoir lui dire qu’il se trompe, qu’il est important pour elle. Elle voudrait qu’il comprenne à quel point elle tient à lui, à eux, quoi que soit ce « eux ». Tout ça, ce n’était pas que du vent, comme elle l’avait prétendu avec beaucoup trop d’indifférence. Pour une fois, même si ça ne dure qu’un instant, la grande dame devient muette. C’est sans compter l’effet de bombe qu’ont les reproches de Terrence. It doesn’t always have to be about me, but face your truth, you’re making it about me! It was, all along! Il sait très bien ce qu’elle a fait de mal. Il le sait mieux que quiconque, en fait, même si elle a du mal à le comprendre. Elle n’a toujours pas bougé. Pour une fois, ils se font face sans tenter de fuir. Le taureau face au torero. Sasha n’a pas besoin de confirmation et pense connaître la raison de sa colère. Stop behaving like a sarcastic douche and listen to me for Christ sake!

Mais c’est peine perdue. Terrence ne l’écoute pas. Ils se parlent mais ne s’entendent pas vraiment. What ? Perdue, c’est exactement le mot pour décrire son état d’esprit, malgré la douleur sourde dans la poitrine. Ce qu’elle aimerait qu’il se mette à rire et lui dise qu’il la fait marcher, qu’il comprend et ne lui en veut pas. Mais Terrence, elle l’a compris bien assez tôt, ne pourrait pas si facilement accepter tout ça. Cependant, le changement d’attitude la rend confuse. La colère se dissipe lentement tandis qu’elle tente de comprendre le petit jeu auquel joue le coach. What hoe? A l’instant où ces mots franchissent les lèvres de l’italien, elle comprend. Naïvement, elle a voulu croire qu’il voulait réellement se calmer et qu’il parlait d’une autre de ses clientes, une pour laquelle il n’aurait pas eu des attentions particulières depuis le début ; mais lorsque les connections se font dans sa tête, elle laisse échapper un bref halètement de peine. C’est elle, la pute. C’est elle, la pute qui ne mettra pas longtemps à tomber la robe. Et il ose. Il ose lui demander ce qu’il doit faire. Ses lèvres s’entrouvrent mais elle n’a pas le temps de parler que son téléphone va s’éclater contre le mur. Sasha sursaute sur place.

Ce n’est pas d’être mise devant le fait accompli qui la blesse. Peu lui importe. Elle n’aura aucun mal à admettre qui elle est réellement — peut-être un peu plus à admettre qu’elle s’est très brièvement jouée de la faiblesse du jeune homme pour Ivy. Ce qui la blesse, c’est cette ironie malsaine dont il fait preuve à son égard, prétendant parler uniquement d’Ivy, comme s’il n’avait pas compris qui elle était.

Il lui suffit d’une demi-seconde, une demi-seconde où elle relâche son maintien. Elle avance vers lui à nouveau. Un pas, puis un second. La gifle cingle sa joue trop rapidement pour qu’il l’en empêche. I think you should. Ask her out. Maybe she’ll fuck your brains back in their place. Ses yeux sont noirs de rage. Si elle avait osé, elle lui aurait balance une droite dans le nez — et dieu sait si elle l’a déjà fait, cassant au passage le nez de son assaillant — mais au point où ils en sont, elle estime qu’il ne mérite même pas l’effort. La grande dame tourne les talons, résolue à partir. Du moins c’est ce qu’elle pense mais à peine a-t-elle fait quelques pas qu’elle se tourne vers lui à nouveau, bouillante de colère.

So what? What if I’m a drag queen!? Des deux mains, elle le repousse par les épaules. What if I like fucking guys!? A nouveau, elle le repousse. What does it matter to you!? Sasha hausse très rarement le ton, prétextant en general qu’elle n’a pas le temps de s’énerver pour des broutilles, mais Terrence a réussi l’exploit ultime : la faire sortir de ses gonds. Yes, I lied! I lied back then because how the fuck was I supposed to tell you? You were in front of me looking like a fucking idiot and I was supposed to tell you, in front of everyone, that hey, it’s me, Sasha!? How were you gonna react anyway!? And do not tell me you wouldn’t have walked away, because you would have done exactly that! Don’t you dare pretend you’d have understood! Sa voix l’abandonne un instant. Oh I know you, yes. I know you enough to know you would’ve never called her. And maybe! Maybe she was hoping you’d call so she could’ve told you the truth and because she liked the guy she met that night but no! Terrence didn’t have the balls to call her! Lentement, elle s’est rapprochée de lui de sorte à ce que seuls quelques centimètres les séparent. I feel terrible enough for lying to you but I’m not a whore and you don’t get to call me that.

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La gifle a l’effet d’une douche froide supplémentaire. Ce geste est loin de remettre ses idées en place, car le voilà presque prêt à riposter. Par réflexe d’auto défense, son bras droit bouge légèrement avant que la raison le rattrape. Terrence sait que s’il perd le contrôle, c’en est fini. Ce n’est pas qu’un coup qui partira ; voilà trois jours qu’il tente d’enterrer ces sentiments pour éviter de cogner le premier passant, et pour le coup, éviter de s’acharner physiquement sur Sasha… Mais il se laisse aller avec les mots. Il n’a jamais eu peur de dire les choses. Mauvais menteur, Terrence a toujours privilégié l’honnêteté et le dialogue.

Et Sasha décide de partir. Oh non, il ne va pas la retenir. Il n’a pas non plus besoin de lui dire de prendre ses affaires. Elle le fait d’elle-même. Absent, il regard le cadavre de son téléphone au sol. Le rebond l’a fait atterrir à ses pieds. Ses poings et sa mâchoire ne se détendent pas pour autant. Finir cette discussion (si on peut encore comparer ça à un échange) ainsi ne le satisfait pas. L’amertume est toujours là. Que doit-il faire pour aller mieux ? Lui casser la gueule ? Terrence doute que cela le soulage. So what? What if I’m a drag queen!?Alors qu’il lève les yeux vers Sasha qui semble avoir fait demi-tour, cette dernière profite de l’inattention du Coach pour le repousser. Il perd à moitié l’équilibre, un quart de seconde, le temps de subir l’effet de surprise. What if I like fucking guys!?

A nouveau il bouge, sauf que cette fois, c’est la fois de trop. Il peut accepter la gifle, la pardonner. I don’t give a fuck about what you do what you are ! L’Italien se redresse, parle légèrement plus calmement qu’auparavant. Il n’essaie pas de la raisonner, loin de là. Il expose un simple fait à ses accusations. Sasha n’est pas la victime dans cette histoire. De quel droit se permet-elle de le provoquer un peu plus ? Comment peut-elle croire que c’est sa personne qui pose problème. What does it matter to you ?! Il bombe le torse, s’imposant face à cette réflexion de trop. Un fragment de seconde seulement lui suffit pour balayer ce calme qu’il avait réussi à s’imposer. YOU SHOULD HAVE TOLD ME AT THE VERY FIRST MOMENT WE MET ! Terrence hausse la voix en faisant un pas en avant, défiant Sasha de le repousser à nouveau. Première réelle manifestation de sa fureur et colère. Il marque une pause, tremblant de rage, cherchant à baisser le ton. Ce n’est pas comme ça qu’on dialogue… Alors, lorsqu’il reprend la parole, il maîtrise difficilement son ton pour ne pas hurler davantage. HOW ! How could you lie to me ? You didn’t even fucking knew me back then, and yet, you fucking lied and hid the damn truth from me ! Do you think I’d lower myself to be a scum like those bastards ?

Mais plus rien ne les retient. La vérité explose, un peu plus, chaque seconde. Sasha, probablement rongé par les remords, mais ce n’est pas suffisant pour apaiser le Coach. Sa réaction ne l’aide pas à retrouver la paix, car Terrence estime être dans son droit. Il a le droit d’être en colère. Il a le droit de lui en vouloir. Pourquoi ne fait-elle pas amende honorable. Dire qu’elle est désolée… Est-ce si difficile ? Au contraire, Sasha, poussée dans ses retranchements, se contente d’envenimer la situation. …You were in front of me looking like a fucking idiot... Perdio… I WAS FUCKING DRUNK ! Il tente de crier par-dessus ses paroles, refusant d’entendre ces accusations, ce jugement dont elle a toujours fait preuve à son égard. Plus Sasha parle et plus la vérité le poignarde, petit à petit. Quelle image pouvait-elle avoir de lui ? Une vague de désespoir le submerge lorsque Sasha, dans un déni total de sa responsabilité vis-à-vis de la situation, marque une pause. Il libère la pression d’une de ses mains pour venir frotter son visage, persuadé qu’ils n’arriveront pas à s’entendre. Comme le penseur du Rodin, il reste ainsi, cherchant à arranger toutes ces pensées qui se bousculent… Mais la Drag Queen n’a pas fini. Elle reprend, tandis qu’il semble rester de marbre le temps d’un instant. Le temps d’écouter à nouveau ce venin. ...Terrence didn’t have the balls to call her ! Le bras retombe, cette fois, d’un doigt accusateur qu’il pointe vers Sasha, il s’écrit à nouveau. STOP. TALKING. PRETENDING. SHE. FUCKING. EXISTS ! Il appuie sur chaque mot, accentuant ses paroles en plantant son index contre le torse de Sasha à chaque fois qu’il ouvrait la bouche. It was you from the very begining. Il a perdu le fil, quitté Sasha des yeux en faisant état de ce constat. Terrence ne parlait pas vraiment à Sasha à l’instant. Son bras est retombé contre lui, comme s’il abandonnait la lutte. La dispute. Il lâche les rênes, le barrage cède à la déception qui tambourinait à la porte. La rage lui a fait monter les larmes aux yeux sans qu’il puisse réellement les contrôler. Voulant garder le contrôle, il se mord l’intérieur des joues et baisse les yeux, tapant nerveusement du pieds.

I feel terrible enough for lying to you but I’m not a whore and you don’t get to call me that. What now ? You want me to be sorry for you ? Un murmure tremblant tandis qu'il arque un sourcil. Il se mord la lèvre inférieure jusqu’à avoir l’impression de goût du sang. A nouveau, il passe sa main sur son visage pour tenter d’essuyer discrètement ces yeux qui le font sentir un peu plus minable. Plus faible. Plus humain. Ce sont de longues secondes, interminables, où Terrence semble n’être qu’un zombie. Il ne tremble plus, seule sa respiration rapide trahit encore son état second. Il n’est pas sonné, ni assommé par les dires de Sasha. Lorsqu’il décide enfin de renouer le contact visuel en levant les yeux vers elle, ce regard assassin la plante. I’d rather get hosed by a whore than a fucking liar. En crachant ces paroles, déformant son visage par ce mépris que lui inspirait Sasha en cet instant, la fureur se manifeste à nouveau. A nouveau, le taureau sort de l’enclos, prêt à renverser ce danseur de pacotille qui ne fait pas le poids face à lui dans l’arène. Il a encaissé toutes les paroles de Sasha, comme des banderilles qu’elle plantait dans son dos pour se déresponsabiliser. Mais Terrence n’est pas dupe. Il ne veut pas savoir qu’elle se sent mal de lui avoir menti. Il s’en contre fou qu’elle n’accepte pas la comparaison à une putain. Une putain qu’il avait désiré ce soir. Cette pensée, aussi simple soit-elle a l’effet d’une bombe en lui. I ALMOST KISSED HER. Il s’écarte, avec ce besoin imminent d’évacuer cette frustration dans un nouvel excès de colère qui se manifeste. Kissed… La seule chose qu’il trouve, c’est son téléphone, dans lequel il n’hésite pas à mettre un coup de pied comme si ce dernier n’était qu’un simple ballon de football en terminant sa phrase. YOU ! Il pointe Sasha du doigt, l’accusant à nouveau de tout ces malheurs et de toute cette colère qui ne veut pas le laisser respirer. En deux secondes, il se plante à nouveau devant son élève, retournant sa main pour se pointer lui. How do you think that makes me feel ? Sasha qui ne pensait qu'a elle. Sasha qui ne s'était vraiment pas mise à sa place selon lui. I'm not fucking gay for christ sakes.

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La voix de Terrence terrasse la sienne mais ses mots ne font aucun sens. Elle n’a pas peur de lui alors quand il se rapproche d’elle, elle ne fait pas un pas en arrière. Son souffle chaud tel un animal enragé, ses yeux noirs de fureur fixant les siens. Elle le regarde de haut sans pour autant le toiser avec dédain. Why!? Did I owe you anything back then!? Why did you absolutely need to know I was a drag queen!? I didn’t hide the truth from you! Elle tente de s’expliquer mais les mots n’arrivent pas à atteindre le garçon. Il ne l’écoute plus. Alors, lui expliquer qu’elle sait qu’il n’est en rien comme ces raclures, que c’est un mec intègre et propre sur lui. Qu’il ne lui ferait pas de mal. Elle y croit encore malgré la proximité et la manière qu’il a d’ouvrir et fermer le poing comme s’il s’empêcher de la frapper.

Il lui faut quelques secondes pour se décider à avancer sa main vers lui, discrètement, parée à saisir la sienne, dans un geste désespéré qui espèrerait le calmer, mais ce sont quelques secondes de trop qui ne parviennent pas à prévenir l’explosion. Soûl. Elle a du mal à y croire. A ses yeux, il n’était pas soûl, même pas un peu pompette, juste très heureux et sous son charme. Peut-être un peu plus heureux que d’habitude. La grande dame, ce jour-là, s’était mis des œillères, se persuadant qui s’il était encore plus heureux qu’à l’ordinaire, c’était parce qu’il avait eu un coup de foudre et peut-être s’était-elle un peu trop réjouie. Beaucoup trop, à présent. STOP. TALKING. PRETENDING. SHE. FUCKING. EXISTS! Ces mots appuyés par son doigt qui se plante dans sa poitrine à chaque fois font mal. Elle sent les larmes monter à ses yeux, elle qui n’a pas pleuré depuis des années et avait réussi à se convaincre de l’existence de son cœur de pierre. Il ne peut pas savoir, Terrence, combien elle a dû se battre pour être acceptée, pour que les gens comprennent qu’Ivy et elle ne forment qu’une seule et même personne. Of course she fucking exists! It’s me! Elle dégage l’index de Terrence d’une claque de la main. But you’re so thick you wouldn’t even understand what non-binary means! How was I supposed to explain what drag is? Elle marmonne presque, à ce stade, car il ne l’écoute pas. Elle a également perdu le fil de ses paroles en remarquant les yeux de ce type inébranlable baignés de larmes.

Terrence, look, I’m so— A nouveau, il l’interrompt. Elle n’arrive pas à finir sa phrase et ses excuses se perdent dans l’oubli. Elle lève les yeux au ciel, la grande dame. Of course I don’t want you to be sorry for me, that’s not the point! I can’t change what I said or did not say to you… Ses yeux s’écarquillent d’un coup, ne s’attendant pas à ce dernier excès de colère. Oui, ils ont failli s’embrasser. Elle se rappelle encore combien elle en avait envie, ce jour-là. A vrai dire, elle en avait envie depuis bien plus longtemps que ça mais s’en est aperçue ce soir-là. Elle avait maudit l’arrivée de Matthew pour les empêcher d’aller plus loin mais en quelque sorte, ce n’était pas plus mal. Tout se serait beaucoup trop mal terminé s’ils avaient échangé un baiser, sur cette scène. Plus mal que maintenant même si c’est difficilement imaginable. Penaude devant lui, elle a le même sentiment que huit ans plus tôt, dans cette ruelle. Toute petite et insignifiante. I don’t… Elle reprend sa respiration, les yeux au plafond comme si ça pouvait faire s’évaporer ses larmes mais quand elle baisse les yeux vers le coach, c’est un sourire sardonique qu’elle affiche. Why is it such a big deal, huh? Why is it so dramatic to want to kiss a guy? That’s what it’s all about, after all, isn’t it? You realized the girl you wanted to fuck is a guy! Poor you. Poor little Terrence.

Sasha sait qu’elle va trop loin dans ses paroles, qu’il n’y peut rien après tout, si à trente ans passés, il se cherche encore. Et que, surtout, il lui en veut d’avoir menti, mais elle n’arrive pas à s’excuser, peu importe combien elle en a envie. Il l’a regardée avec tellement de dégoût en constatant que c’est elle qui avait « failli » embrasser, qu’elle s’est à nouveau sentie moquée et rabaissée, comme à l’époque avant que le drag la sauve. Guess what.

Une pause pendant laquelle elle retrouve son regard et s’y accroche. It’s not my problem if you don’t know who you really are. It doesn’t give you the right to be a fucking asshole. Tout ça à cause d’un mensonge et de malheureux sentiments que ni l’un ni l’autre peuvent contrôler — des sentiments de ceux qui font s’emballer le cœur et rougir les joues, qui rendent les mains moites et empêchent le cerveau de penser à autre chose qu’à la raison de ceux-ci. Elle ne peut que laisser la peur panique l’envahir. Incapable d’imaginer une suite sans cet homme qu’elle ne connaît que depuis quelques semaines. Si tout son corps voudrait fuir, c’est la raison qui la retient. Si elle fuit, à présent, elle est sûre de ne jamais le revoir. Elle ne peut pas partir tant que tout n’est pas réglé, tant qu’une partie des tensions n’est pas apaisée, bien que pour le moment ils en soient très loin. C’est comme un rêve un peu trop idéaliste.

I wanted you to kiss me, laisse-t-elle échapper avant de pouvoir retenir ces mots. Une fois qu’ils sont lâchés, impossible de faire machine arrière. Il n’y a plus qu’à admettre et de prier pour que Terrence se calme. That night, what you felt, I felt it too. Cette attirance entre eux, bien plus complexe qu’une simple attirance physique, le sentiment de connexion profonde qui les unissait. Avait-elle vraiment rêvé tout ça ? Quelque chose lui disait que, dans son inconscient, quand il s’est retrouvé devant elle, ce soir-là, toute apprêtée et un peu pompette après le show, il avait tout de suite compris qui elle était mais le mentionner à présent à Terrence était une mauvaise idée, elle le savait très bien. You knew. Maybe you haven’t realized it yet but you knew when you saw Ivy, that it was me.

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Why is it such a big deal, huh? Why is it so dramatic to want to kiss a guy? That’s what it’s all about, after all, isn’t it? You realized the girl you wanted to fuck is a guy! Poor you. Poor little Terrence.

It was supposed to be a fucking woman ! Sa voix se brise et l’abandonne alors qu’il tente de se justifier. Cette fois, les banderilles que plante Sasha sur son échine touchent des points sensibles. Oui. Il aurait aimé aller plus loin avec Ivy. Il le souhaite toujours, tout en sachant que ce n’était qu’un mirage. Un fantasme, une putain d’illusion. Cette idée lui fait de nouveau perdre les pédales. Comment peut-elle soutenir son regard. Comment ose-t-elle continuer sur sa lancée. Ne l’a-t-elle pas suffisamment humilié ? Faut-il vraiment continuer de provoquer la bête ? Cette lutte dans l’arène ne les laissera jamais intact. Ce soir, il n’y aura qu’un vainqueur, mais celui-ci sortira difficilement. Les blessures seront peut-être irréversibles.

Et il laisse un rire amer s’échapper à sa dernière réflexion. C’est le comble. Un rire désabusé, moqueur accompagné de ce même regard qui la fusille sur place. Non chiamarmi stronzo quando tu lo prendi nel culo. Ce rire noir, qui ne lui ressemble pas s’arrête aussitôt. Ses lèvres se retroussent. Terrence sait qui il est. Il en est persuadé, tout comme il est persuadé qu’elle fait tout pour le déstabiliser. Pour se donner raison. Sasha est acculée, a court d’argument, alors, la seule chose qu’elle trouve à faire selon lui, c’est l’insulter. Pourtant, au fond, pendant cet instant de répit, Terrence sait qu’il pourra lui pardonner. Elle n’a qu’a simplement s’excuser. Des excuses, et peut-être pourront-ils partir sur de bonnes bases. Ce simple moment de répit, il semble reprendre ses esprits. Ses épaules se détendent légèrement. Ses yeux s’échappent un instant pour fixer le vide, derrière Sasha. Sans vraiment comprendre pourquoi, même cette trahison, il pourrait le lui pardonner. Ce n’est pourtant pas si difficile, pas vrai ? Cette fois, il plonge son visage dans ses deux mains, ayant réussi à desserrer son poing gauche.

I wanted you to kiss me.

Il tire son visage entre ses doigts en relevant la tête. Son expression est faussée, mais la surprise et l’incompréhension peut clairement se lire dans son regard. Pourquoi diable voudrait-il qu’ils s’embrassent ? Cette révélation a l’effet d’une piqure d’adrénaline. Terrence ne comprend pas pourquoi son cœur s’affole face à cet aveu. Il cligne des yeux a plusieurs reprises. Quoi ? Oui, Sasha est gay. Pas lui. Jamais. Comment pourrait-il l’embrasser ? Ivy oui. Il en mourrait d’envie. Pas lui. Pas Sasha. Pas un putain de garçon ? C’est une blague ? Et à nouveau, le taureau qui était parvenu à trouver une once de paix intérieur voit rouge.

That night, what you felt, I felt it too.

Quoi ? Que… Quoi ? Ses yeux s’écarquillent. Il n’entend même pas ce qu’elle a dit au sujet d’Ivy. Il va le tuer avant la fin de la soirée, c’est certain. Comment ose-t-il ? What did you just say ? Incrédule, il a tourné son visage pour être sûr d’avoir entendu. Et il charge, ce taureau, face à la muléta qu’agite Sasha devant lui. Ses mains ont quitté son visage pour se poser brutalement contre le torse frêle et fragile de Sasha qu’il repousse à son tour, bien plus fort qu’elle auparavant. Les jambes de Sasha ne peuvent résister face à l’élan du Coach, pris d’un nouvel accès de colère. Alors qu’elle recule de plusieurs pas et manque de se cogner contre le tableau, il la rattrape, ne lui laissant aucun moment de répit. Cette fois, il se colle à elle, a quelques centimètres de son visage. Don’t act like you know what I felt. You don’t know shit about me. Froides et tranchante sont ces paroles. Il n’hurle pas contrairement à tout à l’heure, montrant alors un nouvel aspect de sa colère, bien plus dangereuse et imprévisible. Dos au mur, Sasha n’a aucune échappatoire. Terrence cherche une bonne raison de ne pas lui casser la gueule. Il déteste sentir son cœur manquer d’exploser son torse pour s’échapper de sa poitrine. L’italien ne comprend ni ne veut comprendre. Il est à nouveau aveuglé par cette rage. Comment pourrait-il ressentir des choses pour un garçon ? C’est tout simplement impossible. Pourtant, une petit voix à l’intérieur le pousse à pousser le vice à son paroxysme.

You wanted me to kiss you ?

Et cette fois, répondant à une pulsion malsaine, il saisit la Grande Dame par la nuque pour la tirer à lui afin d’écraser leurs lèvres brutalement. Si au début tout cela n’a pour but que de contraindre Sasha et le blesse d’avantage, au fil des secondes, Terrence se laisse emporter. Cette amertume laisse place à une étrange passion qu’il ne connaissait pas jusqu’à lors. Son emprise se resserre autour du cou de Sasha, l’empêchant définitivement de fuir, en redemandant d’avantage. Sa main libre vient s’aventurer dangereusement sous le t-shirt de Sasha, le plaquant un peu plus contre le mur, touchant du bout des doigt sa peau bouillante, remontant dangereusement vers sa poitrine. Ce n’est que lorsqu’il s’aventure sur le torse du garçon qu’il semble reprendre ses esprits. Pris de panique, il interrompt brusquement ce baiser, relâchant le garçon. Il brûle d’envie de poursuivre, mais sa tête va exploser. C’est impossible. Comment a-t-il pu céder à ça ? La peur de devenir quelqu’un d’autre. Puis la colère revient. Celle qui ne veut admettre l’inévitable. L’angoisse le guette, mais il tente de garder la tête haute. Il fait un pas en arrière, puis, dégoûté par ce qu’il vient de faire, dégouté de lui-même, s’essuie la bouche d’un revers de main. What about now ? Did you feel it too, Sasha ? L’amertume mêlée à la panique. Ce regard dédaigneux ne lui est pas directement adressé, pourtant, c’est bel et bien elle qui doit l’affronter. Il fait de nouveau un pas en arrière, s’obligeant à mettre un peu plus de distance entre eux pour ne pas céder à cette tentation. Lorsque Sasha s’écarte du mur pour se mettre dans une position plus confortable, il a un mouvement de recul.

What do you want from me? Sa voix tremblante refait surface. Son attitude change drastiquement, tel un volcan qui se réveil à nouveau. Il lève les bras, fait de grands gestes, probablement pour la garder à distance. Terrence a clairement perdu la raison. You want me to fuck you ? Is that what you want !? Il n’est pas de ce bord. Jamais. Il ne peut pas admettre qu’il en voulait plus il y a quelques instants… Et le simple fait d’y repenser l’enrage un peu plus. We bang, then what ? L’espace s’est de nouveau réduit. Il a fait un pas vers elle, mais pas assez pour qu’elle puisse l’atteindre. Ses bras ouverts l’invitent dangeureusement tandis qu’il s’écrit. Go on ! Take your damn clothes off. Show me that Ivy side of yours. SHOW ME. Ses derniers mots se sont dérobés sous le désespoir qui vient de balayer du revers de la main la colère. Il n’ose concevoir l’impossible. Furieux, il mord à nouveau ses lèvres. Il ne lui laisse pas le temps de répliquer, il enchaîne. Oh right. You can’t. You’re not a girl and I’m NOT a fucking faggot ! Peut-être qu’à force de le crier sous les toits il parviendra à s’en persuader et lever le doute qui plane dans sa tête.

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Tout ce que Sasha voulait, c’était partager ce baiser avec lui, sur scène. S’il avait su qui elle était, le moment était idéal, idyllique, même. Rares sont les gens qui assument de fréquenter ou même d’embrasser une drag queen. A cause de son mensonge, tout est ruiné, mais la grande dame est persuadée qu’il l’aurait acceptée comme elle l’était. Après tout, il a peut-être raison. Tout doit être de sa faute. Si elle lui avait dit la vérité, rien de tout ça ne serait arrivé. Ils seraient amis ou plus mais sereins et détendus.

Sasha, malgré sa grande taille, ne résiste pas à la force brute de Terrence, et s’écrase contre le mur. Un vent de panique balaye ses forces. Elle n’arrive pas à s’écarter, à fuir. Tout lui rappelle trop une certaine nuit. Malgré tout, les mots tournent encore en boucle dans sa tête, tels un mantra. He won’t hurt me. He won’t hurt me. He won’t hurt me. He won’t hurt me. Pour la première fois, elle sent sa détermination faiblir mais c’était sans compter la main qu’il passe autour de sa nuque pour l’attirer à lui. Tout son corps se tend de terreur. Elle ne sait pas et ne comprend pas ce qu’il lui veut, incapable d’être aussi lucide que d’habitude, d’anticiper ses faits et gestes. Leurs lèvres qui s’écrasent avec vigueur la fait frissonner de surprise, de peur et de confusion. Son cœur rate un battement puis s’affole comme jamais il ne s’est affolé. Elle a les yeux figés, écarquillés de panique. Que fait-il ? Qu’essaye-t-il de faire ? C’est pourtant bien elle qui a admis vouloir l’embrasser mais ne s’attendait pas à ce qu’il s’exécute aussi rapidement et de cette manière.

Le baiser a un goût d’amertume, de haine et de fureur, et la grande dame ne veut pas y céder. Il l’embrasse uniquement pour lui faire du mal, pour la blesser et la rabaisser. Elle ne peut pas céder à la tentation. Pourtant, c’est exactement ce qu’il se passe. Quitte à risquer d’être encore plus blessée, ses lèvres s’entrouvrent légèrement pour répondre à ce baiser brûlant, effleurer à sa langue inquisitrice au goût d’interdit, affirmer sa présence, son existence aux yeux du coach. Elle ne contrôle pas ses mains alors qu’elles remontent sur le torse galbé pour arriver à sa nuque. Elle qui avait passé des semaines à se demander quelle sensation lui donnerait un baiser échangé avec Terrence obtenait à présent ce qu’elle désirait tant. Et maintenant qu’elle l’avait, tel un enfant capricieux, elle n’en voulait plus. Pas maintenant, pas comme ça. Au lieu de la tendresse, il la gratifiait de violence à laquelle elle ne peut s’empêcher de répondre. Un élan de d’envie semble les submerger tous deux au moment instant car les doigts de Sasha trouvent la nuque de Terrence et les mains de ce dernier explorent son torse, ce contact avide de désir envoyant comme des décharges électriques le long de sa colonne vertébrale. Mais le plaisir est trop bref, l’espoir balayé d’un revers de main et elle repoussée d’un geste, la forçant à revenir sur Terre.

Leurs regards se croisent. Ceux de Terrence sont emplis de dégoût. C’est elle. Elle le dégoûte. What about now? Did you feel it too, Sasha? Même si elle s’en doutait, avoir la confirmation que ce baiser n’était rien d’autre que du vent pour le jeune homme fait mal, une douleur indescriptible car même elle n’a jamais ressenti cela auparavant. Un pas en arrière. Il ne veut pas être près d’elle. You’re not the Terrence I know. That’s not you, murmure-t-elle, plus pour elle-même que dans le but qu’il l’entende. De toute façon, il ne l’entendrait pas. Elle ne comprend même plus ce qu’il lui dit. Elle entend les mots mais ne sait pas pourquoi ils franchissent ses lèvres à ce moment-là. Oui, elle avait eu terriblement envie de lui, ce soir-là, elle avait espéré un baiser et même plus, mais pas pour l’image qu’il avait d’Ivy. Pour elle-même.

Wha… I don’t want th… I… Let me… A ce moment-là, Sasha n’ose même plus s’approcher de cette furie. Ses yeux divaguent vers les bancs qui bordent la salle. C’est à ce moment-là qu’elle repère la bouteille d’eau. Sans réfléchir à ses actes, sans se soucier de s’il lui parle de manière plus cohérente à ce moment précis, Sasha se dirige vers les bancs et s’empare de la bouteille d’eau qu’elle ouvre sur le chemin du retour vers Terrence. D’un geste brusque, elle lui renverse alors la totalité de la bouteille d’eau au visage dans l’espoir de le faire taire. Shut up! Shut the fuck up! What the fuck are you saying? Sa voix a baissé et elle le fixe alors avec incompréhension, le suppliant en silence de s’expliquer, ou même d’éclater de rire enfin, et de lui dire que tout ça n’était qu’une énorme blague pour la déstabiliser. L’observant des pieds à la tête, elle secoue la tête, incrédule. I don’t know that guy… fait-elle alors enfin, le désignant d’un geste faible de la main. I don’t know who you are but the Terrence I know would have never said or done any of this… Si l’on croirait qu’elle divague, elle se sent néanmoins parfaitement lucide. Un silence, enfin. Elle lâche un soupire d’épuisement. Listen to me, Terrence… I… I’m sorry I lied. I didn’t want to but I got sucked into my lie and… I didn’t know how to tell you anymore. And I’m sorry about all of that. Hurting you was never my wish. But know that… no matter what, everything I said or did back then was true. I did want you to kiss me or to call me.

Elle fait une nouvelle pause pour empêcher sa voix de se briser. Elle n’a pas pleurer depuis dix ans et ne veut pas lui donner cette satisfaction de la voir blessée et affaiblie par la situation. You’re right, maybe I’m a liar, a fag and even a whore, but at least I’m not lying to myself.

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Shut up! Shut the fuck up! What the fuck are you saying?

Il ne l’a pas vu venir. Clairement pas. Il n’a pas vu Sasha s’éloigner, trop aveuglé par sa colère, tel un fou furieux en pleine crise. Il se fige à l’instant où l’eau asperge son visage. Comme si on avait débranché la prise d’un automate, ses bras retombent le long de son corps. Cette méthode est comme un électrochoc, un moyen radical pour le reconnecter à la réalité. Lentement, mais surement, Terrence relève la tête pour regarder la Grande Dame. C’est donc ça le seul moyen qu’elle a trouvé pour le faire taire ? Cependant, contre toute attente, il s’abstient de protester cette fois. Le silence qu’il marque lui laisse le temps de reprendre ses esprits tout en restant attentif à Sasha, lui laissant une ultime chance de s’expliquer. Et c’est ce qu’elle fait. Bien entendu, le fait que cette dernière confie ne pas reconnaître Terrence ne lui fait ni chaud ni froid. Se sont-ils jamais réellement connus en soit ? Entre les mensonges et les non-dits, pouvaient-ils vraiment apprendre à s’aimer comme il se doit ?

L’italien n’aligne pas un mot. Il se tient droit, tenant contre lui ses bras croisés, posture de sécurité. L’eau dégoulinant de son visage ne semble pas vraiment le perturber. Attentif, il se sent presque soulagé lorsqu’elle s’excuse, et d’ailleurs ses épaules se détendent à nouveau. Son cœur est libéré. Voilà qu’elle admet enfin ses torts. Pour une fois, on l’a finalement écouté et on a entendu son point de vue. Il la laisse finir, et profite de cette pause pour finalement passer sa main sur son visage afin d’essuyer ce dernier. Lorsque celle-ci retombe, on pourrait presque apercevoir l’esquisse d’un sourire. Ses lèvres s’entrouvrent, comme pour lui donner sa bénédiction. Son pardon. Faire table rase… Mais avant même que Terrence n’arrive à en placer une, Sasha reprend la parole pour finalement lui planter l’ultime banderille.

Faire son méa culpa et frapper d’un énième coup de couteau alors qu’il a baissé sa garde. Le sourire qui peinait à s’afficher a disparu instantanément. Estomaqué devant ce manque de tact, ces derniers mots ont l’effet d’un coup de poing dans le ventre. Il lui faut quelques longues secondes avant de prendre une décision, de longues secondes où il garde le silence tout en fixant Sasha. Elle a osé. Alors, lui aussi va oser. Il hoche doucement la tête. On pourrait croire qu’il accepte les excuses de Sasha, mais c’est une autre manifestation de son agacement. Sa mâchoire se referme, et il fait volteface sans ajouter un mot, plantant Sasha en plein milieu de la salle. Il disparaît quelques minutes, dans le silence le plus total, où seul quatre bruits sourds et métalliques indiquent que le Coach s’est rendu dans les vestiaires. Le poing légèrement endolori par les coups qu’il a mis dans la porte d’un casier, il réapparait, les bras chargés d’affaires qu’il a mises en boule.

De nouveau devant Sasha, Terrence, de son visage fermé et impassible, balance alors ce qu’il tenait dans ses bras, aux pieds-même de son propriétaire. Since you know me that well, let me tell you this and mark my words. Quand il reprend la parole, sa voix est particulièrement douce contrairement aux dernières fois où il hurlait à moitié. Pourtant, les phrases qu’il utilise attentivement sont sélectionnées au mot près. Alors qu’Ivy – et cette fois, il a les idées assez claires pour comprendre qu’elle et Sasha ne font qu’une seule et même personne – fait un pas en arrière, lui en fait un en avant.

I don’t wanna see your face anymore.

Sa voix est froide. Son jugement est irrévocable. Il lui pardonne les mensonges. Il ne lui pardonne pas qu’elle remette en cause sa virilité et son identité. Une mini pause, le temps de reprendre son souffle et de laisser le temps à Sasha d’encaisser ce qu’il vient de dire dans le plus grand des calmes. Il aura probablement des regrets lorsqu’elle franchira la porte, pourtant il ne s’arrête pas là. Next time I see you… I’ll beat the crap out of you. Reste à savoir s’il est sérieux ou non. Depuis le début de la soirée, il mourrait d’envie de lui faire goûter de ses poings. Poker Face. Sur l’instant, il le pense vraiment. Terrence n’a jamais balancé des menaces à la légère, surtout dans ce type de contexte. Cela dit, Sasha… Est Ivy. Et Ivy… Terrence n’aurait jamais l’idée de lever la main sur elle. Mais le doute ne transparaît pas sur son visage. Il est déterminé à en finir et abat alors ses dernières cartes. I never asked you what happened the day we met, but now I think I got a pretty good idea of what you did to those guys. Ses yeux noirs fusillent la Drag Queen sur place. Ces sous-entendus sont clairement là pour la blesser une dernière fois, pour la pousser à le laisser seul. La seule chose dont Terrence ait besoin maintenant, c’est du temps pour se poser et réfléchir… Mais la simple présence d’Ivy affole son cœur, l’empêchant d’être rationnel. Par fierté, il tient encore à garder la tête haute face à elle. Immobile, il se retient de mordre sa lèvre pour cacher sa nervosité avant de donner son coup de grâce. We’re done here. Now get out and get the hell out of my face.

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Sasha regrette instantanément les derniers mots qui ont franchi ses lèvres. C’était le couteau dans le dos, le coup de pute qui finit d’achever une confiance difficilement retrouvée et toujours en équilibre instable. C’est son côté trop impulsif, incapable de réfléchir avant de parler. Tourner sept fois sa langue dans sa bouche, elle n’a jamais essayé. Son cœur s’emballe. Il la rend folle. Elle ne sait plus ce qu’elle dit. Un sourire était en train de réapparaitre sur ses lèvres et, comme par pure cruauté, elle l’a piétiné en quelques mots. Terrence, no, I… Lorsqu’elle le voit tourner les talons, elle enfouit son visage dans ses mains et laisse échapper un sanglot sourd qui ne fait couler aucune larme tandis que, du vestiaire résonnent des coups métalliques. La grande dame sursaute et fait quelques pas en avant, défiant toute logique, s’apprêtant à tenter de le rejoindre avant que la porte s’ouvre à nouveau. Il porte des affaires dans ses bras. Ses affaires. Sa gorge se noue douloureusement, lui procurant exactement la même sensation que ce qu’elle a ressenti un mois plus tôt en coulisses, après avoir quitté Terrence, la sensation que lui seul pourrait la soulager. Please, don’t do that… Mais c’est trop tard. Les affaires sont jetées à ses pieds et elle est jetée dehors.

I don’t wanna see your face anymore.

Sasha secoue la tête, l’implorant à nouveau de ne pas prendre cette décision, de ne pas couper les ponts. La douleur part de sa poitrine et se répand dans tout son corps, lui coupant les bras et les jambes, l’empêchant de bouger face au garçon. Beat me up, I don’t care, murmure-t-elle.

Le pire, ce sont les mots qui suivent. Ce qu’elle leur a fait. Elle sent une boule de fureur, de haine, de dégoût pour elle-même et de déception se former et grossir dans sa poitrine. C’était donc ce qu’il pensait d’elle. Qu’elle avait simplement allumé ces types sans assumer ce qui venait ensuite. Sous le regard de Terrence, elle se sent comme une moins que rien. Comme un déchet. Comme une pute. Ses bras retombent le long de son corps. The day we met, if it weren't for you, these guys would've done to me what others actually did eight years ago. Is that enough details for you? Plus la force de montrer du sarcasme ou de l’ironie ni même de la colère. C’est la première fois qu’elle mentionne ce qui est arrivé huit ans plus tôt, le soir de ses dix-huit ans. Elle n’en a jamais parlé à personne auparavant, ni à ses proches, ni à la police. Terrence est le seul et l’unique. Mais le simple fait d’évoquer ce souvenir est insupportable. Il était enfoui au plus profond d’elle-même, enfermé à double tours dans les tréfonds de son âme, là où elle n’aurait pas à y repenser, pas à y faire face. Ouvrir cette porte était comme ouvrir la boite de Pandore et de libérer les pires maux de l’humanité. Elle ne veut pas avoir l’air faible face à lui, alors qu’elle lui a tenu tête jusqu’à présent. Alors, tandis qu’elle sent la panique la gagner, elle fait enfin un pas en arrière.

I think you’re right. I should leave, souffle-t-elle du bout des lèvres. Enfin, elle se détourne et fait quelques pas vers la porte ; cette porte qui ressemble à la fois à la lumière au fond du couloir mais aussi à une porte de prison qui la séparera de Terrence à jamais. Avant même de l’avoir atteinte, elle s’aperçoit qu’elle n’a pas ramassé les affaires que le coach lui a jeté un peu plus tôt et fait demi-tour. N’importe qui d’autre aurait probablement continué à marcher en abandonnant tout, pour ne pas avoir à perdre la face. Mais elle l’a déjà perdue il y a un long moment, se dit-elle avant de revenir sur ses pas. Obligée de s’agenouiller aux pieds de Terrence qui n’a pas bougé de sa place pour mettre la main sur ses affaires. Elle ne prend pas la peine de mettre ses habits dans son sac et se contente d’attraper le tout, rassemblant un t-shirt, un pantalon, ses chaussures, une pochette avec son téléphone et le reste de ses biens dans ses bras. Faisant de son mieux pour ne pas le regarder, elle se relève et refait demi-tour. Une fois à la porte, elle la pousse, comme elle en a l’habitude pour l’ouvrir. Mais cette traitresse résiste, l’empêche de sortir, de fuir ce qui lui fait peur, ce qui lui fait mal. Elle insiste encore et pousse cette foutue porte mais en vain. De rage, au bout d’un moment, elle balance un coup dans l’encadrement en métal de la porte. Open that fucking door! grogne-t-elle à l’attention de Terrence sans pour autant se retourner vers lui. Open the door, I want out!

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Ils vont trop loin, l’un comme l’autre. La colère fait dire des choses qu’on regrette après coups. La seule chose à laquelle Terrence pense à cet instant, c’est se venger de ce sentiment de honte qu’Ivy lui fait ressentir. La honte d’admettre, qu’en réalité, il est bel et bien attiré par ce garçon fragile qu’il pensait considérer comme un petit frère. La honte d’admettre qu’il ne veut pas qu’elle parte, malgré ces mots tranchants qu’il lui balance à la gorge, en tentant de l’ébranler un peu plus à chaque seconde. Parce que, si Sasha se sent plus misérable que Terrence, alors ce sera gratifiant. Il sera moins minable, plus confiant. De la poudre aux yeux que seule la colère et la discorde peut justifier.

Sa respiration saccadée résonne dans la salle tandis que le silence prend place. Il a été trop loin, il l’a ressenti à l’instant où les mots ont franchi ses lèvres. Trop loin pour faire marche arrière, trop loin pour perdre la face maintenant. Le taureau a réussi à mettre le torero à terre, non sans peine. Le Coach voit bien la volonté abandonner le corps de Sasha.

The day we met, if it weren't for you, these guys would've done to me what others actually did eight years ago. Is that enough details for you?

Il ne comprend pas tout de suite. Terrence est tout simplement incapable de réaliser et de marquer le poids des mots employé par Sasha, de l’assimiler et de figurer le sens du sous-entendu. Il la fixe, toujours de cet air fou furieux silencieux sans ajouter un mot. Ce n’est que lorsque la Drag Queen décide de partir, décide de fuir, que tout prend son sens. Figé, les yeux s’écarquillant un peu plus à chaque seconde, il s’attend à entendre la porte s’ouvrir lorsqu'il qu’il réalise qu’il l’a fermé plus tôt, comme il l’a toujours fait jusqu’à lors. Les secondes passent, tandis que la furie Sasha s’anime dans son dos. Terrence sent son cœur se serrer dans sa poitrine, réveillant une rage nouvelle et indescriptible. Il s’en veut d’avoir accusé une victime de harcèlement, car il est toujours le premier à intervenir quand est témoin – comme ce matin-là. Souillé par ce sentiment minable, Terrence se trouve soulagé de la voir réapparaître dans son champ de vision. Lui qui venait de nicher son visage dans ses mains lève les yeux pour la regarder, cherchant un quelconque contact visuel.

Mais Sasha ne le voit pas. Elle prend bien soin de ne pas le regarder, resserrant un peu plus ce muscle dans sa poitrine. Un sale type, voilà ce qu’il est. Sasha fait à nouveau demi-tour pour partir. Définitivement. Terrence sait que c’est fini. Que si elle sort, ils ne se verront plus. Que Sasha disparaisse et qu’il n’aura qu’à aller voir les shows ou elle se produit pour éventuellement tenter de renouer. Il sait qu’il ne le fera pas. La honte est un boulet bien trop lourd à tirer. L’ignorance est le pire des mépris.

Ivy… Son murmure douloureux trahit ses remords. Il lève sa main, pour la retenir, mais s’abstient au dernier moment. Elle ne l’entend pas. Qui est-il pour vouloir la retenir après ce qu’il vient de dire sans la connaître… Car oui. A bien y réfléchir, Terrence réalise qu’ils ne connaissent rien l’un de l’autre. Ses yeux l’accompagnent jusqu’à un certain moment, où le Coach décide de se détourner, ne supportant pas la vision de la voir partir. Pars. Ne pars pas. L’indécision le fait douter dans ses choix, mais il s’y tiendra, car il n’a pas pu saisir sa seconde chance en la retenant plus tôt. Ses pas l’avaient mené à son téléphone qu’il venait de récupérer en miette sous une machine avant qu’il ne réalise que Sasha perdait son calme face à la porte.

Leave the goddamn door alo- Il se coupe, alors qu’il allait protester devant le traitement qu’infligeait Sasha à ce bout de métal qui se refusait devant elle. Il se coupe, parce que Sasha est encore là et qu’il doit ouvrir la porte. Et que c’est probablement sa seconde chance. Il l’entend jurer, comme une pauvre bête acculée et il s’exécute. Droit comme un roc, Terrence rejoint Sasha devant la porte d’entrée, dépose son téléphone sur le comptoir devant lequel il se poste, les bras croisés.

Look at me.

Il n’hurle pas, ne s’énerve pas même si l’adrénaline coule toujours dans ses veines. Sa voix est calme, comme il a toujours eu l’habitude de parler jusqu’à ce soir. Jusqu’à ce qu’il plante Matthew. Mais elle résiste et ne daigne pas tourner la tête.

Just fucking look at me for Christ sakes. La seule solution que Terrence trouve, c’est d’attraper Sasha par le bras pour l’obliger à faire lui faire face. La force n’est pas vraiment maitrisée, car lorsqu’il lui tire l’avant-bras, ses affaires tombent à nouveau sur le sol froid. Il va peut-être se prendre une nouvelle claque – ou peut-être une droite, mais l’italien reste en alerte, prêt à encaisser la fureur de la Drag Queen. Les sourcils froncés prouve qu’il n’est pas calmé pour autant, qu’il peut perdre patience à tout moment si elle franchi à nouveau la limite. Il ne lui pardonne pas ces paroles, mais c’est bien une ultime chance pour rattraper ces saloperies qu’ils avaient pu se balancer sous l’effet de la colère.

De son autre main, il contraint cette fois Sasha à lever la tête pour le regarder en soulevant son menton. Terrence ne dit mot jusqu’à ce que leurs yeux se croise et qu’il parvient à soutenir son regard.

Who are you, Sasha ?

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Elle l’entend parfaitement l’appeler Ivy. Ivy, pas Sasha, plus Sasha. Sasha n’existe plus à ses yeux, il n’y a plus que cette dame dont il est tombé amoureux l’espace d’une soirée. Si elle s’en sentait capable, elle exploserait en larmes mais elle n’en a plus la force. Elle n’a pas pleuré depuis bien trop longtemps à tel point qu’elle ne sait plus ce que c’était. Il n’y a que la rage, la colère accumulées durant toutes ces années. Elle n’avait même pas idée de la teneur des sentiments qu’elle avait amassé au fil des ans. Pourtant, lorsqu’à nouveau la voix de Terrence résonne derrière elle, un frisson parcourt son corps. Il s’est rapproché, elle n’a même pas besoin de se retourner pour savoir s’il est derrière elle. You told me to get out, so open the fucking door! Malgré le calme ambient, elle continue de crier, comme si hausser la voix allait enjoindre le coach à s’exécuter. Elle ne veut pas le regarder, pas tourner les yeux vers lui car elle a peur de craquer si leurs regards se croisent. Peu importe la rancœur, elle est consciente qu’elle est incapable de résister à cet homme.

Alors elle n’obéit pas. Ne veut pas le regarder. Sa voix est redevenue douce, comme elle la connaît. Lentement, le regard de la grande dame se baisse et c’est à ce moment-là qu’elle remarque enfin la clé sur la porte. Elle est là, à quelques centimètres de ses doigts, mais elle n’a plus la force de la tourner, cette clé. Une toute petite partie d’elle-même, alors qu’elle ramassait ses affaires et tentait d’ouvrir la porte, avait espéré ce moment, espéré qu’il la retienne, l’empêche de partir, lui prouve qu’il ne pensait pas ce qu’il disait.

Une main attrape son bras et, pendant une demi-seconde, un cri de peur remonte dans sa gorge mais aucun son n’en sort. Dos à la porte, c’est Terrence qui se tient face à elle. Terrence, personne d’autre. La force de cette main autour de son bras l’avait brièvement renvoyée des années en arrière mais, comme il l’a lui-même dit, c’est lui. Ce n’est pas un de ces bâtards. He won’t hurt me… Sasha ne réagit pas, reste calme, les yeux baissés de honte. Pourquoi a-t-il fallu qu’elle lui dise qu’il ne savait pas qui il était ? Elle qui, d’ordinaire, contrôle parfaitement tout ce qu’elle fait et dit perd tous ses moyens face à lui. Il bouleverse son monde et tout ce qu’elle a bâti. Avec lui, elle se sent réellement elle-même. Elle sait qui elle est avec lui. Le toucher doux de ses doigts sous son menton la fait trembler. Elle le savait. Il ne pourrait pas lui faire du mal. Sasha ne résiste pas une seule seconde et lève les yeux vers lui. La colère est partie, envolée, évaporée, il n’y a plus que l’épuisement et le calme revenu. Sans vouloir se l’admettre, elle se complait à ce qui pourrait ressembler à une caresse sur son visage. Elle ne s’écarte pas, ne tente pas de se dérober à ce contact rassurant.

Who are you, Sasha?

Qui est-elle ? La grande dame reste pantoise face à cette question. Figée par le doute, l’immensité de la question. Immense comme l’univers dans lequel elle s’est perdue depuis bien trop longtemps. Sasha ne s’est jamais posée cette question. Ou jamais assez sérieusement. Le regard que lui jette Terrence est catégorique. Elle est là, sa seconde chance. Il n’y en aura pas d’autre. Toute l’aigreur et l’amertume se sont dissipée. Dans ses yeux, la réponse s’impose d’elle-même. La pochette sous son bras est la seule chose qui n’est pas tombée quand le coach l’a forcée à se tourner vers lui. Avec des gestes lents et tremblants, elle sort son téléphone et le déverrouille. Il ne lui faut que quelques secondes pour retrouver la photo prise au show avec Terrence. Elle est pressée contre lui, une main sur sa poitrine, l’autre sur ses épaules. Et lui a sa main autour de sa taille de guêpe. Une fois la photo ouverte en plein écran sur le téléphone, elle l’oriente vers lui. That’s me.

Ivy a toujours été l’exacerbant qui lui permettait d’être sûre d’elle, d’être assurée, la tête haute, ouverte, de n’avoir peur de rien et de personne, d’avoir le courage de se montrer porte-parole d’une minorité et surtout d’être elle-même. Ivy porte Sasha à travers la vie, lui donne un courage qu’elle n’arrivait pas à exprimer. I’m the most me when I’m in drag, explique-t-elle, sans mentionner réellement le nom d’Ivy. She’s not a mask, on the contrary. When I look like that, it’s like I’m allowed to be who I really am.

A nouveau, elle lève les yeux, se détourne de son téléphone qui retombe avec sa main le long de son corps. Same with you.

Ça y est, les mots sont sortis. Cette fois, elle n’en a pas honte et ne les regrette pas. C’est avec une certaine détermination empreinte de douceur qu’elle dévisage le garçon. Il est fort probable qu’il ne s’en soit jamais rendu compte mais Sasha l’a bien compris. Lorsqu’elle est avec lui, il n’y a pas de barrière entre qui elle veut lui faire croire être et qui elle est réellement. Elle est tout simplement elle-même. Avec Terrence, elle a l’impression d’être constamment baignée dans une sensation de bien-être, comme si elle n’avait pas besoin de se cacher — ou du moins c’est ce qu’elle se disait avant d’avoir à lui mentir après l’avoir croisé après sa représentation.

I’m me when I’m with you.

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La vérité. C’est tout ce qui lui importe. Savoir qui Sasha est réellement. Savoir qui est cet homme qui parvient à lui faire perdre les pédales. Cet homme qui, en drag, parvient à lui faire ressentir des choses qu’il n’aurait jamais imaginé. Des choses qu’il ne peut se pardonner pour le moment. Mais le temps. Terrence sait qu’il faut du temps pour réfléchir… Pour l’instant, il se contente de ranger ces doutes et ce questionnement dans un coin de sa tête. La soirée n’est pas terminée, et pourtant il n’a qu’une envie. Rentrer, prendre une douche et se coucher. Plus tard. Pour le moment, maintenant que la pression retombe, doucement, Terrence est enfin prêt à écouter et entendre ce que Sasha a à lui dire.

Son emprise la relâche lorsqu’elle vient chercher son téléphone. Avec un mouvement de recul pour encrer ses talons dans le sol, Terrence croise de nouveau les bras. Il se demande, un court moment, si celle-ci ne va pas appeler la police, mais son expression est différente de plus tôt. Sasha lui paraît un peu plus calme elle aussi. Lorsqu’elle lui montre enfin la photo, les sourcils de l’italien se détendent considérablement. Il ne s’attarde que quelques secondes sur cette image qu’il connait par cœur. Entre cette rencontre, la révélation de Matthew et aujourd’hui, Terrence a eu le temps d’examiner chaque détail au point d’avoir remarqué une ride sur son propre visage.

Il ne comprend pas trop ce qu’elle essaie de lui expliquer, mais ça lui convient. Il ne comprend pas qu’en se déguisant, on puisse être soit même… Mais, comme beaucoup de choses qu’il n’arrive pas vraiment à assimiler, Terrence fait l’impasse. Il accepte la différence, sans chercher midi à quatorze heures. Il ne comprend pas un traitre mot et ce n’est pas grave pour lui. D’ailleurs, Sasha a l’habitude de voir cette expression sur son visage. Alright. Fine. Murmure t-il, plus à lui-même qu’à l’attention de Sasha. Ce qui lui importe, outre le fait de comprendre, c’est de savoir qu’elle s’est ouverte. Honnêtement. Qu’elle a été franche, à cœur ouvert. Il hoche la tête, cette fois avec beaucoup moins de condescendance que plus tôt. Après avoir saisi sa lèvre inférieure entre ses doigts, et après ce dernier aveu de la part de Sasha, Terrence laisse le silence s’installer à nouveau. Aveu qu’il ne relève pas volontairement, préférant ranger à nouveau cette information dans un tiroir qu’il ouvrira plus tard…

That wasn’t so bad, was it? Il pourrait rire, s’il n’était pas épuisé et si son humeur n’avait pas fait l’ascenseur. Il pourrait rire, mais n’arrive même pas à sourire convenablement. C’est un effort que l’Italien n’est pas capable de faire à l’heure actuelle. Nice to meet you, Sasha. Terrence se contente de lever un bras, qu’il envisage de tendre à Sasha pour la gratifier d’une poignée de main, comme lorsqu’il a tendance à rencontrer des gens… Puis il se ravise, préférant poser cette même main sur son bras, pensant qu’il proposait quelque chose d’inapproprié pour une Dame. Ou une Drag. Sa réflexion lui laisse, cependant, échapper un petit gloussement, léger, presque imperceptible mais bel et bien visible, car c’est bel et bien ses dents qui apparaissent lorsque ses lèvres se retroussent le temps d’un léger sourire… Amusé de sa propre bêtise.How the hell am I supposed to call you?

Doucement, il resserre ses doigts sur le bras de son élève, comme pour le rassurer. Il pourrait donner une tape amicale au même endroit, mais Terrence s’abstient cette fois. Il préfère laisser glisser sa main le long du bras de Sasha afin de la libérer. Sans vraiment attendre de réponse de sa part, le Coach s’avance vers Sasha, réduisant une nouvelle fois l’espace entre eux. Presque collé à lui, sans vraiment réaliser si cet acte est volontaire ou non, il passe son bras derrière la Drag Queen pour finalement déverrouiller la porte d’entrée. Lorsque le clic se fait entendre, il ne recule pas pour autant et lève les yeux vers Sasha. Nevermind you can leave.... Il ne finit pas sa phrase oralement. Ses yeux le font d’eux même. If you want to.

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Non, ce n’était pas si dramatique. Elle le lui a déjà dit, elle ne sait pas pourquoi elle n’a pas été capable de lui dire la vérité dès le début, de tout lui dire pendant le meet and greet, d’être honnête et sincère envers cet homme qui affole son cœur, lui faisant ressentir des choses qu’elle ne comprend pas tout comme il ne comprend pas ce qu’elle lui dit. Elle l’a vu dans ses yeux mais ne s’en préoccupe pas pour le moment. Elle sait à présent, elle est sûre qu’elle aura plus de temps pour lui expliquer, pour lui faire comprendre que parfois, elle se sent plus femme qu’homme, plus homme que femme, qu’elle ne veut pas être catégorisée, qu’elle veut être vue pour ce qu’elle est réellement. Elle aura le temps de, peut-être un jour, lui dire qu’elle a ressenti la même attirance, ce soir-là, au plus profond d’elle-même. Le temps, elle l’aura. Alors, pour le présent, elle se contente de sourire — chose qu’elle arrive à faire, contrairement à lui, étirer ses lèvres même épuisées — lorsque la main douce du coach se pose sur son bras. Nice to meet you too, Terrence. Elle aurait aimé un contact plus conséquent, celui-ci semble sur la retenue, presque couvert de gêne, mais n’ose pas faire le premier pas. Les tensions sont apaisées mais l’adrénaline n’est pas encore retombée. Elle se dit qu’il leur faudra encore de longs jours pour que tout s’apaise réellement.

Le sourire de Terrence agit sur Sasha comme le Soleil projetant ses rayons chaleureux sur une terre hostile, réchauffant la planète et ramenant la vie. I don’t care how you call me, répond-t-elle avec un petit rire nerveux. I just don’t want any of what happened to change things between us… Ses mots s’étranglent dans sa gorge. Elle n’arrive pas à finir sa phrase mais il ne lui en laisse pas le temps. En un battement de cil, Terrence s’est à nouveau rapproché. Le cœur de Sasha rate un battement, le sang monte à sa tête, tâchant ses joues de rougeurs. Il est tellement proche qu’elle pourrait sentir son souffle dans son cou. Alors, par réflexe, Sasha entame un mouvement pour s’avancer vers lui pour, elle aussi, passer ses bras autour de lui. Être enlacée par Terrence, elle n’attend que ça. Et puis, le cliquetis de la serrure. Son cœur, qui, un instant plus tôt, tentait de briser sa cage thoracique, tombe comme une pierre au fond de sa poitrine. Un souffle bref la quitte. La porte s’est ouverte derrière elle sous l’impulsion de Terrence mais Sasha ne bouge pas. Sa tête est légèrement penchée en avant, par-dessus l’épaule du coach, avant qu’elle ne décide de se redresser pour l’observer dans les yeux.

I don’t want to, murmure-t-elle, presque à son oreille. D’un mouvement de recul, elle s’appuie contre la porte et la referme. Sans se détourner de Terrence, sa main glisse dans son dos pour se poser sur la sienne et tourner la clé, dans l’autre sens, verrouillant ainsi la porte à nouveau. Le silence se fait dans la salle, entre eux. Sasha garde sa main sur celle du garçon. Elle resserre légèrement son étreinte autour de ses doigts pendant un bref instant puis les relâche. C’est la rupture de ce contact entre eux qui brise le moment. Détournant les yeux en battant plusieurs fois des cils, Sasha contourne doucement Terrence pour retourner dans la salle, abandonnant ses affaires devant la porte. Tout irait pour le mieux si les paroles de celui-ci ne tournaient pas en boucle dans son esprit. I think I got a pretty good idea of what you did to those guys. Comme si elle leur avait fait quoi que ce soit, comme si elle avait demandé ou cherché ce qui lui était arrivé. Terrence, appelle-t-elle avec douceur et hésitation. Can I ask you something?

Les mots ont du mal à sortir car elle a peur, en les exprimant, qu’ils prendront un sens qu’elle ne veut pas leur donner. Did you really mean what you said? That I was the one who did something to these guys? Et quand bien même elle aurait flirté, quand bien même elle les aurait dragués, elle se rappelle bien les avoir repoussé et leur avoir dit ne pas être intéressée quand elle a senti leurs mains inquisitrices sur elle. Ils auraient dû comprendre et la laisser. Et même si, sans eux, elle n’aurait jamais rencontré Terrence, il n’y a pas une once de gratitude en elle. Le destin aurait trouvé un moyen de les rapprocher sans ça, se dit-elle.

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Tout pourrait laisser croire que tout va de nouveau basculer. Que le souffle de Sasha au creux de son oreille, même involontaire, pourrait encore lui faire perdre la raison. Que cette main qui vient refermer cette porte est une invitation. Mais non. L'italien, bien que son cœur s'emballe au contact de ces doigts sur les siens, ne fléchi pas. Il s'arme de courage pour garder le peu de contrôle qu'il lui reste pour pouvoir, plus tard, se regarder dans le miroir, comme il peut voir le reflet de son visage dans les yeux de Sasha.

Lorsque les mots viennent de nouveau briser ce silence, avec une première question hésitante, le Coach relâche les épaules et recule légèrement. Il a l'impression d'être un peu plus attentif de la sorte, sans pour autant répondre et l'inviter à poser ses cartes et questionnements ; son attitude l'invite à le faire, simplement. Ce qui le perturbe, dans un premier temps, c'est l'hésitation dans sa voix. Elle reprend les termes qu'il a utilisé. Lui qui pensait contrôler même l'expression de son visage ne peut empêcher le désarroi. Le silence s'installe à nouveau dans la pièce. Sans même le réaliser, Terrence avait détourné les yeux vers le sol, cherchant une réponse à lui donner... Il entrouvre alors les lèvres.

I... Hésitant, pensif, il n'est pas question de s'excuser, car lui-même se sent incapable de répondre à cette question maintenant. C'est pour ça qu'il relève la tête pour dire simplement. I don't know. Il sait pertinemment que cette réponse va de nouveau mouvementer Sasha, c'est pourquoi cette fois, Terrence enchaîne aussitôt. What I know for sure is that I am still pretty mad at you for some reason I cannot even explain to myself.... Let me finish !

Bien entendu, Sasha a entrouvert la bouche, prête à répliquer. Cette fois, il ne lui a pas laisser le temps. Maintenant que la pression retombe et même si tout son intérieur gronde, Terrence est bel et bien décidé à parler. Crever l’abcès. Tout de suite maintenant.. Alors, lorsque la Grande Dame le regarde de cette manière outrée qui la représente, il ne peut s'empêcher de lui faire la réflexion en soufflant a moitié exaspéré par cette attitude, levant les yeux au ciel. Jesus Stop looking at me like that. I don't wanna go wild again. Il recule de quelques pas, pivote même pour aller retrouver son comptoir sur lequel il a l'habitude de prendre appui. Lorsque l'italien fait volte face en s'accoudant en biais, il fixe à nouveau le sol, tout particulièrement ce tapis à l'entrée d'un air absent.

But... Even if you did do something to them, there is no reason to treat a la-... someone like that.

Il cligne des yeux plusieurs fois, sans quitter son point de repère, cette tâche qu'il vient de repérer. Terrence trouve encore le moyen d'entremêler ses doigts. Il soupire. I know I'm an idiot, not because Matthew said so, but because I figured it out myself. Nerveusement, il relâche son emprise pour finalement venir jouer avec sa bague qu'il fait glisser le long de son doigt. I didn't sleep for three fucking days and yet I still don't understand the reason that made you lie to me... I... Enfin, il abandonne ce fichu morceau de moquette pour lever enfin les yeux vers Sasha. Ses sourcils se fronce devant la difficulté qu'il a à s'exprimer, à mettre des mots sur ses sentiments. Il fini par se redresser complètement, les yeux empli d'une douleur que lui même n'arrive pas a expliquer.

Didn't we trust each other ?... I mean... I thought we had something, you know.

Une longue inspiration, puis un soupir. Ce calme qu'il manifeste habituellement est bien là, seulement celui-ci est trahi pas cette hésitation dans sa voix et ces yeux particulièrement confus. Il passe alors ses mains sur son visage pour remettre ses idées en place. Échec cuisant. I... I just need some time to clear it up... Like I said earlier... I need to chill. But I don't fucking know how. I tried everything... You just can't get out of my fucking head.

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Il hésite. Il hésite à répondre et c’est tout ce qu’elle entend, c’est tout ce qu’elle voit. Il n’est même pas capable de la regarder dans les yeux car c’est réellement ce qu’il pense. Il pense vraiment que c’est de sa faute si elle était poursuivie par ces hommes qui lui voulaient du mal, comme ceux qui l’ont attrapée huit ans plus tôt, au sortir de ce nightclub. Elle l’a bien cherché. Sasha reste paralysée par la douleur. Si elle le savait encore en colère, elle n’imaginait pas qu’il puisse lui dire des choses pareilles. Et les penser. Alors, après un temps infiniment long, aussi long que la vie de l’univers, elle ouvre la bouche, s’apprêtant à lui demander s’il ne se foutait pas un peu d’elle mais il la coupe immédiatement. Non, elle ne veut pas le laisser finir. Elle veut lui faire changer cette pensée. Il ne peut pas croire qu’elle ait cherché à subir ce genre de choses. Pas lui.

Interrompue, elle lui jette un regard révolté. La colère gronde en eux, comme s’ils se trouvaient dans l’œil du cyclone et que la tempête se déplaçait lentement, les menaçant tous deux d’être emportés à nouveau. Malgré son envie pressante de le couper, elle obéit tant bien que mal et se contente de détourner le regard car elle n’arrive pas à changer la manière dont elle le regarde, comme si elle allait le gifler à nouveau. You’re so fucking annoying, marmonne-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine.

Terrence semble vouloir jouer avec ses émotions comme on jouerait avec un pantin ; et c’est exactement ce qu’elle est pour lui, à ce moment-là, un pantin entre ses doigts. Il manque de la qualifier de lady mais se ravise. Le cœur de Sasha s’affole. Elle aimerait s’avancer vers lui mais sait qu’il s’écartera. Ce n’est pas le moment. Pas encore. Comme il l’a dit, il est encore en colère. No, Terrence, you’re not an idiot, stop— don’t say that… Sa faute. Tout est de sa faute. Si elle ne lui avait pas menti, ils n’en seraient pas là à présent. Si elle avait compris que la confiance envers l’autre consistait aussi à dire la vérité, tout irait bien entre eux. Avec un petit gémissement d’énervement, elle passe ses mains sur son visage et le frotte quelques secondes avant de laisser ses doigts courir dans ses longs cheveux bouclés. I don’t know why I lied… I didn’t want to, but I told you… I… I didn’t know what to do.

C’est la suite qui devient le marteau qui lui brise le cœur. I thought we had something. Une sensation étrange la prend aux tripes. Elle sent une boule d’angoisse et de terreur pure lui étreindre la gorge. Son visage se décompose. Ses yeux n’expriment plus la moindre colère mais bien le désarroi. Ils la picotent douloureusement sans qu’elle sache pourquoi. Why in the past? Of course we trust each other. I’m telling you, I don’t know why I lied. I didn’t want to but… A nouveau, cette fois pour dissiper cette sensation de picotement qu’elle ressent aux coins des yeux, elle frotte ses mains sur son visage. Exténuée. Elle n’a plus suffisamment les idées claires pour formuler des phrases cohérentes. Sasha ne peut pas imaginer ce qu’elle ressentirait si la situation s’était inversée, si Terrence lui avait menti, si elle avait été à sa place. We never spoke about it. I just told you I was a model and… that was it! And then you were at the meet and greet and I didn’t know what to do! D’exaspération, elle hausse les épaules mais pas la voix. Elle ne veut plus déclencher un nouvel ouragan. I thought I had time to tell you about everything, but when I saw you walk towards me, that night, it was too late! I— I don’t know anymore…

L’incompréhension de Terrence face à ses explications — qui n’en sont pas finalement, car aucune explication ne pourrait justifier ses mensonges — la rend complètement folle. Trust me, if I could press rewind and turn back time, I would. I’d tell you everything before you have to discover yourself. But I can’t do that and I’m sorry! Elle lâche un rire nerveux. Who knows, maybe you’d come see me willingly. But no matter how much you ask, the reasons won’t change. I don’t know why I lied. I’m sorry it hurt you. A ce moment-là, elle tente une approche et fait quelques pas innocents vers le coach. I don't want it to change anything between us.

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Tout ça n’est qu’une mascarade. Plus Sasha cherche à se justifier, et plus le cœur de Terrence se décompose devant l’inévitable. Son élève pourra trouver tous les arguments possibles pour s’expliquer, cela n’enlèvera en rien le poids dans sa poitrine. Il lui faut un moment pour le réaliser, maintenant qu’il prend le temps de se calmer et réfléchir. Le cœur du problème, ce n’est pas le mensonge. C’est pour ça qu’il ne comprend pas et qu’il ne peut pas comprendre. Parce que cela n’explique pas ce tourment dans lequel il s’est plongé depuis quelques minutes. Ces regrets d’avoir blessé Sasha avec des paroles qu’il a regrettées presque aussitôt. Ce sentiment d’impuissance face à ce que lui dicte ce gros truc qui tambourine occasionnellement dans sa poitrine. Cette tête prête à exploser à cause de tous ces principes qui semblent partir en fumée.

Terrence. Celui qu’on considérait comme un roc. Un Coach inatteignable, dont la fragilité était de loin un adjectif utilisé pour le décrire. Pourtant, c’est bel et bien celle-ci qui vient habiller son visage, à cause de ces doutes dans lesquels il se plonge sans vraiment savoir s’il parviendra à relever la tête pour éviter de se noyer.

I don't want it to change anything between us.

Son visage s’est baissé au fil des explications de Sasha, pour finir par contempler le sol. Ses bras croisés le protègent, probablement de lui-même. Ce silence de mort qu’il s’impose se prolonge sans vraiment se soucier de la durée que cela lui prend. On pourrait le croire mort si sa respiration ne le trahissait pas. Ses épaules bougent doucement, en rythme, peut-être tremblent-elles… Est-ce son souffle ou bien son cœur lourd qui le berce ? L’italien ne sait pas vraiment, perdu dans ses pensées qui lui donnent un peu plus mal à la tête – il n’a même pas remarqué la tentative de Sasha de se rapprocher de lui. Les secondes s’éternisent dans cette ambiance qui s’alourdie au fur et à mesure, mais il parvient malgré tout à briser ce silence. I don’t understand because I just can’t… This is why I forgive you because you had to deal with an idiot like me. And let’s be honest… Sa voix qui n’était qu’un murmure s’est un peu plus imposé au fur et à mesure qu’il reprenait parole, si bien que sa voix est particulièrement claire lorsqu’il termine sa réflexion. This is the least of my worries.

Sans vraiment s’en rendre compte, il resserre ses bras contre lui, cherchant un moyen de se réconforter. Un moyen de se donner un peu plus de forcer pour continuer à avancer. Avancer et pouvoir se regarder en face. Mais avant tout, c’est un moyen pour lui de s’obliger à regarder Sasha, à nouveau. You were right. Lâche-t-il brutalement en relevant enfin la tête. Il soupire, bruyamment, comme s’il venait de capituler à ce combat qui faisait rage au fin fond de sa tête. I’ve been probably lying to myself for the past few months. En y réfléchissant, Sasha était l’un des rare avec qu’il il avait pu lier une relation en dehors de la salle. Même s’il lui arrivait de plaisanter à ce sujet, Terrence n’avait jamais réellement échangé sur sa vie privée en dehors du travail. Petit à petit, la boite s’ouvre, dévoilant alors ces faiblesses qu’il n’avait jamais réellement pris conscience auparavant. Cet attachement qu’il avait pour ce petit bout d’homme qui s’était pointé un matin, paniqué. Ce type qu’il s’était amusé à titillé par messages, sans vraiment comprendre pourquoi. Tandis que tout se déroule, Terrence lui perd petit à petit les pédales. You precisely know who you truly are, and that’s a great thing. La sincérité dont fait preuve ses paroles est particulièrement marquante. Bienveillante. Mais lorsqu’il reprend la parole, sa voix se brise à nouveau. But I can’t figure out who I am now.

Le silence. A nouveau. Un silence durant lequel il a baissé a nouveau la tête, avant de la secouer de gauche à droite, désapprouvant les explications qu’il tente de se trouver. Qui est-il réellement ? Lui qui n’a connu que des aventures avec des femmes, parce que c’est comme ça que cela devait être. Jamais il ne s’était posé de questions, même s’il avait toujours été très tolérant envers son prochain. Pourtant, tout a l’heure, lorsqu’il a embrassé Sasha, ce n’est pas quelque chose qui lui avait déplu. Bien au contraire. Son cœur rate un battement, faisant a nouveau renaître un sentiment de panique à ce simple souvenir. I don’t know. I don’t know shit. Paroles abruptes, son dos s’est décollé du comptoir. Terrence a enfin laissé ses bras retomber le long de son corps. A nouveau, il a relevé la tête vers Sasha. Ce sentiment de peur, cette envie, ce tout qui créé à nouveau un ouragan grondant au fond de son ventre, ce genre de chose qu’il n’arrive pas à nommer, ni même expliquer.

My whole life I’ve only ever been into women. When I look at you it’s her I see.

Sa voix tremble à moitié et sans vraiment réaliser, il s’est également rapproché de la Drag Queen, réduisant à nouveau cet espace qui les séparait. Tout est confus, d’ailleurs, cette confusion est parfaitement lisible sur ce visage avec ces sourcils. Am I trying to convince myself that what I did to you... or what I wanted... was legit ?

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Enfin, les murs sont tombés. Ils se font face en étant qui ils sont vraiment. En tout cas, c’est le cas de Sasha. L’adrénaline retombe lentement mais sûrement et la grande dame qui n’a plus rien de tout cela à cet instant précis s’en trouve épuisée. Tout ce qui compte, c’est qu’il lui pardonne, qu’il pardonne ses mensonges. De toute façon, elle ne pouvait pas se mettre plus à nu. Il sait tout ce qu’il y a à savoir, absolument tout sans exception, même ce qu’elle a cherché à cacher pendant presque une décennie, gardant ce secret pour elle, cette honte enfouie au plus profond d’elle-même. Tant bien que mal, elle tente de repousser le souvenir de sa réaction. Even if you did do something to them… Comme s’il y avait de vraies excuses à ce qu’ils lui ont fait subir. Comme si elle ne pouvait pas être aussi séductrice et aguicheuse qu’elle le souhaitait, s’habiller aussi sexy que possible, sans être une « tentation » pour ce genre de monstres. Ne pas y penser. Il ne le pensait pas. Elle sait très bien qu’un jour, cette conversation ressurgira entre eux, mais ce n’est pas le moment, pas tant qu’elle n’est pas capable d’en parler sans avoir envie de se vomir de dégoût.

Sasha ne tire aucune fierté à avoir raison. Il se ment depuis des mois, elle le sait, elle l’a bien vu. Elle n’a jamais cru une seule seconde à sa soit disant hétérosexualité. L’est-on encore seulement de nos jours ? Elle ne lui frotte pas sa victoire à la figure, ne sourit pas, ne fait aucun commentaire. Par chance, elle n’a jamais eu à se chercher comme Terrence le faisait à l’heure actuelle. Elle n’avait en réalité jamais eu le choix d’assumer qui elle était. Son coming out n’a jamais été un événement. On lui avait même dit qu’elle était gay avant qu’elle comprenne ce qu’était la sexualité. Alors elle ne peut pas le comprendre non plus. Il est perdu. Entendre sa voix se briser envoie une vague de tristesse à la figure de la grande dame. Impossible de lui en vouloir pour tout ce qu’il lui a dit. S’il ne se comprend pas lui-même, il ne pourrait pas prétendre la comprendre non plus. Elle sait qu’elle est un être beaucoup trop complexe pour une majeure partie de la population, encore plus pour un homme passé la vingtaine qui se rend compte qu’il a plus dans la vie que tous les stéréotypes qu’on lui a inculqué jusqu’à ce jour.

Alors qu’il est adossé au comptoir, à marmonner tout seul, Sasha fait un pas vers lui, sourcils froncés, mains en avant comme pour le rattraper. Terrence… appelle-t-elle alors d’une voix basse, trop basse finalement pour qu’il l’entende. Stay with me. Il se perd trop dans ses réflexions, réflexions qui n’ont pas lieu d’être pour le moment car il est beaucoup trop chamboulé pour formuler des pensées cohérentes. Il n’a pas à y penser maintenant, c’est ce qu’elle aimerait lui dire mais il ne lui en laisse pas le temps.

When I look at you, it’s her I see.

Sasha s’interrompt dans ses gestes et le fixe sans pouvoir plus bouger. Sa respiration s’est coupée comme après un coup de poing dans le ventre. Il parle comme s’il ne voyait plus Sasha, comme si seule Ivy subsistait à ses yeux, comme s’il n’avait pas compris qu’elles n’étaient qu’une seule et même personne. Mais avant d’être à nouveau noyée par cette idée terrifiante de ne plus exister aux yeux de cet homme qui a le don de la rendre folle, cet homme qui lui manque à l’instant même où elle le quitte, qui la fait rougir au moindre mot gentil ou au moindre message — comme la photo qu’il lui avait envoyée plus tard, le soir du show, cette satanée photo qui a hanté ses rêves de nombreuses nuits —, Sasha se ressaisit. Il est confus. It’s okay, fait-elle d’une voix douce mais ferme néanmoins. It’s me anyway.

Alors, Terrence fait alors l’inespéré. Un pas vers elle, bras ballants, yeux levés vers elle comme s’il lui demandait de l’aide, ou son approbation. La confusion qu’elle lit dans ses yeux lui brise un cœur qu’elle pensait être de glace. Elle ne résiste pas longtemps à ce qu’elle considère comme un appel — un pas vers elle, pour la convaincre qu’il ne la repoussera pas si elle clôt de nouveau cet espace entre eux. Et c’est ce qu’elle fait. Après quelques secondes d’hésitations, elle réduit la distance qui les séparait pour de bon et enroule ses longs bras autour des épaules massives du coach. Elle ne lui laisse pas le choix, collée à lui. S’il la repousse, elle passera la porte et ne la franchira plus mais en son for inconscient, elle sait pertinemment qu’il ne le fera pas.

Ses bras serrés autour de lui se veulent réconfortant, au même titre que ses mots. You didn’t hurt me, though… I’ve wanted you to kiss me for so long, murmure-t-elle à son oreille, les yeux fermés. Elle ne sait même plus combien de fois elle a répété ces mots, comme si plus elle le faisait, plus ils devenaient réels. You don’t need to convince yourself, Terrence. It was legit… So what if you like men and women? There’s nothing bad with that. Elle sourit intérieurement et resserre son étreinte autour de lui, alors qu’une pensée un peu plus légère manqué de franchir sa bouche. C’est encore mieux s’il n’était intéressé que par elle et personne d’autre, pense-t-elle, retenant ces mots à la lisière de ses lèvres. You know, I never really got to decide when I got to come out so I was kinda told I was gay before I even knew what it meant. I couldn’t hide being flamboyant, or being queer, or being a gay boy or whatever. Comme d’habitude, Sasha se perd dans ses explications pour faire passer un message. Si beaucoup la prendrait pour une donneuse de leçons à cet instant, tout ce qu’elle cherche à faire, c’est consoler et rassurer Terrence.

But it doesn’t mean that you have to find out who you truly are right now. You have time to discover more, to… try new things. You don’t have an expiration date. And if you need weeks, months or even years to find out, so what? You’ll have experienced so much in the meantime that it won’t really account for wasted time, right? Jamais Sasha n’aurait imaginé s’adresser ainsi à Terrence. Lui qui semble toujours si sûr de lui, si confiant, un vrai dur à cuire. Une de ses mains trace de grands cercles dans son dos en espérant l’apaiser.

N’importe quel passant jetant un coup d’œil à l’intérieur du centre de fitness à cet instant n’aurait jamais pu imaginer quel genre de drame se déroulait à l’intérieur ou pourquoi ces deux hommes s’enlaçaient comme deux désespérés. Mais il n’y a aucun passant dans la rue, personne pour assister à cette scène. Il n’y a qu’eux. Seuls au monde. You’re fine, Terrence. Whoever you decide to be in the end, you’ll be fine.

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Peut-elle sentir son cœur qui frappe à sa cage thoracique, menaçant de briser ces os ? Terrence était tétanisé en voyant Sasha s’avancer vers lui afin de le prendre dans ses bras. Plus tôt, il l’aurait probablement repoussé, mais cette fois, les battements étaient tellement forts qu’il n’a pas sût réagir ni bouger. Les bras ballants, il reste immobile un bon moment avant de détendre tous les muscles de son corps, baissant finalement sa garde au fur et à mesure que Sasha tente de lui trouver une explication. Tente probablement d’apaiser cette panique qui gronde au creux de son estomac.

Ne pas avoir à se justifier, à se chercher. C’est pour lui inconcevable. Il doit avant tout savoir qui il est, pour garder cette confiance qu’il avait auparavant. C’est grâce à ça qu’il a toujours pût avancer. Parce qu’il continuait sa route, déjà tracée par l’éducation conservatrice acquise, sans dévier. Mais si ce soir, il emprunte une nouvelle voie, que va-t-il se passer ? Terrence est le genre de garçon qui a toujours eu besoin de contrôle, de bases solides. Difficile de lâcher prise lorsque, toute sa vie, on est façonné devant l’idéal de nos parents. De son père, principalement.

You’re fine, Terrence. Whoever you decide to be in the end, you’ll be fine.

Il aimerait y croire. Vraiment, au fond, il rêverait d’entendre les dires de Sasha comme ils sont, sans vraiment avoir à les réinterprété pour qu’ils s’adaptent réellement à lui. La patience n’est pas son fort. Prendre le temps de se trouver, c’est bien trop difficile pour l’Italien. Généralement, lorsque Terrence n’arrive pas à mettre une réponse à une question, il se dit simplement qu’il ne peut pas comprendre et donc passe outre. Cependant, ce soir, cette chose qu’il ne comprend pas, qu’il ne veut pas comprendre, le touche personnellement. Dans un ultime recours, pour se protéger très probablement, il parvient à reprendre la parole.

I’m not gay, Sasha.

Aucune animosité en murmurant cette simple phrase. Il fait état de la chose, sans pour autant émettre de jugement comme il avait fait plus tôt. Au fond de son cœur, c’est ainsi qu’il le ressent. Il profite de cet instant pour s’écarter, mettre fin à cette étreinte, car bien que ce contact l’ait réconforté, Terrence préfère généralement faire face aux gens pour leurs parler… Et aussi parce qu’il a peur que puisse sentir son cœur particulièrement animé. Because… Il marque une pause, le temps pour lui de mordre ses lèvres le temps de la réflexion. That would mean I lied to myself my entire life and not only the past few months. Un long soupire, durant lequel il vient passer sa main sur son visage, frottant ses yeux avec une énergie retrouvée d’on ne sait où. Jesus. Hhh. Do you know how much I wanted my coach’s daughter when I was trying to reach pro ? Son bras retombe le long de son corps. Terrence est du genre à mentionner beaucoup de ses histoires de cœur, mais pas celle-ci. Celle-ci avait une once de valeur à ses yeux. Et encore, ce serait faiblement qualifier cette relation. Il laisse échapper un léger rire, discret mais bel et bien amer.

If I am gay - which I’m sure i’m not - that would mean I ruined my entire life. My dream. For a lie. An illusion. And I’m sorry but I can’t accept that. And I know that deeply in my heart… I loved her. Cette fois, son visage se baisse. Il perd pieds, incapable de finir sa phrase. Elles n’étaient pas nombreuses, ces personnes ayant réussi à faire chavirer son cœur. Terrence pouvait les compter sur les doigts de la main – et même sur une seule main, pour être précis. Ses yeux se perdent, quelques instants, avant d’être attiré cette fois par le tatouage qu’il avait repéré sur le bras d’Ivy lors du meeting. Sans vraiment savoir, ses mains venaient d’attraper délicatement le poignet de la drag queen, comme lors du tête-à-tête. De sa main endolorie, il passe, comme un enfant, le bout de son doigt sur les traits fins du visage encré sur la peau de son élève, effleurant la peau de la Grande Dame. Mi-homme, mi-femme. Voilà qui représentait particulièrement bien Sasha.

You came into my life like a storm…. You destroyed everything I believed in, everything I thought was true. Maybe in all those things I can’t understand, there is a word to define me. Son doigt marque une pause sur l’anneau dessiné, puis il relève finalement la tête, croisant les yeux du garçon sans pouvoir s’en détourner. Thinking of it, I didn’t want to kiss you because you were wearing a dress that night. Nor did I kiss you because you’re a guy. Il parle, et sans même réaliser, réduit inéluctablement cet espace entre eux. Il était en colère. Il l’avait embrassé pour le punir, pour que Sasha souffre autant que lui à cause de cette remise en question. Si sa conscience ne l’avait pas arrêté, il n’aurait probablement jamais mis fin à ce baiser. Il était en colère, mais celle-ci semble s’atténuer, se perdre, s’étouffer à cause de ces yeux qui le fixent sans dire mot. Ces yeux qui font céder la barrière que Terrence avait érigé plus tôt pour garder la tête hors de l’eau. Il n’est pas dans une case. Il est en marge. C’est la seule explication qu’il trouve pour le moment.

Lorsque ses paupières se ferment, il est trop tard. Sans vraiment comprendre pourquoi, ni comment, ses lèvres ont à nouveau trouvé celles de Sasha, avec hésitation, empli de douceur cette fois. Sa main, toujours sur l’avant-bras de Sasha, ne semble pas vouloir le laisser partir. Baiser plus timide qu’auparavant, il faut pourtant à Terrence beaucoup de retenue pour s’arrêter là et ne pas aller plus loin. Entrouvrant les lèvres, il parvient alors à souffler sa position une énième fois, sûre de lui. I am not.

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@Terrence Esposito & Sasha De Lorenzi

Si Sasha veut lui parler de cette fille qu’il mentionne pour la première fois, la fille de son propre coach, si elle veut insister, creuser un peu, comprendre pourquoi son estomac se tord de douleur à la mention de celle-ci. Il n’y a jamais eu tant d’émotion dans la voix de Terrence lorsqu’il parlait de ses conquêtes, les bras ballants, le regard dans le vide. Sasha n’a rien dit lorsqu’il s’est écarté, rompant ainsi son étreinte, elle ne dit toujours rien lorsqu’il mentionne cette fille sauf que les mots manquent de déborder, de quitter ses lèvres et de provoquer un autre cataclysme. Il en parle au passé, c’est la seule chose qui l’apaise réellement. S’il en parle ainsi, c’est que les sentiments qu’il a pu avoir pour elle n’ont pas subsisté, qu’il ne l’aime plus. Pitié, qu’il ne l’aime plus. Les mots pour le rassurer, cette fois, elle ne les trouve pas. Il n’a pas à se qualifier. Gay, hétéro, bi, pan. Pourquoi mettre des mots sur des sentiments inexplicables ? Alors non, Sasha ne connait pas l’histoire de la fille de son coach, elle ne comprend pas pourquoi Terrence aurait gâché sa vie et ses rêves. Ils ont eu beau s’ouvrir l’un à l’autre, il n’a jamais parlé de ce choix, tout comme elle ne lui avait jamais parlé de ses blessures passées, alors elle ne peut pas lui en vouloir.

Un frisson soudain la parcourt des pieds à la tête lorsqu’il se saisit de son poignet mais elle ne retire pas son bras, ne l’arrache pas à sa douce étreinte. Sourcils légèrement froncés, elle suit son regard qui se dirige vers l’intérieur de son avant-bras, vers le tatouage représentant Ardhanarishvara, le seigneur androgyne. Shiva du côté droit, Parvati du côté gauche, symbole de l’ambivalence de la nature divine, féminine et masculine à la fois, ni homme ni femme, car à l'origine de toute chose, transcendant les distinctions de genre. Un message qui la caractérise parfaitement car elle se veut aussi transcender le genre, bouleverser les gens, laisser une trace. You came into my life like a storm. Un sourire menace de percer aux coins de ses lèvres mais renonce très vite lorsqu’elle croise le regard du coach – à tout bien y réfléchir, il est devenu pour elle tellement plus qu’un coach qu’il lui est à présent impossible de le qualifier ainsi, mais alors quoi ? Un ami ? Non, tellement plus. Beaucoup plus qu’un simple ami. Un homme dont elle ne saurait plus se passer, à présent. Il régit quasiment toutes ses pensées et ses actions. Terrence a pris une place inégalable dans son cœur, à tel point qu’elle ne sait plus comment gérer tous ces sentiments qui se bousculent en elle. Tout comme elle ne sait pas comment interpréter ses mots. Sourcils froncés, elle le dévisage sans comprendre. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle ne veut plus qu’il relâche son bras, comme s’il était devenu un contact absolument vital pour elle, pour sa survie.

Elle n’a pas remarqué qu’il se rapprochait imperceptiblement d’elle. Lorsqu’elle s’en rend compte, il est bien trop tard. Son cœur tente de se libérer de sa cage thoracique. Then why… Il est proche et elle est incapable de ne pas lentement baisser les yeux sur ses lèvres qui sont de plus en plus proches des siennes. … did you… Son cerveau tourne à toute vitesse pour comprendre ce qui est en train d’arriver. Cependant, elle refuse de l’en empêcher. Comme un battement d’ailes de papillon qui provoquerait un typhon de l’autre côté de la planète, Sasha sait que si elle pose un quelconque obstacle à ce qui s’apprête à se passer, elle aurait réellement tout gâché et que plus rien ne se passera jamais. … kiss me… Ces derniers mots ont plus un goût de prière que de question.

Alors que les lèvres de Terrence se posent sur les siennes, c’est comme une explosion de papillons dans sa poitrine. Ceux-ci virevoltent en elle, effleurant son cœur de leurs ailes délicates, tout comme ce baiser d’une douceur sans pareille. Elle ne cherche pas à approfondir le baiser, lui laissant toute son innocence. Il n’y a plus de jeux, ce n’est plus à qui blessera l’autre. C’est comme un pansement qui se pose doucement sur les plaies à vif de l’un comme de l’autre pour les empêcher de saigner. De sa main libre, elle est allée chercher un pan du t-shirt de Terrence, s’y agrippant comme la part désespérée d’elle qui a peur de le voir disparaitre après tout ça. Peut-être se dira-t-il qu’il a fait une énorme erreur en l’embrassant à nouveau, en lui pardonnant, en se remettant en question, peut-être qu’à ce moment-là, il décidera de disparaître de sa vie. Et alors elle devrait continuer de vivre sans lui, de fonctionner, faisant comme si de rien n’était. C’est à cet instant précis qu’elle comprend enfin qu’elle préfèrerait passer le restant de sa vie à ses côtés sans jamais que ses sentiments soient retournés, tant qu’il s’en trouve plus heureux, plutôt que d’avoir à endurer une possible séparation. Lentement, son front se pose contre celui du coach. Elle garde les yeux fermés. Ses lèvres effleurent encore l’arête de son nez. Leurs souffles s’entremêlent.

Autour d’eux, l’Univers aurait pu s’arrêter, les galaxies auraient pu être englouties par d’immense trous noirs, tout aurait pu disparaître, que ni l’un ni l’autre ne s’en serait rendu compte, happés par leurs propres problèmes. I know you’re not, murmure-t-elle sans bouger.

Lentement, la pensée s’est concrétisé dans l’esprit de la grande dame et à présent, elle s’en veut de l’avoir autant taquiné sur sa sexualité au lieu de faire ce qu’elle demandait aux autres de faire en ce qui la concernait : le laisser tranquille. Sa main libre a voyagé jusqu’à pouvoir effleurer du bout des doigts la joue du garçon mais tout le reste d’elle n’a pas bougé. You know I don’t like labels, soupire-t-elle doucement. But if you really want to know, there is a word for who you are…

Enfin, c’est elle qui fait le premier pas pour s’écarter, suffisamment pour pouvoir enfin regarder Terrence dans les yeux, croiser ce regard noir brûlant, mais pas assez pour qu’il soit contraint de lâcher son emprise sur son bras. Quoi qu’il en soit, elle est prête à rattraper sa main cette fois pour ne pas le laisser s’échapper. It’s called pansexual. It just means you like someone for who they are, not according to their gender. Aimer quelqu’un pour ce qu’il est. Si seulement cette définition pouvait s’appliquer à son cas, pense-t-elle avec une pointe de tristesse. I’m sorry I’ve been teasing you about this for… so long. I had no idea you felt that way.

(c) DΛNDELION

Since : 20/11/2019

Chi c*zzo sei ?

@sasha de lorenzi & terrence

Il ne savait pas vraiment pourquoi ni comment ses lèvres avaient de nouveau trouvé celles de Sasha. Magnétisme indescriptible, attraction inexplicable dont les facteurs restent encore à identifier. L’évidence est pourtant invisible à ses yeux. Malgré les papillons, le cœur qui explose et tout ces sentiments oubliés qui prennent place, Terrence n’arrive pas à l’admettre. Le cœur brisé avait pourtant eu le temps de se remettre avec les années et les aventures qui ne s’étaient jamais réellement concrétisées… C’est pourquoi, ce baiser, d’une passion encore timide et inavouée, cache également beaucoup de doute et d’incertitude sur les choix que le Coach pourrait prendre. Il n’en demande pas plus, probablement par pudeur, ou parce que cette hésitation lui donne le bénéfice du doute. Il ne sait pas. Il ne sait plus, n’entends plus, sentant le battement de son cœur résonner au creux de son oreille, tambourinant ses tympans.

Sasha a ce mouvement de recul, après ce drôle de recueillement qu’ils s’étaient trouvés. Comme si tout ce qui s’était passé était balayé d’un revers de main, comme si jamais rien ne s’était passé. Mais les mots, ces mots le ramènent à la réalité. Déjà addict à ces contacts, il n’en est pour le moment pas dépendant, si bien qu’il se contente de garder sa main sur se poignet, relâchant doucement cette emprise pour ne frôler que du bout des doigts la peau de la Drag Queen. Ses yeux ne la quittent pas, se plongeant un peu plus dans cet océan, cherchant une quelconque explication ou solution pour ce problème. Savoir que tout cela a un nom ne le conforte pas pour autant. Ce n’est pas vraiment ce qu’il aurait aimé entendre. Dans un sens, Terrence sait que, quoique Sasha aurait pu lui dire, cela n’aurait pas été suffisant. Dans cet océan dans lequel il pense nager librement, la fatigue le guette et le pire des scénarios serait qu’il s’y noie. Pour l’instant, il n’est pas prêt.

Les excuses de Sasha ne l’atteignent pas, car Terrence considère qu’ils étaient tous les deux dans le tord ce soir… Il se redresse, ce qui donne l’impression d’un mouvement de recul. Listen…. Il marque une pause. Il n’en peut plus. Tout simplement. Même tenir ces épaules droites demande un effort considérable. Pourtant, il se force, parce qu'il garde cette once de fierté qui lui permet de garder la face, qu'importe la situation. I’m sorry, but… Il soupire, sachant pertinemment que ce n’est pas la réponse qu’elle attend. Il n’est pas capable de donner suite ni quoi que ce soit d’autres. I really think you should go. Sa voix est la même que d’habitude, sans animosité, avec cette bienveillance qui le caractérisait tant. Un court instant, il se laisse le droit de pouvoir laisser glisser ses doigts le long de l’avant-bras de Sasha, effleurant ses doigts, regrettant presque ses paroles à l’instant où elles franchissent ses lèvres encore brûlantes de ce baiser échangé. Bien que sa présence ne le dérange pas, Terrence souhaite avant tout rester seul pour prendre le temps de la reflexion.

Avant même que ces regrets lui fassent faire marche arrière, il recule enfin, avant de retourner prêt du comptoir ou gît son téléphone – ou ce qu’il en reste. And… About tonight… Il marque une pause, légère, mais pourtant bien pesante. Entre ses doigts, l’appareil se fait inspecter, lui permettant de tourner le dos à Sasha, cachant alors cette expression sinistre qu’il tente de ravaler en changeant partiellement de sujet. You don’t have to worry, I won’t deduce this lesson from your package.

(c) DΛNDELION

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