Tu te rappelles encore le jour où on t’a annoncé que tu devenais l’un des mannequins officiels de la marque Gucci. Tu te rappelles surtout d’avoir appelé directement ta meilleure amie pour qu’elle soit la première au courant. Tu avais déjà posé quelques fois pour cette marque, parmi tant d’autres, mais tu étais loin d’imaginer que tu serais l’une de leur effigie un jour. Pourtant cela venait d’arriver et ils t’avaient demandé de participer à un défilé où les plus grandes marques se réunissaient plusieurs fois par an et devant un public très privé et connus dans le domaine de la mode. Mais, plus la date fatidique se rapprochait, tu stressais un peu plus chaque jour. C’était loin d’être ton premier défilé puisque tu avais commencé ta carrière il y a de cela quatre ans, mais c’était le premier à être si important puisque tu défilais d’habitude pour des marques moins connues lorsque tu ne posais pas pour des shootings ou que tu ne participais pas à des spots publicitaires. C’est d’ailleurs dans l’un de ses spots pour l’un des parfums Gucci que tu avais été repéré par leur marque de vêtements.

Mais ce n’était pas la seule raison de ton stress. En effet, tu allais pour la première défiler avec ton modèle numéro un dans le monde de la mode : Sasha de Lorenzi. Parmi tous les mannequins que tu connais, Sasha sûrement celle que tu admires le plus que ce soit par sa façon d’être ou son caractère. Bien sûr, ce n’est pas toujours simple d’être à ses côtés car elle peut casser les gens mais tu as rapidement compris que c’était souvent dans leur intérêt car le monde du mannequinat est une entreprise qui peut se montrer très dure envers ceux qui débutent dedans. Tu l’avais vécu à tes dépends lors de tes débuts il y a quatre ans et tu pouvais dire, sans une pointe d’hésitation, que ta rencontre avec Sasha t’avais permis de te former une carapace.

Le jour J finit par arriver, tu n’avais pas arrêté d’embêter ta meilleure et ta sœur avec ce défilé et tu angoissais tout en étant vraiment heureux de pouvoir participer à un projet si important. Bien sûr, qui dit projet important dit aussi que tu as peur de faire le moindre faux pas qui pourrait tout ruiner. Mais tu ne voulais pas trop y penser donc tu te dirigeas vers l’endroit où se déroulait le défilé en prenant ta voiture, voulant conduire un peu. Une fois sur place, tu te rendis dans une salle où t’attendais ton manager qui t’expliqua rapidement le programme de la journée puis tu passas entre les mains expertes de ta coiffeuse et maquilleuse Elena qui n’arrêtait pas de te dire qu’elle était heureuse pour toi. Tu adores ce petit bout de femme qui, par on ne sait quel miracle, est souvent celle qui s’occupe de toi mais c’est sûrement parce qu’elle est la seule à pouvoir gérer ta masse de cheveux qui changent régulièrement de longueurs. A chaque fois que tu te ramène avec les cheveux courts, tu te dis que Lizzie et Elena pourrait s’entendre sur le fait que c’est mieux de te coiffer quand tu as les cheveux longs.

Une fois les préparations finies, tu te rendis dans la salle où les autres mannequins attendaient sagement qu’on vous appelle pour les répétitions. Ton attention fixée sur l’écran de ton téléphone où tu suivais les actualités de tes chanteurs et chanteuse favori(e)s, tu ne remarqua pas tout de suite que Sasha venait d’arriver dans la salle mais, dès que ce fut le cas, tu te dirigeas vers elle pour la saluer.

« Bonjour Sasha ! Je suis content de savoir que je vais pouvoir travailler avec toi sur ce projet ! Comment tu vas ? »

Fashionably late. C’est ainsi que Sasha arrive pour les répétitions. Elle ne sait même pas pourquoi on a osé lui demander de venir pour ça. Comme si elle ne savait pas défiler ou comment se passait les préparations d’un défilé de haute couture. Dans un Uber beaucoup trop rapide à son goût, elle est encore en train de se réveiller. Être debout à six heures du matin pour quelque chose de si inutile n’est pas fait pour la rendre particulièrement de bonne humeur. Elle sirote son caramel macchiato en pianotant sur son téléphone. Le chauffeur tente de lui parler mais elle lui répond à peine pour finir par lui faire clairement comprendre qu’elle n’est pas d’humeur. Quand il la dépose devant le lieu où se déroulera le défilé, un peu plus tard dans la journée, elle envoie un bref message à son assistant pour s’assurer qu’il apportera sa mallette de maquillage. Comme d’habitude, elle ne laissera pas le staff faire son maquillage. On peut lui donner un thème général mais c’est toujours elle qui décide des détails. L’assistant lui répond dans l’instant que tout est déjà prêt. Elle sourit, satisfaite, et s’engage à l’intérieur.

Tout le monde est déjà réuni sur la scène. Sasha suit la petite mère avec son micro-casque sur les oreilles qui annonce à elle ne sait qui qu’Ivy est arrivée « oui, oui, on se dépêche ». La drag lève les yeux au ciel et ne presse pas plus le pas. Elle a déjà de longues foulées et la dame qui l’accompagne trottine à côté d’elle. Il est en plus hors de question de renverser ce café, cette fois. Une fois mais pas deux, si ce n’est pas sur la même personne. Par ici, s’il vous plait, euh… Miss Ivy ? Sasha hausse un sourcil à la petite dame mais ne pipe mot. Elle a hésité sur la manière dont elle devait l’appeler alors qu’elle aurait pu tout simplement l’appeler Ivy et qu’elle en était pertinemment consciente. Elle cherche à être rassurée ou informée mais Sasha, avec moins de trois heures de sommeil dans le nez, n’est pas d’humeur. Talons aiguilles en mains, car c’est avec ça qu’elle défilera plus tard, elle monte sur la scène et rejoint les autres mannequins. Quand elle n’est pas Ivy, Sasha ne paie pas de mine. Jeune homme sans une musculature démesurée tout en restant mince, cheveux bruns bouclés retombant un peu en dessous des épaules, l’air d’être toujours emmerdé par le monde entier.

Du coin de l’oeil, elle remarque une silhouette qui s’avance vers elle et sourit tout en prenant une dernière gorgée de café. Ce matin-là, elle avait complètement oublié que ces répétitions ne seraient pas une perte de temps complète. Hey, Will. Elle est aimable, un vrai miracle vu son humeur du jour. Il est nerveux, elle le sent bien, peut-être toujours un peu impressionnée alors qu’ils se connaissent déjà depuis plusieurs mois. Ça va. Sasha répond toujours brièvement à ce genre de questions car elle sait que ça n’intéresse pas réellement les gens. Si elle était un tant soit peu honnête avec les autres et avec elle-même, elle avouerait que ça ne va pas, que ça fait bientôt dix ans que ça ne va pas. Mais en bonne handicapée des sentiments, elle se contente d’une réponse appréciée de la société. Et toi ?

Alors elle se penche et sort de ses bottes. Comme souvent quand il ne fait pas trop froid, elle est en short. Elle remonte ses chaussettes à mi-mollets et enfile les talons aiguilles. En un rien de temps, elle dépasse William d’une demi-tête et c’est comme si elle le regardait de haut. Posant une main sur son épaule, elle prétend se soutenir ainsi alors qu’elle s’appuie à peine sur lui, mais c’est un prétexte pour rester près de lui. Malgré son expérience et son professionnalisme, elle aime avoir quelqu’un qu’elle connait avec elle durant ces projets. Hey, on t’a déjà dit ? fait-elle avec un petit sourire taquin. On va défiler ensemble. En même temps. J'ai vu les tenues l'autre jour à l'atelier. Ça va être canon. Tandis que la coordinatrice déballe le même jargon qu'elle sort à chaque mannequin, à chaque défilé, Sasha ne se prive pas pour discuter avec William. Ils sont un peu en retrait et peuvent se permettre de discuter. C'est un smoking à queue de pie et une robe noire reliés par la traine. Alors t'as plutôt intérêt à être à la hauteur, je te préviens.

@William Wallace

Sasha avait, comme souvent, un café entre les mains et ça t’amusais légèrement car, si on te laissait faire, tu serais toujours en train de te balader avec un gobelet de Mocha blanc dans les mains. Mais on ne te laisse pas faire car le café te rendrait « intenable » quand tu en abuses trop donc tu te retrouves souvent avec juste une bouteille d’eau à la place de ta boisson chaude. Pour le moment, tu es à la même hauteur que Sasha donc tu peux te permettre de ne pas lever le regard pour lui parler mais tu sens que ça ne va pas tarder à être le contraire. Mais ça ne te dérange plus maintenant, tu as fini par t’habituer au fait que les mannequins pouvaient te dépasser et ce, parfois, sans même porter de talons. Un petit sourire s’affiche sur tes lèvres et tu hoches la tête quand Sasha te demande comment tu vas.

« Ça peut aller, je stresse un peu parce que c’est la première fois que je travaille sur un défilé si important mais je pense que tout va bien se passer. J’espère juste que je ne vais pas me ridiculiser… ce serait un peu idiot de me démarquer de cette façon. »

Et tu l’observes se déchausser avant d’enfiler ses talons aiguilles, te donnant aussitôt l’impression d’être très petit alors que tu es pourtant grand, pas le plus grand des hommes de ton âge certes mais tu es grand. Et elle s’appuie sur toi, tandis que tu observes les autres mannequins présents alors que les explications commencent tranquillement. Tu tournes de nouveau la tête vers ta collègue lorsqu’elle s’adresse à toi et tu fronces les sourcils.

« Dit quoi ? J’ai eu très peu d’infos à part le nom de la marque pour laquelle je défile. »

Et un sourire prend aussitôt place sur ton visage lorsqu’elle t’annonce que vous allez défiler ensemble. Depuis que tu la connais, tu espère avoir la chance de défiler un jour avec elle et voilà qu’on vous fait travailler ensemble sur ce défilé.

« Oh c’est super ! J’aurais aimé voir les tenues alors car elles doivent être magnifiques ! C’est la première fois que l’on travaille ensemble en même temps en plus ! »

Et tu écoutes d’une oreilles distraite la coordinatrice tandis que tu te concentres sur les propos de Sasha. Même si tu portes souvent des smokings, c’est très rare que tu en portes un qui est à queue de pie donc tu fais une moue perplexe mais, après tout, ils savent ce qu’ils font lorsqu’ils décident de qui porte quelle tenue ou non. Et tu te figes quelques secondes lorsqu’elle t’annonce que les tenues seront reliées.

« Raison de plus pour que je fasse encore plus attention que d’habitude à mes mouvements alors ! Mais j’ai hâte de défiler avec toi. »

Au contraire d’elle, William est du genre à partager tout ce qui lui passe par la tête et la grande dame est souvent patiente, à l’écoute la plupart du temps, et même si elle ne l’est pas elle prétend très bien l’être, mais elle ne parle jamais réellement d’elle. Elle n’entre pas dans les détails. Même son meilleur ami, qu’elle a laissé à Paris à son départ pour New York, ne connaissait pas les détails de sa vie, de son passé ni de ses pensées. Personne ne la connait vraiment. Elle reste aussi énigmatique qu’Ivy. Pliant un genou après l’autre pour ne pas avoir à se baisser, elle remonte ses chaussettes sur ses jambes de gazelle et prend une gorgée de café en dévisageant son petit protégé du coin de l’oeil. Un petit sourire narquois étire ses lèvres. Pourquoi tu veux te ridiculiser ? Sois pas con. T’as juste à marcher et avoir l’air cool mais pas trop. C’est facile. Piece of cake. Elle hausse les épaules d’un air nonchalant pour le rassurer mais en réalité, elle sait bien que défiler est beaucoup plus difficile qu’il n’y parait. Il faut croiser les jambes, avoir un certain déhanché sans être trop vulgaire sauf si le thème du défilé le demande et regarder devant soi sans laisser les yeux tomber sur les pieds. Et s’il y a le moindre problème avec le vêtement, il faut soit continuer comme si de rien n’était soit trouver une solution classe et invisible pour s’en sortir.

Pourquoi tu n’as pas demandé à avoir les détails ? T’es mannequin, t’as bien le droit de savoir. D’ailleurs, c’est très bien vu car si ça remonte, ça prouve que tu t’intéresses, que tu n’es pas là simplement pour te faire de l’argent. Si sa voix est légèrement froide et cassante, ses intentions sont clairement d’uniquement conseiller William. Il n’est pas un concurrent pour la grande dame et elle s’est tellement attachée à lui qu’elle ne souhaite qu’une chose, le voir réussir. Pendant ce temps, les autres mannequins ont commencé à défiler sans leurs vêtements, simplement pour trouver une marche, une allure. Quand vient le tour de Sasha et William, celle-ci sourit à son ami. Elle a soudainement l’air joueuse, comme si être sur scène lui donnait une nouvelle vie. Prends mon bras, on va essayer comme ça. Elle se dit qu’étant donné qu’ils doivent défiler en couple, autant trouver quelque chose de spécial qui reste classe malgré tout.

@William Wallace

Tu l’observes remonter ses chaussettes pendant que tu te perds une fois plus dans l’observation des autres mannequins. Une petite moue perplexe prends place sur ton visage lorsqu’elle te demande pourquoi tu voudrais te ridiculiser et tu hausses les épaules. Même si cela fait quatre ans que tu travailles dans ce monde, tu sais très bien qu’une erreur pourrait être fatale à ta carrière donc tu fais toujours très attention à ce que tu fais à part lorsque te dis que tu as le champ libre pour faire ce que tu veux. Puis, tu n’as pas toujours la démarche automatique que tu dois avoir lorsque tu défiles donc tu dois souvent recommencer quelques fois avant de reprendre la bonne démarche, ni trop lente ni trop rapide, laissant ainsi le temps au public d’admirer les vêtements que tu portes.

« Bof, je serais bien capable de louper un pas et de chuter débilement alors que je fais vraiment attention mais bon, c’est pas non plus mon but. »

Tu l’écoutes te sermonner légèrement, te mordant l’intérieur de la joue lorsqu’elle te dit que tu aurais pu demander à avoir plus d’informations sur le défilé. Mais tu n’oses jamais vraiment demander, préférant qu’on te donne des informations au compte-gouttes plutôt que de t’imposer en demandant à avoir des informations. Puis, tu as toujours fonctionné ainsi avec ceux qui gèrent tes jobs donc ce serait bizarre de commencer à poser des questions du jour au lendemain, non ? Mais Sasha a raison quand elle dit que cela prouverait que tu ne veux pas juste te faire de l’argent avec ce travail. Même si, de toute façon, tu n’es pas à la recherche d’argent vu ta famille. Tu fais ce métier par plaisir et parce que tu adores porter des vêtements variés et de tous les styles, même ceux que tu n’aurais jamais osé approcher de peur de te ridiculiser dedans ou que l’on se moque de toi. Ce qui était déjà le cas lorsque tu portais un style plutôt « classique » au lycée maintenant que tu y penses. Tu finis par tourner de nouveau la tête vers ton acolyte et tu soupires légèrement.

« J’sais pas, j’aime bien avoir la surprise des tenues même si j’aimerais aussi savoir à quoi elles ressemblent en même temps. Je suis trop contradictoire pour choisir qu’une seule de options. Mais j’y penserais la prochaine fois ! »

Tu regardes défiler les autres mannequins jusqu’à ce qu’on vous appelle. Regardant ton amie, tu es surpris de la découvrir avec un sourire et un air amusé sur le visage. Mais tu obéis à sa demande, prenant son bras avant de regarder les autres mannequins qui vous observent ou, pour la plupart, sont déjà plongés sur leur téléphone comme si tout cela n’était pas important.  

« Tout ce que tu voudras, je te fais confiance pour mener la danse ! »

Tout ce que je veux ? T’es pas prêt pour ça. Elle lui adresse un sourire taquin accompagné d’un clin d’œil qui pourrait vouloir tout dire et lui montre comment placer son bras, comme si c’était lui qui la menait alors qu’en réalité, c’est elle qui doit marcher un pas en avant pour ne pas avoir l’épaule tordue dans une position peu flatteuse et c’est donc elle qui mène la danse. Malgré une confiance en lui visiblement au ras des pâquerettes, Sasha n’a aucun commentaire à lui faire sur sa démarche. Il ne marche ni trop vite, ni trop lentement. Arrivés au bout du podium, c’est la panique. Elle se dit qu’il est plus logique qu’il reste sur place au centre et qu’elle tourne autour de lui pour qu’ils repartent sans avoir à faire croiser la traine mais il semble être d’un avis différent. Il atterrit alors dans la poitrine de la grande dame qui referme ses bras autour de lui en riant. Qu’est-ce que tu fous ? Elle titube un peu sur ses talons hauts mais ne vacille pas puis fait quelques pas en arrière. Attends, on reprend. Donc on est là. Bam, bam, bam, bam. Pose. Elle commente ses actions puis arrive de nouveau à côté de William et reprend son bras. Et là, tu restes sur place et… je… tourne autour de toi pour me mettre de ce côté. Elle s’exécute avec aisance cette fois. Et là, tu me suis et on repart. T’en penses quoi ? C’est pas mal, hein ?

Ils terminent la répétition sur cette touche d’amusement. Sasha ne se préoccupe pas des autres et entraine William avec elle dans les coulisses où elle trouve très aisément les cinq stylistes en charge de préparer les tenues pour le défilé. Ils sont accompagnés du directeur de création qu’elle connait depuis quasiment ses débuts. Quand il la voit débarquer, il se fend d’un grand sourire et déboule vers elle, bras écartés. Ivy, amore ! Quanto tempo fa ? La grande dame lâche un instant William pour serrer l’homme dans ses bras. Ciao, Alessandro. Da quanto tempo. Come stai ? Elle le laisse passer un bras autour de sa taille et elle-même s’appuie sur l’épaule du responsable. Lascia che ti presenti al mio amico, William. Enfin, elle se tourne vers son ami et lui sourit. William, je te présente Alessandro Michele. Il est le directeur de création de la marque. Alessandro, carino, on venait voir si on peut éventuellement essayer les tenues un peu plus tôt au cas où il y a des retouches à faire. En plus, William ne les a pas encore vues et il est super curieux. Il lui suffit d’un sourire charmeur pour avoir tout ce qu’elle veut. Ah, ces italiens, se dit-elle avec un petit ricanement intérieur, ces éternels Don Juan. Alors évidemment, c’est à coup de « tout ce que tu veux, mi amore » et autres, qu’il réquisitionne un des stylistes pour s’occuper d’eux. Visiblement, son assistant a déjà déposé sa valise en coulisses car elle la voit de loin et sourit avant de s’adresser à William. Tu vois. Je t’avais bien que ça leur ferait plaisir. Et comme ça, on aura pas à se presser, ça te fera moins de stress.

Et tu te retrouves à rougir comme un idiot qui se fait prendre à son propre jeu lorsqu’elle te répond. Tu oublies toujours que tes phrases peuvent te paraître innocentes mais ne pas l’être aux oreilles de ceux à qui elles sont adressées. Mais tu te reprends rapidement car, effectivement, Sasha mène la danse après t’avoir indiqué où placer ton bras. Et tu la suis, veillant à ne pas aller trop vite pour rester là où tu dois être tout en te concentrant sur ton regard qui n’est fixé que sur un point invisible en face de toi.
Mais ce qui devait arriver finit toujours par arriver. Et tu te foires comme un idiot, ne comprenant pas les intentions de ton ainée et tu te retrouves contre elle en fermant les yeux et te traitant mentalement d’idiot. Mais Sasha ne semble pas en colère, elle en rigole même alors que ses bras sont autour de toi et tu fais une petite moue désolée.

« Pardon mais j’avais bien dit que j’allais me foirer sur quelque chose ! »

Et tu l’écoutes attentivement, la regardant faire les mouvements que tu aurais du faire et tu hoches la tête. Elle a totalement raison dans son idée et tu te trouves idiot sur le moment car tu te rends compte que ce que tu voulais faire aurait pu être problématique puisque vous êtes reliés par une traine.

« C’est vrai que c’est plus pratique que mon idée ! Je te suis sur cette idée pour le coup. Ce sera beaucoup plus élégant aussi. »

Et vous faîtes le chemin dans le sens inverse pendant que ton esprit part se perdre dans d’autres endroits. Tu te demandes si tu verras beaucoup de tes proches lors de ce défilé, ayant pu inviter ta famille et quelques amis. Et tu es tellement ailleurs que tu te laisses trainer par Sasha jusqu’aux coulisses. Tu ne t’en rends compte qu’au moment où tu entends quelqu’un parler dans une autre langue, sûrement de l’italien puisque Sasha y répond avec aisance. Et tu fronces les sourcils en écoutant l’échange que tu ne comprends pas, tes yeux se baladant sur la salle où vous vous trouvez jusqu’à ce que, malgré tous les mots inconnus, tu entendes ton prénom. Alors ton attention se dirige de nouveau vers Sasha et l’homme que tu ne connais pas. Et le lien se fait rapidement entre le nom et l’identité de l’homme devant toi à qui tu souris.

« Enchanté de vous rencontrer monsieur Michele. »

Mais tu laisses Sasha mener de nouveau la conversation, ton regard attiré par les cinq stylistes que tu vois un peu plus loin. Tu n’en connais aucun, même pas de vue, donc tu es intrigué car tout est nouveau ici. Heureusement Elena s’occupait de toi, étant là comme l’un des deux seuls éléments de repères que tu pouvais avoir ici. Tu entends que la discussion tourne autour des tenues mais tu n’y fais pas attention car ton téléphone vibre dans ta poche et tu te mets légèrement à l’écart avant de sourire en voyant l’identité de la personne qui t’écris. Même si ton meilleur ami ne connait pas ton métier, il est au courant du fait que les prochains jours seront importants pour toi alors il t’as envoyé un petit message d’encouragement auquel tu réponds avant de revenir vers Sasha et de froncer les sourcils lorsque tu vois un styliste s’avancer vers vous.

« Je vais tacher de t’écouter plus souvent alors ! Puis on aura fini de faire les retouches avant tout le monde, c’est cool ça. »

Et le styliste finit par arriver à votre niveau et tu le salues avant qu’il ne vous mène à l’endroit où se trouve vos tenues. Et tu te tournes vers Sasha pendant que vous marchez.

« Comment tu fais pour paraître si détendu alors que c’est un événement important ? ‘Fin je sais que ce n’est pas le premier grand événement auquel tu participes mais je suis toujours aussi impressionné par la façon dont tu restes calme. »

Au fur et à mesure qu’elle discute avec son ami de longue date, Sasha se rend compte que William a disparu. Il s’est éloigné et a le nez plongé dans son téléphone. Alors certes, elle n’est pas la mieux placée pour lui dire de ne pas utiliser son téléphone autant — car elle peut passer des heures perdues sur les réseaux sociaux ou à envoyer des messages, mais elle a la décence de ne pas le faire lorsqu’elle n’est pas seule — mais dans les moments importants comme celui-ci, elle aurait espéré un peu plus de respect. Son regard noir n’arrive même pas à croiser celui de son protégé car il est obnubilé par son téléphone et le reste jusqu’à ce que Sasha le rejoigne. Et j’espère que tu vas tâcher de lever le nez de ton téléphone à l’avenir. Sur ces mots, elle lui arrache le téléphone des mains pour lui taper sur le haut du crâne avec avant de le lui rendre, lèvres pincées. Si je te revois le sortir, je te le confisque. Comme un gosse. C’est le directeur artistique de Gucci, merde ! Elle baisse d’un ton pour que personne d’autre ne les entende. C’est l’homme par qui tout passe. S’il te remarque, ça peut t’ouvrir des portes incroyables dans le milieu. On aura beau te dire qu’il faut avoir du talent, si t’as pas les connexions qui vont avec, t’iras nulle part. Si son ton peu paraitre un peu dédaigneux et condescendant, c’est malheureusement une vérité de plus en plus présente, surtout dans le milieu de la mode et de l’artistique en général et ce même si elle aimerait que son petit William ait du succès uniquement grâce au charme indéniable qu’il dégage.

Alors que le styliste s’affaire autour d’eux, Sasha marche vers sa valise et l’ouvre afin d’en sortir son corset couleur chaire. Sans la moindre once de pudeur, elle retire son haut et son pantalon et revient vers le styliste et vers William en boxer, talons aiguilles dans la main. N’hésite pas à dire si quelque chose ne va pas et a besoin d’être retouché. Les répétitions devraient surtout être faites pour ça. Sur ces mots, elle resserre le corset autour de sa taille qui rapetisse de plus en plus jusqu’à concurrence celle de ses idoles des années cinquante. Un des stylistes doit l’aider à passer la robe car si elle ressemble à une très simple robe de bal noire, elle doit non seulement être resserrée à la taille une fois passée pour épouser ses courbes, et être fermée dans le dos, chose qu’elle ne peut pas faire, malgré la longueur de ses membres de girafe. C’est une fois habillée qu’elle relève les yeux vers William. Alors ? demande-t-elle avec un sourire grandissant en voyant sa dégaine dans le costume. Ça va, t’es pas si moche finalement.