Elizabeth Goldstein & Ryota Sakamoto

Hot like fire

- Putain, non ! Mon chemisier !

La demoiselle se confond déjà en excuses et même si sur le coup je gueule je ne lui en veux pas vraiment parce que je suis aussi bourrée qu’elle et que d’une minute à l’autre j’aurais sûrement fait la même chose - l’alcool me donne le tournis et perchée comme je suis sur mes talons hauts mon équilibre est plus que précaire. Son équilibre à elle aussi, faut croire, d’autant plus qu’elle a bu encore plus que moi et est sur des talons encore plus hauts que les miens ; je me demande comment elle arrive à danser d’ailleurs, sûrement très mal, mais on est à un moment de la soirée où on s’en fout de ce genre de détails. On est un Samedi soir, la boîte est pleine à craquer et je me suis jointe aux festivités, me laissant complètement aller comme si j’avais oublié que le club était à moi et que je devais garder un minimum les idées claires histoire de pouvoir tout gérer, mais … j’m’en fous. J’ai plein d’employés qui sont là pour gérer à ma place, ils sont là pour ça. J’ai préféré me joindre aux clients, montrer l’exemple en quelque sorte. Au début je suis restée sage, raisonnable, puis quand j’ai vu Jade, une vieille amie que je n’avais pas vue depuis le lycée, j’ai voulu fêter ça, forcément. On a sorti le champagne. Une bouteille, puis une autre avant de commencer à se dire que  ça faisait trop et qu’après un dernier verre on arrêtait et on allait se reposer un peu. Sauf que bon, entre l’alcool, les gens qui bousculent et tout ça, Jade a trébuché et le contenu de son verre s’est répandu partout sur mon chemisier. En plein dans le mille, comme si elle l’avait fait exprès.

- Chudésoléejpafaiexprès, baragouine mon amie qui a visiblement atteint son taux maximal d’éthanol pour ce soir.
- Pétasse, je lui réponds sans réfléchir (oh ça va, c’est pas moi, c’est l’alcool). Faut qu’je nettoie maint’nant, on va voir mes nibards.

Parce qu’évidemment je ne porte rien en-dessous et même si ça me gêne pas de m’exhiber (duh) je préfère quand c’est moi qui ai décidé de le faire et ce soir j’avais pas prévu de me mettre en mode t-shirt mouillé … bon, bah, direction les toilettes pour essayer de rattraper ça. Je ressent le champagne frais, glacial même, transpercer le tissu de mon chemisier et presque me donner la chair de poule tellement il est froid alors qu’il fait une chaleur insupportable dans la boîte par ailleurs - forcément, avec toute cette transpiration et ses vapeurs d’alcool.

- T’es cuite meuf, va t’allonger un peu, je conseille à Jade avant de me mettre en route vers les toilettes, les bras croisés sur ma poitrine pour la cacher comme je peux.

Ah, revoir une amie de lycée a aussi fait revenir mon langage à cette période-là faut croire.

Bon, les toilettes sont à deux pas et j’y arrive rapidement en me frayant un passage parmi les fêtards. Y a personne, ce qui m’arrange. Enfin un peu de calme ! Je vais tout de suite devant les miroirs évaluer les dégâts de l’incident … bon, ben … disons que ça laisse pas beaucoup de place à l’imagination … j’essaye de rattraper les dégâts comme je peux avec de l’eau du robinet et quelques feuilles de papier lave-mains mais j’ai pas l’impression que ça fasse quelque chose … on dirait que ça étend juste la tache, au contraire … bah oui, Elizabeth. Un liquide sur du liquide, ça fait juste plus de liquide.

- Merde, comment j’vais faire, je dis à voix basse comme si je craignais que quelqu’un d’autre m’entende.

Mon chemisier est ruiné, je crois, et en plus de ça je pue l’alcool, enfin encore plus. Bah, autant l’enlever … et puis … euh … je sais quoi faire après ça. Je fixe un instant un rouleau de papier toilette dans un des cabinets grand ouvert derrière moi et il me vient l’idée saugrenue de m’en faire une robe en m’enroulant dedans façon momie avant de me dire que c’est une idée de merde et que j’aurais pas dû boire autant. Bon … alors me voilà, à moitié à poil dans les toilettes pour l’instant vides d’une boîte de nuit. Quelle vie. Je fais quoi maintenant ? Quelqu’un peut débarquer d’une seconde à l’autre et j’ai pas trop envie qu’on me découvre comme ça, imaginez un peu le malaise. Je pourrais me planquer dans un des chiottes, fermer la porte et attendre jusqu’à la fermeture pour pouvoir sortir discrètement … nan. Hé, mais putain ! J’suis conne. J’ai mon portable, je peux juste envoyer un message à mon associé pour qu’il m’apporte une veste ou je sais pas quoi. Ou bien je décide de m’en foutre et je me contente de continuer la soirée les seins à l’air. Je suis trop saoule pour en avoir quelque chose à foutre, sans compter qu’on pourra rien de me dire, c’est moi la patronne.

En tout cas … je dois avouer que c’est un peu excitant. De me voir comme ça, je veux dire. Hum, je fixe beaucoup trop ma poitrine là, ça me donne de sales idées … je me suis encore jamais caressée dans les toilettes d’une boîte de nuit … hum … c’est que l’alcool m’émoustille pas mal et que, bah … y aurait pas de mal à ça … une de mes mains descend dangereusement vers mon entrejambe ...

- Hiiii !

La porte vient de s’ouvrir et j’ai sursauté et crié comme une conne. Bah ouais, forcément ! J’en oubliais presque où j’étais, perdue dans la contemplation de mon propre reflet. Les bras croisées sur ma poitrine, je tourne la tête vers la meuf qui vient de rentrer et qui doit être vachement embarrassée, prête à lui déballer tout plein d’excuses et … c’est pas une meuf. Ah putain, c’est encore plus le malaise du coup. Je regarde le type de haut en bas. Un asiatique pas vraiment remarquable. Il m’a l’air passablement bourré, ce qui expliquerait pourquoi il est entré dans les mauvaises toilettes.

- Ah merde, dit-il simplement.

Oui, j’imagine que c’est ce qu’on dit dans ce genre de situations.

- C’était l’autre porte, je lui réponds poliment.

Je sais pas trop comment réagir. Si je dois m’énerver, mourir de honte, me marrer, ou un peu des trois. Ce qui est sûr, c’est que c’est embarrassant … mais que ça l’aurait été encore plus s’il était arrivé quelques secondes plus tard parce que j’étais sur le point de me … bref.

- Bonsoir, je lui dit le plus naturellement du monde.

Plus ça va, plus j’ai envie de me marrer, mais faut que je me retienne parce qu’il me prendrait pour une folle. Quoiqu’il a l’air au moins aussi saoul que moi, j’suis sûr qu’il y trouverait rien à redire … et puis ça m’arrange qu’il soit dans cet état, s’il ne l’était pas, il aurait pu tenter n’importe quoi avec moi et j’aurais sans doute pas pu résister et qui sait ce qui peut se passer, il … je veux pas penser à ce genre de choses ...

- J’suis toute mouillée, je lui explique en pointant du doigt mon chemiser trempé de champagne que j’ai laissé sur le rebord de l’évier.

Tiens, ça me rappelle un film. Ou plusieurs.

uno

Elizabeth Goldstein & Ryota Sakamoto

Hot like fire

Je suis à moitié à poil, complètement bourrée, devant un parfait inconnu. S’y j’étais une fille normale, je serais sans doute gênée à mort, et à raison – mais je suis loin d’être une fille normale et bien plus que de la gêne je ressens surtout … de l’excitation. Et pas seulement sexuelle, il y aussi de cette excitation qui te viens quand tu t’apprêtes à accomplir un truc fou. Comme … t’envoyer en l’air avec un type que tu ne connais pas du tout, dans les toilettes pour femmes de ta propre boîte de nuit. C’est une situation très particulière, c’est sûr … et ça rend la chose encore plus excitante parce que je suis sûre que je m’en souviendrai toujours, du coup. Enfin, je dis ça, mais je m’avance un peu, il s’est rien passé encore. Mais bon … ce type et moi, on sait très bien que ça ne peut finir que d’une seule manière, non ? Quoique, il peut aussi choisir de juste s’excuser, de sortir de la pièce et de le regretter tout le reste de la soirée, mais … disons qu’à la façon qu’il a de me regarder, je suis persuadée qu’il choisira l’autre option.

- Bonsoir. Ça va ? répond-il avec autant de nonchalance à ma propre salutation.
- J’ai … un peu froid, que je lui réponds.

Parce que … comment dire ça … hum, vous voyez ce que je veux dire. Et lui aussi. Il ne peut que le voir. Bref. Et c’est moins lié à la température de la pièce, par ailleurs tout à fait respectable, qu’à mon corps qui … réagit à tout ça … ce voyeur bien involontaire, les sous-entendus, l’alcool, et puis cette simple envie de m’amuser. Disons que dans un sens, la tension est palpable (et pas que la tension).

- J’suis toute mouillée, je dis au gars en lui montrant mon chemisier aussi imbibé que moi.

Le double sens est voulu, bien entendu.

- C’est le seul à être mouillé ?

Je souris. Il a l’air d’avoir la même envie de jouer que moi. Mon regard s’abaisse une seconde sur son entrejambe et je remarque que je suis loin de le laisser indifférent. Evidemment, je vois mal comment je ne pourrais pas lui faire de l’effet ! une très jolie blonde à moitié nue qui te dit des trucs cochons avec plus ou moins de subtilité, ça laisse aucun homme indifférent. Hétéro, en tout cas. Bref. Je m’apprête à répondre un truc, mais l’asiatique reprend, après s’être avancé  :

- Désolé, j’suis pas très gentleman après 8 verres de vodka ... enfin j’crois j’ai pas compté. Je suis un peu pressé c’est pour ça que j’peux pas bouger.

Je souris à nouveau. Parce que je suis ravie que la vodka soit à son goût déjà, et aussi parce que j’ai complètement grillé qu’il essaie juste de cacher ce qu’il se passe dans son pantalon. Sans compter qu’elle ne veut rien dire sa phrase. Ou bien je suis juste trop bourrée pour la comprendre, va savoir. Dans un cas comme dans l’autre, je fais quelques pas pour m’approcher de lui et c’est à ce moment-là qu’il éclate de rire. Je manque d’en faire de même parce que je ne contrôle plus rien, l’alcool et l’excitation parlent à ma place.

- Désolé, c’est nerveux, s’excuse-t-il. On dirait le scénario d’un film X. Je me moque pas de vous hein, sinon j’aurais pas ... fin bref. J’ferais mieux d’y aller moi, ça vaut mieux j’crois.
- Une minute, je lui réponds.

Je me suis encore rapprochée de lui, je le colle presque à présent. L’issue semble inévitable … je sais très bien qu’il n’a pas l’intention de s’en aller. Mais … je veux faire durer les choses encore un peu plus longtemps avant qu’on ne se mette à l’action. Et pourtant, j’en ai envie, tellement envie ! Je veux enlever mon jean, ma culotte, prendre le type par le bras pour l’emmener dans un des cabinets ou c’est lui qui me prendrait, j’imagine déjà tout ce qu’on pourrait faire mais ... j’ai une autre idée derrière la tête, pour l’instant.

- Tu m’as vue à poil, je déclare malicieusement, maintenant à mon tour.

Je recule d’un pas et, pour être sûre qu’il m’ait bien comprise, je lui ordonne (gentiment, quand même) :

- Déshabille-toi !

Hé, je vois pas pourquoi il n’y aurait que lui qui pourrait se rincer l’œil. Même si je suis un peu de mauvaise foi car il n'a pas (encore) vu en-dessous de ma taille. Mais qu'importe. Bon, pour être honnête le mec – donc je ne connais toujours pas le nom d’ailleurs, mais de toute façon je l’aurais sans doute oublié demain – n’est pas particulièrement bien fichu, il n’est pas très musclé ou quoi que ce soit mais justement, ça me change des types habituels que je fréquente et puis de toute manière je ne suis pas spécialement regardante sur le physique. Euh … j’ai juste l’impression d’insinuer qu’il est moche, là … alors que non. Il est plutôt mignon et même s’il ne l’était pas, tout le monde de toute façon est plus beau dans l’œil de quelqu’un qui a bien trop bu.  

Bon … j’ai hâte de voir le petit striptease improvisé du bel inconnu. Je me recule vers le mur d’en face pour mieux le voir, lui fait un clin d’œil irrésistible et lui lance :

- Tu auras droit à une récompense.

A ma réplique, je joins un petit mouvement de ma langue sur mes lèvres qui laisse peu de place à l’équivoque.

uno

Elizabeth Goldstein & Ryota Sakamoto

Hot like fire

uno