[Tenue] Nos chemins s'étaient à nouveau croisés après des années écoulées. Je l'avais rencontré en début de semaine alors que je me rendais à la salle de sport en fin de journée. Parmi des millions de Newyorkais, jamais je n'aurai pensé que nous nous retrouverions. Le monde est bien petit il faut croire. Nous avions échangés, sommes allés boire un café avant que nos chemins se séparent en milieu de soirée. Le temps avait filé tellement vite que nous n'avions remarqué qu'il se faisait déjà tard. J'avais tellement encore à lui dire, et tellement envie d'en savoir plus à son sujet. Après tout, ce n'est pas comme si nous étions des étrangers. Tino et moi avions paratagé tellement de choses ensemble, nous avions vécu une idylle comme je n'en avais jamais connue. Il avait été pour moi ma première histoire, les premiers frissons que l'on ressent quand l'amour nous tombe dessus. Malheureusement nos chemins ont du se séparer après des mois car nous ne convoitions pas le même futur. Moi je me voulais épouse et mère de ses enfants, lui n'était pas prêt. J'ignore ce qu'il est devenu après notre séparation, si lui aussi souffrait  de cette rupture, ou bien si j'étais la seule à en avoir bavé. Ce qui le rendait heureux, s'il avait rencontré d'autres femmes. J'étais restée curieuse pendant plusieurs mois puis avais fini par abandonner les souvenirs douloureux derrière moi. Que je l'aimais, et l'avoir revu  me faisait rappeler aujourd'hui combien j'étais heureuse à ses côtés. La flamme ne s'était pas totalement rallumée, mais une étincelle y avait fait son apparition, quelque part au plus profond de moi je souhaitais que nous restions en contact et puis qui sait, il ne s'était peut être pas encore engagé.

Je m'étais préparée à sortir. En ce weekend ensoleillé, j'avais décidé de profiter de ce temps parfait avant que la pluie ne vienne gâcher nos humeurs la semaine prochaine. J'avais enfilé une robe rouge, une paire d'escarpin et laissé mes cheveux détaché. Je voulais profiter de cette journée en la compagnie de ma soeur que je voyais peu en dehors du travail et lui avais donné rendez-vous au centre commercial pour une journée shopping.
Arrivée à destination, je lui envoyais un message la prévenant de mon arrivée et profitais à faire du repérage. Alors que mes pas me guidèrent en direction de l'une des boutiques Barbara, je remarquais un visage familier parmi ce décor si féminin.




Mon visage s'était illuminé en une fraction de seconde lorsque nos regards se croisèrent. Ce qu'il était à croquer.




Je ne perdis pas une seconde de plus et vins l'enlacer avant de lui déposer un baiser sur la joue.

J’avais envoyé un SMS le matin même à Tino pour qu’il me conduise au centre commercial et qu’il m’y accompagne. Lui qui ne semblait pas aimer le shopping, m’accompagnait pourtant à chaque fois. Je voulais de nouvelles chaussures, j’aimais changer et, comme j’avais une nouvelle robe il m’en fallait des assorties. Cela me permettait aussi de passer un moment avec lui, au moins un après-midi. Après avoir rapidement mangé une salade et enfilé une robe noire ainsi que des escarpins, j’avais rejoins Tino à sa voiture.

Après une bonne heure à flâner et à ne rien trouver malgré les dizaines de boutiques faites et mangé une gaufre, je laissai un peu de répit à mon professeur et écumai une nouvelle enseigne. J’en sortis dix minutes plus tard, un sac à la main. J’avais enfin trouvé deux paires qui me convenaient. Comme à mon habitude lorsque nous étions en public, j’en faisais 1000 fois trop et m’avançais vers lui presque en courant avant de lui prendre le bras. Enfin, ça, c’était ce que j’avais prévu faire, mais en sortant de la boutique, je vis une brune le prendre dans ses bras et l’embrasser… sur la joue. Un couteau en plein coeur, je n’avais jamais ressenti une telle jalousie et une telle peur. Je me dépêchai de les rejoindre pour connaître le fin fond de ce baiser.

« C’est bon, enfin trouvé ! » lançai-je à mon « ami » une fois à sa hauteur.

« Bonjour ! » fis-je à la brune face à lui, tout en arquant un sourire. A la manière dont elle le regardait et dont elle me regardait, il se passait quelque chose. Elle était plus âgée que moi, avait-il quelqu’un dans sa vie finalement ? Etait-il amoureux ? D’une autre ? Je me sentis perdre pied à cette idée mais ne le laissai pas paraître, comme à mon habitude. Il avait le droit d’être heureux après tout et puis, je ne les avais pas vu s’embrasser sur la bouche, je me faisais sans doute des films. C’était peut-être une collègue ou une parfaite inconnue.

Sans vraiment m’en rendre compte je m’étais presque collée à Tino, sans pour autant le prendre par le bras comme à mon habitude. « Tino, tu nous présentes ? » demandai-je avec mon aplomb habituel. Ne rien laisser paraître. Je ne voulais ni être ridicule ni me laisser abattre par cette fille sans savoir de quoi il en découlait.

Étale dans son canapé, les yeux rivés sur son téléphone, Tino étirait un petit sourire en coin des lèvres. Encore un message de Nina. Sa boîte à sms en était remplie de toute façon. Retrouve-moi à tel endroit, vient me chercher ici, emmène-moi là-bas, je peux dormir chez toi cette nuit ? Pense à acheter des Chocapics. C’était pire qu’une épouse. Mais au lieu de s’en agacé, il souriait, bêtement. Cette fille le rendait heureux, alors pourquoi s’en plaindre ? Pourtant il ne se passait rien entre eux. La barrière des 20 ans d’écart, certainement. Mais ils vivaient pourtant comme un parfait petit couple, jusqu’à partager le même lit, sans y faire de cabrioles bien sûr. Leur relation était juste totalement ambiguë, ce qui avouons-le, le tracassait pas mal. Mais il était incapable d’y changer quoi que ce soit.

Un rapide détour par la salle de bain, et il enfilait un jeans, une chemise, et le voilà parti pour le parking. Nina était là, à l’attendre sagement contre le capot de sa voiture. Il se rapprochait d’elle, tentant de paraître un minimum exaspéré par son nouvel emploi de chauffeur - même pas payé -, alors qu’au fond, passer du temps avec elle était juste ce dont il avait besoin.

« Je suppose que les 3 paires de chaussures à talons qui errent chez moi, ne suffisent pas ? »

Lançait-il malicieusement. Oué, elle avait pris possession de son appartement aussi, entre les cochonneries sucrées qui débordaient de ses placards et les vêtements féminins qui valsaient dans sa chambre, n'importe quel visiteur aurait compris qu’entre eux, c’était loin d’être “juste” des amis. A sa hauteur, il avait déposé un baiser sur son front, puis ils s’étaient engouffrés dans la voiture, direction le centre commercial.  

Elle l’avait traîné dans bien des boutiques, trop à son gout. Elle était même parvenue à se faire offrir un goûter, comme quoi, les femmes savent ruiner leurs hommes. Par la suite, il l’attendait en dehors des boutiques, commençant à s’impatienter un tontiné devant trop de sacs à mains, et de paires de chaussures hors de prix. Surtout que le seul rayon qui l’intéressait vraiment – la dentelle héhé - il n’était pas très certain que ce soit bien vu d’y traîner avec une fille de la moitié de son âge. Alors mains dans les poches, il patientait sagement devant la dernière enseigne dans la quelle Nina avait disparu.  

« Hey! Tino! » Cette voix ? Il détournait la tête vers elle, ses yeux croisant alors ceux de Sky. Son ex-petite amie. Tino n’avait jamais eu de vraies relations très durables ou très notables, sauf Sky. Elle était probablement sa plus belle histoire, et c’était lui qui avait tout ruiné, bêtement. Quand c’était devenu sérieux, elle avait parlé mariage, enfant, et lui, il avait paniqué. Faut bien avouer qu’il l’avait regretté, quand elle était partie. Parce qu’il était prêt à tout ça. Il en avait peur, mais il était prêt. Enfin, il avait fini par s’habituer à son absence, après tout, ainsi va la vie. Il avait loupé le coche, il était stupide, il le savait. Elle avait sûrement refait sa vie depuis. Enfin, elle ne lui avait pas vraiment sous-entendu ceci-dit. Ils s’étaient revus récemment, à la salle de sport, ils avaient longuement discuté, autour d’un café. C’était bon de la revoir, bien que ça rappelait de trop bons souvenirs, qui parfois, vous rendent nostalgique. Puis faut avouer que sa petite robe rouge n’aidait en rien. Elle était particulièrement en beauté. Il lui souriait, alors qu’elle le rejoignait, l’étreignant même. Il lui rendait cela en passant ses bras autour d’elle, la laissant l’embrasser sur la joue. « Qu'est ce que tu fais là ? Tu t'es perdu ? » Ha, question gênante. Relâchant la belle brune, il renfonçait ses mains dans ses poches, jetant un coup d’oeil à la boutique de derrière. Sa jolie blonde débarquait elle aussi, des sacs pleins les bras.  

« Heu... Je... »

Il jouait les chauffeurs pour jeunes blondes dynamique, et particulièrement sexy. Ce qui se trouvait être particulièrement embarrassant à avouer. Heureusement que la-dite blonde les coupait, l’empêchant de répondre : « C’est bon, enfin trouvé ! » Inutile de préciser qu’une fois qu’elle s’était tournée vers la brune, une étrange tension était née entre les deux femmes. Tino n’était pas le plus doué des hommes en matière de femme, mais là, il avait bien senti que la silhouette de Nina s’était raidie. « Tino, tu nous présentes ? »

« Oui, pardon, heu... Nina, Sky, Sky, Nina! »

Il passait maladroitement et nerveusement, ses bras de l’une à l’autre pour les désigner, sous leur prénom, puis il venait très nerveusement se frotter la nuque. La situation était tellement bizarre. Il n’osait guère faire plus de précision sur l’une ou sur l’autre, il se voyait mal ajouter “Sky et moi on s’est envoyé en l’air des millions de fois” devant Nina, ni même “Nina se balade en petite tenue chez moi” devant Sky. Imaginez la scène.  

« Je... J’accompagnais Nina. Besoin d’une nouvelle paire de chaussure, je pense que tu comprends ça mieux que personne. »

Finissait-il par répondre à la question de Sky, alors que Nina s’était collée à lui, comme pour marquer son territoire. Gênant ? Pas plus que ça, elle ne s’était pas accrochée à son bras comme elle le fait à longueur de temps, Sky n’y verrait certainement rien.  

« Shopping day pour toi aussi ? »

[Tenue] Si on m'avait dit que je recroiserais Tino dans les parages quelques jours après nos retrouvailles, j'aurais fait en sorte que cette deuxième entrevue se passe différement. Je lui aurais proposé d'aller dîner dans un premier temps, et l'aurais poussé dans l'un des bars que nous fréquentions pour lui faire rappeler combien nous étions bien ensemble. J'aurais tenté de raviver la flame. Peut être qu'après des années il avait changé sa vision sur l'engagement. Peut être que si le destin a fait que nous nous retrouvons aujourd'hui, cela était un signe, j'en suis certaine.
Je l'observais d'un air amusé alors qu'il semblait totalement perdu, ne sachant quoi dire, il balbutia lorsqu'une jeune femme blonde arriva en notre direction. Ils se connaissaient. Cette femme était bien plus jeune que lui, et sauf erreur de ma part, je n'avais jamais croisé son visage du temps où nous étions ensemble. Il nous présenta lorsque celle ci le lui demanda avant de s'approcher davantage de Tino. Je ne suis pas dupe, il fallait être stupide pour ne pas comprendre qu'ils étaient ensemble. Il fallait observer la façon dont elle s'était approchée de lui en une fraction de seconde pour marquer son territoir. Elle devait très certainement nous avoir vu de loin, et puis, ils étaient venus à cet endroit, chez Barbara, comment songer le contraire.




Avais-je simplement dit accompagné d'un sourire tout en examinant la blonde. En effet, j'avais raison, s'ils n'étaient pas elle et lui un couple, il ne se serait pas senti aussi embarassé lorsqu'il nous eut présenté. Son balbutiement le trahissait tout comme son comportement qui avait changé depuis la fois dernière. Je les observais ensemble très rapidement pendant que Tino m'expliquait leur venue.




Je tentais de continuer à leur offrir un sourire pour ne pas dévoiler ma déception face à cette surprise des plus innatendues. Un pincement au coeur, voilà ce que je ressenti sur le coup. Ceci dit, quelque chose me parut étrange dans le comportement de Tino. Il ne me semblait pas l'avoir entendu dire qu'il s'agissait  de sa compagne.




J'avais du temps face à moi, Charlie n'était pas encore arrivée, et comment dire, cela était l'occasion parfaite, pour en savoir un peu plus sur cette jeune femme et la relation qu'ils entretenaient.  

« Oui, pardon, heu... Nina, Sky, Sky, Nina! » Bon, on ne pouvait pas dire que les présentations de Tino m’aidait à savoir qui était cette Sky. Je supposais que si elle avait été avec lui il l’aurait clairement dit ou elle aurait enchéri aussitôt ? Au lieu de ça, Sky avait l’air plutôt sympas, souriant en écoutant l’explication de Tino sur notre virée shopping. Je ne savais cependant pas qui elle pouvait être. Il ne m’avait jamais parlé d’une sœur et une collègue de travail ne l’aurait pas embrassé ainsi, si ?

" Et oui aussi. J'attends ma petite soeur pour une séance shopping. On ne se voit que très rarement en dehors du travail et comme mon emploi du temps me le permet, j'ai sauté sur l'occasion. Mais en attendant, que diriez-vous d'aller déguster une bonne glace ? C'est moi qui offre, à moins que le temps ne vous le permette pas. " avait-elle demandé. Pour être honnête, je n’avais pas franchement envie de partager mon professeur même le temps d’une glace, mais je ne savais même pas qui elle était pour lui, alors, comment pourrais-je refuser ? Et puis, ce qui s’était passé quelques jours plus tôt m’avait fait comprendre qu’il tenait à moi autant que moi à lui, du moins c’est ce que j’en avais compris puisque nous nous étions vus bien plus que d’habitude cette semaine.

« Pourquoi pas ! » répondis-je avant d’analyser la situation. Sky n’avait pas l’air gênée par ma présence en tout cas. A moins que… Elle pensait que j’étais sa fille ? Ou sa nièce ? Et du coup elle se croyait avoir le champ libre ?! Cette idée me rendait alors malade et je me retins de ne pas l’ouvrir tout de suite pour savoir ce qu’elle lui voulait. Je regardai alors Tino, attendant également son avis. Je ne savais pas ce que j’espérais à vrai dire. Il y avait eu ce baiser sur la joue, elle n’était pas rien pour lui donc ce serait illogique qu’il refuse ce moment, sauf s’il avait quelque chose à cacher mais d’un autre côté, nous n’étions pas ensemble, il ne me devait rien non plus...

Les deux jeunes femmes se toisaient du regard, se jugeant, et probablement, tentant de discerner le vrai scénario de l’histoire. Aucune des deux ne connaissait l’histoire entière, alors chacune devait s’imaginer des tonnes de films sans sa tête. Et qu’est-ce que c’était gênant pour lui. Parce qu’il ne pouvait pas donner d’explications précises sans passer pour un pervers coureur de jeunes jupons, aux yeux de Sky, et... Fracasser la moindre chance qu’il pouvait avoir avec ce jeune jupon, en avouant qu’il y avait face à elle, le plus grand amour de sa vie ? Sky et lui c’était certes du passé, mais elle avait occupé sa vie dans un des chapitres les plus décisifs de son histoire. Et ils s’étaient revus en plus... Récemment. Et il faut bien reconnaître que face à elle, après tout ce temps, il s’était laissé aller à penser que peut-être, ils pourraient se revoir. Que ça lui permettrait de se changer les idées, et d’oublier Nina. Leur 20 ans d’écarts lui paraissant infranchissables. Sauf qu’entre temps, la situation était devenue plus sérieuse, Nina s’étant presque installée chez lui.

« Mais en attendant, que diriez-vous d'aller déguster une bonne glace ? C'est moi qui offre, à moins que le temps ne vous le permette pas. » Ho le temps, ils l’avaient, mais une simple glace risquait fort de le retrancher. Étrangement, son cœur s’était mis à battre plus fort dans sa poitrine, par peur que les deux jeunes femmes n’en disent trop sur leurs histoires respectives. Il se tournait alors vers Nina, espérant qu’elle refuse l’invitation, par jalousie, car après tout, elle déteste tellement partager son “vieux”. « Pourquoi pas ! » Amen. Levant ses yeux au ciel, il se demandait ce qu’il avait bien pu faire pour énerver n’importe quel dieu qu’il pouvait y avoir au-dessus de leurs têtes. Bien sûr, face à Sky, il souriait comme si de rien n’était, comme si l’invitation l’enchantait.

« Bon... C'est gentil, merci! »

Forcément, sur la défensive et la tête pleine de suspicions, il se demandait quand même si elle n’avait pas proposé “une glace” pour se moquer de la jeunesse de Nina ? Si tel était le cas, la blonde n’avait rien vu venir. Tous les trois se dirigeaient donc vers la petite boutique de glaces, plutôt fréquentée avec telles températures. Ils s’installaient sur une table libre, alors que Tino se cachait presque derrière la carte du glacier.

« Tout... Va bien depuis la dernière fois ? »

Osait-il demander pour briser le petit silence qui s’était installé, et qui le rendait encore plus mal à l’aise. Il passait ses yeux au-dessus de la carte, pour les poser sur Sky. Mais il regrettait déjà sa question, réalisant que dans la tête de Nina, ça allait devenir un scénario de science-fiction. Quoi que la situation en elle-même était déjà un scénario de film Hollywoodien. Il était quand même installé à la table d’un restaurant, autour de sa... Petite copine ? Probable future petite copine ? Et son ex-petite amie. S’il avait pu, il se serait enfuit, loin, très loin d’ici. Mais il ne trouvait même pas de bonne excuse pour ça. Pourquoi son téléphone ne sonnait pas, pour que ses supérieurs l’envoient d’urgence sur une affaire ?

[Tenue] Nous nous étions dirigés dans une petite boutique où ils servaient expressément des desserts fait maison et bien sûr de la glace. Installés confortablement dans un silence qui perdura plusieurs minutes, nous observions la carte chacun de notre côté, tandis que je continuais à me questionner sur la blonde. Et si après tout elle était sa petite amie ? Ce qui pouvait être probable malgré leur grande différence d’âge. Il n’y avait nul doute, nul besoin de leur demander, cela se lisait sur leurs visages. La simple idée de songer à ce qu’elle est au moins la majorité, me fit rire intérieurement. Tentant de me concentrer sur la carte comme je le pouvais, une voix finit par interrompre ce supplice qui prit fin sur une interrogation qui m’était adressée. Un sourire léger s’était dessiné sur mon visage qui reprit un peu plus de couleur lorsque Tino osa me demander de mes nouvelles depuis notre dernière rencontre. Je levais les yeux de ma lecture, et les plongèrent dans les siens avant de reposer la carte sur la table et joindre mes deux mains l’une contre l’autre. Je finissais presque par oublier cette présence de trop.

« Et bien écoute, super ! J’étais en déplacement pendant ces deux derniers jours à Los Angeles pour préparer un défilé Barbara qui aura lieu la semaine prochaine. J’ai hâte, puisque j’ai pu réussir à nous dénicher de futurs potentiels sponsors. J’espère que tout se passera bien et qu’ils seront séduits par la collection Barbara. »

Je ne manquais pas d’ajouter ma petite touche perso.

« D’ailleurs, j’ai parlé de toi à maman. Je lui ai raconté nos retrouvailles sensationnelles. Elle te passe le bonjour au fait. »    

Comment rester insensible après ces mots. Il faudrait être assez fou pour ne pas dévoiler une pointe de jalousie s’il ne s’agissait pas de son compagnon. Comment allait-elle réagir ? Sa réaction allait me permettre de déceler bien des choses.  

« Et toi alors ? Comment vas-tu depuis la fois dernière ? »

Dès l’instant où on nous tendit les cartes, je regrettai d’avoir accepté ce moment avant d’attendre la réponse de Tino. Elle le dévorait des yeux c’était évident. Mais pour autant, ce n’était pas sa petite amie, j’en étais sûre. La suite, ne me plu absolument pas. Elle fit comme si je n’étais pas là, à quoi jouait-elle ? Que cherchait-elle ? Je n’étais pas du genre à me laisser intimider mais là, je n’avais clairement pas ma place dans cette discussion. Elle travaillait pour une marque de lingerie d’après ce que je comprenais mais je m’en fichais bien. « D’ailleurs, j’ai parlé de toi à maman. Je lui ai raconté nos retrouvailles sensationnelles. Elle te passe le bonjour au fait. » A maman ? Ils se connaissaient donc vraiment bien et la fin de la phrase me fit intérieurement bondir. Et toi alors ? Comment vas-tu depuis la fois dernière ? »

J’étais loin d’être la fille plus calme et la plus réfléchie qu’on pouvait trouver à New York et je ne pus m’empêcher de prendre la parole, me redressant sur ma chaise. Je regardais alors Tino, ignorant à mon tour la brune. « Tu couches avec elle ? »

Cela sonnait comme une trahison et c’est exactement ce que je ressentais. Nous n’étions pas ensemble mais l’idée de le voir, le penser avec une autre me faisait réellement mal. Alors, peut-être allais-je vivre une grande désillusion avec sa réponse mais je devais savoir. Je redoutais sa réponse, peut-être qu’il l’aimait cette fille, en tout cas elle n’était pas indifférente à Tino ça c’était certain. Je me retenais de partir cependant, voulant d’abord connaître la vérité. J’agissais certainement comme une petite amie trop jalouse mais, tant pis. Je n’arrivais pas à me contenir quand il s’agissait de lui et je n’avais jamais imaginé qu’il pouvait y avoir une autre fille dans son champ de mire.

« Et bien écoute, super ! J’étais en déplacement pendant ces deux derniers jours à Los Angeles pour préparer un défilé Barbara qui aura lieu la semaine prochaine. J’ai hâte, puisque j’ai pu réussir à nous dénicher de futurs potentiels sponsors. J’espère que tout se passera bien et qu’ils seront séduits par la collection Barbara. » Ce serait tellement bien si la discussion pouvait en rester à ce sujet. Le boulot. C’est chiant et inintéressant, surtout quand il s’agit de parler de lingerie, hein, soyons honnêtes. Pour un homme d’action comme Tino, qui recherche sans arrêt l’adrénaline, les discussions de talons aiguilles autour d’une tasse de thé sont vite somnolentes. La voyant qui s’arrêtait, il cherchait aussitôt dans sa tête s’il n’avait pas une merveilleuse question sur la collection de l’été à lui poser. Mais rien ne lui venait. « D’ailleurs, j’ai parlé de toi à maman. Je lui ai raconté nos retrouvailles sensationnelles. Elle te passe le bonjour au fait. » Malaise. Il s’arrêtait de respirer, cachant son visage derrière cette fameuse carte des glaces. Une chance qu’il y ait ici, un menu de la sorte, sans quoi les deux filles auraient vu le rouge lui monter aux joues. « Et toi alors ? Comment vas-tu depuis la fois dernière ? » C’est fou comme il pouvait être gonflé à bloc quand il s’agit d’aller attaquer un dealer à l’autre bout du monde, et si poule mouillée quand il s’agit d’une fille... Reposant délicatement la carte, en tentant de rester le plus digne et le plus impassible possible, il posait ses mains à plat sur le papier glacé, l’air de rien, le plus naturellement possible. Il serait drôlement doué au Poker!

« C'est gentil de leur part. J’espère qu’ils vont bien. »

Ouai, il s’enterrait certainement un peu plus en y répondant, mais il ne se voyait pas manquer de politesse envers ses ex-beaux-parents. De charmantes personnes en plus. Il avait été accueilli si chaleureusement dans la famille de Sky. Tout le monde les voyait déjà marié, et ça l’avait profondément touché. Sa mère en était même venu à lui demander de ses nouvelles, après leur séparation.

« Ça va... La routine. »

Ho pourtant, elle était bien placée pour savoir que sa vie n’était jamais qu’une simple routine. Son job est périlleux, et rend sa vie tumultueuse. Heureusement, Sky n’en n’avait jamais souffert, puisqu’à l’époque, il opérait surtout dans le sud du continent, et pas par ici. Puis ce qu’il craignait arriva... Un léger silence, puis Nina se redresse, et le son de sa voix venait résonner dans ses oreilles, comme un écho monstrueux et angoissant : « Tu couches avec elle ? ». Elle venait de jeter un froid, un froid glacial. Non cette fois, ce n’était plus de rouge que se teintaient ses joues. Il devenait pâle comme un linge propre. Sa bouche s’ouvrait pour répondre, mais aucun son n’en sortait. Il passait ses yeux de Sky à Nina, sans même savoir quoi répondre pour ne venir en vexer aucun des deux.

« Non... Non pourquoi je … ? »

Pourquoi je coucherais avec elle ? Parce qu’elle est sexy, brillante, belle et j’en passe ? S’il avait été plus franc, il aurait reconnu avoir couché avec elle, des centaines de fois si ce n’est plus, au court d’une belle relation qu’il venait à parfois regretter la fin. Mais c’était à l’évidence, impossible pour lui de l’avouer devant la jolie blonde qui aujourd’hui, occupait bien trop ses pensées. Alors, embarrassé, il échappait un petit rire nerveux tout en se passant la main dans sa nuque et rattrapant la carte de l’autre.

« J’vais aller passer commande... »

Oui, il fuyait lamentablement... La queue entre les pattes. Reculant sa chaise, il s’empressait de partir vers le comptoir sans même savoir ce que voulaient les filles. De toute façon, l’une comme l’autre, il connaissait leurs goûts par cœur. Et c’était là tout le problème. Se faufilant dans la queue du comptoir, il fixait droit devant lui, raide comme un piquet. Réalisait-il qu’il venait surtout de laisser les deux filles en tête à tête et que cela pouvait tourner à la seconde guerre mondiale ? Non...

[Tenue]Je sentais Tino mal à l’aise. Plus le temps filait, plus il semblait que la gêne s’emparait de tout son être. Pourquoi se comportait-il ainsi, de façon si étrange, si inhabituelle. Le connaissant si bien, je savais que quelque chose ne lui convenait pas dans ce trio. Ses réponses étaient brèves, il bafouillait, hésitait, ne cessait de s’amuser avec la carte, comme quelqu’un qui stresserait. J’observais les deux, et me doutais bien de quelque chose. Finalement, après à peine quelques minutes, avant même que nous n’allions plus loin dans cet échange, la blonde prit la parole en coupant court à cette discussion intime, se sentant très certainement délaissée.

« Tu couches avec elle ? »

Wow ! Je ne pensais pas que cela irait si loin. Je venais de découvrir deux choses en seulement quelques secondes et quelques mots. D’une, mademoiselle sortait avec  le beau brun, et de deux, un défaut qu’elle devrait apprendre à maitriser si elle ne souhaitait pas briser son couple. La jalousie semble, dans un couple, être plus vue comme un caractère négatif que positif. À tous les coups ça casse. Oups.
Mon regard se déporta sur la blonde, l’observant plus furax que jamais envers Tino à qui elle venait d’adresser ses mots sans même songer aux conséquences. Elle était belle et bien jeune, en manque d’expérience, naïve et pas très intelligente sur le coup. Pourquoi diable Tino sortait-il avec une fille pareille ? Qu’est ce qui l’attirait tant ? On aurait dit une amourette d’adolescents. Bien trop bas pour un type comme lui. Mes yeux filèrent de l’autre côté, se posant sur mon premier amour, qui, quant à lui, semblait tout petit, ayant été pris au dépourvu. Il lui fallut un temps avant qu’il ne réagisse sans trop quoi dire, à part nier bien évidemment.

Bien sûr que Tino ne couchait pas avec moi, ou du moins, ne couchait plus avec moi, puisque notre histoire était du passé. Il semblait pourtant ne pas vouloir se décider à lui avouer mon identité, le lien que nous avions tissés tous deux il fut un temps. Dommage. Échappant un petit rire nerveux pendant qu’un blanc continuait à s’éterniser, il finit par prendre la fuite, nous laissant toutes deux, elle et moi, blonde contre brune. Ses derniers mots avant de nous quitté n’avaient de sens, puisque nous n’avions décidé de ce que nous voulions. Cela prouvé encore une fois combien le gentleman n’avait envi de se frotter à la colère du dragon. Peut être plus tard, quand les rideaux seront tombés.

« Tino … »

Je me levais de ma chaise à mon tour sans pour autant aller à sa rencontre, car s’il était parti cela n’était pas son intérêt de retrouver de si tôt l’une d’entre nous. Je le regardais alors partir en silence sur mes deux jambes, surprise. Je ne l’avais jamais connu comme ça, aussi embarrassé, aussi inerte.  Toute mon attention se posa de nouveau sur cette blonde, furax, je la dévisageais.

« Est-ce que ça vous va comme ça ? »

Je m’assis de nouveau pour ne pas trop attirer les regards sur nous et repris.

« M’enfin, vous n’avez pas honte ? »

Avais-je lâché comme si je grondais un enfant.