Voilà déjà trois jours que Lonny avait appris sa paternité. Trois jours qu’il n’avait même pas vu passer, tant cette nouvelle paternité l’occupait. Ce n’était pas plus mal, qu’il se retrouve du jour au lendemain, à courir partout. Ainsi, il n’avait pas à se casser la tête à trop réfléchir. La nuit tombée en revanche, c’était autre chose. Il tardait à trouver le sommeil, tant il se posait mille et une questions. Est-ce qu’il serait à la hauteur, est-ce que Morgane l’aimerait, est-ce qu’elle le verrait comme son père ? Et puis Norah, devait-il lui en vouloir de lui avoir caché ça pendant quatre ans ? Quatre années pendant lesquelles il n’avait pas vu sa propre fille grandir. S’il avait su qu’il était père, il ne se serait jamais lancé dans cette mission suicide au Salvador, par exemple.

Quoi qu’il en soit, à présent, il devait assumer. Bien sûr qu’il aurait pu envoyer bouler Norah, et refuser d’entendre parler d’elles. Mais il ne pouvait pas s’y résigner. Parce que la brunette, il l’avait aimé, comme rarement il avait aimé. Et puis... Elles étaient sa famille. Norah avait besoin d’aide, il ne pouvait pas rester là, les bras croisés. D’autant plus qu’il avait besoin de se changer les idées, avec le décès de Tobias. Faire connaissances avec sa fille, était comme un nouveau départ.

Norah était venu chez lui le vendredi soir, du coup, le samedi, il avait rassemblé les adresses utiles pour l’école, et deux ou trois autres choses, pour aller payer les notes et les dettes accumulées, que Norah ne pouvait plus couvrir. Les enseignants de l’école justement, semblaient surpris de se retrouver face au père de cette petite, qu’ils avaient tous pensé abandonnée par ce dernier. Néanmoins, le petit chèque qu’il laissait entre leurs mains pour remettre tout à jour, effaçait toute question de leurs bouches. Il n’eut nul besoin de s’expliquer, qu’il était déjà adopté par le staff de l’établissement.  

Le lendemain matin, il s’était levé tôt pour passer prendre Norah et Morgane, afin de les emmener au zoo. Une première pour la petite qui ne semblait pas habituée à ce genre de sortie. Il en avait profité pour lui offrir un hamburger à midi, puis une glace dans la journée. Il l’avait emmené avec lui dans les coulisses de son département : les oiseaux. La petite avait pu participer, comme une privilégiée, à bien des animations. Il se rattrapait comme il le pouvait. Le soir venu, quand il redéposait les deux filles chez elles, il eut droit à un gros bisou de Morgane, sur sa joue mal rasée. Elle avait d’ailleurs signalé que ça piquait, en ricanant. Norah semblait se confondre en remerciements pour cette journée, mais d’un signe de la main, il lui faisait comprendre que c’était inutile. Il devait bien ça à la petite. Alors quelque peu amère de devoir quitter sa fille maintenant, mais heureux de lui avoir rendu le sourire toute la journée, il avait repris la route de sa garçonnière.

Et puis le lundi était arrivé. Métro, boulot, dodo, il s’était rendu au zoo pour y travailler cette fois-ci, toute la journée. Spectacle, nettoyage, soins, sa journée s’était avancée sans encombre, jusqu’à sa débauche, à 18h. Récupérant ses affaires, il jetait un coup d’œil à son téléphone, et y apercevait 5 appels manqués de Norah. Inquiet, il la rappelait sur le chemin du retour. C’était une Norah en pleure qui répondait, faisant grandir son inquiétude. Il se rassurait bien vite quand il comprit qu’il n’était rien arrivé à Morgane, en réalité, c’était le propriétaire de Norah qui venait de l’expulser. Elle n’avait plus où aller. Ils en avaient légèrement parlé le vendredi soir, mais Lonny était bien loin de s’imaginer que les choses s’enchaîneraient aussi vite. Du coup, il changeait au dernier moment, de direction, pour se rendre à l’ancien appartement de Norah. Sur place, il l’avait aidé à déménager ce qu’ils pouvaient. Les vêtements des filles, les cosmétiques, et les jouets de Morgane étaient rassemblés dans sa voiture, tandis que les meubles et les choses inutiles pour le moment, étaient envoyés dans un garde meuble qu’avait récupéré Lonny, après le décès de Tobias. Ils récupéreraient tout ça quand Norah aurait un nouveau foyer.

Après avoir fermé le garde meuble, ils prenaient ensemble la route de l’appartement de Lonny. Il se demandait encore comment ils allaient tenir à trois là-dedans, mais ils n’avaient pour le moment, pas grand autre choix. Lui, il s’occupait de préparer à manger – des burgers maison – tandis qu’il laissait norah ranger ses affaires et celles de Morgane dans l’appartement. Il avait fait de la place dans la grande penderie de la chambre, puis dans la salle de bain. Le tout était de faire en sorte que les filles se sentent chez elles. Il avait bien senti que Norah était gênée, et surtout, au bout du bout de sa vie. Alors il tentait de lui remonter le moral avec un bon repas et des discussions autres. Lui aussi s’inquiétait, parce que dès maintenant, il avait une femme et une enfant à gérer, avec son seul salaire. Mais il cachait ses craintes, préférant remonter Norah sur ses pieds au plus vite. Et dès demain, il se chargerait de lui trouver une place au zoo. Il savait qu’au secteur primate et aquatique, il y avait des départs, que peut-être, elle pourrait combler. Il leur faudrait une bonne nourrice, parce qu’ils bosseraient tous les deux les week-ends, mais au moins, il y aurait deux salaires.  

Vers 21h, Morgane était douchée et Norah la couchait dans la chambre de Lonny, ses affaires préparées pour le lendemain matin. Lonny s’était proposé de l’emmener à l’école avant le travail, pour la première fois de sa vie. Ainsi Norah elle, pourrait se reposer et s’occuper uniquement de chercher du travail. La connaissant, il se doutait qu’elle profiterait certainement de son absence aussi, pour nettoyer la maison. Berlioz était parti se coucher sur son coussin, dans la cuisine, tandis que Lonny lui, avait déplié son canapé pour y dormir. Bien sûr, il ne comptait pas fermer l’œil dès 21h, alors tout en tendant l’oreille pour écouter la discussion de Norah et Morgane, il était avachi dans son lit d’appoint, fixant l’écran de sa télévision sans même savoir ce qu’il regardait réellement.

Trois jours qu'elle lui avait révélé sa paternité. Si Norah avait été angoissée de prime abord, maintenant elle était plus sereine. Lonny prenait très à coeur son nouveau rôle, si bien qu'il avait déjà réglé la facture d'école et tenu sa promesse d'emmener Morgane au zoo. La jeune femme avait été à des années lumières d'imaginer qu'il l'aiderait. Dans sa tête, un seul scénario était possible : il aurait mit en doute la véracité de son aveu pour finalement l'envoyer bouler. C'est vrai, se présenter ainsi chez lui alors qu'ils ne s'étaient pas vu depuis plus de quatre ans et ça dans l'unique but qu'il puisse l'aider financièrement, il y avait de quoi se poser des questions. Mais non, le trentenaire l'avait cru, lui avait même proposé son aide. De toutes manières, leur lien ne faisait aucun doute. Si la petite avait prit le teint de sa mère, elle tenait tout le reste de son père. Ses beaux yeux et sa chevelure dorée, côte à côte, leur ressemblance était flagrante. Morgane avait également très bien réagit, certainement parce qu'elle ne croisait que peu d'homme, Norah ayant mit un point d'honneur à ce qu'elle ne rencontre jamais ses conquêtes. Sa fille semblait énormément l'apprécier, la fasciner même. Cette petite avait besoin d'une figure paternelle et à ce qu'elle avait pu voir, son ex petit-ami en serait rapidement digne.

Car oui, même si elle avait apprécié leur petite sortie au zoo, Norah en avait plus profité pour les observer. Pas une minute elle n'avait été déçue, bien au contraire. Lonny avait semblé très heureux de passer un moment avec sa fille, si bien que la Philippine s'était quelques fois mise en retrait. Dans les coulisses, la petite avait eu le privilège de participer à certaines animations, d'admirer chaque oiseau du zoo. La belle connaissait déjà la passion de son ex petit-ami pour les animaux mais le voir là, dans sa fauconnerie à prendre grand soin de ses aves, c'était l'un des moments les plus attendrissants qu'elle avait pu voir dans sa vie. Après cette journée, Lonny avait eu la gentillesse de les ramener chez elles, refusant même les remerciements de l'américaine. Émue de voir qu'il était déçu de quitter Morgane, elle s'en était retournée chez elle, le sourire béat.

Norah s'était donc endormie sereinement cette nuit-là, loin de penser que cette prochaine journée sera l'une des plus ardues de sa vie. Le matin, tout s'était passé dans la banalité la plus totale : la trentenaire avait réveillé sa fille, qui, heureuse de son week-end, était encore plus radieuse qu'à l'ordinaire. Etrangement, les employées de l'école avaient été plus cordiaux avec la Philippine, c'était avec de larges sourires qu'elles les avaient accueillies. Le pouvoir de l'argent est bien effrayant parfois. D'une expression sympathique forcée, Norah les avaient saluées à leur tour pour finalement faire chemin inverse. À quelques mètres de chez elle, la jeune femme avait pu distinguer une silhouette masculine devant le palier de sa porte. Interloquée, elle s'était néanmoins approchée de l'homme non sans mauvais pressentiment. Après une brève salutation formelle, le dit homme avait avoué être huissier de justice et qu'il venait la prévenir d'une expulsion immédiate pour nombreux loyer impayés. De part son caractère, la jeune femme était montée sur ses grands chevaux, insistant sur le fait que le bailleur devait au moins leur donner un délai pour régler ses factures avant de les mettre dehors et qu'ayant une fille à charge, il n'était pas dans son droit, rappelant au même passage qu'elle était ancienne policière et qu'elle possédait un diplôme dans ce domaine. Malgré tout son interlocuteur n'avait pas voulu l'entendre, se fichant éperdument des protestations de la locataire.

La brune avait donc eu un délai de quelques jours seulement pour vider l'appartement. À bout la jeune femme s'était écroulée sur son canapé, empoignant alors son smartphone d'une main tremblante. Elle avait d'abord pensé à sa mère, machinalement, parce qu'elle avait été la seule à l'avoir aidé dans toutes ses mésaventures. Mais elle changea d'avis très rapidement. Il ne lui avait fallu qu'une micro-seconde pour penser à la personne qui serait plus qualifiée pour lui venir en aide que sa génitrice. Lonny. Oui, elle pouvait l'appeler lui! Il lui avait dit il y a quelques jours de cela, qu'elle pouvait l'appeler si elle avait un soucis. Et là, elle en avait un gros, de soucis. Loin d'être de nature négative, la jeune femme avait cependant exprimé sa malchance évidente et la rancune du bon Dieu pour lui infliger un tel karma.

Après avoir contacté le père de son enfant à maintes reprises en vain, la belle tournait en rond dans cet appartement qui n'était déjà plus sien. Elle avait fait les cents pas, réfléchissant à une solution qui pourrait arranger les deux partis. Mais elle savait son propriétaire borné et dénué de pitié. Non, seul Lonny pouvait l'aider et même si elle en était très embarrassée, elle n'avait d'autre choix que de voir la vérité en face : elle n'avait pas été à la hauteur malgré tout les efforts qu'elle avait fait pour s'en sortir. Si encore elle avait pu retrouver du travail après son licenciement, mais non, ça n'avait pas été le cas. La journée s'était donc passée ainsi, Norah scotchée devant son téléphone à attendre l'appel de son ex petit-ami. L'heure d'aller chercher Morgane fût néanmoins arrivée et bien qu'elle aurait aimé y être parvenue, elle n'avait pas pu sécher ses larmes face à la petite qui, intriguée, questionnait sa mère sans avoir de réponses concrètes. Ne pouvant cependant pas lui cacher la vérité très longtemps, elle le lui avait avoué dans des mots d'enfant, qu'elles ne pouvaient plus rester ici. Puis Lonny l'avait appelé, vers 18 heures. Norah lui avait alors expliqué la situation en pleurs et le trentenaire avait eu la bonté de l'aider dans le déménagement. Les sauvant encore plus, il lui avait proposé l'hébergement temporaire. Ils avaient alors diné tout les trois dans une ambiance plutôt sereine, pour le bien de Morgane qui malgré ce chamboulement de vie en l'espace de quelques heures seulement, avait plutôt bien réagit.

À 21 heures Norah avait couché leur fille dans la chambre de Lonny. Impressionnée par la taille du lit qui était bien plus grand que le sien, la petite semblait heureuse de la situation à l'instar de sa mère qui elle, avait été plus angoissée que jamais. C'est après un bref échange et de longues embrassades comme à l'accoutumée que la Philippine sortait de la pièce pour rejoindre le père de sa fille dans le salon. Ce dernier avait déplié le canapé et s'y était allongé, vaguement intéressé par l'écran de sa télévision.

— Je peux m'allonger ? lui demandait-elle sans arrières-pensées. Devant l'approbation du maître des lieux, la jeune femme s'était posée à l'autre extrémité du sofa, au plus loin du blond, trop gênée par la situation pour s'approcher. Sale journée, hein ? avait-elle lâché non sans un large soupir. Désolée de t'avoir embêté avec tout ça, tu dois être épuisé avec tout ce qui te tombe dessus en ce moment. Posant ses deux mains sur le visage, fatiguée d'être toujours dans des situations complexes, elle tournait cependant ce dernier vers Lonny. Je sais que tu vas encore me dire que c'est pas la peine de le faire mais je tiens vraiment à te remercier, je ne sais pas ce que j'aurais fait sans toi.

Les oreilles tendues vers les petites voix qui s’échappaient de la chambre, les yeux rivés sur l’écran de télévision sans rien n’y suivre vraiment, Lonny réfléchissait à la situation alors que tout s’embrouillait dans sa tête. Trois jours plus tôt, il se sentait plus seul que jamais, sans famille, orphelin de son seul frère qui l’avait abandonné. Bien sûr qu’il y avait ses autres frères et sœurs, sa mère, son père, mais sa famille était déchirée. Répartie aux quatre coins du pays, et plus personne ne semble se parler depuis plus de dix ans maintenant. Lonny lui, il n’y avait que Tobias de rester dans sa vie. Un Tobias six pieds sous terre à présent. Et nous voilà trois jours plus tard, la solitude brutalement envolée, alors qu’il se retrouve à devoir gérer femme et enfant. Un mode de vie dont il ignorait tout. Il n’avait pas eu le meilleur des exemples chez lui. Sa mère avait mis son père dehors, pour alcoolisme. Celui-ci l’avait déjà trompé mainte fois avec la mère de Tobias. Puis le beau-père qui l’a remplacé s’est montré brutal avec Lonny, son frère et sa petite sœur. Une famille, une vraie famille, il ignorait complètement ce que c’était. On y songeant, ses yeux divaguèrent vers la bouteille de Whisky, rangée sur l’étagère de la cuisine. Depuis son retour du Salvador, il en avait eu tendances à oublier son mal être dans l’alcool. Mais depuis trois jours, il n’en n’avait avalé aucune goutte. Probablement parce qu’il ne voulait pas être le reflet de son père.

Au même moment, la silhouette de Norah s’échappait de la chambre, dont la lumière était à présent éteinte. Revenant à lui en réalisant cette présence, il faisait mine de se concentrer sur la télévision, bien qu’il resterait incapable de faire un résumé des minutes précédentes. « Je peux m'allonger ? » Encore peu à l’aise avec tout ça, légèrement raidi, il hochait la tête tout en se redressant légèrement. Son dos contre le dossier arrière du canapé, et ses jambes étalées sur le reste, déplié en lit. « Sale journée, hein ? » Pour simple réponse, il hochait les épaules, avant de détourner son regard sur elle. Le bleu de ses yeux croisant les siens, il étirait un léger petit sourire, embarrassé, mais rassurant.

« Pour toi, je suppose. Ça va aller, les choses rentreront dans l’ordre. Donne toi juste un peu de temps. »

« Désolée de t'avoir embêté avec tout ça, tu dois être épuisé avec tout ce qui te tombe dessus en ce moment. » Là, il abaissait les yeux, puis les dérivait vers la télévision, alors que son sourire disparaissait légèrement. C’est vrai, ça faisait probablement beaucoup. Et elle ne savait même pas tout. Elle en savait peut-être même trop peu. Elle ne se réjouirait probablement pas de vivre sous son toit, si elle avait eu le récit de son voyage au Salvador, et des actes si inhumains qu’il avait été obligé de commettre, pour sauver Tobias et Tino. Être l’anti-héros de la sorte, n’avait même pas sauvé son frère. Il était rentré indemne du Salvador pour se faire bêtement descendre à New-York. C’était tellement stupide. Le cœur se serrant rien que d’y repenser, il tripotait légèrement son jean pour retenir ses émotions. « Je sais que tu vas encore me dire que c'est pas la peine de le faire mais je tiens vraiment à te remercier, je ne sais pas ce que j'aurais fait sans toi. » Il inspirait, ravalant sa peine, et offrant un sourire sincère à Norah, il reposait ses yeux vers elle.

« C’est normal. J’aurais été stupide de ne pas le faire. Il faut bien que je fasse connaissance avec Morgane. Et puis... ça me fera sûrement du bien. Avec le décès de Tobias, et tout ce qui s’est enchaîné dernièrement, j’crois que je préfère ne pas être seul. »

Il souriait plus dépité, il avait presque honte de devoir l’avouer, mais seul, il n’était pas vraiment capable de l’être. Il y avait ses fantômes, ceux des deux êtres à qui il avait ôté la vie au Salvador. Il y avait ses images, dans le manoir, ou dans ce champ de marijuana, le bruit des coups de feu. La mort de Tobias, quelques jours plus tard. Le déménagement de Noémie, l’avocat pour le divorce. Trop de choses. Trop d’un seul coup. Et il n’avait personne à qui en parler. Il n’avait pas envie de se donner mauvaise image auprès de ses collègues, ou de Susan. Tino avait assez à gérer de son côté. Et à trop courir après les Rosenbach, il n’avait plus beaucoup de temps à lui accorder.

« Tu peux rester ici aussi longtemps que tu veux. Prends le temps de respirer. »

Et lui, le prenait-il vraiment ? La voyant si fatiguée, il posait amicalement sa main sur l’épaule de Norah, pour la serrer légèrement, espérant l’encourager quelque peu.

« Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas. Et puis fais comme chez toi. »

Il n’avait pas grand-chose à cacher chez lui, si ce n’est son arme, celle que Tino lui avait laissé en cas de riposte des Alvarez. Une arme bien planquée sous le plancher, pour que Morgane ne mette pas les mains dessus.

« Pour toi, je suppose. Ça va aller, les choses rentreront dans l’ordre. Donne toi juste un peu de temps. » Un peu de temps oui, c'est ce qu'il lui fallait. Norah n'était pas de nature pessimiste, elle avait simplement un coup de blues passager, ce genre de période où l'on se dit que le sort s'acharne sur vous. Mais la belle était assez forte pour vaincre ça, pour remonter la pente. Parce qu'à l'instar de certaines personnes, elle voulait s'en sortir, prouver au monde qu'elle n'était pas la femme inutile qu'elle paraissait être. Parce que oui, c'était ça, Norah. Une jeune femme motivée mais surtout pleine d'énergie. Elle ne supportait pas de rester en place sans rien faire, de passer ne serait-ce qu'une journée sans chercher du travail. Alors oui, elle comptait prendre le conseil de Lonny au sérieux et prendre un peu de temps pour elle, mais la Philippine n'hésitera pas un seul instant à forcer le destin, à se donner corps et âme pour ne pas dépendre du blond. Déjà parce qu'elle ne méritait pas son aide, mais aussi parce que son amour propre en avait prit un sacré coup. Alors elle acquiesçait sans rien dire, parce qu'en réalité, il n'y avait rien à dire. D'un regard vers la porte de l'unique chambre de l'appartement, Norah émit un sourire des plus discrets, se promettant intérieurement que cette maudite phase n'était que temporaire et que très bientôt, tout cela ne serait qu'un mauvais souvenir.

Néanmoins cette situation lui avait apprit une chose : le poids de la culpabilité était trop lourd à porter pour elle, et s'en être débarrassé lui avait fait un bien fou. « C’est normal. J’aurais été stupide de ne pas le faire. Il faut bien que je fasse connaissance avec Morgane. Et puis... ça me fera sûrement du bien. Avec le décès de Tobias, et tout ce qui s’est enchaîné dernièrement, j’crois que je préfère ne pas être seul. »  Sur le premier point, Norah n'était pas complètement d'accord. Stupide n'était pas le terme approprié, à vrai dire il n'y en avait aucun car même s'il aurait été dommage qu'il n'apprenne pas à connaître son enfant, il aurait été compréhensible que cela lui fasse peur. Mais Lonny était comme ça, trop gentil, trop serviable...du moins il l'avait toujours été avec elle et l'on pouvait dire n'importe quoi sur lui, jamais elle ne pensera le contraire. Sur le deuxième point elle était cependant en total accord avec lui. Être avec Morgane lui fera du bien, parce qu'elle représentait parfaitement la joie de vivre et qu'elle en était contagieuse. Un détail avait cependant interloqué Norah. Le blond avait spécifié avoir subi plus que le décès de son frère et même avec toute la bonne volonté du monde, la jeune femme ne parvenait pas à deviner les autres raisons de sa tristesse. Était-ce sentimental ? une femme qui l'aurait quitté ? une femme dont il était éperdument amoureux ? Si tel était le cas, Norah aurait bien du mal à le conseiller, la belle avait vécu des histoires douloureuses après lui et elle n'était en aucun cas une référence en la matière. Alors quoi ? qu'est-ce qui dans une vie, peut anéantir un homme ? un péché ? certes mais lequel ? Curieuse mais surtout soucieuse de le décharger de tout ses secrets pour qu'il s'en sente libéré, Norah posa son regard sur Lonny. Mais avant qu'elle n'ait pu lui dire quoique ce soit, ce dernier l'avait devancé. « Tu peux rester ici aussi longtemps que tu veux. Prends le temps de respirer. » Tournant à nouveau le visage vers le mur, la brune émit un soupir. Rester aussi longtemps qu'elle voulait ? Et le laisser dormir sur ce canapé alors que lui travaillait dur chaque jour ? un sofa peut bien être confortable, il n'en sera jamais à la hauteur d'un bon lit. Non, elle lui en était reconnaissante mais n'étant plus en couple avec lui, elle se sentirait coupable de s'éterniser ici, bien qu'étant la mère de son enfant. « Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas. Et puis fais comme chez toi. » Se grattant nerveusement la nuque, la jeune femme se sentait mal à l'aise. Réussirait-elle vraiment à s’acclimater à cet endroit ? Oh, pour y faire le ménage certes et Lonny le savait déjà, son chez lui sera toujours récuré du sol au plafond. Mais utiliser ses biens à des fins personnelles ça, ça allait être plus compliqué.

— C'est gentil, j'essaierais. répondait-elle.

La belle contemplait la main du blond sur son épaule et, d'un coup libérée de toute sa pression, elle posait à son tour sa main sur la sienne, serrant cette dernière comme lui l'avait fait. C'était agréable de le sentir près d'elle, ne serait-ce qu'une main sur une épaule ou sa simple présence. Elle n'avait pas mesuré à qu'elle point elle s'était sentie seule ces dernières années et s'en faire la réflexion là, allongée sur le canapé de son ex petit-ami était plutôt étrange. Alors oui, il était parvenu à l'encourager mais entre eux, Norah avait bien senti qu'elle n'était pas celle qui était au plus mal mais bel et bien lui. Et s'il l'avait aidé financièrement, elle voulait l'aider de la seule manière qu'elle pouvait lui offrir : son réconfort. Déplaçant donc légèrement son corps pour se retrouver sur le côté, le coude contre le dossier du sofa et sa tête contre sa main, la philippine eu le regard rivé sur son interlocuteur. Elle le connaissait bien, même très bien. Là, il faisait semblant. Et même s'il voulait paraître fort pour ne pas l'inquiéter et donc inquiéter leur fille, Norah n'était pas dupe.

— Tu sais ce que je crois ? avait-elle commencé. Moi j'crois que la personne qui souffre le plus ici et qui a le plus besoin de soutien, c'est toi. ajoutait-elle.

À son tour, elle avait posé sa petite main sur son épaule, s'était même très légèrement rapprochée de lui, assez pour pouvoir l'écouter sans gêner son espace personnel. Des images d'il y a trois jours lui revenaient alors en mémoire. Ces papiers mortuaires éparpillés partout, ce bazar qui, même s'il n'attendait pas de visites, ne lui ressemblait pas, ce sourire forcé qu'elle avait aperçu de nombreuses fois. Bref, tout un tas d'indices qui indiquait qu'il était au plus mal. La tête penchée pour mieux apercevoir son visage, la belle lui adressait alors un sourire avant de poursuivre.

— On est peut-être restés que six mois ensemble, mais je te connais bien Lonny. avait-elle déclaré. Je vois bien que t'es au bord du gouffre. continuait-elle. Tu as dis tout à l'heure que d'autres choses s'étaient enchaînés y comprit le décès de ton frère...tu veux en parler ? proposait-elle. Je peux tout entendre, vide ton sac.