Deux semaines d'absence et voilà qu'aussitôt que tu reviens sur les lieux, dans la vie d'Ezra, que les choses se compliquent. Un rendez-vous rapidement placé au lendemain de votre reprise de contact afin de mettre les choses au clair, afin de discuter de ce qui s'est passé le temps de ton absence, puis les choses éclatent. Une révélation de travers, celle concernant Lisbeth qui serait semblerait-il au courant pour les affaires illégales dont vous faites partis. Ça aura été suffisant pour que tu n'exploses de colère, tout comme tu n'éclates ce verre au creux de ta main. Il avait réussi à faire une bêtise en l'espace de deux semaines à peine, visiblement. Sauf que si tu retiens toutes ces informations, l'une d'elles se veut plus importante que le reste. Ce baiser. Court, rapide, aussitôt regretté de sa part. Pourtant, tu ne sais pas l'oublier. Tu as quitté son appartement il y a quelques heures à peine et qu'importe le goût du whisky qui se pose contre tes lèvres, la sensation ne te quitte pas. Tu as envie de faire marche arrière, de retourner à son appartement, de l'embrasser de nouveau et pourtant, il y a tout le reste. Il y a ce refus soudain, comme s'il avait fait une erreur. Ce qui n'est pas entièrement faux. Pas entièrement vrai non plus. Mais c'est assez pour jouer avec ta tête l'espace de quelques heures.

Bandage à la main, tu ne peux pourtant pas rester chez toi à rêvasser, à te laisser porter par cette douce sensation et tout le regret qui s'y mêle. Tu ne peux pas tenter de le ramener chez toi. Il avait un brunch ce matin, de toute façon. Sans doute de quoi l'épuiser pour tout le reste de la journée à voir comment c'est toujours un bordel monstre en terme relationnel avec ses deux soeurs. Tu ne sais cependant pas à quel point tout a mal viré. À quel point le drama aura été fort et prononcé. Tu ne sais pas, tu n'as pas osé le contacter afin de tenter de te retirer ces retrouvailles de la tête. Peut-être qu'autrement, tu aurais pu prévoir la suite des choses. Peut-être aurais-tu pu prévoir la visite de cet homme dont vous tentez de vous débarrasser sans cesse. Tino. Ce connard de Tino que tu préférerais bien trop souvent voir mort que vivant, sachant pourtant que de lui faire perdre le souffle serait que plus risqué pour votre peau. Probablement parce que tu laisserais la rage t'emporter et que tu dirais au diable les preuves de ton passage, aussi. Tu es derrière le bar en train de te resservir lorsqu'il arrive. Tu parles distraitement avec un client, ton oeil averti observant les alentours, afin de t'assurer que tout le monde fasse son boulot. Tu ressens même aussitôt le regard de quelques-uns de tes hommes de main, de tes videurs, lorsqu'ils prennent conscience de l'être qui entre dans ton lieu de travail. Tu jures tout bas, très bas, t'excusant à ton client avant de l'accueillir tout sourire. « Détective Ramirez. Quel plaisir de vous voir ici ! » Tu sais pourtant qu'il ne vient pas là pour s'amuser, se dégourdir. Pas à la vue de cette enveloppe en main. Ton sourire est placardé à tes lèvres, faussement heureuse de le voir là et pourtant, tu laisses croire à une réelle joie faussée à la perfection. Tu sembles complètement détendue, même, alors que tu ressens le stress qui grimpe dans tes veines. Qu'est-ce qu'il te veut, celui-là? Tu le guides aussitôt au second étage, à ton bureau, les lieux gardés par l'un des videurs. Enfin, l'un de tes hommes de main. Il t'observe d'ailleurs avec une brève hésitation, comme s'il ne comprenait pas la situation du premier coup, mais il te laisse passer. Comme ça, sans un mot, sachant que forcément, tu sais ce que tu fais. Trimballer un détective dans ton bureau? Il y a une raison et tu ne le fais pas sans confiance.

Tu ouvres la porte, laisse ton "invité" entrer afin de refermer la porte derrière, après avoir mentionné à ton garde de ne laisser personne venir vous déranger à moins d'une urgence, car c'était un rendez-vous important. Verre à la main, tu le déposes contre un meuble tandis que tu sors un second verre, vide et propre. « Qu'est-ce que vous buvez? C'est la maison qui offre. Et si je pouvais savoir que vous venez faire ici par le fait même, ce ne serait pas de refus. » Tu lances en détournant la tête vers lui, souriant de nouveau, afin de l'inciter à annoncer les raisons de sa venue, pour ensuite lui servir ce qu'il désirait - s'il prenait quelque chose - et venir t'installer à ta chaise derrière le bureau, attendant toutes les explications qui n'allaient pas te plaire, forcément. Tu aurais dû rester avec Ezra, finalement. Ça aurait été plus agréable de te prendre la tête avec lui que de supporter la vision de cette vermine de Ramirez.

Tu as quand même un intérêt envers ce bar. C'est un peu comme un passe-temps, au fond. En réalité, tu n'as pas besoin de tirer plus d'argent que ce que le trafic te ramène. Tu es déjà pleine à craquée en terme monétaire. Mais pourtant, ce bar, tu y trouves un intérêt, une réelle passion. C'est bel et bien là pour cacher ce qui se trame en réalité, mais tu prends plaisir à être là, à aider les moments d'achalandages élevés en te mettant derrière le bar pour servir les cocktails. Tu prends soin à l'ambiance que tu y apportes. C'est une façon de décompresser, de penser à autre chose, de t'éloigner du trafic un peu, même si la marchandise roule par moment de façon la plus discrète. Échange de drogues sommaires, habituels comme dans tout lieux festifs, au final. Tu ne fais que tirer profit sur la situation. Ton bureau ? Il sert davantage à rencontrer tes employés hors lieux de travail, hors quartier général. Les règlements de comptes se font ailleurs, même si parfois tu dérapes. Ce lieu, c'est un passe-temps agréable et le voilà. Le voilà, ce putain d'agent qui vient foutre la merde encore une fois dans ta petite vie tranquille. Il se passait quoi, maintenant? Il t'avait vu faire un geste de travers et il allait encore tenter de te faire admettre la moindre information? Tu es une tombe, Alex. La bouche est scellée, cousue, collées. C'est difficile de te faire admettre la moindre information. Peut-être faudrait-il qu'ils tentent la torture. Va savoir jusqu'où tu allais durer. Va savoir si eux vont en avoir marre avant que toi tu ne t'épuises. Parce que tu sais encaisser, tu sais endurer. Si ton corps s'épuise, le cerveau reste avec bon nombre de barrières. Tu n'as pas encore rencontré quiconque d'assez persistant pour trouver moyen de te kidnapper et te torturer jusqu'à ce que tu craques. Heureusement, d'ailleurs.

Il est tout de même là, ce salopard. À se ramener dans ton bar et venir y mettre un joyeux bordel. Vos regards se croisent et ce sourire complètement faux se tirent sur tes lèvres. Il sait sans doute que tu fais semblant, mais il n'est pas idiot non plus: Il doit bien savoir que tu n'es pas réellement heureuse de le savoir ici. Qui le serait? Un agent de la DEA dans un bar? Même le plus sage propriétaire d'un tel lieu serait exaspéré. Tu délaisses pourtant un rire tandis qu'il te rembarre de la sorte avec tout le sarcasme qu'il possède. « Allons. Personne n'apprécie de voir un flic se ramener pour tuer la fête. » Tu délaisses, amusée, clin d'oeil en prime alors que tu l'amènes avec toi à ton bureau. Oh tu sais parfaitement qu'il n'est pas qu'un simple policier. C'est un mot lancé dans la plus grande innocence, comme si tu mettais tout dans le même panier, alors qu'au fond, c'est qu'une façon supplémentaire de l'embêter. Qu'une façon de plus de dénigrer son travail.

Tu lui laisses accéder ton bureau, cet endroit privé, cet endroit secret. Secret d'une propriétaire, à peine d'illégalité. Lieu intime pour un peu de repos, la musique vibrant sous les pieds. Si les choses venaient à s'envenimer, c'était bonne chance pour qu'il ne crie ou cherche des secours quelconques à moins d'avoir de quoi écouter la conversation. Sauf que tu sais être sage, par moment. Ou intelligente, plutôt. Tu sais mieux faire que de bêtement sauter à la gorge d'un agent de la DEA, alors qu'ils le savent tous sans doute ici déjà. Alors tu prends tes aises, tu lui offres à boire. Breuvage qu'il refuse, d'ailleurs. Il fait bien, probablement. Qui sait si l'idée d'y mettre un poison ne te serait pas venu à l'idée. Une petite drogue bien cachée afin de le rendre vulnérable et en faire ce que bon te semble. C'est ce que tu as fais avec l'ancien chef du trafic que tu gères actuellement, après tout. C'est comme ça que tu l'as eue, ta place. Pourtant, la demande se voulait innocente, cette fois. « Bien dommage de refuser un cadeau. C'est presque impoli, je dirais. » Tu sers tout de même un verre, afin d'imposer ton geste, ton offre. Tant pis pour lui, l'alcool serait le même que le tien. Les verres amenés à la table, tu trempes tes lèvres dans le liquide, t'asseyant, écoutant ce que l'homme avait à dire. Puisqu'il y en avait long, probablement, n'est-ce pas? Il t'a sans doute vu revenir tard d'une ruelle sombre ou autre connerie que ces idiots peuvent penser, comme si le moindre aspect de ta vie se voulait criminel. Ce qui ne serait pas loin de la réalité, mais tu avais étonnement une vie privée en dehors de ça.

La vérité tombe. Il n'est pas là pour te parler de toi. Pour parler d'un possible échange douteux qu'il t'aura vu faire. Non, rien de tout cela. Il propose plutôt une discussion toute autre. Le nom de ton associé quitte ses lèvres et si ton coeur s'arrête une fraction de seconde, tu hausses pourtant qu'un sourcil. Un sourcil curieux face à cet aveu soudain. Un brin de surprise, aussi. Puis de nouveau, un petit rire. « Bah ça alors. C'est du nouveau, ça. Vous avez enfin décidé de changer de disque, on est désormais au volume 2 ? » C'est moqueur, un peu, pressant un peu mieux ton dos au dossier, gardant ton verre en main, coude appuyé contre l'accoudoir de ta chaise. « Que voulez-vous savoir à son sujet ? » Tes iris se baissent sur l'enveloppe qu'il détient, qu'il fait glisser contre le bois acajou du meuble. Tu soupires un peu, que légèrement, comme si l'on t'imposait un suspense sans raison. Comme si l'on te faisait attendre pour découvrir la vérité plutôt que de tout simplement te la dire, platement. Tu attrapes l'enveloppe et l'ouvre, dévoile son contenu, dévoile les diverses photos d'Ezra et toi. Chose qui d'une part t'inquiète, parce que cela veut dire qu'une chose: On vous suit, réellement. Et pas qu'un peu, visiblement, en vue de ce qui se trouve là. Divers moments, plusieurs anodins, plusieurs inutiles, d'autres où il aurait été préférable que ce ne soit pas écouté. Heureusement, les images ne parlent pas. Pas réellement. Mais malgré tout, y'a ce sourire contenu. À peine, presque une illusion le temps d'un battement de cils. Une sorte de petit bonheur d'ainsi vous voir près l'un de l'autre sur certains clichés, te rappelant ainsi cette proximité soudaine de la veille. Te faisant prendre conscience qu'au fond, vous êtes souvent bien plus proches l'un de l'autre qu'il ne le faudrait. Loin de ce que devrait être deux associés, tu crois. Loin de ces images d'associés qui sont assis, à distance, sur ces fauteuils de cuir. La question de l'agent ramène pourtant tes iris clairs vers celui-ci. Pour lui que tu travailles? C'est si faux. Si vrai. Vous travaillez ensemble alors techniquement, tu ne mens pas de le contredire, n'est-ce pas? Et pourtant... « Est-ce si invraisemblable malgré l'année dans laquelle nous sommes pour une femme de tenir un bar seule en tant que propriétaire, dites-moi? Parce que je crois que ça tiens un peu du sexisme, ce que vous impliquez là. » C'est un peu offusqué, un peu surpris, un brin amusé aussi, une sorte d'amusement amer face à la possible insulte qu'il aurait sous-entendu si tu n'étais qu'en fait une propriétaire de bar sans criminalité. Tenir son rôle, toujours.  

Tenir tête. Nier. Faire comme si tu ne savais rien des activités illégales d'Ezra. C'était ton but à l'immédiat. Ça et rien d'autres. Ne lui laisser aucune information, le faire quitter avec peut-être plus de confusion sur ses recherches, avec de la chance. Brouiller les pistes. Pour l'heure, il semble avoir le focus sur ton associé, mais il ne semble pas savoir exactement le lien qui vous unis. Plutôt, il te donne des photos qui t'amène des questionnements, qui remonte des moments de la veille et qui amène certes une brève nostalgie, mais aussi qui te fait te demander si Ezra n'avait pas réellement raison. Que vous aviez bel et bien "pas le droit" en tant qu'associés d'ainsi vous rapprocher comme vous l'avez fait la veille. Et pourtant, une part de toi à envie de tout envoyer bouler rien que pour l'embrasser de nouveau. Mais tu ne peux pas t'aventurer sur le sujet et les pensées que cela amène. Tino est devant toi et il exige des réponses. Pour lui que tu travailles? Ce qu'il est chiant avec ses questions, ce type. N'a-t-il pas mieux à faire que de se ramener et montrer des photos de vous deux, l'un à côté de l'autre? Tu sais qu'au fond, il faisait bien de s'intéresser à votre cas, car il avait raison, mais tu ne voulais pas le voir s'acharner sur vous. Tu n'as pas envie de finir ta vie derrière les barreaux. Vous ne faisiez rien de mal... ou presque. Okay, c'était loin d'être quelque chose de légal, loin d'être sans risque, mais n'avait-il quand même pas mieux à faire? Tu n'y peux rien si une poignée d'imbéciles ne savent pas gérer leur consommation. Si une autre poignée, elle, ne sait pas payer ce qu'elle achète. N'est-ce pas là un problème à bien plus grande échelle que ce que vous faites? Vous prenez simplement des moyens plus...drastiques, plutôt que d'offrir des plans de remboursement et ainsi endetter le pauvre citoyen jusqu'à sa mort.

Il se penche et te délaisse les photos, reprenant son enveloppe vide, tandis que tu restes là, pressée à ton dossier de siège, verre entre les doigts. Une gorgée, puis un soupire alors qu'il te parle. Soupire d'agacement, comme si tu ne comprenais pas où il voulait en venir. « De quel luxe parlez-vous, exactement? De mon appartement où j'habite en colocation? De cette bouteille que j'ai ouverte alors qu'elle fait partie du budget de ce bar afin d'offrir de la bonne qualité à mes clients? J'aimerais bien savoir ce que vous insinuez, Ramirez. » Parce que tu fais attention à ce que tu achètes, malgré tout. Si tu te permets des folies, tu fais toujours en sorte que ce soit discret. T'as de quoi t'acheter une maison, voire plus encore, mais tu te contentes d'un appartement dans Manhattan. Pas que pour des raisons d'apparences, d'ailleurs. Ton index tapote lentement contre le verre coincé dans ta main. Main bandée, d'ailleurs. Coupure de la veille, tu as simplement refait le bandage effectué par les soins d'Ezra histoire qu'il tienne toute la journée. Puis c'est l'amusement qui se pointe le bout du nez sur le visage de l'agent. Tu n'es pas quelqu'un de patiente, Alex, et il s'amusait sagement à tirer les fils de tes nerfs les uns après les autres pour les casser. « C'est presque raisonnable de votre part. »

Cette promesse. Promesse d'être ainsi à l'abri du possible aveu que tu pouvais faire face à Ezra. Sage promesse de sa part, d'ailleurs. Quiconque voulant sauver sa peau pourrait ainsi admettre la vérité et s'en tirer sain et sauf, envoyer Rosenbach derrière les barreaux. Sauf que là n'est pas ton intention. Tu ne le feras pas couler, jamais. Tu préfères sans doute te laisser couler toi rien que pour le protéger. Tu allais sans doute t'en mordre les doigts, un beau jour. Pour l'heure, pourtant, tout était une question d'apparences. « Dites-lui si ça peut vous faire plaisir, j'en ai que faire. » Un sourire s'amène à tes lèvres tandis que tu t'avances un peu, pressant tes avant-bras au bureau face à toi. Le sourire se fait un peu plus moqueur, agaçant, cette fois. « Qu'est-ce que vous espérez comme réponse, Ramirez? Vous ne m'avez pas répondu. Vous me filez des photos comme ça, d'Ezra et moi. Vous envahissez ma vie privée, en êtes-vous conscient? Je peux vous filer mon horaire de travail et mes rendez-vous, si ça peut vous faciliter la tâche. Si vous êtes pour vous foutre le nez dans tout ce que je fais, autant bien le faire, n'est-ce pas? » Tu inspires un peu, calmant cette montée de colère qui se fait au fur et à mesure que tu parles. Ce n'est pas même pas peur qu'il découvre quelque chose, au fond. Pas que ça, du moins. C'est bel et bien parce qu'il ne te lâche pas, qu'il est désormais en train de t'espionner dans ta vie privée et ça, ça t'embête. Pourquoi certains sont-ils payés à le faire alors que d'autres se font mettre une sentence pour se voir ainsi interdits d'approche? « Ezra est un ami, rien de plus. Vous pouvez me poser les questions que vous voulez, mais je n'ai sans doute rien pour vous. »