On y est, enfin. Le tournage de
Mile High Club 3, la suite tant attendue de mon œuvre la plus connue, va commencer. Je suis excitée comme tout (enfin non, pas encore, hi hi) – ils se sont enfin décidé, après avoir repoussé de quelques semaines pour finir le scénario. Parce qu’ils veulent en faire un « vrai » film cette fois-ci, avec une histoire poussée et qui a du sens et des scènes où il n’y a pas de sexe. Une véritable grosse production avec un budget faramineux pour un porno même de cette envergure, près d’un demi-million de dollars. Quelle folie … j’espère le film aura du succès histoire qu’ils rentrent au moins dans leurs frais mais je ne me fait pas vraiment de soucis pour ça. Un film porno trouve toujours son public et
MHC 3 ne dérogera pas à la règle même si Jean-Paul a décidé de sa la jouer « je veux faire du vrai cinéma », « j’ai envie d’autre chose que d’un simple film de cul », « regardez-moi je suis un vrai cinéaste », et toutes ces conneries … enfin il aura beau dire, l’intrigue du film ça reste toujours une bande de jeunes gens qui baisent dans des avions.
Jean-Paul, c’est le réalisateur. Un français, bien sûr. Installé aux Etats-Unis depuis des années. D’abord en Californie, puis il est venu à New York il y a quelques années. C’est un génie dans son domaine. Il ne travaille qu’avec les meilleurs, c’est d’ailleurs pour ça qu’il a voulu travailler avec moi et m’a donné le premier rôle de ce qu’on peut maintenant appeler une trilogie, il y a déjà quatre ans. Je suis son actrice fétiche, son égérie en quelque sorte. Il se fait tellement de fric grâce à moi … je sais qu’il rêve que je ne puisse travailler que pour lui mais je tiens trop à mon indépendance pour accorder l’exclusivité à l’une ou l’autre production.
Bref.
Mile High Club 3, donc, nous y voilà ! Première journée d’un tournage qui s’annonce plus long que d’habitude – quatre jours au lieu des deux habituels d’une production telle que celle-ci. La matinée est passée super vite, elle était entièrement consacrée aux shootings photos pour la promo dans la presse spécialisée, ce genre de choses. Et au maquillage et à l’habillage aussi, bien sûr, comme dans le cinéma traditionnel sauf qu’on coûte moins cher en costumes, généralement. Enfin bref, ce n’était pas forcément palpitant mais ça m’a au moins permis de revoir les collègues, après un long moment pour certains d’entre eux. Howard, Bernard, Billy, Sarah, Julia, Paul, et des petits nouveaux dont je n’ai pas encore retenu tous les noms. Et puis outre les pornstars il y a l’équipe de tournage aussi, qui n’a pas vraiment changé depuis la dernière fois que j’ai tourné pour Jean-Paul, il y a six bons mois maintenant. Le vieux Joe est toujours aux décors et il râle encore plus que d’habitude, il dit qu’il a trop de boulot et qu’il se fait trop vieux pour ces conneries. Joe Smith (dont le nom est probablement un pseudonyme) est le plus âgé de l’équipe et celui qui a rejoint la prod de Jean-Paul le plus récemment après que ceux pour qui il bossait dans le cinéma classique lui aient dit qu’il était trop vieux. C’est pas un type extrêmement sympathique mais, comme il le dit lui-même, il « m’aime bien ».
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Tu te sens prête à bosser, gamine ?Oh, bah c’est Joe, justement, qui vient me causer alors je sors tout juste de ma loge où j’étais allé enfiler des vêtements plus confortables pour aller déjeuner.
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Bien sûr, j’ai hâte de m’y mettre même ! Et de votre côté, ça va ? Il acquiesce d’un vague « mouais » et retourne s’asseoir où il se met habituellement pour manger, un peu à l’écart des autres. Je … sais pas trop pourquoi il est venu me parler et me demander ça, mais je ne vais pas chercher à comprendre. J’imagine qu’il cherche juste à être gentil. Enfin, pour le moment je n’ai pas envie d’y réfléchir, c’est l’heure de la pause déjeuner et c’est un moment sacré pour moi, gourmande comme je suis. Sans compter que le trac me donne faim, aussi … parce que malgré tout, malgré mes années d’expérience je ne suis jamais complètement sereine avant de rentrer sur le plateau. Peur de décevoir, de ne pas être au top, de ne pas paraître suffisamment sexy à la caméra … peur d’oublier mon texte aussi, parce que mine de rien y a pas mal de dialogues dans ce film. Bon, j’ai bossé dans le cinéma classique quand j’étais plus jeune et j’ai fait du théâtre à l’école alors apprendre un texte ne me cause pas vraiment de soucis, mais, euh … je vais relire le script une dernière fois pour être sûre. Le tournage commence dans moins d’une heure, j’ai intérêt à savoir mon texte.
Je m’installe au hasard à une table, avec mon script et une assiette toute pleine de bonnes choses. Je vais me régaler j’en suis sûr, le traiteur qui se charge du buffet est un bon – comme je l’ai dit, Jean-Paul ne travaille qu’avec les meilleurs. Et moi aussi d’ailleurs. Après, faut quand même que je fasse gaffe à pas m’empiffrer parce que cet après-midi … ça va secouer, si vous voyez ce que je veux dire. J’ai une scène avec trois hommes en même temps et, comment dire … faut que je garde de la place pour avaler autre chose. Surtout que c’est typiquement le genre de scènes qu’on ne peut vraiment filmer qu’une fois. Un gros plan, sur mon visage qui reçoit plein de … enfin vous avez compris.
Pour l’instant, à défaut d’autre chose, j’avale goulûment mon repas en relisant mon script. Bon, ça ne devrait pas être trop compliqué … les scènes où ça parle le plus seront doivent être filmées à un autre moment. Mais quand même, ce sera pas facile une fois sur le plateau de sortir mes répliques parfaitement tout en pensant à comment je vais me faire démonter la minute d’après. Bah, je suis une professionnelle, je vais y arriver. En attendant, je me resservirais bien un peu de salade.
Je me lève pour revenir vers le buffet et c’est là que je remarque une jeune fille que je n’ai jamais vue avant. Une jolie blonde, qui a l’air un peu perdue, limite apeurée. Je lève un sourcil. Euh, c’est qui ? Probablement pas une actrice parce que je le saurais et je l’aurais vue pendant le shooting de ce matin. Nan, j’imagine que c’est une nouvelle membre de l’équipe de tournage, sans doute en remplacement de chépaqui parce qu’on a quelques absents. Deux qui sont sur autre tournage, un qui est malade, une qui est à un mariage et une qui est en congé maternité.
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Bonjour ! je lui dis avec un sourire en allant naturellement vers elle.
Je vais spontanément vers les gens, je n’ai pas peur des inconnus et j’aime rencontrer de nouvelles personnes. Je regarde l’inconnue. Elle n’a pas l’air super à l’aise, elle est un peu intimidée. Bon, elle a des raisons de l’être, si comme je le pense c’est une nouvelle ici. Parce qu’autrement, nous on se connaît tous ici, on travaille ensemble depuis quelques années et forcément un groupe aussi gros et aussi soudé ça peut être intimidant lorsqu’on en fait pas partie. Impressionnant, même.
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Elizabeth, je me présente en lui tendant ma main.
Je ne vous ai jamais vue ici, je crois … vous êtes ?