Jake était certainement sur l'un de ses plus gros dossiers, sans doutes même l'un des plus dangereux. Un homme, le genre tiré à quatre épingles, l'avait contacté car il soupçonnait son associé de faire un détournement de fonds au sein de leur entreprise. Rien de bien spectaculaire jusqu'ici vous me direz, mais ce qui n'avait pas été prévu au programme était ce dont le détective était spectateur en ce moment même : une discussion entre le soupçonné et un malfrat. Attention, pas le genre de petit délinquant des rues, non, plutôt le genre Pingouin dans Gotham. Le mec avait des allures flippantes, de nombreuses balafres au visages, un regard qui en ferait fuir plus d'un...bref, l'homme que tu côtoies pas par plaisir donc. A défaut d'avoir pu poser un micro sur sa cible, le quarantenaire s'était placé à quelques mètres d'eux, prétextant une discussion avec un sans-abri qu'il connaissait bien.

— J't'avais dis 200 000 dollars.
— Je sais, je sais, mais j'peux pas prendre trop d'un coup, sinon j'me fais grillé, comprends-moi.

Enregistrant la scène discrètement à l'aide de son téléphone portable, Jake émit un large sourire, conscient qu'il avait déjà un début de confession. Sirotant alors une bière en compagnie de son ami, il fêtait sa petite victoire avec lui sans émettre pour autant le moindre son. Après quelques menaces en tout genre, le chef de gang s'en alla, mécontent. Il croisa d'ailleurs le regard de Jake qui lui, levait sa canette de bière d'un geste exagéré, prétextant ainsi être complètement saoul -ce qui entre nous, n'était pas tout à fait loin de la réalité.

Mais, et c'est important de le préciser, le détective privé tenait extrêmement bien l'alcool et il ne ressentait donc que très peu les effets d'une personne saoule. Il devait d'ailleurs y remédier s'il tenait à oublier le stress qu'il avait emmagasiné aujourd'hui. Après avoir donné un petit billet au sans-abri, il leva son postérieur, empoigna légèrement son t-shirt à col V pour l'éloigner de son torse afin de sentir son odeur corporelle dont il redoutait la forte senteur d'alcool. Étonnement, ça allait, mais dans le doute, il avait toujours une petite bouteille de parfum sur lui. Non pas qu'il tenait particulièrement à en mettre, mais nous ne sommes jamais à l'abri d'une agréable rencontre et Jake ne voulait pas faire fuir la gent féminine.

Marchant alors dans la rue d'un pas nonchalant, il hésita un moment entre aller à un club de strip-tease ou bien tout simplement en boîte, finalement il choisissait un bar, rien à voir avec son petit planning mais passer à côté de ce petit établissement dont l'odeur de whisky lui chatouillait les narines sans y entrer était tout bonnement impensable. Jake mit alors un croix sur un quelconque coït avec une demoiselle ce soir et franchit le seuil du bar. Habitué de ce dernier, il salua chaleureusement le barman puis, alors qu'il entreprit de s'asseoir en face de ce dernier, il rentra sans le vouloir dans une belle créature. Rares étaient les femmes qui côtoyait ce bar, surtout des femmes charmantes comme elle. Galant, le détective lui adressa un sourire.

— Non, c'est de ma faute, désolé. s'excusait-il. Laissez-moi vous offrir un verre pour me faire pardonner.

«-Et bien j'accepte ce verre avec plaisir. » Et voilà, comme prévu. Non pas qu'il s'en vantait mais Jake avait ce petit je-ne-sais-quoi qui rendait les femmes toutes choses. Bon après peut-être voulait-elle tout simplement boire sans payer, c'est tout aussi possible, cela avait d'ailleurs déjà été le cas dans le passé...le cas est plutôt rare ceci dit. « -comment ce prénomme mon charmant offreur de verre ? Moi c'est Valya. » S'asseyant alors à son tour aux côtés de la belle brune, l'alcoolique échangea un petit sourire entendu avec le barman. Ce dernier avait l'habitude que Jake ramène ses conquêtes ici...ce n'est certes pas l'endroit le plus approprié pour un premier rendez-vous mais qu'à cela ne tienne, tourner autour du pot n'était pas le genre du détective, un restaurant romantique ? une virée au cinéma ? nan, un bon verre de whisky et une partie de jambe en l'air, y a que ça de vrai!

— Le charmant offreur de verre se nomme Jake. Enchanté Valya. il lui adressa un sourire. Très joli prénom d'ailleurs.

Charmeur, Jake ? absolument pas, appelons ça plutôt de la galanterie, tout simplement. Certes après quelques verres la galanterie se détériore bien rapidement mais en attendant, il aura fait bonne impression au début et c'est tout ce qui compte. Commandant alors un verre de whisky, Jake invita la jeune femme à faire de même puis commença alors à siroter sa boisson comme du petit lait. Chose qui évidemment peut faire griller sa couverture en moins de deux...difficile pour lui de cacher sa nature d'alcoolique mais soit, Jake on l'aime avec son alcool ou on ne l'aime pas!

— Ça te dit d'aller chanter tout à l'heure ? après quelques verres bien sûr, je chante mieux quand j'suis bourré. plaisantait-il -à moitié. J'te laisserais choisir la chanson, même un truc niais digne d'un Disney, ça me va.

Difficile de ne pas remarquer le contraste entre le Jake de tout à l'heure et celui de maintenant...disons qu'en tant que lunatique confirmé à la limite du schizophrène, il possède plusieurs facettes...pas des plus charmantes, je vous le concède.

« -je vous remercie, vous avez également un joli prénom. Et en fait c'est Valentina, mais tout le monde me nomme Valya. » Valentina était tout aussi joli mais il était effectivement bien plus simple de l'appeler Valya, surtout en état d'ébriété. Quant à son propre prénom, Jake n'avait jamais trouvé ce dernier particulièrement beau. Facile à porter tout au plus mais joli sans doutes pas. Empoignant à nouveau sa boisson, l'alcoolique en bu une grande gorgée, n'ayant pas l'aptitude d'apprécier vraiment le goût de l'alcool, il ne faisait qu'accumuler les verres en y trouvant pour seul plaisir l'état dans lequel ce dernier le mettait. Au moins, lorsqu'il n'avait pas toute sa conscience, il ne se préoccupait pas de son passée, ne ruminait pas les événements douloureux et ne s'en tenait donc pas pour responsable comme il le faisait lorsqu'il était sobre -ce qui était bien rare, avouons-le.

— Alors je vous appellerais Valya. avait-il répondu, accompagnant sa réplique d'un petit clin d’œil.

« -C'est tellement bien proposer que je ne dirais pas non, [...] le genre de truc qui donne envie de faire des folies de son corps. » Oh, une femme qui ne fait pas dans la dentelle! Jake ne tombait que rarement sur ce genre de femme, la plupart tournait toujours autour du pot, se faisait désirer et attendait que l'alcoolique face le premier pas. Non pas qu'il trouvait ça contraignant, étant un habitué des relations sans lendemain il avait apprit à faire succomber ce genre de demoiselles. Étrangement ces dernières craquaient pour son côté mauvais garçon, par le côté rentre-dedans du détective qu'il ne cachait pas.

— Je vois, alors on ne fera pas dans la douceur, ça me va, je préfère nettement plus le...rock. avait-il répondu, non sans sous-entendu.

Bien que la douceur n'était pas des plus désagréables non plus, laisser la passion s'installer petit à petit en frustrant sa partenaire pour ensuite la satisfaire comme il se doit était un petit jeu qu'il appréciait échanger avec ses conquêtes. Car oui, ne le cachons pas, ce soir il n'allait certainement pas passer tout son temps au karaoké. Jake le savait, il avait déjà une partenaire de sexe avec qui coucher cette nuit. Nul doutes qu'il aimerait bien lui proposer le premier round maintenant, dans les toilettes du bar. Certes ce n'était pas l'endroit le plus romantique mais le détective étant ce qu'il est, c'était à prendre ou à laisser -après bien sûr un petit tour chez lui était indispensable, ou bien autre part si sa partenaire était joueuse mais il n'en resterait pas sur un seul coït.

— Toute seule le soir dans un bar New-Yorkais rempli de mâles, vous êtes bien courageuse.  

« -J'aime pas la douceur, c'est trop ennuyeux. Et puis beaucoup moins amusant pour ça que le rock me corresponds bien plus. » Cela avait l'air de lui correspondre plus effectivement. La jeune femme semblait être du genre rentre-dedans, pas timide pour un sou. Des jeunes femmes comme elle il en avait rencontré peu, et autant dire qu'avec ces dernières il s'était beaucoup amusé. Non pas qu'il n'aimait pas les femmes douces et réservées, les voir se lâcher au pieu -enfin au canapé, Jake n'ayant pas de lit était plus que satisfaisant! Disons simplement que le processus utilisé pour pouvoir coucher avec elles était bien plus long et complexe qu'avec une demoiselle disons...plus libérée.

— Dans ce cas on est deux, ça me correspond plus aussi.

Oui, lui était un sauvage, le genre qui aime faire patienter ses partenaires mais qui savait très bien s'y prendre lorsque le temps d'être plus farouche était venu. Perdu dans ses pensées sexuelles, le quarantenaire revenu cependant vite à la réalité et se concentrer sur son interlocutrice. « - j'aime bien le danger, mais surtout je sais me défendre donc j'ai pas raison d'avoir peur... Et puis je viens d'Argentine j'ai vu bien pire. » Savoir se défendre était une chose, tomber sur quelqu'un de plus fort en était une autre! À force d'être trop confiante elle finira par s'en mordre les doigts!

— C'est sûr, mais ne soyez pas trop confiante, ici y a des gangs, des flingues et des violeurs baraqués, j'veux pas vous faire peur mais faut que vous soyez consciente que même avec une ceinture noire de karaté, on est à l'abri d'aucune agression ici.

Ces propos devaient sans doutes paraître un peu trop cash mais Jake était comme ça, il ne passait pas par quatre chemin et n'employait pas de phrases à double sens dans ce genre de conversation. D'un simple signe de la main, le détective commanda un autre verre et en recracha légèrement le contenu lorsque la jeune femme reprit la parole. « -J'espère ne pas vous avoir fait peur, ça serait dommage. » Elle lui faire peur ? Non, il y avait peu de chose qui faisait peur à notre quarantenaire, les femmes sexy sous l'emprise de l'alcool n'en faisait pas parti.

— Oh non, croyez-moi, d'ici quelques minutes y a des chances que ce soit moi qui vous fasse vraiment peur! s'exclamait-il. Plus que quelques verres de rhum et de whisky dans le bide et je vous propose une partie de jambes en l'air dans les chiottes du bar. lâchait-il. Désolé, j'suis pas du genre gentleman, j'espère ne pas vous décevoir.  

Plus honnête que lui, tu meurs.

« -oh oui je sais bien, mais au pire des cas je vous est pour me protéger non ? Et si c'est pas le cas j'ai toujours mon fidèle acolyte... » Un tazer ? oui, c'est plutôt efficace sur le moment mais dans la durée sans doutes pas. Les femmes n'avaient que peu de moyens de se défendre ici, à moins qu'elles ne soient ceinture noire de karaté ou qu'elles cachent un flingue dans leur sac à main, il était bien rare qu'elles s'en sortent sans séquelles. Après oui, si Jake était spectateur d'une agression en pleine rue évidemment il irait aider la victime, après tout il était militaire de formation et nul doutes qu'il saurait désarmer et vaincre son ennemi. On pensait parfois de lui qu'il était l'un de ces agresseurs que l'on voit parfois dans le Bronx, il faut dire que Jake avait le profil parfait : plutôt baraqué, alcoolique, un flingue à la ceinture, un air nonchalant, un regard parfois sombre, il était le suspect idéal, ce n'était qu'une question de temps avant qu'on ne le suspecte de viol, le détective avait malheureusement la tête de l'emploi.

— Je protège toutes les personnes en danger qu'je vois, j'suis militaire de formation, ça aide un peu.

Il ne voulait pas s'en vanter, simplement la rassurer, oui, avec lui elle ne risquait rien. « -oh seulement après quelques verres ? Je suis déçue je pensais que ça irait plus vite que ça... J'aime pas les gentlemen surtout pas après que j'ai bu, je les trouve chiants.» Autant l'américain aurait pu trouver la situation excitante de prime abord mais quelque chose le chiffonnait. Elle semblait un peu trop séduite par le danger, après tout elle ne le connaissait pas, ne l'avait jamais vu et était prête à se donner ainsi au premier venu qui lui ferait des avances ? Se respectait-elle un minimum ? Non, il n'allait pas profiter d'elle ainsi, elle valait certainement mieux que ça. Puis elle lui semblait sympathique, peu de chance qu'elle ne se comporte ainsi en étant à jeun. Empoignant alors son verre d'alcool, l'homme en bu une gorgée pour finalement le reposer contre le comptoir.

— Tu ne te respectes pas beaucoup on dirait, ça ne me plaît pas trop de profiter d'une femme qui a un peu trop forcé sur le whisky, j'aurais mauvaise conscience.

« -Oh ça c'est intéressant. » Sa formation était certes intéressante et utile en cas de danger. Plusieurs fois il avait été confronté à des situations qui l'avait obligé à sortir de ses gonds. Non pas qu'il était nerveux, qu'il perdait patiente trop rapidement -son apprentissage au sein de l'armée l'avait apprit à analyser une situation avant de se jeter dans la gueule du loup, simplement, il savait quoi faire, à quel moment, à qui s'en prendre. Jake avait un code d'honneur qu'il respectait en toute circonstance : ne jamais blesser une personne moins forte que lui, sans vouloir s'en vanter il n'en avait pas rencontrer beaucoup, il faut dire que malgré son alcool, il continuait son entraînement militaire, trop habitué à y être confronté par le passé, il avait gardé ses bonnes habitudes. Peut-être était-ce également pour ça qu'il tenait aussi bien l'alcool, car malgré le danger de la boisson autant sur le corps que sur l'esprit, il suivait un entraînement drastique, soucieux de garder sa forme d'antan qui, avouons-le, l'aidait également bien pour le métier qu'il exerçait aujourd'hui.

« -Me respecter ?! Bien sur que si et je t'assure j'ai pas trop bu encore pour le moment je me trouve d'ailleurs plutôt en bonne forme. Surtout que je peux dire encore le mot CHOCOLAT, donc c'est bon. » Étant lui-même alcoolique, Jake savait lorsqu'une personne n'avait pas toute sa conscience sous l'effet de l'alcool et faire semblant d'être crédule pour profiter du corps -bien que d'allure appétissant de la demoiselle n'était pas dans ses principes, non, lui était respectueux envers les femmes, autant il pouvait se montrer sauvage en coït, autant il était plus délicat en dehors -enfin, à sa façon. Se défendre ainsi était plus douteux qu'autre chose, surtout avec son histoire de chocolat qu'il, au passage, n'avait pas vraiment percuté ni le sens, ni l'intérêt. Cette situation lui rappelait quelque peu Elyzabeth, sa femme décédée. La belle brune lui avait toujours dit qu'elle aimait les hommes respectueux des femmes, ceux qui ne les sifflent pas dans la rue sous prétexte qu'elles ont une jupe courte où un décolleté plongeant, ceux qui, par leurs attitudes et réflexions beaufistes, tombent dans le conformisme extrême. Non, Ely aimait les grands romantiques, les hommes galants mais sauvages, qui savent prendre les situations en mains, les meneurs. Il se voyait encore là, assis à ses côtés à siroter une simple bière, tout ce qui a de plus inoffensif, à l'époque il était à l'opposé de l'homme qu'il est aujourd'hui, il dénonçait l'alcool et ses méfaits, sans doutes était-ce le résultat de l'influence de sa défunte compagne ? certainement, et elle avait enterré avec elle la raison de son homme. Sauf dans la situation présente que l'alcoolique considérait plutôt perturbante, et le mot était faible. D'ordinaire il appréciait les femmes qui le draguait, c'était plus rare et ça avait un côté excitant, là il était bien moins à l'aise, s'il écoutait ses envies bestiales, il le regretterait, il en aurait même mauvaise conscience.

— C'est ce que disent toutes les personnes saoules, crois-moi en tant qu'alcoolique, j'suis bien placé pour le savoir. se contentait-il de répondre en riant. Mais rien ne nous empêche de nous amuser autrement, on avait parlé de karaoké non ? c'est l'occasion rêvé de montrer mes prouesses en chant!

Il en casserait des tympans ce soir, pour sûr.